Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
La problématique des incompatibilités chimiques
D’après T. Yoshida,7 certainees substances sont définies comme incompatibles lorsqu’elles présentent un potentiel de rissque très élevé quand elles sont mélangées avec d’autres alors qu’elles, ne sont pas intrinsèquement dangereuses. Il s’agit des substances susceptibles de s’enflammer ou de produire dees gaz dangereux lorsqu’elles sont mises en coontact avec d’autres substances ou matériaux.
D’après Gautret de la Moricière,6 l’incompatibilité chimique est une réaction chimique plus ou moins violente d’un produit mis délibérément ou accidentellement, au contact d’un autre produit pour lequel il présente une affinité particulière.
En analysant les différents cas d’incompatibilités chimiques, les deux définitions se révèlent correctes mais pas complètes et il est très difficile de trouver, dans la littérature, une définition exhaustive d’un phénomène si complexe.
Dans la pratique, la rencontre et la combinaison de deux produits incompatibles se traduit non seulement par une réaction chimique non désirée mais aussi rapide, perturbant les effets attendus de chaque produit et pouvant mener à des conséquences catastrophiques.
Généralités sur les incompatibilités chimiques
Le risque du aux incompatibilités entre substances chimiques n’est pas un problème simple à résoudre, parce que le potentiel de risque varie non seulement en fonction de la combinaison mais aussi en fonction des rapports des substances dans les mélanges et des conditions ambiantes. Le nombre de combinaison de produits chimiques qui peuvent donner lieu à des problèmes d’incompatibilité est très grand et en perpétuelle augmentation et il est utile, dans le cadre de la maîtrise des risques, de connaître au moins les principales combinaisons entrant dans cette catégorie.
Les accidents liés aux incompatibilités chimiques
Le problème des incompatibilités chimiques est très important car de nombreux accidents industriels majeurs ont pour origine une incompatibilité chimique sous-estimée, non considérée ou non maîtrisée. Les désastres de Bhopal,9 celui de Toulouse10 et plus récemment celui de West au Texas11 qui ont fait de nombreuses victimes, sont en fait dus à de telles réactions.
Le désastre qui s’est produit dans l’usine chimique de Bhopal, en Inde, le 2 décembre 1984, est l’un des premiers accidents recensés du aux incompatibilités chimiques. Il s’agit certainement de l’accident le plus grave jamais survenu car il a causé la mort de plus de 2500 personnes et a intoxiqué près de 250000 personnes par l’émanation d’isocyanate de méthyle contenu dans un réservoir. La cause de cet accident a été attribuée à l’infiltration d’eau qui a réagit avec l’isocyanate de méthyle dans le réservoir et qui a produit l’échauffement et successivement l’explosion du réservoir. En France, l’accident qui a eu lieu dans l’usine chimique AZF de Toulouse le 21 Septembre 2001, est considéré comme la plus importante catastrophe industrielle qui soit survenue dans le pays depuis le Seconde Guerre mondiale. L’explosion de 300 tonnes de nitrate d’ammonium mis accidentellement en contact avec un produit chloré a provoqué 31 morts, 2500 blessés et de lourds dégâts matériels. Enfin, l’accident plus récent du 17 avril 2013 concernant une explosion survenue à la West Fertilizer Company située dans la ville de West, au Texas, dans un dépôt d’engrais a provoqué au moins 15 morts et plus de 160 blessés. Dans ce dernier cas, les causes de l’accident restent encore inconnues et font l’objet d’une enquête mais la piste d’une incompatibilité chimique du nitrate d’ammonium semble être la plus probable.12
La base de données ARIA
Les accidents impliquant des incompatibilités chimiques sont recensés en France grâce à l’inventaire des accidents technologiques et industriels ARIA, Analyse Recherche et Information sur les Accidents13 mis en place depuis 1992 par le Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industrielles (BARPI). La base de données ARIA recense les accidents qui ont porté atteinte à la santé ou à la sécurité publiques, l’agriculture, la nature et l’environnement et qui résultent de l’activité d’usines, ateliers, dépôts, chantiers, carrières et élevages. Depuis 2010, les domaines d’accidentologie concernés ont été progressivement étendus au transport de matières dangereuses par route, fer, eau et canalisations, à la distribution et à l’utilisation du gaz, aux équipement sous pression, aux mines, stockages souterrains ainsi qu’aux barrages et aux digues. Actuellement, la base de données ARIA recense plus de 42000 accidents survenus en France ou à l’étranger. Les informations sur les accidents français répertoriés dans ARIA proviennent de différentes sources. Il s’agit notamment de services d’Etat, de la presse et de certains organismes professionnels. En outre, un certain nombre d’organisations internationales fournissent également des informations relatives aux accidents étrangers. L’objectif est de collecter, puis restituer le maximum de données pertinentes sur les conséquences, les circonstances et les causes des accidents pour créer une mémoire vivante de l’accidentologie qu’il est à tout moment possible d’enrichir dès lors que de nouvelles informations sont apportées.
Le caractère général d’ARIA fait en sorte qu’une recherche sur cette base de données doit être faite en choisissant des mots-clés précis. Par exemple, les mots incompatibilité chimique ne font ressortir que quatre accidents. En revanche, lorsque l’on effectue une recherche en utilisant comme mot-clé le nom chimique de la substance d’intérêt (nitrate d’ammonium, dichloroisocyanurate de sodium, nitrite de sodium, …), on peut alors recenser une cinquantaine d’accidents présentant un intérêt dans ce travail de thèse. On constate alors que l’incompatibilité chimique n’est pas toujours mis en évidence dans les descriptions de ces accidents. En effet, ce mot-clé apparaît uniquement lorsque l’exploitant soupçonne qu’une incompatibilité chimique en est à l’origine.
Les familles de produits et les causes principales des accidents
Les accidents impliquent le plus souvent des acides (65% des cas), des solvants divers (20%) et l’eau de Javel (16%). Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, les produits instables tels que les peroxydes, carbures, nitrocellulose, chlorates, etc. ne sont impliqués que dans 5% des événements. L’eau est elle-même à l’origine ou aggrave l’accident dans 15% des cas. A l’opposé, les produits pétroliers sont peu impliqués.
Les causes des accidents sont des paramètres difficiles à identifier en l’absence d’expertises fouillées et les limites entre les divers critères classiquement retenus pour classer les causes d’un accident restent, par essence, fluctuantes d’un analyste à l’autre. En dépit de cela, dans la plus grande majorité des cas, l’erreur humaine est la cause prépondérante d’un accident industriel et elle résulte d’une mauvaise connaissance des installations ou du procédé mis en œuvre ou d’une formation insuffisante quant à la nature et aux dangers des produits utilisés. Habituellement, les produits mal utilisés sont des réactifs lors d’une fabrication, des résidus à éliminer mélangés à d’autres déchets non compatibles, des produits de nettoyage (eau de Javel, acide), ou, plus simplement, des réservoirs mal rincés. Les mélanges accidentels lors de l’utilisation des produits représentent 40% des accidents dont au moins 30% de cas est du à une erreur commise dans le choix du réservoir lors d’un dépotage, 4% à l’absence ou à l’insuffisance des informations échangées entre le client et le fournisseur et 6% à des défauts d’étiquetage. Des exemples d’accidents liés aux incompatibilités chimiques figurent dans le tableau suivant :
Les incompatibilités du nitrate d’ammonium
En plus des études sur les chemins de décomposition très complexes du nitrate d’ammonium pur, un nombre important d’études a aussi été réalisé sur l’effet de l’ajout de divers composés. L’intérêt de ces études vient des risques liés à une mauvaise gestion (en termes de transport et de stockage) du nitrate d’ammonium en tant que fertilisant ou explosif et de son utilisation en tant que propergol. Les additifs peuvent rendre le nitrate d’ammonium plus ou moins dangereux et ont été responsables, au cours des années, de nombreux accidents prenant l’allure de catastrophes lorsqu’ils mettent en jeu d’importantes masses de sel.45 Si les oxydes métalliques comme NiO, ZnO et CuO peuvent être une solution permettant de stabiliser le nitrate d’ammonium dans son rôle de combustible, le soufre, l’acide sulfurique, les chlorates et les matières organiques […], même en faible quantité, diminuent la stabilité du nitrate d’ammonium en agissant comme des catalyseurs. Généralement, en effet, ils diminuent la température critique de décomposition du nitrate d’ammonium et accélèrent la vitesse de la réaction.32
Dans le cas d’une incompatibilité avec une autre substance, le nitrate d’ammonium peut être à l’origine de trois phénomènes dangereux45 :
– feu, en raison de la nature oxydante du nitrate d’ammonium.
– décomposition avec formations de gaz toxiques.
– explosion, déflagration et détonation.
Le feu se produit surtout en présence d’huile ou de matières combustibles. La décomposition a lieu en présence de contaminants de natures diverses dans des conditions de confinement et de forte chaleur et elle produit, entre autre, des vapeurs brunes d’azote toxiques (NO2). L’explosion, la déflagration et la détonation peuvent se produire en présence de substances qui forment des produits très instables par réaction avec le nitrate d’ammonium.
Les limites de la méthode Hartree-Fock
Bien qu’elle donne des résultats satisfaisants dans de nombreux cas, la méthode HF présente des limites : elle fournit une énergie ( ) qui est toujours supérieure à l’énergie exacte ( ).
Cela est dû au fait que la fonction d’onde HF, qui n’est pas une fonction d’onde exacte puisqu’elle est constituée d’un seul déterminant de Slater, décrit un système à N électrons non interagissant, où un électron ressent un champ moyen des autres.
L’énergie de corrélation est définie comme la différence entre l’énergie exacte et l’énergie calculée en HF.
L’énergie de corrélation comprend deux contributions différentes : la corrélation dynamique due aux interactions instantanées entre deux électrons à spin opposé et la corrélation statique due au fait que pour certains systèmes, plusieurs configurations très proches en énergie sont possibles et un seul déterminant de Slater n’est pas une représentation satisfaisante du système.
Afin de prendre en compte la corrélation électronique, d’autres méthodes différentes, dites post Hartree-Fock, ont été développées. Parmi ces méthodes, on peut nommer la CI (Configuration Interaction), la MBPT (Many Body Perturbation Theory) et le CC (Coupled Cluster). Ces deux dernières seront présentées dans la suite du chapitre.
La méthode des perturbations Møller Plesset
L’idée à la base de la théorie des perturbations Møller Plesset est de considérer la corrélation électronique comme une perturbation de la fonction d’onde non perturbée (fonction d’onde Hartree Fock). Cette méthode est basée sur la théorie des perturbations de Rayleigh-Schrödinger dans laquelle une petite perturbation est ajoutée à l’opérateur non perturbé afin d’obtenir un opérateur total : 0= + (2.37).
où est un paramètre qui détermine la force de la perturbation et qui peut varier entre 0 et 1. Quand la perturbation augmente de 0 à une valeur finie, l’énergie et la fonction d’onde doivent se modifier de manière continue et elles peuvent s’écrire comme un développement de Taylor en fonction du paramètre : = λ E( )+ λ E( )+ λ E( )+ …=E( )+∑ λE().
Types de méthodes des clusters couplés
La classification des méthodes de clusters couplés repose sur le nombre le plus élevé d’excitations permises dans la définition de l’opérateur excitation . Les abréviations utilisées pour les désigner commencent avec les lettres CC (Cluster Couplé), suivies par : S – pour les excitations simples .
D – pour les excitations doubles .
T – pour les excitations triples .
Q – pour les excitations quadruples.
Il existe des méthodes où des excitations sont totalement prises en compte avec la méthode des clusters couplés, CCSD,110 et d’autres où des excitations sont partiellement prises en compte avec la méthode des clusters couplés et partiellement calculées par la théorie de la perturbation et rajoutées à posteriori, comme CCSD(T).111 Les termes entre parenthèses indiquent les excitations qui ont été calculées en se basant sur la théorie de la perturbation. Ainsi, une approche CCSD(T) signifie qu’on utilise la méthode de cluster couplé avec des simples et doubles excitations et les triples excitations sont calculées par la théorie de la perturbation. Cette approche « mixte » est née du coût computationnel non négligeable que la méthode aux clusters couplés implique. En termes computationnel, le scaling de CCSD est de N6 et si on considère l’inclusion des excitations triples connectées (soit juste celles découlant directement de T3), il devient de N8, ce qui rend intraitable même la plus petite des molécules.
Théorie de la fonctionnelle de la densité
La théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT),112 contrairement à la théorie Hartree-Fock ainsi qu’aux méthodes post Hartre-Fock, ne s’appuie pas sur la fonction d’onde, mais sur un observable physique qui permet la définition complète de l’Hamiltonien. En effet, l’Hamiltonien dépend de la position, du numéro atomique des noyaux et du nombre total des électrons, et toutes ces informations peuvent être obtenues à partir de la densité électronique,(r). L’intégration sur tout l’espace de la densité électronique donne le nombre total d’électrons du système, soit : =ρ() (2.58).
Les différents types de fonctionnelles d’échange et corrélation
La dépendance du de la densité électronique peut être exprimée comme une interaction entre la densité électronique et une densité d’énergie qui dépend, à son tour, de ρ. ρ= ρ⋅ε ρ (2.71).
Différents types des fonctionelles, au niveau de la précision et de la complexité, ont été développées au cours des années, et il est possible de les décrire en se servant de la représentation de l’échelle de Jacob, renouvelée et remise dans le contexte par Perdew.115 Si pour Jacob, l’échelle représente la possibilité de communication entre lui (la terre) et l’éternel (le ciel), pour Perdew elle devient le moyen pour s’élever vers la précision chimique à partir de la terre où les électrons n’interagissent pas.
|
Table des matières
Chapitre 1 : Contexte et objectifs
1. Le risque industriel
1.1. Histoire du risque
1.2. Les enjeux du risque industriel aujourd’hui
2. La problématique des incompatibilités chimiques
2.1. Définition
2.2. Généralités sur les incompatibilités chimiques
2.3. Les accidents liés aux incompatibilités chimiques
2.4. Les incompatibilités chimiques dans REACH et CLP
2.5. Les outils dédiés aux incompatibilités chimiques
3. Le nitrate d’ammonium
3.1. Les caractéristiques et les utilisations du nitrate d’ammonium
3.2. La réactivité du nitrate d’ammonium
3.3. Les incompatibilités du nitrate d’ammonium
3.4. Accidentologie du nitrate d’ammonium
3.5. Objectifs de la thèse7
Chapitre 2 : Rappels théoriques
1. Le problème électronique
2. L’équation de Schrödinger
2.1. L’approximation orbitalaire et fonctions de base
2.2. Le produit de Hartree et le déterminant de Slater
3. La méthode Hartree-Fock
3.1. Les équations d’Hartree-Fock
3.2. Types de calcul Hartree-Fock
3.3. Les limites de la méthode Hartree-Fock
4. La méthode des perturbations Møller Plesset
5. La méthode des clusters couplés
5.1. Types de méthodes des clusters couplés
6. Théorie de la fonctionnelle de la densité
6.1. Théorèmes d’Hohenberg et Kohn
6.2. Le formalisme de Kohn et Sham
6.3. Les différents types de fonctionnelles d’échange et corrélation
7. La méthode bases complètes (CBS)
8. Effet du solvant
9. Théorie de l’état de transition conventionnel (CTST)
9.1. Utilisation de la mécanique statistique
9.2. Formulation thermodynamique de la CTST
9.3. Limitations de la CTST
10. Extensions de la théorie de l’état de transition
10.1. La théorie de l’état de transition variationel (VTST)
11. Détails méthodologiques
Chapitre 3 : Décomposition du nitrate d’ammonium et benchmark des fonctionnelles
1. Décomposition du nitrate d’ammonium : l’état de l’art
2. Modélisation du nitrate d’ammonium
3. Mécanisme de décomposition du nitrate d’ammonium
4. Benchmark DFT
4.1. Bases utilisées
4.2. Les fonctionnelles
5. Conclusions
Chapitre 4 : L’incompatibilité chimique nitrate d’ammonium dichlorois ocyanurate de sodium
1. L’accident de l’usine AZF de Toulouse
2. Les études expérimentales
3. Étude de la décomposition du dichloroisocyanurate de sodium pur
3.1. Propriétés physico-chimiques
3.2. Modélisation des mécanismes de décomposition du DCCNa
4. Mécanismes de réaction entre le nitrate d’ammonium et le sel de sodium de l’acide dichloroisocyanurique
4.1. État de l’art
4.2. Étude du mécanisme de réaction par calculs DFT
4.3. Les mécanismes réactionnels écartés
4.4. Synthèse
5. Effet de l’ajout de molécule(s) d’eau sur la réaction d’incompatibilité
5.1. Modèle discret de prise en compte de l’effet de l’eau
5.2. D’autres méthodes de prise en compte de l’effet de l’eau pour le réaction entre le nitrate d’ammonium et le DCCNa
6. Constantes de vitesses cinétiques
6.1. Effet de la température sur les constantes de vitesse
7. Conclusions
Chapitre 5 : D’autres incompatibilités du nitrate d’ammonium
1. Le cas des sels nitrés de sodium
1.1. Le nitrite de sodium
1.2. Le nitrate de sodium
2. Le cas des produits chlorés
2.1. Les molécules chlorées sélectionnés
2.2. Réactivité des molécules chlorées vis-à-vis de l’ammoniac et de l’acide nitrique
3. Conclusions
Conclusions et perspectives
Télécharger le rapport complet