L’incohérence des politiques urbaines

L’Union des Comores est située sur la route principale des grands pétroliers. C’est plus précisément à l’entrée Nord du canal de Mozambique, à mi-chemin entre la côte Est africaine et le Nord Ouest de Madagascar que s’égrainent les quatre îles composant cet archipel. La plus petite île est Moheli. Anjouan (Ndzouani) est la deuxième île par sa superficie (424km²) et par sa population (313.785 habitants en 2004). La quatrième île, Mayotte a préféré rester sous l’administration française. Ces îles sont peu éloignées les unes des autres. La plus grande distance séparant deux îles ne dépasse pas 75 kilomètres. L’origine volcanique de l’archipel a donné plus particulièrement à Anjouan une forme originale d’une île en triangle dont les pointes sont les marques d’un volcanisme récent. Le Mont Ntringui est le point culminant de l’île, situé à 7 km seulement de la mer, ce qui atteste le caractère montagneux d’Anjouan. Ce pic sommital de 1595 m d’altitude se situe au centre des trois extrémités formant le schéma triangulaire. Il s’agit de la pointe de Nyumakelé à l’extrême sud, de la pointe de Sima à l’ouest et de la pointe de Jimlimé à l’extrême Nord. La ligne de crête séparant le Mont Ntringui et ses pointes est de 40 km, 30 km et 35 km pour les trois cas respectifs. L’exiguïté et le caractère montagneux de cette île la particularisent par une topographie grandement variée laissant moins d’espaces aux plaines. Ces petits bassins sont aujourd’hui fortement densifiés et moins structurés sous l’action humaine pour ainsi constituer les grandes villes d’Anjouan. L’île se trouve actuellement dans une délicate situation de développement des zones urbaines.

Les motivations 

Un sentiment d’appartenance 

L’un des critères de motivation de notre choix se base sur le fait que nous sommes originaire des Comores. Autrement dit, le fait pour nous d’être originaire d’Anjouan et d’avoir grandi dans l’une des premières villes de l’île (Ouani), ont joué un rôle décisif sur ce choix. Cette étude constitue pour nous une contribution de la promotion des villes en les faisant mieux connaître au monde. Ces villes sont dans leur ensemble touchées par des problèmes auxquels nous comptons apporter des solutions. Elles sont aujourd’hui gérées par des municipalités qui n’ont jusqu’alors mis à la disposition de leurs services des études ou des projets d’aménagement urbain dignes de ce nom. Ainsi, ce projet se veut un élément incitatif qui pourrait éveiller nos autorités locales sur les problèmes qui touchent nos cités.

Critères démographiques 

L’île d’Anjouan est particulièrement connue pour ses problèmes liés à l’explosion démographique. En dépit de l’exiguïté de son espace, Anjouan accuse les densités les plus fortes de l’archipel. Cette île doit retenir notre attention :il est désormais important que des études soient faites dans plusieurs domaines. Le domaine de la démographie nous permettra effectivement d’individualiser chaque ville. Depuis 1980, est considérée « ville » aux Comores, toute formation ayant au moins 3.000 habitants. Mutsamudu, Domoni, Ouani et Sima figuraient depuis cette époque dans la liste des vingt premières villes du pays. Aujourd’hui, leurs populations ont plus que doublé. Cette importance numérique replace les quatre premières villes d’Anjouan dans les dix plus importantes localités des Comores. Les trois premières dépassent chacune les 10.000 habitants et constituent les points de départ d’un réseau urbain bien hiérarchisé.

Critères religieux et historiques
Les critères religieux ont beaucoup influencé notre choix de terrain. Certes, l’islam est partout pratiqué aux Comores, mais les éléments représentatifs dont les grandes mosquées, les minarets…, ne sont pas représentés dans les villes avec la même importance. Les trois premières villes d’Anjouan sont surtout dominées et caractérisées par la présence de monuments religieux susceptibles d’avoir joué un rôle dans l’histoire de l’urbanisation de notre pays. La création des villes anjouanaises est sans doute liée au passage des conquérants musulmans dans la zone. L’histoire de l’île se lit en grande partie à travers la physionomie des quatre premières villes choisies où l’on trouve seulement les vestiges historiques les plus symboliques. Les médinas de ces villes ont toujours gardé les traces d’une forme d’urbanisation traditionnelle. Les palais royaux, les murailles, les anciennes grandes mosquées, les places publiques, les citadelles persistent sous forme de vestiges dans ces villes. L’inventaire de ces éléments physiques d’aménagement traditionnel a beaucoup révélé une certaine similitude avec l’organisation spatiale du monde arabe.

Critères fonctionnels 

Les villes ont été choisies selon des critères liés aux différentes fonctions. Nous avons tenu compte des spécificités administratives, économiques, socioculturelles des villes. Sur le plan social et économique, la considération d’un certain nombre d’infrastructures telles que l’existence d’un port, d’un aéroport ainsi que les activités dominantes de chaque ville, a eu des liens directs avec notre choix. La présence d’un poste sanitaire et d’un lycée ont été aussi des éléments à considérer.

Critère de localisation
Le choix des villes traitées dans ce devoir est fait par rapport à leurs situations géographiques. La position de la ville par rapport à la côte a beaucoup influencé notre choix. Les quatre premières villes de l’île se localisent dans les zones côtières. Elles ont bénéficié des sites plats favorables à l’extension de leurs espaces au-delà des vieilles cités. Ainsi par exemple, la ville de Ouani qui est sise sur un site de plaine convenable à de véritables plans d’urbanisme. Le site offre également des conditions d’aménagement meilleures par rapport aux villes des hautes terres.

LE CHOIX DU SUJET 

Une branche de prédilection
Le thème de notre sujet s’intitule « Les formes du sous-développement urbain : le cas des villes anjouanaises ». En effet, l’urbanisme est une branche de la géographie qui occupe une place de choix dans nos recherches. Les travaux antérieurs réalisés dans le cadre d’un mini-mémoire de licence, de certificat de maîtrise et de mémoire de maîtrise ont toujours eu pour thème la géographie urbaine.

La ville de Toliara a été pour nous un champ d’étude sur des problèmes divers. Par exemple, nous avons déjà étudié au niveau de la maîtrise les aspects du sous-développement urbain. Nous avons donc eu un souci de vouloir approfondir le même thème mais cette fois-ci dans une autre zone d’étude ne connaissant ni les mêmes conditions d’aménagement ni la même réalité historique. Des différences notoires sont à dégager même si les villes du Tiers-monde présentent partout un certain nombre de traits communs.

Un domaine peu investi 

Il est frappant de constater que les villes comoriennes ont peu attiré les chercheurs à l’exception peut-être de Moroni et de Mutsamudu. Par ce choix, nous espérons pouvoir remédier tant bien que mal à ce handicap. L’insuffisance en matière d’études de géographie urbaine ne fait que renforcer les problèmes de nos villes. De telles recherches pourront aider les autorités nationales et locales à adopter des politiques d’aménagement urbain. C’est donc une occasion pour nous de rappeler à nos élus les causes de la dégradation des tissus urbains. Comme l’urbanisme est une branche englobant plusieurs disciplines , notamment la démographie, l’économie, l’assainissement etc., une réorganisation de chaque sous secteur s’avère importante. Si aucun service d’urbanisme n’est pas jusqu’à nos jours mis en place, cela pourrait être lié à la méconnaissance des problèmes posés par les villes.

LES TRAVAUX DE DOCUMENTATION

La recherche des ouvrages spécialisés sur la zone d’étude 

Les sources écrites auxquelles nous avons eu recours dans ce travail proviennent de nombreux centres de documentation. La première tache de cette documentation consistait à répertorier les ouvrages de référence ayant des liens directs avec notre terrain d’étude. Ainsi, un voyage spécial au pays, nous a donné les possibilités d’accéder à des ouvrages spécialisés en explorant les bibliothèques nationales. Les quatre mois et demi passés aux Comores (15 Avril – 26 Septembre 2005) sont en grande partie consacrés à la lecture d’ouvrages spécialisés pour la familiarisation de la zone d’étude. Nous avons d’abord débarqué à Anjouan où un petit répertoire bibliographique de la zone d’étude a été retrouvé dans de petits centres de documentation notamment la bibliothèque de l’Ecole de Patsy, l’alliance française de Mutsamudu et le petit Centre National de Documentation de Recherche Scientifique (CNDRS) de Mutsamudu. Cette première phase de lecture a été complétée par des déplacements inter-îles. Le voyage à Moroni nous a été surtout indispensable (25 Août – 30 Septembre 2005). C’est dans la capitale du pays (Moroni) que nous avons pu obtenir des archives bibliographiques de référence zonale. Nous avons sérieusement exploré en particulier le plus important Centre National de Documentation et de Recherches Scientifiques de Moroni.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CONTEXTE DEMOGRAPHIQUE ET CONCEPT DU BIEN ETRE DANS LES VILLES ANJOUANAISES
Chapitre I : Etude démographique et situation économique à Anjouan
I. Une démographie en forte explosion
1. Le taux d’accroissement naturel
1.1. Un taux de natalité très élevé
1.1.1. Le mariage, un facteur de la natalité
1.1.2. Le rôle de la religion
1.1.3. Le faible niveau d’instruction des populations
1.2. Une mortalité à rythme modéré
1.2.1. Une amélioration de la qualité de vie
1.2.2. Un recouvrement de la médecine
2. Une densité importante
2.1. Une superficie très limitée
2.2. Des densités agricoles élevées
II. Une croissance démographique urbaine
1. Les effectifs urbains
1.1. Les quartiers populaires des villes
1.1.1. Le cas de Potelea à Ouani
1.1.2. Le cas de Maweni à Domoni
2. Une population jeune et rurale
2.1. La forte jeunesse
2.1.1. Des populations d’âge inférieur
2.1.2. Des vieux moins dénombrés
2.1.3. Des pyramides à base large
2.2. Des populations rurales
2.2.1. La migration rurale
2.2.2. Les néocitadins en forte augmentation
2.2.3. Un déferlement périphérique dans les villes
Chapitre II : Une jeunesse oubliée
I. Manque d’équipements culturels et sportifs
1. Des bibliothèques inexistantes
1.1. Quelques centres de documentation mise en place
1.2. Des minuscules centres de lectures
2. Les équipements sportifs
2.1. Des aires de sport très limités
2.2. Des stades sous équipés
3. Des plages repoussantes
3.1. Des plages poubelles
3.2. Des plages en galets
4. Les espaces verts fort limités
II. Encombrement des milieux publics
1. Multiplication des places publiques non aménagées
2. Les grands arbres de Palabre
3. Les croisements des chemins
III. Une délinquance renforcée
1. Les salles de vidéo
1.1. Des programmes peu éducatifs
1.2. Des lieux d’échauffourée
1.2.1. Une fumerie pour certains jeunes
1.2.2. Un endroit d’ivresse
2. Les aires de jeux de tapage
2.1. Les jeux nocturnes
2.2. Les jeux de mise
Chapitre III : Situation socio-économique des villes
I. Un environnement économique très limité dans les villes
1. Mutsamudu, une capitale peu développée
Des faibles moyens de production
Quelques fabriquants de biens
2. Mutsamudu, une ville commerciale
2.1. Cadre géographique du site
2.2. Les conditions techniques du port
2.3. Les faiblesses du port
3. Ouani et sa fonction aéroportuaire
3.1. Un aéroport avilissant
3.2. Un aéroport de faible capacité
4. Domoni, une ville régionale
4.1. Nyoumakelé, l’arrière pays de Domoni
4.2. Domoni, une ville de petits métiers
4.2.1. Les tailleurs sous équipés
4.2.2. Des menuisiers en pleine ville
4.2.3. Les traiteurs des huiles d’ylang-ylang
II. Bien être des populations
1. Définition conceptuelle du Bien-être
2. Des contraintes sectorielles
L’accès à la santé
L’accès à l’éducation
DEUXIEME PARTIE : ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS D’HABITAT URBAIN
Chapitre IV : Etude de l’habitat
I. Morphologie de l’habitat et ses caractéristiques
1. Typologie d’unités d’habitations
1.1. Unité d’habitation principale
1.1.1. Style de construction
1.1.2. Les moyens de construction
2. Unité d’habitation secondaire
3. Taille de ménage
4. Nombre de pièces
II. Matériaux de construction des unités d’habitations
1. La nature des murs
2. La nature des toits
3. La nature du sol
III. Statut d’occupation des unités d’habitation
1. Propriétaire
2. Locataire
3. Logement de fonction
4. Logement à titre gracieux
IV. Niveau d’équipement et de confort des unités d’habitation
I. Les équipements de base
1. L’approvisionnement en eau
1.1. Les branchements en eau
1.2. Les moyens d’approvisionnement
1.3. De l’eau non traitée
2. L’électricité, une énergie peu consommée
Des équipements électriques peu vulgarisés
Des branchements sauvages
Les pratiques frauduleuses
3. Le lieu d’aisance
3.1. Les latrines traditionnelles
3.2.Les latrines améliorées
3.3. Les latrines modernes
4. Le mode de cuisson
4.1. Le bois de chauffe facilement ramassée au champ
4.2. Le charbon de bois, une source de cuisson souvent importée
4.3. Le pétrole, un substitut de bois de chauffe
4.4. Le gaz, un produit peu introduit dans les cuisines
4.5. L’électricité et sa cherté
II. Le niveau de confort des unités d’habitation
1. La radio, un confort grandement vulgarisé
2. La vidéo, un élément secondement possédé
3. Le réfrigérateur, un outil de petit commerce
4. Le téléphone fixe et ses problèmes de lignes
5. La voiture personnelle, un moyen de luxe
TROISIEME PARTIE : MANQUE D’UN PROCESSUS D’URBANISATION DANS LES VILLES ANJOUANAISES
Chapitre VI : L’incohérence des politiques urbaines
I. Le rôle de l’Etat
1. Des Municipalités peu administratives
1.1. Des organigrammes incomplets
1.1.1. Insuffisance de moyens
1.1.2. Le cas de la police municipale
1.2. Insuffisance des agents municipaux
1.2.1. Les prélèvements sur les activités
1.2.2. Des activités illégales encouragées par les Mairies
1.2.3. Le cas du ramassage de sable
2. Insuffisance et mauvais entretien des infrastructures et équipements urbains
2.1. Des marchés insalubres
2.1.1. Des marchés mixtes
2.1.2. Des ventes à l’étal
2.2.Le manque de l’éclairage public
2.2.1. Des centres villes sous l’obscurité
2.2.2. Les quelques lignes électriques publiques suspendues d’ampoules
Un besoin des sanitaires publics
Des téléphones publics insuffisants
Les fils d’attente
Stratégie de marché, vente des télécartes en petites unités
II. La physionomie dans les médinas
1. L’individualisation des médinas
1.1. Les murailles, des sites défensifs
1.2. Les murailles et l’origine de chaque ville
1.3. Des espaces intra-muraux
1.4. Les nouvelles villes, des espèces hors murailles
2. Médina, une urbanisation traditionnelle et désordonnée
2.1. Un plan historique
2.1.1. « Mpagahari », une place publique au cœur de la vieille ville
2.1.2. Le Palais royal
2.1.3. La mosquée de vendredi et sa position centrale
2.2. Les autres signes religieux
2.2.1. La multiplication des mosquées
2.2.2. Des minarets sonorisés
III. Villes et extension sauvage
1. Les quartiers sous-intégrés
2. Des nouveaux quartiers sans plan
Chapitre VII : Dégradation des tissus urbains
I. Les conditions d’assainissement
1. L’évacuation des eaux
1.1. Les eaux pluviales
1.1.1. Platitude des sites
1.1.2. Système de canalisation incomplète
1.1.3. Mauvais traitement des canaux d’évacuation
1.2. Les eaux usées
1.2.1. Inexistence d’un système d’évacuation
1.2.2. Moyen d’élimination dérisoire
1.2.2.1.Trous individuels
1.2.2.2.Des seaux d’élimination
2. Ensablement des sites urbains
2.1. Différenciation géomorphologique des sites
2.2. Présence des roches tendres facilement érosives
2.3. Problèmes de moyens matériels
3. Inexistence d’une gestion des ordures
3.1. Le poids des ordures municipales
3.2. Manque de moyens de ramassage
3.2.1. Inexistence des bacs à ordures
3.2.2. Incivisme social
3.3.Présence généralisée des dépotoirs sauvages
3.3.1. Les bordures des rivières
3.3.2. Les plages, un lieu de poubelle
3.3.3. Les ravins et leur utilité de décharge
3.3.4. Les ruissellements, moyen d’évacuation des ordures
3.3.5. Les terrains vacants
II. Les activités rurales dans les villes
1. L’agriculture urbaine
1.1. Les aspects de l’agriculture urbaine
1.1.1. Les cultures vivrières
1.1.2. Les maraîchères
1.2. Les mobiles de l’agriculture urbaine
1.2.1. Existence des terrains non bâtis
1.2.2. Augmentation des néocitadins
1.2.3. Une stratégie de survie
2. L’élevage urbain
2.1 Elevage au piquet à l’intérieur du ménage
2.2 Elevage semi-libre
2.3. L’attrait des points d’ordures
2.4. Aucune législation d’interdiction
III. L’état des infrastructures routières
1. Une voirie très rétrécie
1.1.1. Non hiérarchisation des axes de circulation
1.1.2. Des quartiers inaccessibles au moyen d’un véhicule
1.1.3. Des constructions illicites
2. Des axes vétustes et inachevés
2.1. Un enrobage très ancien
2.2. Présence des nids de poules
2.3. Manque de trottoirs
2.3. Problème de panneaux de signalisation
CONCLUSION

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