La communication des enfants sourds
Définitions
Qu’est-ce que la communication ? Le terme « communication » vient du latin « communicare » qui signifie « être en relation, partager, échanger ». Dans le dictionnaire d’Orthophonie (2004), la communication est définie comme étant « tout moyen verbal ou non verbal utilisé par un individu pour échanger des idées, des connaissances, des sentiments avec un autre individu ». Qu’est-ce que le langage ? Selon J-A RONDAL, le langage est « la fonction qui permet d’exprimer et de percevoir des états affectifs, des concepts, des idées au moyen de signes ». La langue est un système de code propre à une communauté. La parole, quant à elle, est la production de significations sous forme de sons articulés.
L’acquisition du langage chez l’enfant
– Chez l’enfant entendant : Claude BURSZTEJN souligne que « le langage est le principal vecteur de la communication mais est aussi un support de la pensée, en lien avec les processus de symbolisation ». Les messages que le langage transmet ne sont pas seulement des informations ou des demandes puisqu’il sert aussi à communiquer des sentiments, des impressions, des angoisses. Il prend une part essentielle dans les relations de l’enfant avec autrui et est lié au développement et à la structuration du fonctionnement psychique, dans son ensemble. Pendant les premières années de vie, tous les enfants développent naturellement le langage, s’ils sont entourés de personnes qui leur parlent. Le développement du langage suit un déroulement fixe d’un enfant à l’autre. Cependant, il peut y avoir des variations dans les dates des différentes étapes. Selon Claude BURSZTEJN, le développement du langage se distingue selon deux phases distinctes : « une phase prélinguistique et une phase linguistique ». Lors de la phase pré-linguistique : le nouveau-né va montrer un intérêt privilégié pour la voix humaine et va être capable de différencier des phonèmes. Les cris vont d’ailleurs être les premières productions vocales de l’enfant. Ces cris vont se diversifier dès les premières semaines en fonction des états de l’enfant et vont entrer petit à petit dans un premier système de communication avec les personnes de l’entourage. Au cours du deuxième mois, les vocalisations vont se diversifier et devenir un jeu sensori-moteur, source de plaisir pour l’enfant. Puis, progressivement, ils vont s’enrichir et devenir après le 6ème mois, un jeu interactif avec l’environnement. La production de syllabes articulées débute entre 6 et 8 mois puis elle va se modifier, au fil des mois, en fonction du langage perçu dans le milieu environnant. Les productions vocales vont donc évoluées, tout comme le développement de la communication non verbale : par le regard, puis par le sourire (mimique). A 9 mois, l’enfant va chercher à attirer l’attention d’autrui, il va porter son regard sur ce qu’on lui montre, pointer du doigt en direction d’un objet. Lors de la phase linguistique : l’enfant va énoncer ses premiers mots entre 12 et 16 mois. L’accroissement du vocabulaire, bien qu’il soit variable d’un enfant à l’autre, est relativement lent jusqu’à 16 mois. Puis, cet accroissement va s’accélérer. Au cours de la 3ème année, l’acquisition du vocabulaire va s’intensifier. L’enfant perfectionne l’articulation des différents phonèmes. La syntaxe progresse également. Le langage adulte de base, correctement articulé, est acquis entre 3 et 5 ans. Au-delà, le langage continue d’évoluer. Vers 6 ans, l’enfant est prêt pour l’apprentissage du langage écrit. La lecture est acquise en une année scolaire et continuera de progresser par la suite.
– Chez l’enfant malentendant : Chez l’enfant malentendant, la perte auditive va perturber sa boucle audio-phonatoire (processus de rétrocontrôle de la voix) et donc son langage oral. Le développement du langage oral de l’enfant avec une déficience auditive suit les mêmes étapes de développement du langage de l’enfant, avec un retard dans différentes étapes. En effet, l’enfant va prendre du retard en production, mais également en compréhension. L’acquisition du vocabulaire se fait lentement et sans développement du lexique, avec un décalage en moyenne de deux ans, par rapport à un enfant entendant. Le lexique est souvent pauvre et imprécis. Les éléments grammaticaux et syntaxiques sont peu utilisés dans son langage, puisqu’ils ne sont pas perçus intégralement à l’oreille, ce qui crée un discours non conventionnel. La surdité entraîne également des difficultés de clarté dans la compréhension orale de l’enfant avec une articulation déformée et une anomalie de l’intonation. Selon le mode d’appareillage, l’enfant peut ne pas s’entendre parler et aura donc des difficultés à contrôler sa voix. La compréhension du message orale reste souvent difficile, même si l’enfant est appareillé et qu’il réceptionne une grande partie du message. Les éléments syntaxiques seront les premiers touchés. L’enfant sourd devra sans cesse compenser son manque d’audition et ce qu’il n’a pas perçu, en utilisant le contexte, la « suppléance mentale » et le recours aux autres sens. En effet, l’enfant peut avoir recours à la vue pour analyser les gestes, les mimiques, les actions et la lecture labiale de son interlocuteur. Cependant, cette compensation permanente demande beaucoup d’effort et entraîne de la fatigue pour l’enfant malentendant. Les difficultés de compréhension seront encore plus importantes dans des lieux bruyants, lors de conversations de groupes ou quand il est impossible d’avoir recours aux indices visuels. Selon l’UNESCO, « l’enfant entendant, qui communique par la voix avec ses proches et l’enfant sourd, qui communique par des signes avec les membres de sa famille, sourds comme lui, font l’un et l’autre l’acquisition du langage. » Ces deux enfants ont un développement intellectuel, social et affectif, qui est comparable. Aucun d’eux n’a d’handicap au sein de sa propre famille. La seule différence est que l’un parle et que l’autre « signe ». L’enfant sourd s s’aperçoit de son handicap seulement lorsqu’il se trouve face à une majorité de personnes entendantes. Ce handicap se situe alors sur le seul plan de la communication car il est incapable de dialoguer dans leur langue, la langue française parlée. En revanche, l’enfant sourd dont les parents entendants n’utilisent aucun moyen de communication visuelle, avec lui, n’apprend ni à parler ni à « signer ». Son isolement linguistique peut entraîner de grandes difficultés de socialisation et de graves problèmes intellectuels et affectifs. Son handicap ne se limite donc pas à la communication.
La déficience auditive et les apprentissages
Quelques chiffres Une enquête a été menée par la DGESCO13, à la rentrée 2018, sur la scolarisation des élèves en situation de handicap. L’effectif d’élèves avec des troubles des fonctions auditives donné est de 10 600 soit 2,5% des élèves en situation de handicap. 7 700 élèves sont scolarisés en milieu ordinaire : 4 100 dans le 1er degré et 3 600 dans le 2nd degré. Les 2 900 élèves restants sont scolarisés dans des établissements médico-sociaux. Parmi les élèves du 1er degré, 3 500 élèves soit 84% sont en classe ordinaire, tandis que 600 élèves soit 16% sont en ULIS.
Impact sur la relation à l’adulte / aux pairs La surdité en tant que telle n’a pas d’influence sur le développement de l’intelligence et sur les capacités d’apprentissage de l’enfant. Cependant, des difficultés comportementales et sociales peuvent apparaître. Elles sont liées au déficit communicatif et langagier de l’enfant. En effet, un enfant sourd a des difficultés à comprendre le monde qui l’entoure. Il vit principalement dans l’immédiat et a du mal à se faire comprendre, ce qui entraîne des perturbations comportementales, comme de la colère, de la violence ou au contraire de l’isolement. Dès lors que l’on commence une communication avec un élève sourd, il est courant que le handicap soit partagé entre les deux personnes. L’arrivée dans une classe n’est pas toujours évidente. Cependant, il faut connaître les stratégies de communication de l’élève, ses habitudes afin de faciliter les échanges et de respecter le mode d’apprentissage de l’élève. On remarque, en général, « une grande solidarité autour de lui » mais ce n’est pas toujours le cas. Il faut veiller à ce qu’il ne soit pas oublié. Certains élèves vont se désigner ou prendre d’eux-mêmes la responsabilité de répétiteur, d’interprète, pour aider cet élève dans les échanges. Cependant, il faut prévoir des roulements entre les élèves aidants pour éviter d’entraîner des difficultés dans le suivi du cours. Concernant le professeur, il doit se comporter aussi naturellement que possible avec cet élève qu’avec les autres élèves de la classe, tout en étant attentif aux problèmes spécifiques de l’élève sourd. Cela peut parfois poser problème à celui-ci qui a besoin de plus d’attention. Plusieurs degrés de pertes auditives existent comme détaillés précédemment. Ces pertes auditives entraînent des conséquences variables sur la vie sociale. Les surdités moyennes ont un impact négatif sur les apprentissages scolaires, le développement cognitif et l’adaptation sociale. Les surdités profondes ne permettent pas l’acquisition du langage oral.
Impacts sur les apprentissages Les problèmes de communication ne sont pas uniquement liés à la réception du message. En effet, ces problèmes peuvent être dû :
– À des difficultés dans l’apprentissage du langage oral sans référence à un modèle acoustique ;
– Au manque de savoir-faire dans l’utilisation du code linguistique par manque d’expérience de communication ;
– Au manque de connaissance générales et culturelles qui peuvent être la conséquence.
Les modèles de Frith, Seymour et McGregor soulignent que « les premiers pas dans l’acquisition de la lecture dépendent fortement de l’habileté d’utiliser les relations graphèmes-phonèmes, cette habileté étant liée, à son tour, à la conscience phonologique. » L’enfant sourd aborde l’apprentissage de la lecture avec des représentations sous-définies. En effet, l’enfant n’est souvent pas capable de dire si deux mots riment, par exemple. La façon dont les enfants déficients auditifs lisent au début de l’apprentissage n’est pas déterminée. Ces enfants utilisent vraisemblablement la mémorisation par cœur des formes orthographiques des mots. Puis, ils vont obtenir une conscience phonologique et une capacité d’utilisation des relation graphèmes-phonèmes. L’orthographe alphabétique est donc plus difficile pour les enfants sourds que les pour les entendants. De plus, sans aménagement particulier, l’enfant avec une déficience auditive peut rapidement être dépassé par le rythme des apprentissages. Suivre au quotidien le rythme scolaire ainsi que les séances de rééducation impose à l’enfant déficient auditif un effort et un niveau attentionnel énorme, qui engendre beaucoup de fatigue. Pour aider au mieux les élèves avec une déficience auditive à l’école, il est important de mettre en place une pédagogie qui soit inclusive. C’est pourquoi, afin de bien comprendre la notion de déficience auditive, il m’a semblé nécessaire d’effectuer un retour sur la question de l’école inclusive.
Le milieu scolaire et mes missions au regard de l’inclusion
Le milieu scolaire Dans certaines écoles élémentaires, des classes spécifiques ont été créées pour scolariser les enfants à BEP en milieu scolaire ordinaire. Ces classes sont appelées « Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire » (ULIS). L’ULIS est « un dispositif au sein de l’école, du collège ou du lycée qui permet la scolarisation d’un petit groupe d’élèves présentant un handicap (10 à 12 élèves) ». Certaines ULIS dites « TFA » (troubles des fonctions auditives) scolarisent spécifiquement des élèves sourds ou malentendants. Lorsqu’il n’y a pas d’ULIS TFA à proximité du domicile de l’élève sourd, il est toutefois scolarisé dans une ULIS qui regroupe des élèves avec divers troubles. L’orientation de l’élève sourd ou malentendant en ULIS s’effectue par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées(CDAPH). Cette orientation se fait lorsque l’élève possède d’importantes difficultés d’accès aux apprentissages (au-delà de la langue française) ou des troubles associés. Cette orientation s’effectue également lorsque les aménagements et adaptations pédagogiques mis en œuvre ne suffisent pas et qu’un enseignement adapté au sein d’un groupe restreint devient nécessaire. De plus, ce dispositif est coordonné par un enseignant spécialisé qui adapte les apprentissages aux besoins et aux capacités des élèves selon les objectifs prévus par leur PPS, conformément aux programmes en vigueur. Ce dispositif permet également aux élèves de suivre certains enseignements ou disciplines dans sa classe de référence. Ces temps d’inclusion en classe ordinaire permettent à l’élève d’effectuer des apprentissages scolaires à un rythme proche de celui des autres élèves.
Mes missions au regard de l’inclusion L’entrée en contact avec un élève sourd n’est pas toujours évidente. Chaque élève sourd ou malentendant est un être singulier. Son parcours, son éducation, sa personnalité, son niveau d’audition, son mode de communication sont des caractéristiques qui lui sont propres. Pour entrer en contact avec un élève, il est important de savoir écouter, d’accueillir avec bienveillance, d’être ouvert à toute communication et surtout d’accepter sa différence. Tous ces critères vont permettre à l’élève sourd ou malentendant de se sentir bien au sein du groupe classe et donc dans l’école. Mireille GOLASZEWSKI20 énonce le fait que « la République a pour vocation de respecter l’altérité et la différence, et a pour objectif la réussite de chaque élève. » L’école de la République a donc cette principale mission qu’il me doit de mettre en application. En tant qu’enseignante, plusieurs missions, en référence à l’inclusion, doivent être effectuées. En effet, il me doit de transmettre à l’enfant les connaissances et les valeurs qui lui sont indispensables pour progresser dans ses apprentissages. Il me doit également d’utiliser tous les modes de communication que l’enfant comprend. Ces modes de communication lui permettront d’avoir un outil pour analyser et exprimer ses pensées, ses espoirs, ses craintes, etc. sur lui-même mais également sur le monde qui l’entoure. Selon l’UNESCO, « l’acquisition du langage est indissociable de la découverte du monde ». L’apprentissage du langage est inséparable du vécu de l’enfant et de la connaissance croissante de son environnement. L’enseignant lui enseigne aussi le langage, en lui donnant des informations à son sujet dans certaines matières comme les mathématiques, les arts, l’EPS, les sciences, etc.
La communication
Comment communiquent-ils ? De quelle façon se font-ils comprendre ? Arrivent-ils à communiquer avec toutes les personnes de la classe (élèves + enseignante) ? J’ai pu observer que l’élève sourde et muette, H, a peu de communication avec les élèves de la classe, hormis les deux garçons malentendants. Elle ne parle qu’avec ces deux élèves en LSF puisqu’ils ont, tous les trois, ce langage commun. La communication avec les autres élèves de la classe et moi-même est moindre. En effet, le mode de communication des autres élèves est le langage parlé. Cependant, j’ai pu noter que certains élèves connaissaient quelques gestes de la LSF mais très peu, ne permettant pas de communiquer efficacement. De plus, la présence du masque médical ne permet pas à H d’utiliser la lecture labiale. Toutefois, quelques gestes simplesse sont installés naturellement dès le début de l’année, entre H et moi-même. En effet, pour demander si elle peut commencer l’activité, si elle peut faire de telle façon ou si elle peut aller boire, par exemple, alors elle effectue des gestes simples, qui sont faciles à comprendre. Et inversement, quand je signale que c’est l’heure ou bien qu’il faille mettre son manteau, j’effectue des gestes qui lui permettent de comprendre directement ce qui est dit et attendu. Toutefois, si la communication est incompréhensible et donc impossible entre nous, je demande aux deux autres élèves qui ont une déficience auditive de venir m’aider. Ils font donc office de traducteurs entre H et moi-même. En ce qui concerne, J1 et J2, ils n’ont aucune difficulté dans les échanges. Ils savent lire, écrire et leur langage oral via le français est compréhensible. Ils entendent ma voix et la comprennent, ce qui facilite les échanges. La communication avec les pairs et moi-même est donc complexe pour H mais simple pour J1 et J2.
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Table des matières
Introduction
I. La communication des élèves déficients auditifs à l’école
I.1. La communication des enfants sourds
I.1.a. Définitions
I.1.b. L’acquisition du langage chez l’enfant
I.1.c. Les différents modes de communication
I.1.d. Choix du mode de communication
I.2. Caractéristiques de l’audition et de la déficience auditive
I.2.a. Définition
I.2.b. L’audition et la déficience auditive
I.2.c. L’appareillage
I.2.d. Impact sur la communication
I.3. La déficience auditive et les apprentissages
I.3.a. Quelques chiffres
I.3.b. Impact sur la relation à l’adulte / aux pairs
I.3.c. Impacts sur les apprentissages
II. L’inclusion scolaire des élèves avec une déficience auditive et mon contexte d’exercice
II.1. L’inclusion scolaire
II.1.a. Définition
II.1.b. Rappel historique
II.1.c. Le cheminement de l’intégration à l’inclusion scolaire
II.2. Le milieu scolaire et mes missions au regard de l’inclusion
II.2.a. Le milieu scolaire
II.2.b. Mes missions au regard de l’inclusion
II.3. L’impact de cette déficience auditive au sein de ma classe
II.3.a. Mon contexte d’exercice
II.3.b. Impact sur la communication
II.3.c. Impact sur les apprentissages
III. Les adaptations didactiques et pédagogiques
III.1. Recueil de données
III.1.a. La communication
III.1.b. L’apprentissage des savoirs
III.1.c. Le comportement
III.2. Réflexion autour d’outils
III.2.a. Qualité du message oral
III.2.b. Posture de l’enseignant
III.2.c. Place de l’élève déficient auditif
III.2.d. Informations visuelles
III.2.e. Pédagogie de projet
III.2.d. Cap école inclusive
III.3. Les mises en œuvre
III.3.a. En général
III.3.b. En Arts visuels
III.3.c. En Education Physique et Sportive (EPS)
III.3.d. Le projet de classe
IV. Résultats et Analyse des outils
IV.1. Relation à l’adulte
IV.2. Relation aux pairs
IV.3. Effets sur les apprentissages
Conclusion
Bibliographie
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