Handicap
L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies a donné, en 1975, la définition suivante de la personne handicapée : « toute personne dans l’incapacité d’assurer par elle-même tout ou partie des nécessités d’une vie individuelle ou sociale normale, du fait d’une déviance, congénitale ou non, de ses capacités physiques ou mentales » (art.1).
Par la suite, différents modèles essaieront de clarifier et expliciter le fonctionnement du handicap. Dans une vision médicale, le handicap est une caractéristique de la personne découlant d’une maladie, d’un traumatisme ou d’un autre problème de santé et qui a pour conséquence la nécessité d’un traitement individuel par des professionnels. Le but des traitements des spécialistes consiste à guérir la maladie, du moins à l’adapter ou modifier son déroulement.
Dans une vision sociale, la situation de handicap est créée par l’environnement, c’est-à-dire par la société et par son organisation. Dans cette logique, le handicap n’est pas l’attribut de la personne, mais plutôt un ensemble de situations induites ou provoquées par l’environnement. Pour donner la possibilité aux personnes handicapées de participer pleinement à la vie sociale, il est alors préconisé de lier le traitement individuel aux changements environnementaux (Besson, 2010). Paré, Remillard, Parent et Piché (2004) (cités par Rousseau & Belanger, 2004), soutiennent que ce n’est pas parce que l’enfant est différent des autres qu’il est handicapé. Le problème n’appartient plus uniquement au seul individu, les composantes environnementales sont étroitement liées au processus de handicap.
Insieme Suisse définit le handicap comme étant la conséquence sur la vie de tous les jours d’une problématique de santé congénitale. Dans les années 1980, Phillip Wood, médecin britannique, a schématisé les conséquences du handicap, de la maladie ou du trouble, sur une personne, en les regroupant sur trois plans.
La déficience peut être définie par l’atteinte à l’intégrité de la personne au niveau anatomique, psychologique ou physiologique. Dans la déficience, l’intervention vise à l’établissement du diagnostic et la mise en place de traitements généralement médicaux.
L’incapacité est une restriction des capacités dans l’accomplissement d’une activité mentale ou physique normale pour une personne du même âge. Il s’agit de difficultés à se déplacer, à s’orienter, à communiquer, à comprendre le sens des mots, à conceptualiser.
Le désavantage est la conséquence de la déficience ou de l’incapacité sur les conditions d’insertion sociale, voire professionnelle. La clarification des désavantages est nécessaire pour la suite du processus. Cette clarification permet la mise en route d’un processus adaptatif et de donner des moyens à la personne de développer ses capacités. En simplifiant, il s’agit de compenser des incapacités par des interventions, des rééducations et par l’utilisation d’un équipement adapté.
Enfants à besoins particuliers
La terminologie qui désigne l’enfant pas tout à fait comme les autres a subi également une évolution. Sur ce point aussi, les avis ne sont pas unanimes et une grande variété d’appellations exprime, en quelque sorte, la difficulté à adopter une terminologie « politiquement correcte ». Actuellement, avant de prendre la parole au sujet d’une personne handicapée, il vaut mieux réfléchir sur les mots à employer pour la désigner, au risque d’évoquer un terme qui n’est plus valable, qui n’est pas en accord avec la terminologie nouvelle et adéquate sur un plan éthique. Voici quelques appellations usuelles : enfant souffrant de handicap, en situation de handicap, handicapé, à besoins spécifiques, à besoins éducatifs particuliers, enfant nécessitant une aide spéciale…. Parlons-nous toujours du même enfant ?
Dans les grandes lignes, durant quelques décennies, nous avons passé de la personne « handicapée », «invalide», « infirme » à la personne « en situation de handicap ». Selon Herrou et Korff-Sausse (2010), l’accent mis sur la « situation » donne une autre lecture de la problématique. En effet, la personne atteinte dans sa santé, soit physique soit mentale, est avant tout victime de son environnement. Par conséquent, changer ou rendre l’environnement plus adéquat à la personne permettrait de remédier à cette « situation ». Une illusion ? Selon les auteurs, nous assistons à un changement dans notre société où l’emploi de cette nouvelle terminologie a pour but caché de nous protéger collectivement des angoisses de devenir nous-mêmes vieux, accidentés, malades, nécessiteux et « en situation de handicap ».
Tout type de terminologie peut comporter des pièges. Göransson (2012) (cité par Kron & Plaisance, 2012) souligne que le diagnostic et la catégorisation des enfants ont souvent pour conséquence le déclenchement d’un bien curieux processus. L’enfant catégorisé comme différent va devenir problématique pour le système éducatif ordinaire et pour les professionnels. L’étiquetage « enfant qui a des difficultés » provoque la recherche de la source du problème et la délégation de la responsabilité éducative à un spécialiste formé à la prise en charge de « la spécialité » de l’enfant. Dans la désignation «enfant avec des besoins éducatifs spéciaux», c’est à l’enfant qu’appartiennent les problèmes. En l’occurrence « enfant nécessitant une aide spéciale » fait référence à la relation entre l’individu et son environnement.
Assimilation, intégration, insertion, inclusion
Depuis de nombreuses années, une importante modification des représentations a eu lieu. En 1994, la déclaration de Salamanque marque un tournant dans ce processus évolutif. Traditionnellement, l’éducation « spéciale » pour les enfants « déficients » laissait la place à l’éducation « inclusive » destinée aux enfants « à besoins éducatifs particuliers ».
Dans le passé, et de manière systématique, aux jeunes enfants à besoins particuliers, il a été réservé une place « spéciale », séparée du « normal ». Le secteur « spécial » au fil du temps s’est véritablement «spécialisé» dans la prise en charge de ces enfants, en développant une pédagogie et des pratiques spécifiques. Dans ce même mouvement, « Les structures spéciales ont été des lieux de relégation, de mise à l’écart, bien plus que des lieux de développement des capacités » (Gateaux-Mennecier 1990 ; Tremblay 2012, cités par Plaisance, 2013, p. 20).
Le concept d’inclusion fait son apparition suite à un processus évolutif, à commencer par le mouvement de la normalisation, dans lequel les personnes porteuses d’un handicap sont des personnes à part entière, avec des limites mais aussi des capacités à développer.
Comme nous avons pu le voir dans le cours « Inclusion et intervention précoce » (Gremion, semestre d’automne 2012), le principe de « normalisation », datant des années 1960, nous vient du Suédois Nirje (1969), qui revendique, pour les personnes déficientes, une existence la plus normale possible en leur octroyant des modes et conditions de vie quotidienne proches des normes en vigueur dans la société (prise en considération des choix de la personne, rythme de la journée comme « monsieur tout le monde », soin de l’habillage, vacances, loisirs à l’extérieur, accès aux services, institutions situées en ville etc.). Wolfensberger reprend et diffuse ce principe en Amérique du Nord dans les années 1970, mais change le terme de normalisation, faussement interprété comme « rendre normal » par l’expression « valorisation du rôle social », toujours avec le but d’améliorer la qualité des conditions de vie des enfants et adultes placés dans les institutions et de leur apprendre à se comporter selon les modes de vie de la société. Dans les années 1970, les classes spéciales sont intégrées dans l’école ordinaire, ce que l’on nomme « intégration physique et sociale » par le fait que les élèves se côtoient dans la cour, la cafétéria, empruntent les mêmes transports scolaires. Dunn (1968) (cité par Vienneau, 2002) amorce le mouvement de remise en question de l’efficacité des classes spéciales par des données empiriques. En effet, d’après les études, les enfants à besoins particuliers placés dans les classes spéciales n’ont pas un meilleur rendement scolaire que lorsqu’ils sont inclus dans une classe ordinaire. Seuls quelques rares cas d’enfants sont intégrés dans des classes ordinaires, mouvement qui s’accentue dans les années 1980-1990, avec l’apparition de l’intégration pédagogique de tous les élèves à plein temps, quels que soient leurs difficultés et le degré de handicap. C’est ainsi qu’apparaît le concept d’inclusion, qui « préconise la pleine participation de tous les enfants sans égard à leur handicap, à tous les aspects de leur vie scolaire et communautaire » (Vienneau, 2002, p. 274). A partir des années 1990, dans les pays anglophones, commence à être employé le terme «inclusion».
La collaboration avec les parents
Belmont, Pawlowska et Verillon (2012) parlent de l’importance de la relation entre les parents et l’institution éducative pour tous les enfants accueillis. En effet, un ressenti positif de la part des parents par rapport à la prise en charge de leur enfant est déterminant pour les apprentissages et le développement de ce dernier.
En ce qui concerne la collaboration avec les parents des enfants à besoins particuliers, les éducatrices témoignent que les liens peuvent être forts, mais aussi difficiles à construire à cause des attentes des parents. Ces attentes sont parfois trop élevées par rapport à ce que les éducatrices peuvent réellement offrir à l’enfant : « […] Il y avait aussi un problème avec les parents qui pensaient que leur petite fille allait soudainement évoluer de la même façon que les autres. Ce qui n’était pas le cas ».
Par ailleurs, les éducatrices ne sont pas forcément tout de suite informées par les parents du réseau, ainsi que du matériel utilisé à la maison qui pourrait être utile à l’enfant dans la structure. Ceci est peut-être dû au fait que les parents n’ont pas toujours conscience de l’importance de transmettre ce type d’informations.
Bien que la relation de collaboration ne soit pas toujours aisée à construire, les professionnelles sont conscientes que les parents doivent apprendre à vivre avec la situation de leur enfant et que ce processus prend du temps. Dans ce cheminement, elles accompagnent et soutiennent les parents : Mais souvent, c’est pour les parents pour qui c’est difficile d’admettre et d’être d’accord. Moi je vois que quand j’ai travaillé chez les petits, maintenant je suis chez les moyens, que souvent chez les petits, on en parle aux parents mais pour eux c’est vraiment lourd. Je comprends que c’est difficile d’admettre, de se rendre compte et d’être d’accord et que ça prend du temps.
Malgré certaines difficultés de collaboration, l’étude de Belmont (1999) (citée par Belmont, Pawlowska & Verillon, 2012) confirme qu’il est possible d’établir une relation de confiance, quels que soient les parents, entre autres en les informant des méthodes éducatives, en reconnaissant leurs compétences, en recherchant des solutions communes, en respectant leur choix, ainsi qu’en considérant leurs attentes. Kron (2012) explique que les parents ont des attentes liées au développement et au devenir de l’enfant, et qu’ils ont chacun leur propre manière de gérer la relation avec les professionnels et la situation spécifique de leur enfant.
Par conséquent, les éducateurs doivent s’adapter à l’hétérogénéité et aux besoins des parents, tout comme à l’hétérogénéité et aux besoins des enfants accueillis.
Nous nous demandons dans quelle mesure les parents sont considérés comme des partenaires par les éducatrices, au même titre que les professionnels du réseau. A plusieurs reprises, dans les témoignages, les éducatrices pensent pouvoir obtenir davantages de soutien, d’outils concrets et de réponses à leurs questions de la part des professionnels extérieurs, que des parents. Toutefois, il est indéniable que les parents sont les « experts » de leur enfant, comme l’explique l’étude de Lambert et Lambert-Boite (2002) (citée par Lanners & Lambert, 2002), où il est démontré que les familles, tout à fait adéquates pour percevoir et répondre aux besoins de leur enfant, parviennent à s’adapter à leurs capacités et à leurs limites.
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Table des matières
1. INTRODUCTION
2. CADRE TERMINOLOGIQUE
2.1. HANDICAP
2.2. ENFANTS À BESOINS PARTICULIERS
2.3. ASSIMILATION, INTÉGRATION, INSERTION, INCLUSION
3. CADRE LÉGISLATIF
4. PROBLÉMATIQUE
5. MÉTHODOLOGIE
5.1. JUSTIFICATION DE LA STRATÉGIE DE RECHERCHE
5.2. DÉFINITION DE L’ENVIRONNEMENT DE RECHERCHE
5.3. LA COLLECTE DES DONNÉES
5.4. ANALYSE DES DONNÉES
5.5. VALIDITÉ DES RÉSULTATS
6. RÉSULTATS
6.1. VALEURS
6.1.1. VALEURS IDÉOLOGIQUES
6.1.2. VALEURS PROFESSIONNELLES
6.2. CONTEXTE POLITIQUE
6.3. PRATIQUES PROFESSIONNELLES
6.3.1. LE COLLECTIF ET L’INDIVIDU
6.3.2. LE DÉPISTAGE
6.3.3. LE DIAGNOSTIC ET L’IMPORTANCE DES INFORMATIONS
6.3.4. LA COLLABORATION AVEC LES PARENTS
6.3.5. LE RÔLE ET LA COLLABORATION AVEC LA DIRECTION
6.3.6. TRAVAIL EN ÉQUIPE
6.3.7. LA COLLABORATION AVEC LES PROFESSIONNELS EXTÉRIEURS
6.3.8. LA CLARTÉ DU MANDAT ET LA CONNAISSANCE RÉCIPROQUE DES RÔLES DES PROFESSIONNELS
6.4. LES CONDITIONS ENVIRONNEMENTALES
6.4.1. LE TEMPS
6.4.2. DOCUMENTATION, PROTOCOLES
6.4.3. LES LOCAUX, LES MOYENS, LES OUTILS
6.5. LES STRATÉGIES DES PROFESSIONNELLES POUR FAIRE FACE
6.5.1. LES SOUTIENS
6.5.2. COPING
6.6. AUTOEFFICACITÉ
7. SYNTHÈSE DES RÉSULTATS
8. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
9. BIBLIOGRAPHIE
10. ANNEXES
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