Cette recherche est consacrée à l’étude du déploiement d’un dispositif de gestion logistique au sein d’un constructeur automobile. Notre démarche s’appuie sur une étude de cas qui permet de décrire en détail la complexité du processus de déploiement et d’en identifier les variables. C’est ainsi que la description fine de la démarche de déploiement initiée en mai 2009 par un constructeur automobile illustre la complexité des processus vécus dans les entreprises quand elles veulent changer leurs fonctionnement habituel à travers la mise en place d’un dispositif de gestion. En effet, nous avons plus particulièrement étudié le processus de transfert du dispositif des concepteurs vers les utilisateurs et ainsi pu analyser les efforts des utilisateurs pour faire avec le dispositif qui leur a été transféré. Chemin faisant, nous avons été amenées à souligner le rôle de l’improvisation lors de la mise en œuvre de ce dispositif. Notre démarche relève d’une approche qualitative qui se caractérise entre autres, par la collecte des points de vue des acteurs, la description des situations ainsi que la compréhension des actions dans leur contexte. Plus spécifiquement notre analyse du déploiement s’attache au déroulement du processus dans le temps et l’usage de méthodes de recherche peu structurées et ouvertes.
Les organisations recourent très largement aux outils de gestion pour guider leur travail et améliorer leur performance. Cependant les mettre en place et les déployer est synonyme de multiples difficultés. Comme le décrit Reynaud l’exécution de la prescription – qui est inclus et indissociable des outils de gestion -, ne correspond pas forcément au travail réel de la collectivité et les utilisateurs auront à faire des ajustements pour déployer ces outils de gestion. La théorie de la mise en acte des outils de gestion décrit ces changements générés par les utilisateurs comme « une appropriation du dispositif ». Nous avons identifié lors de la revue de la littérature, trois concepts susceptibles d’expliquer l’écart entre travail réel, réalisé par les utilisateurs et prescription transférée par les concepteurs aux utilisateurs : 1) Le travail autonome , 2) l’adaptation et 3) l’improvisation . Toutefois, si nous considérons que l’écart entre conception et exécution n’est pas planifié mais est le résultat de l’action menée par les utilisateurs pour répondre à une situation inattendue, le terme le plus adapté est l’improvisation. Une autre piste qui nous a guidés vers l’improvisation vient du travail de Ciborra qui considère l’improvisation comme une nouvelle façon de visualiser les difficultés et de les solutionner . Employer le concept d’improvisation pour expliquer les changements réalisés par les utilisateurs est un défi dans la mesure où le concept d’improvisation aura plutôt un sens péjoratif dans le domaine organisationnel en dehors du fait que le terme d’improvisation est tiré du jazz et du théâtre, où qu’il en soit fait référence dans des cas comme celui de « l’incendie de forêt de Mann Gulch Forest » évoquant l’improvisation spontanée en situations d’urgence. Cependant, certains auteurs tel que Ciborra utilisent le terme d’improvisation dans des situations de routine et non pas exclusivement pour des situations d’urgence, ce qui permet de l’appliquer à la vie quotidienne d’une organisation.
LA GESTION DE LA CHAINE LOGISTIQUE ET LE DEPLOIEMENT D’UN OUTIL DE GESTION
La chaine logistique et ses principaux défis
Pour comprendre les enjeux actuels de la chaîne logistique, il est important de rappeler comment est né ce terme et comment il a évolué ces dernières années. A ce sujet, il faut dire que les industriels prennent conscience des problèmes logistiques à partir des années 60. Colin explique ce réveil des industriels par l’apparition du marketing. En effet, le marketing révèle l’importance de la logistique, entre autres, sur les délais de livraisons, les coûts de stockage et l’approvisionnement .
De son côté Paché situe l’origine du terme aux applications militaires. Il explique qu’on peut retracer l’évolution de la logistique industrielle selon deux approches: l’approche technique et l’approche managériale. La première est d’optimiser d’une façon séquentielle et disjointe les diverses activités physiques liées à la mise à disposition des produits finaux aux consommateurs. L’approche managériale, quant à elle, cible la gestion globale de la chaine logistique. Car elle cherche l’amélioration de la performance en termes de coûts et de qualité de service. De fait, il y a un besoin majeur de coordination inter-fonctionnelle et inter organisationnelle. A partir de 1990 cette approche a évolué en une approche intégrée des chaines logistiques, visant surtout le service aux clients et la réduction de coûts . Bien que l’industrie textile ait été une des premières industries qui se soit investie dans l’amélioration de la chaîne logistique, bientôt d’autres industries comme l’alimentaire la rejoigne. Parmi elles, Procter & Gamble, Hewlett-Packard, Whirlpool, Walmart, Baxter ont amélioré leur chaîne logistique en utilisant plusieurs méthodes d’optimisation . Il n’existe plus de sociétés individuelles et autonomes mais des chaînes logistiques . C’est ainsi qu’à partir des années 80 les sociétés prennent conscience du bienfait apporté en maintenant des relations de collaboration avec les différentes entités en interne, mais également en dehors de l’organisation .
Définition de chaîne logistique
Le Conseil de la Supply Chain (SCC, Supply Chain Council par ses sigles en anglais) a décrit en 1997 « la supply chain englobe chaque effort impliqué dans la production et la livraison d’un produit final du fournisseur de fournisseur au client du client» . Ce concept est très général et nous pensons qu’il laisse une ambigüité quant au rôle des acteurs et des éléments qui constituent une chaîne logistique. Misra et al. définissent la chaîne logistique comme : « un réseau des fournisseurs, des usines, des magasins, des centres de distribution et de distributeurs au travers qui les matières premières sont acquises, transformées, produites et livrées au client » .
La gestion de la SC
Quand on étudie la chaîne logistique, un terme inévitable est le management de la chaîne logistique (SCM, Supply Chain management par ses sigles en anglais). Car, une fois que les industriels se sont aperçus de la nécessité d’améliorer la chaîne logistique, une activité de gestion et de contrôle de la chaîne logistique s’est avérée nécessaire. C’est ainsi que Choon Tan définit la gestion de la SC comme « les activités managériales et les relations (1) dans une organisation, (2) avec des fournisseurs immédiats, (3) avec des fournisseurs et des clients de premier et deuxième niveau tout au long de la chaîne d’approvisionnement et (4) avec la chaîne d’approvisionnement entière » . De leur côté, Lummus et Vokurka mentionnent que la gestion de la SC est une philosophie d’intégration afin de gérer le flux total… . Finalement, une troisième définition de gestion de la chaîne logistique est l’intégration de plusieurs fonctions dans une organisation afin de mettre en valeur le flux de marchandises depuis les fournisseurs stratégiques et plus proches, à travers la chaine de fabrication et distribution et jusqu’au client final.
Il est important de souligner que pour faire référence au management de la chaîne logistique, d’autres termes sont utilisés dans la littérature. Entre autres, « logistique intégrée », « stratégie des achats intégrale », « synchronisation de la chaîne logistique », « alliances stratégiques d’approvisionnement » ou « partenariat client-acheteur » .
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : la démarche et le terrain de recherche
Section 1. La démarche de recherche
Section 2. La méthode sur le terrain
Section 3. Le dispositif étudié, les Entrepôts VMI
Chapitre 2 : La gestion de la chaîne logistique et le déploiement d’un outil de gestion
Section 1. La chaine logistique et ses principaux défis
Section 2. Le déploiement d’un dispositif de gestion dans la littérature
Section 3. Entre la prescription et l’improvisation
Chapitre 3 : la chronologie du déploiement
Section 1. La préparation du déploiement
Section 2. La phase de test du projet
Section 3. La montée en charge du déploiement
Chapitre 4 : l’improvisation organisationnelle
Section 1. Le concept d’improvisation organisationnelle
Section 2. Improviser, ses conséquences et les facteurs de réussite
Section 3. Construction de notre grille de lecture du déploiement d’un outil de gestion
Chapitre 5 : L’application de la méthodologie choisie. Analyse et discussion des résultats
Section 1. L’identification des difficultés et des boucles
Section 2. La construction et l’analyse des boucles prescription-improvisation
Section 3. Résultats, discussion de résultats et limites de notre recherche
Conclusions
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
AUTRES SOURCES DOCUMENTAIRES
TABLE DES MATIERES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
LISTE DE TABLEAUX
ANNEXES