L’importance et influence de l’oxygène dans la physique des réacteurs

Les problématiques des sections efficaces d’intérêt pour la physique des réacteurs 

La NEA (Nuclear Energy Agency) est une organisation intergouvernementale de l’OCDE  . Cette agence a instauré, en collaboration avec la NDS de l’IAEA  , des sousgroupes de travail formés par des physiciens nucléaires et des laboratoires de recherche : les WPEC (Working Party on international nuclear data Evaluation Co-operation) [12]. Ces groupes de travail, s’occupant de thématiques bien précises (physique des réacteurs, astrophysique, . . . ), établissent les besoins en expériences, en évaluations, en calculs et en modèles, dans leur domaine de connaissance.

Ils publient ensuite un rapport contenant les directives de travail pour les futures recherches scientifiques. Sur la base de ces études, la NEA publie une liste prioritaire des thèmes de recherche sur lequel doivent être concentré les efforts de recherche. La HPRL (High Priority Request List [13]) a été publiée au début des années 1980 par la NEA. Cette liste, produite par deux comités appartenant à la NEA spécialisés dans la physique des réacteurs et dans les données nucléaires  , oriente ou influence les travaux de recherches en physique nucléaire sur l’étude de certaines réactions nucléaires importantes, dans des buts applicatifs ou théoriques pour l’avancement des travaux de recherche.

En 2005, la NEA a remis à jour une nouvelle liste de requêtes. Ces demandes en études concernent uniquement les sections efficaces sur les réactions en physique nucléaire dont les mesures expérimentales sont en nombre insuffisant pour avoir des évaluations de données nucléaires fiables [14]. Cette liste s’est étoffée au fil des années et contient aujourd’hui 37 requêtes [15], concernant des études sur des noyaux ou des réactions nucléaires présents dans la physique des réacteurs (produits de fission, combustible, matériaux de structure, . . . ). Au total il y a eu 42 sous-groupes (SG), dont la grande majorité ne sont plus en activité et ont publié leur rapport définitif. Trois de ces sous-groupes sont impliqués dans l’étude de la physique des réacteurs nucléaires : les sous-groupes SG22, SG26 et SG40 (ce sont les sous-groupes les plus « pertinents » dans le cadre de cette étude). Ces sous-groupes se basent sur les requêtes de la HPRL.

En particulier, le sous-groupe SG22 a publié un rapport en 2006 intitulé « Nuclear Data for improved LEU-LWR reactivity predictions » [16], concernant les réacteurs à eau légère utilisant de l’uranium faiblement enrichi. Il s’est avéré que le facteur de multiplication effectif (keff) des réacteurs à eau légère était systématiquement sous-estimé. Un accent est donc mis dans ce rapport sur les discordances entre les évaluations des modèles de données nucléaires. Le rapport cible également les noyaux ou molécules dont l’influence sur l’estimation du keff est avéré : le 235U, 238U, 16O et H2O. Le rapport « Uncertainty and Target Accuracy Assessment for Innovative Systems Using Recent Covariance Data Evaluations » [17], publié en 2008 par le sous-groupe SG26, liste les besoins de données nucléaires pour les réacteurs de nouvelles générations  . Il met en exergue les influences des incertitudes des sections efficaces de réactions nucléaires induites par les neutrons sur les paramètres liés au cœur d’un réacteur nucléaire et sur le combustible nucléaire. Le but de ce rapport est, entre autre, de comparer différents types de réacteur, avec différentes sortes de combustibles basés sur des oxydes d’uranium, différents caloporteurs et modérateurs.

Le sous-groupe SG40 a été créé en 2013 [19]. Il s’agit du projet CIELO (pour Collaborative International Evaluated Library Organisation) co-ordonné par M. Chadwick du LANL (Los Alamos National Laboratory). L’ambition du projet CIELO est d’améliorer les évaluations sur les données nucléaires en particulier pour les systèmes utilisant la fission ou la fusion nucléaire. Il est nécessaire d’augmenter la précision des mesures effectuées afin de réduire les erreurs qui entachent les données acquises jusqu’à présent. Les isotopes concernés par le projet CIELO sont le 1H, 16O, 56Fe, le 235U, 238U et le 239Pu. Pour ces noyaux, les différences entre les évaluations et les expériences sont importantes. Le rapport dans Nuclear Data Sheets du projet CIELO [20], publié en 2013, énumère plus précisément les problèmes. En insistant sur les qualités des bibliothèques des évaluations nucléaires, ce rapport souligne que les écarts entres les bases de données se répercutent sur les estimations des paramètres physiques étudiés.

L’importance et influence de l’oxygène dans la physique des réacteurs

Le projet SCALP, comme il sera développé par la suite, est voué à la mesure de la section efficace des réactions induites par neutron sur l’oxygène présent dans le milieu caloporteur des réacteurs nucléaires à eau légère (H2O) ou lourde (D2O), ou dans les réacteurs nucléaires utilisant du gaz (CO2 ). Dans le milieu modérateur, il est présent dans les réacteurs nucléaires à eau pour thermaliser les neutrons [21, 22]. Enfin, l’oxygène est également présent dans les combustibles sous forme d’oxyde : dioxyde d’uranium (UO2 ) dans les pastilles des combustibles d’uranium, mélange de dioxyde d’uranium et de dioxyde de plutonium pour les combustibles MOx (mélange de UO2 et de PuO2) [23]. L’oxygène peut être aussi présent dans la composition de l’alliage des gaines de combustible, mais en quantité négligeable (de l’ordre de 1 100 à 1 400 ppm) [24].

Il est important de noter que les réacteurs contenant de l’oxygène (réacteurs utilisant de l’eau comme modérateur et/ou comme caloporteur, et de l’uranium sous forme oxydé) sont les plus utilisés dans le monde. En effet les réacteurs à eau légère (comme les REP et les REB, respectivement les réacteurs à eau pressurisée [21] et à eau bouillante [22]) représentent plus des trois quarts des réacteurs nucléaires en fonctionnement dans le monde [25]. Actuellement, les réacteurs nucléaires utilisés pour la production d’électricité civile ou pour la propulsion nucléaire navale militaire [26] en France sont tous des REP.

L’influence de la production d’hélium à partir de l’oxygène sur les paramètres physiques des réacteurs et les produits induits

Les réactions induites par les neutrons sur l’oxygène ont une grande importance dans le domaine de la physique des réacteurs ainsi que dans l’astrophysique. En effet, une des principales réactions (hormis les réactions élastiques et inélastiques) est la réaction (n,α), c’est-à-dire la production d’une particule α (un noyau d’hélium) après interaction entre un neutron et un noyau d’oxygène (16O). L’hélium ainsi produit fragilise les gaines de combustible et induit des fluctuations sur un des paramètres importants pour les réacteurs, le keff (facteur de multiplication effectif des neutrons), à la base de la sûreté des contrôles-commandes.

Une des premières requêtes de l’HPRL concernait l’étude de la réaction 16O(n,α) 13C. Cette requête se base sur le document de travail d’A. Courcelle du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) de juillet 2005 [27] et du sous-groupe SG22 [16]. Dans ce document, est souligné l’intérêt de connaître la section efficace de la réaction 16O(n,α) 13C avec précision (mieux que 5%) pour une meilleure détermination des paramètres physiques associés aux réacteurs nucléaires et définit dans le cadre de la physique des réacteurs. L’objectif de cette requête est, entre autre, d’améliorer les estimations du facteur keff des réacteurs nucléaires (à neutrons thermiques et à neutrons rapides) et de quantifier la production d’hélium au sein du combustible nucléaire.

A. Courcelle constate que, sur la gamme en énergie entre le seuil de la réaction (2, 36 MeV) et 8 MeV, la section efficace est estimée avec une erreur qui peut atteindre 30% (due à la dispersion des données expérimentales). Partant de ce constat, il soutient que ces écarts sur la section efficace de la réaction 16O(n,α) 13C ont une influence sur l’estimation du keff et sur la production totale d’hélium au sein du combustible nucléaire. Les incertitudes sur les sections efficaces sont estimées à :
— 100 pcm sur l’incertitude totale de l’estimation du keff
— 7% sur l’incertitude sur la production totale d’hélium .

A. Courcelle et le SG22 [16] ont rappelé également que la mesure de la section efficace de la réaction 16O(n,α) 13C avec précision est primordiale du fait de la présence de l’oxygène dans le combustible nucléaire et dans l’eau. Pour des neutrons proches du seuil en énergie, la section efficace de la réaction 16O(n,α) 13C a été majoritairement déterminée en utilisant le principe de la balance détaillée. Cette méthode permet à partir de la réaction inverse (13C(α,n)16O) de déterminer la section efficace de la réaction directe, mais cette méthode est valable seulement si le noyau résiduel est dans son état fondamental.

Le travail du SG26 [17] a démontré l’influence de l’oxygène sur certains paramètres physiques de réacteurs nucléaires, principalement sur les systèmes utilisant l’eau comme modérateur et caloporteur (cas des réacteurs REP). L’influence de l’oxygène sur le keff augmente entre le début et la fin du cycle. Dans ce dernier cas, il s’agit d’un des isotopes qui influe le plus sur la détermination de ce facteur. L’effet de l’isotope 16O est également montré sur le réacteur étudié à neutrons rapides utilisant du combustible uranium. Ce rapport conclut, pour la réaction 16O(n,α) 13C, que son effet est le plus important sur les réacteurs à eau pressurisée (soit la majorité des réacteurs nucléaires en exploitation dans le monde, et plus précisément en France). M. Chadwick a rappelé en 2013 dans le cadre du projet CIELO [20] que les écarts de 30% entre les évaluations et les données expérimentales ont, depuis longtemps, été un problème. Les réactions (n,α) affectent la criticité. De nouvelles évaluations sur les réactions (n,α) sont donc nécessaires pour lever cette ambiguïté.

La production des particules alpha dans les réactions induites par neutron 

Les réactions (n,α) sont des réactions importantes en physique nucléaire. Les noyaux d’hélium émis sont, parmi toutes les particules émises dans un processus nucléaire, les plus lourdes : un ensemble de quatre nucléons est émis.

Leurs parcours dans la matière varie, aux énergies impliquées, selon le matériau, de quelques micromètres à quelques millimètres. Dans la suite de cette étude, la description écrite dans ce chapitre ne concerne que les particules non-relativiste. Toutes les particules considérées dans cette étude (neutron, alpha, . . . ) ont une énergie d’au maximum 10 MeV, soit une vitesse inférieure au dixième de la vitesse de la lumière.

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Table des matières

Introduction générale
1 Le contexte scientifique
1.1 Les problématiques des sections efficaces d’intérêt pour la physique des réacteurs
1.1.1 L’importance et influence de l’oxygène dans la physique des réacteurs
1.1.2 L’influence de la production d’hélium à partir de l’oxygène sur les paramètres physiques des réacteurs et les produits induits
1.2 La production des particules alpha dans les réactions induites par neutron
1.2.1 Cinématique des réactions (n,α)
1.2.1.1 Théorie générale
1.2.1.2 Section efficace et principe de la balance détaillée
1.2.2 Études expérimentales
1.2.2.1 Les mesures expérimentales de section efficace sur l’oxygène (réaction directe)
1.2.2.1.1 Les études expérimentales en-dessous de 6 MeV
1.2.2.1.2 Les études expérimentales de 6 à 9 MeV
1.2.2.1.3 Les études expérimentales au-dessus de 9 MeV
1.2.2.1.4 Les mesures expérimentales les plus récentes
1.2.2.1.5 Résumé des expériences sur l’oxygène
1.2.2.2 Les mesures expérimentales de section efficace sur le carbone (réaction inverse)
1.2.2.3 Les mesures expérimentales sur le fluor
1.2.2.3.1 Les premières études expérimentales
1.2.2.3.2 Études de la section efficace du seuil à 9 MeV
1.2.2.3.3 Études de la section efficace pour des neutrons de 13 MeV et plus
1.2.2.3.4 Résumé des expériences sur le fluor
1.2.3 Évaluations des données nucléaires
1.2.3.1 Les évaluations de la réaction (n,α) sur l’oxygène
1.2.3.2 Les évaluations de la réaction (n,α) sur le fluor
1.2.4 Conclusion sur les évaluations
1.3 Conclusion du chapitre
2 Le projet SCALP
2.1 Principe général du projet SCALP
2.1.1 Ionisation du gaz
2.1.2 Scintillation du gaz
2.1.3 Discrimination des réactions
2.2 Études expérimentales sur le mélange gazeux
2.2.1 Études préliminaires
2.2.1.1 Modèle de Stern-Volmer
2.2.1.2 Dispositif expérimental utilisé
2.2.1.3 Études expérimentales
2.2.1.4 Résultats et analyses des études
2.2.1.5 Conclusion des études expérimentales et choix du mélange
à utiliser
2.2.2 Simulations du dispositif expérimental
2.2.3 Le CRT : Coïncidence Resolving Time
2.2.4 Conclusion
2.3 Description du dispositif expérimental
2.3.1 La chambre d’ionisation avec grille de Frisch et le dégradeur de champ
2.3.1.1 Principe d’une chambre d’ionisation avec grille de Frisch
2.3.1.2 La chambre d’ionisation de SCALP
2.3.2 Photomultiplicateurs
2.3.2.1 Principe général
2.3.2.2 Les photomultiplicateurs utilisés pour le projet SCALP
2.3.3 Électronique
2.4 Conclusion du chapitre
3 Mise en œuvre des simulations
3.1 Structure générale du programme de simulation utilisé dans le projet SCALP
3.2 Le générateur d’événements SCALPGenerator
3.2.1 Concentration moléculaire du gaz simulé
3.2.2 Bilan et seuils des réactions simulés
3.2.3 Sections efficace utilisées par le générateur d’événements
3.2.4 Flux neutronique
3.3 Filtre expérimental (programme SICSimulation)
3.3.1 Généralités sur les simulations Geant4
3.3.2 Géométrie utilisée par le programme SICSimulation
3.3.3 Paramètres déterminés à partir des simulations
3.4 Génération d’événements par SCALPGenerator
3.5 Dimensions de la chambre d’ionisation
3.6 Conclusion du chapitre
4 Traitement et analyse des données simulées
4.1 Traitement des données des simulations
4.1.1 Traitement des particules chargées dans la chambre d’ionisation
4.1.1.1 Efficacité des réactions
4.1.1.2 Estimation du volume utile
4.1.2 Traitement de la détection de la lumière par les photo-multiplicateurs
4.1.2.1 Quantité de lumière détectée
4.1.2.2 Estimation du CRT
4.1.3 Énergie des particules émises et énergie déposée dans le volume utile
4.2 Analyse des données simulées
4.2.1 Estimation de l’énergie du neutron incident et étude de sa dégradation
4.2.2 Efficacité lumineuse
4.2.3 Section efficace estimée
4.2.4 Précisions estimées sur la section efficace
4.3 Estimation du temps de manipulation
4.4 Conclusion du chapitre
Conclusion générale

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