L’IMPORTANCE DU MONUMENT ET DES CÉLÉBRATIONS
LE MONUMENT NATIONAL
Si, aux XVII e et XVIII e siècles, la sculpture est utilisée uniquement pour la décoration d’édifices publics ou de demeures particulières et si peu d’œuvres monumentales sont réalisées, le XIX e siècle est par contre beaucoup plus favorable à l’épanouissement du genre. En 1835, la statue de Jean Jacques Rousseau est inaugurée sur l’île des Barques. A la suite de la révolution genevoise de 1846, on assiste à une recrudescence des constructions, résultat de l’expansion de la ville après la destruction des fortifications16. On construit le quai des Bergues, les halles de l’Ile, l’hôtel Métropole et, en architecture religieuse, l’église Notre-Dame (1852-1859). En 1854, après vingt ans d’hésitations, le « David », que Chaponnière17 avait créé en 1834, se voit enfin attribué un emplacement dans le parc des Bastions ; cette date marque la « première manifestation d’un désir d’ « embellissement » officiel du cadre urbain par des sculpteurs »18. Vers 1870, à l’instar des capitales européennes, commence l’ère des monuments fastueux. Genève inaugure le mausolée à la mémoire du duc de Brunswick (1879) et la statue équestre du général Dufour mort en 1875 (1884). Parallèlement, d’autres bâtiments publics ornés de statues sont construits, tel le Grand théâtre (1879) ou le musée de l’Ariana construit par Gustave Revilliod (1887).
Le choix de l’emplacement
La question de l’emplacement est abordée lors de deux séances, dès le 20 avril 1863. Le comité doit déterminer celui-ci afin de le signaler dans le règlement du concours. Il doit en informer les artistes afin qu’ils ne soumettent pas des projets qui, peu adaptés à l’environnement, provoqueraient l’embarras du comité et un possible bouleversement dans les critères de jugement des œuvres. Plusieurs endroits sont proposés :
– la place en face du pont du Mont-Blanc, « comme point central et effet général »42, idée de Diday.
– le triangle le plus rapproché de la place du Port, « comme effet en arrivant par le lac »43, idée du général Dufour.
Ce triangle existe depuis la construction du pont du Mont-Blanc en 1862. Il est situé près de la place du Port, à la tête du pont, et il est adjacent au Jardin anglais, lui-même en chantier. Un autre triangle lui fait face, symétrique, sur l’autre bord du pont.
– la place des Alpes et la place Neuve, idée de Camperio.
– le milieu du Jardin anglais, afin que le monument se trouve plus rapproché du lac et de l’arrivée
des bateaux, idée de Vaucher.
Il y serait, selon lui, bien entouré et même garanti par les barrières déjà existantes. La fontaine qui se trouve à cet endroit serait transportée dans un des triangles et une seconde fontaine pourrait être construite dans l’autre pour créer un effet de symétrie. Cette idée est immédiatement refusée, étant donné que le jardin est justement en train d’être aménagé et que la fontaine est sur le point d’être achevée. Il est impensable, à ce moment, de remettre en question toute cette nouvelle promenade.
Le choix du monument à ériger
Le 1er septembre, le comité se réunit pour se prononcer sur le choix définitif du monument à ériger. A la demande de plusieurs personnes (Tognietti et Suès), une seconde exposition des œuvres retenues a lieu du jeudi 3 au dimanche 6 septembre 1863, de 13 heures à 18 heures dans la salle de réunion du comité au Bâtiment électoral. Les projets portent la mention des prix ou accessits et le nom de l’auteur, s’il s’est fait connaître. Il est aussi décidé de nommer une commission qui, « pendant l’interruption des séances du Comité, pourra préparer un travail, prendre des renseignements, et recevoir les observations que la nouvelle exposition pourrait suggérer aux visitants ».
Après cette présentation, le 8 septembre 1863, une discussion d’ordre esthétique s’ouvre. C’est la première fois que le sujet est abordé sous cet angle. Le peintre Diday regrette que les visiteurs aient peu commenté les modèles et « que la nation ne se soit pas encore arrêtée d’une manière bien positive à un des projets ». Il exhorte alors le comité à choisir sans nécessairement se restreindre aux projets couronnés. Il demande que soit sélectionné celui qui conviendra « réellement le mieux pour le fait que l’on veut représenter ». Il relance l’idée d’un jury et demande « qu’il soit possible de consulter le public à nouveau soit sur un projet architectural, soit sur un projet de sculpture, et de le mettre à même d’exprimer franchement sa pensée ». Le comité, comme il l’a toujours fait, combat cette dernière idée.
La propriété des statues
Le 27 août 1869, Flammer présente le projet d’un acte notarié pour la cession du Monument National à l’État de Genève. Le 31 août 1869, l’acte est renvoyé par le Conseil d’État avec de légers amendements. Approuvé par le comité, il est signé par Dufour, Rilliet, Vautier, Chauvet, Tognietti et Suès. Ces derniers insistent pour que les délégués du Conseil d’État, auxquels ils remettent l’acte, expriment à ce même conseil leur désir de voir la garde du monument remise à la Ville de Genève.
Le 14 septembre, l’acte notarié est signé et accepté des deux parties. Le comité remettra l’acte au Conseil d’État le jour de l’inauguration, après le discours du général Dufour.
Si la propriété du grand modèle ne soulève aucun problème, il n’en va pas de même pour celle du petit modèle de six pieds. Ainsi, le 14 septembre, Diday pense que celui-ci, payé à Dorer selon les clauses de la première convention, doit donc être la propriété du comité. « M[onsieu]r Vaucher rappelle qu’une première maquette, celle qui a obtenu le prix, est aujourd’hui à l’Hôtel-de-Ville, salle de l’Etat Civil » et que la maquette de six pieds devait être payée à Dorer s’il n’exécutait pas le groupe définitif. Mais, ce monument ayant été achevé, le modèle de six pieds lui a été renvoyé et son prix demeure inclus dans le premier acompte de 21’000.- F. Diday, n’étant pas convaincu que le groupe n’est pas la propriété du comité, demande la formation d’une commission.
LE FINANCEMENT DU MONUMENT
La construction du monument et le travail d’un comité ne peuvent pas se passer de fonds. Il faut de l’argent pour la gestion du bureau, les frais de matériel, la réalisation du concours, l’envoi du concours, la publicité parue dans les journaux, pour les expositions, les frais postaux des envois et renvois des projets, les prix du concours, pour le paiement du monument, du piédestal et de l’inauguration.
Le problème du financement apparaît donc simultanément à l’idée de réalisation du Monument National. Suès-Ducommun, lors de la réunion du 26 mars 1863, annonce que, après s’être adressé aux divers sociétés et cercles, ceux-ci ont recommandé la « souscription nationale », comme « meilleur moyen de réussir ». Par « souscription nationale », il faut entendre une demande d’argent à l’échelon de Genève, en tant qu’État ou canton, à ses citoyens, et en plus à toutes autres personnes favorables à la cause. Le comité provisoire dans son rapport du 13 avril 1863 adopte unanimement l’idée de la souscription nationale. C’est un moyen « à la portée de toutes les bourses » et il s’accorde parfaitement avec le but patriotique de l’entreprise. La volonté de trouver rapidement des fonds se concrétise le 20 avril 1863, lorsque le comité nomme une commission chargée de la souscription.
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Table des matières
INTRODUCTION
LES ANNÉES 1860-1870
L’ANNÉE 1864
PREMIÈRE PARTIE
LE MONUMENT NATIONAL
GENÈSE DU PROJET
Séance du jeudi 26 mars 1863
Séance du jeudi 2 avril 1863
Séance du 16 avril 1863
LE COMITÉ CENTRAL POUR LE MONUMENT NATIONAL
1. Formation du comité et des commissions
2. Tâches du comité et des commissions
3. Évolution du comité et des commissions
LE MONUMENT NATIONAL – CHOIX ET EXÉCUTION
1. Le choix de l’emplacement
2. Le concours
3. L’exposition
4. Les projets
5. Le résultat du concours
6. Le choix du monument à ériger
7. L’exécution du projet choisi
a. La première convention et son terme en 1864
b. L’exécution du monument entre 1865-1867
c. La convention définitive et son exécution
8. La propriété des statues
LE PIÉDESTAL
LE FINANCEMENT DU MONUMENT
1. Le coût du monument
2. Les moyens de financement
a. La souscription de 1864
b. La souscription de 1869
c. Autres moyens
3. Le bouclement des comptes
DEUXIÈME PARTIE
LES FÊTES DE SEPTEMBRE 1864 ET 1869
CHOIX DES DATES
LES ORGANISATEURS DE LA FÊTE
L’AFFAIRE DES DISCOURS
LE PROGRAMME DE LA FÊTE
1. En 1869
2. En 1864
TROISIÈME PARTIE
L’IMPORTANCE DU MONUMENT ET DES CÉLÉBRATIONS
IMPORTANCE POUR LE COMITÉ CENTRAL
IMPORTANCE POUR LES CERCLES, SOCIÉTÉS ET AUTRES ASSOCIATIONS
IMPORTANCE POUR LA POPULATION GENEVOISE
1. En ville
2. A la campagne
IMPORTANCE POUR LE RESTE DE LA SUISSE ET L’ÉTRANGER
IMPORTANCE POUR LA PRESSE
CONCLUSION
LA SIGNIFICATION DU MONUMENT AUJOURD’HUI
LA SIGNIFICATION DU MONUMENT AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE
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