La gestion de l’aménagement du matériel
Aujourd’hui : l’importance du corps dans les neurosciences
Chercheurs et neurophysiologistes contemporains prennent à leur tour le relais. Leurs travaux vont dans le sens de confirmer, affiner et préciser l’importance du mouvement et son action sur le cerveau, les neurones et sur les neurotransmetteurs. Dans son livre « La gymnastique des neurones, le cerveau et l’apprentissage », C. Hannaford (1997), Dr. en neurophysiologie et kinésiologie, débute par ces mots : Nous avons tenté d’expliquer l’esprit à partir des aperçus et des fragments que nous avons pu rassembler en consacrant notre attention à la recherche sur le cerveau. Mais nous avons négligé l’un de ses aspects les plus mystérieux et les plus fondamentaux : l’apprentissage, la pensée, la créativité et l’intelligence ne sont pas des processus du seul cerveau, mais de tout le corps. Les sensations, les mouvements, les émotions et les fonctions unificatrices du cerveau ont leurs racines dans le corps. Les caractéristiques humaines que nous associons à l’esprit ne peuvent jamais exister séparément du corps. (p.13) […]
Le corps fait partie intégrante de nos processus intellectuels, depuis les premiers moments de notre existence jusqu’à notre vieillesse. Ce sont nos sens qui renseignent notre cerveau sur son environnement, lui permettant ainsi de se forger une interprétation du monde et de créer de nouvelles possibilités. Il y a apprentissage lorsque nous entrons en interaction avec le monde. Dans le corps et dans le cerveau, cet apprentissage revêt la forme de communications entre neurones. (p.24) Dans une étude menée en 2007 par le Centre de recherches internationales (CERI), un grand nombre de chercheurs en neurosciences mettent en évidence que la façon dont on traite et nourrit le cerveau est de la plus grande importance dans les processus d’apprentissage. Cette étude révèle que le fonctionnement cérébral dépend de facteurs tels que la qualité des rapports sociaux, l’alimentation, le sommeil et l’exercice physique. Elle met en exergue les liens étroits qui se tissent entre bien-être physique et intellectuel auxquels s’ajoute l’interaction des émotions et du cognitif. L’étude atteste également que la flexibilité du cerveau est un des invariants de l’espèce humaine. Cette flexibilité, due à la plasticité, lui permet de recevoir, de traiter et d’intégrer des informations tout au long de la vie, face aux demandes de l’environnement.
La capacité à apprendre encore et toujours demeure, même si la manière, les moyens et les étapes pour y parvenir peuvent être différents selon les périodes de la vie. Les conclusions émises dans cette étude encouragent le monde de l’éducation à privilégier, pour les élèves, un environnement riche afin que des expériences nouvelles, des traitements de données et des résolutions de problèmes puissent être menés en permanence. Au regard de ces mêmes conclusions, éducateurs et enseignants sont invités à repenser leur enseignement de manière à offrir davantage de place au mouvement, à l’expression du corps pour favoriser le bien-être physique de leurs élèves. 1.2.3 En pédagogie : l’élève acteur et expérimentateur Bien avant que les neurosciences n’apportent leur validation à une pédagogie en lien avec l’expérimentation et l’engagement actif de la personne, des pédagogues se sont positionnés clairement dans la perspective de cette même démarche. Que ce soit Rousseau, Pestalozzi, Decroly, Dewey, Montessori ou Freinet pour ne citer qu’eux, chacun a contribué à enrichir un panorama éducatif dans lequel la mise en action de l’élève est primordiale.
Dans la tradition constructiviste issue des théories de Jean Piaget, les pédagogues s’y référant proposent une école liée à la vie. Ils partagent la conviction que les apprentissages s’ancrent durablement dans la mémoire, dans la mesure ils ont été réalisés de manière active. L’école doit donc permettre à l’enfant d’être un explorateur qui va construire son apprentissage en ayant accès à des supports concrets et des matériaux authentiques. L’enfant doit pouvoir expérimenter par lui-même, apprendre en faisant. Il convient donc d’aménager suffisamment de temps pour que l’enfant ait la possibilité de s’approprier les connaissances à son rythme. Maria Montessori par exemple, nous dit Missant (2001), encourage avec conviction le développement des cinq sens. Son matériel pédagogique invite l’enfant à découvrir et à apprendre le monde par l’intermédiaire de sensations multiples. Il manipule, touche, écoute, regarde, sent, goûte, classe, organise, range. A l’instar de Piaget, Montessori (1936) insiste sur l’importance de l’action et l’expérimentation de l’enfant. L’adulte, nous dit-elle, empêche souvent l’enfant de travailler et d’être actif. Il envisage le but à atteindre de la manière la plus directe et s’irrite des multiples détours qu’emprunte parfois l’enfant qui apprend. En voyant les efforts de l’enfant pour exécuter une action souvent inutile ou futile et que l’adulte pourrait accomplir en un instant et avec bien plus de perfection, il est tenté de l’aider, interrompant ainsi un travail qui le gêne. (p.83)
Montessori souligne l’importance de respecter le rythme de l’enfant : « Le rythme fait partie intégrale de l’individu ; c’est un caractère qui lui est propre. […] Si le rythme est en harmonie avec le corps, l’individu ne peut en changer sans souffrance. » (p.84) Elle encourage à offrir le temps nécessaire à l’enfant dans son apprentissage, à accepter la répétition parfois interminable parfois d’un même exercice, elle soutient le fait de laisser l’enfant manipuler, se tromper, recommencer, essayer encore et encore. C’est au travers de la répétition, dit-elle, que l’enfant se construit, se découvre, se structure et accède toujours davantage à l’autonomie. Le rôle de l’enseignant se définit donc comme une personne qui accompagne l’enfant, le guide et lui présente du matériel. Il est aussi celui qui l’encourage et établit une relation de confiance avec lui. Antoine de La Garanderie (1982), s’efforce lui aussi de rendre l’élève acteur de son développement cognitif en le conduisant à identifier ses propres canaux de perception, ceux qui lui sont le plus utiles dans sa manière d’apprendre.
Il considère que les informations sont transmises par les cinq sens et que chaque élève possède des canaux préférentiels sur lesquels il va pouvoir s’appuyer. La Garanderie encourage évidemment fortement une pédagogie différenciée qui s’appuie sur les ressources de l’enfant en termes de gestes mentaux. Akoun et Pailleau (2013), deux psychologues cliniciennes spécialisées en pédagogie, affirment qu’il est essentiel de préparer à la fois son corps, sa tête et son coeur à travailler. Elles avancent l’importance du bien-être général en disant : Si ma tête ne va pas bien et si je me sens mal, c’est souvent mon corps qui me rappelle à l’ordre par des manifestations de toutes sortes. Inversement, si je ne prends pas soin de mon corps et même pire, si je l’enlève de l’équation de l’apprentissage, il y a de fortes chances que mon coeur et ma tête ne fonctionnent plus assez bien pour me permettre d’apprendre. (p.104)
La psychomotricité : les liens tissés au travers de la complexité du corps
La psychomotricité, nous dit Potel (2010) citée dans le cours MAES Wittgenstein (2015), a pour repère principal de considérer le corps dans toute sa complexité existentielle, expressive, émotionnelle, identitaire et instrumentale. Elle se trouve donc au carrefour de divers domaines de développement comme celui de perception, des sensations, des sentiments, de la pensée, du mouvement et du comportement et s’occupe de la liaison qui existe entre eux au niveau corporel (CDIP, 2007). La relation que nous entretenons avec notre corps se construit et évolue tout au long de notre existence. Chaque expérience de vie propose un nouveau repère qui va créer et solidifier notre image corporelle. Nous apprenons ainsi à habiter notre corps, à nous connaitre, à développer nos possibilités, à connaitre l’autre et à interagir avec lui. A la naissance, le bébé va de découverte en découverte par l’intermédiaire de son corps. Tout, en effet, passe par ce corps. Un corps qui éprouve, qui perçoit, qui ressent.
Les informations sensorielles que Bullinger (2004) traduit par « flux sensoriels » représentent l’un des supports qui vont contribuer à stimuler, organiser et permettre la construction du bébé, l’autre étant le lien d’attachement à l’adulte. En m’appuyant sur les écrits de Delion et Vasseur (2012) qui les ont soulignés, voici quelques principes formulés par Bullinger qui permettent de comprendre ce qu’est la construction de la subjectivité, cette conquête de soi en tant qu’être différencié. Tout d’abord, Bullinger marque une distinction entre organisme et corps. Il considère l’organisme comme un objet biologique et physique alors que le corps est une représentation subjective qui s’acquiert et évolue en fonction des moyens cognitifs, des tâches dans lesquelles l’organisme est engagé et des attentes du milieu environnemental. Il distingue également fonctionnement et activité, en ce sens que si le fonctionnement est le fruit de l’interaction matérielle de l’organisme avec son milieu, l’activité, elle, relève du psychisme. C’est en effet cette activité qui va guider, modifier et faire évoluer le fonctionnement. Afin que l’activité cognitive puisse se réaliser et les représentations se construire, l’organisme du petit enfant doit se trouver dans un état tonique qui lui permet de recevoir les signaux et les informations, issus du milieu environnemental avec lequel il interagit, sans se désorganiser.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 – Problématique
1.1 Contexte professionnel et constats
1.2 Contexte théorique
1.2.1 De l’antiquité à nos jours: le mouvement bénéfique à la réflexion
1.2.2 Aujourd’hui : l’importance du corps dans les neurosciences
1.2.3 En pédagogie : l’élève acteur et expérimentateur
1.2.4 Perturbations du geste cognitif
1.2.5 La psychomotricité : les liens tissés au travers de la complexité du corps
1.2.6 Eléments qui favorisent les gestes de l’apprentissage
1.3 Question de recherche, objectifs et hypothèse
Chapitre 2 – Méthodologie
2.1 Nature de la recherche
2.1.1 Une recherche qualitative
2.1.2 Un contexte, une intention
2.1.3 Une étude de cas
2.1.4 Pourquoi Mélina ?
2.1.5 Une approche empirique
2.2 Nature du corpus de données
2.2.1 Moyens de récolte
2.2.2 Une démarche en deux phases
2.2.3 La construction des grilles d’observation et de l’outil d’intervention « Place au corps »
2.2.3.1 Les grilles d’observation de l’élèves
2.2.3.2 L’outil d’intervention « Place au corps » et ses visées
2.3 L’organisation pratique
2.3.1 Modalité de l’introduction de l’outil d’intervention
2.4 Méthodes de recueil des données
2.4.1 Les grilles d’observation
2.4.2 Le tableau « Place au corps »
2.4.3 Le questionnaire de l’élève (en annexe)
Chapitre 3 – Données et analyse
3.1 Données et analyse de la grille No1
3.1.1. L’état corporel à l’arrivée
3.1.2 Les salutations à l’arrivée
3.1.3 L’installation dans la salle
3.1.4 La gestion du matériel à avoir avec soi
3.1.5 La gestion de l’aménagement du matériel
3.1.6 La gestion de l’état corporel durant les 10 premières minutes d’activité scolaire
3.1.7 La participation à la leçon durant les 10 premières minutes
3.1.8 La concentration durant les 10 premières minutes
3.1.9 L’attitude par rapport à la tâche et gestion de l’autonomie
3.1.10 Le type de soutien mobilisé pour entrer dans la tâche
3.2 Données et analyse de l’outil d’intervention « Place au corps »
3.2.1 Le tableau « Place au corps »
3.3 Interprétation et analyse des données de la grille No2
3.3.1 L’état corporel à l’arrivée
3.3.2 Les salutations à l’arrivée
3.3.3 L’installation dans la salle
3.3.4 La gestion du matériel à avoir avec soi
3.3.5 La gestion de l’aménagement du matériel
3.3.6 La gestion de l’état corporel durant les 10 premières minutes d’activité scolaire (après l’outil Place au corps)
3.3.7 La participation à la leçon durant les 10 premières minutes
3.3.8 La concentration durant les 10 premières minutes
3.3.9 L’attitude par rapport à la tâche et gestion de l’autonomie
3.3.10 Le type de soutien donné à Mélina pour qu’elle puisse entrer dans la tâche
Chapitre 4 – Limites, discussion et perspectives
4.1 Limites
4.2 Discussion
4.3 Perspective
Références bibliographiques
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