État de l’art
Le constructivisme
Bien qu’apparue en 1710 dans les écrits de Giambattista Vico, la théorie constructiviste se vulgarise avec les travaux de Piaget, au 20ème siècle, qui s’est intéressé au développement de l’enfant et à son appropriation de la connaissance. D’après lui, cette connaissance est liée à l’expérience même de l’enfant, qui développe ses structures cognitives en interagissant avec son environnement et avec les personnes qui l’entourent. En effet, pour Piaget, « la connaissance n’est pas, pour l’enfant, une représentation d’une réalité extérieure détachée de son vécu d’observateur. Mais elle est liée à son expérience, laquelle vise de lui permettre de s’adapter au monde qui l’entoure » (Ménard, St-Pierre, 2014).
Ces recherches marquent une rupture avec le paradigme prévalent de l’époque (et peut être toujours prévalent aujourd’hui à l’université) : le positivisme. Le positivisme voit la connaissance comme une portion de la réalité, indépendante de celui qui l’observe et construite scientifiquement par des procédés objectifs. « La connaissance codifiée peut ensuite être décrite, expliquée et transmise par la voie du langage à autrui. » (Ménard, StPierre, 2014). De même, l’interprétation (et donc la déformation) que l’élève va faire de la connaissance transmise n’est donc pas prise en compte. Suivant le paradigme positiviste, l’enfant apprend en « absorbant » la connaissance, qui doit être codifiée et lui être transmise de façon objective par le langage. Le but de l’enseignant est alors de présenter à l’apprenant une représentation la plus claire possible de la réalité, que l’élève va capter et assimiler.
Au contraire, le constructivisme réfute cet état passif de l’apprenant, puisque la connaissance n’est pas une réalité objective, mais dépend de l’interprétation qu’on en fait. Ainsi, pour apprendre, l’enfant doit interagir avec son environnement et avec les autres, puis se questionner sur ses expériences. Il apprend en s’adaptant à de nouvelles situations : les schémas de pensée déjà construits vont intégrer de nouvelles connaissances (assimilation) ou être modifiés pour intégrer un nouvel objet (accommodation). Cette adaptation nécessite un questionnement de la part de l’enfant sur ses connaissances, questionnement suscité par des situations de déséquilibre, ou conflits cognitifs, par rapport à l’état de ses connaissances (situations ne correspondant à aucun schéma déjà construit ou contredisant son schéma de pensée). Le but de l’enseignant est ici de définir et proposer des situations pertinentes pour permettre aux apprenants de construire leur propre connaissance et de développer des compétences, plutôt que de transmettre sa propre image de la réalité. Dans ce paradigme, les élèves sont invités à construire leurs connaissances en raisonnant à partir de faits observés et en s’appuyant sur leurs expériences pour vérifier la cohérence de leurs apprentissages, comme le feraient des chercheurs dans une démarche scientifique.
Après Piaget, de nombreux chercheurs se sont intéressés au constructivisme. Par exemple, Glasersfeld (2004) prône un constructivisme « radical » puisque selon lui, le constructivisme marque « une rupture avec la notion traditionnelle selon laquelle toute connaissance humaine devrait ou pourrait s’approcher d’une représentation plus ou moins « vraie » d’une réalité indépendante ou « ontologique ». Au lieu de prétendre que la connaissance puisse représenter un monde au-delà de notre expérience, toute connaissance est considérée comme un outil dans le domaine de l’expérience ». La connaissance dépend donc de l’expérience que chacun en fait et de ses besoins à un moment donné.
Le socio-constructivisme
Développé à partir du constructivisme, le socio-constructivisme met l’accent sur la dimension sociale de l’apprentissage. Les travaux de Vygotski (1934 – 1997) sont parmi les plus importants sur le sujet. Pour lui, les interactions avec l’environnement sont essentielles, puisque l’enfant apprend par imitation de ce qu’il y trouve. Cependant, cette imitation ne peut se faire que lorsque la situation d’apprentissage se situe dans la zone proximale de développement (ZPD), dans laquelle l’enfant peut apprendre avec l’aide de quelqu’un (un pair, un éducateur, un parent), alors qu’il ne pourrait pas seul (Vergnaud, 2000). Pour Vygotski, « ce que l’enfant sait faire aujourd’hui en collaboration, il saura le faire seul demain ».
Il s’est également intéressé à la place du langage et de la culture dans l’apprentissage. En effet, le milieu dans lequel évolue l’enfant est le résultat d’une culture et d’une histoire, transmises par le langage. Ce milieu a des effets importants sur l’organisation de la vie des individus, et donc sur les situations et les interactions auxquelles sera confronté l’enfant. Suivant les paradigmes constructiviste et socio-constructiviste, l’enseignant est alors invité à se demander quelles sont les représentations actuelles des apprenants, comment les prendre en compte pour les faire évoluer, et comment les confronter avec les connaissances des autres. Il devra aussi prendre en compte les différences individuels au sein du groupe d’apprenants. Il s’agit donc d’une pédagogie interactive, dans laquelle l’erreur est source d’apprentissage, et dans laquelle l’enjeu est de permettre à l’étudiant d’accéder au champ des possibles, et pas seulement à un résultat prédéterminé. Nous nous sommes donc ensuite intéressées aux différents types d’interactions existant au sein d’un groupe en apprentissage.
L’importance des interactions entre élèves
En considérant que les apprentissages se font par rectifications incessantes des schémas de pensée, Brousseau (1995) a été amené à développer une théorie des situations didactiques.
Dans la lignée du constructivisme, il estime que le conflit cognitif est source d’apprentissage et que le rôle de l’enseignant est de mettre l’apprenant dans une situation de déséquilibre qui l’amène à se questionner sur ses connaissances. Il définit ainsi les situations adidactiques : « Entre le moment où l’élève accepte le problème comme le sien et celui où il produit sa réponse, le maître se refuse à intervenir comme proposeur de connaissances » (Garnier et al., 2004, p31). Autrement dit, le rôle du professeur n’est plus d’apporter une connaissance prédéfinie et subjective, mais de fournir à l’apprenant un cadre qui va l’amener à s’approprier un problème et lui permettre d’y apporter une réponse personnelle et objective. Or, dans la conception Vygotskienne de l’apprentissage, l’activité de l’élève vient d’un besoin et nécessite un motif qui permette la réalisation de ce besoin. Ce motif pourrait être ici la dimension sociale, en considérant que les interactions sociales créent des dynamiques individuelles (Garnier et al., 2004).
De plus,l’expérience ne suffit pas à créer de nouvelles représentations, car elle est soumise à l’interprétation que l’élève en fait, et il va interpréter son observation en l’adaptant à ses schémas de pensée(Garnier et al., 2004). Un autre intérêt du travail de groupe va donc être d’aider l’élève à remettre réellement ses connaissances en question en les confrontant à des interprétations différentes dans le but de trouver un accord commun ou de réaliser une tache commune. Ainsi, Laborde (Garnier et al., 2004) distingue deux types de situations de travail basées sur l’interaction sociale (« processus interpersonnels ») : des problèmes d’essence sociale et des problèmes résolus à plusieurs.
Les problèmes « d’essence sociale »
Les problèmes dits « d’essence sociale » sont des situations où les élèves n’ont pas tous la même position par rapport à la connaissance visée : un élève ou un groupe d’élève (A) possède des informations qu’un autre élève ou groupe d’élèves (B) n’a pas, et doit lui transmettre ces informations de manière à ce que B réalise une tâche. Dans ce type de situation, le problème posé aux élèves est d’abord un problème de compréhension et de formulation, le problème mathématique passant au second plan. En effet, ce sont les difficultés de formulation qui permettent à A de s’approprier le problème mathématique posé et de s’en élaborer une représentation correcte au fur et à mesure des rectifications imposées par les réactions de B. De plus, Laborde montre dans un exemple que ce type de problème peut permettre aux élèves de percevoir l’intérêt d’introduire des étiquettes, notations ou conventions pour simplifier les explications. Finalement, ce type de tâche peut permettre une meilleure dévolution du problème et des connaissances mises en jeu, à condition que le passage du problème social au problème mathématique se fasse. Pour cela, elle insiste sur le choix des partenaires, qui ne doivent pas être en trop grande distance cognitive, afin de limiter le problème social.
Le travail de groupe
Les problèmes de type « tâche commune » mettent les élèves face à un même problème, qui est d’abord mathématique. La dimension sociale intervient ensuite comme un outil pour aider les élèves à identifier leurs erreurs ou faiblesses de raisonnement, et pour enrichir la solution proposée en leur permettant de comparer leurs réponses, leurs interprétations du problème posé et leurs méthodes de résolution. Pour que le processus d’échange fonctionne, Laborde (Garnier et al., 2004) recommande encore de choisir des partenaires n’ayant pas une trop grande distance cognitive, mais aussi de choisir un problème que les élèves ne puissent pas résoudre avec leurs seules connaissances et pour lequel les échanges vont porter davantage sur le choix d’une méthode de résolution que sur les méthodes en elles-mêmes, afin d’engager de manière cruciale les connaissances visées. Dans ces deux types de situation (d’essence sociale, ou de tâche commune), la dimension sociale conduit à un accroissement de la complexité cognitive et ainsi à une amélioration de l’apprentissage.
Pour finir, nous remarquons l’importance de l’erreur dans les processus d’apprentissage. En effet elle sert pour le professeur à évaluer les connaissances de l’élève, et elle marque pour l’élève un passage. Ainsi, le rôle du professeur est plus de proposer un cadre de réflexion pour pousser les élèves à se confronter à des difficultés, que de les mener à un résultat attendu. Nous nous sommes donc ensuite intéressées au principe du débat scientifique.
Compétences travaillées en classe de seconde
Les statistiques en seconde et au cycle 4
L’enseignement des statistiques occupe une petite part du programme de Mathématiques (tronc commun) en seconde. Le programme de statistiques en seconde est sensiblement le même que celui du cycle 4. Les notions abordées sont les calcul d’effectifs et de fréquences, ainsi que le calcul et l’interprétation des indicateurs de position et de dispersion d’une série statistique (moyenne, médiane, quartiles, étendue, écart interquartile). Un des objectifs est d’apprendre aux élèves à déterminer et interpréter des indicateurs d’une série statistique, et à comparer deux séries.
Les activités disponibles sur Eduscol ou dans les manuels scolaires (voir http://eduscol.education.fr/maths/enseigner/ressources-par-theme-de-programme/lyceegeneral – et technologique /seconde-enseignement-commun/statistiques-et-probabilites.html) proposent entre autres des activités de calcul et d’interprétation des indicateurs, ou de calculs d’effectifs et de fréquences, dont une majorité utilisent les TICE (principalement le tableur).
Cependant, nous n’avons pas trouvé d’activité autour de ces notions conçues pour faire discuter ou débattre les élèves sur la construction, l’utilité ou l’interprétation de ces indicateurs. Cela nous a donc paru intéressant d’essayer de construire ce type d’activité.
Le parcours citoyen de l’élève
Mis en place progressivement depuis 2015, quatre parcours éducatifs permettent de suivre le développement de l’élève tout au long de sa scolarité sur un domaine particulier. Parmi eux, « le parcours citoyen vise à la construction, par l’élève, d’un jugement moral et civique, à l’acquisition d’un esprit critique et d’une culture de l’engagement. » (publication Eduscol). Ce parcours citoyen permet notamment d’aborder « l’Éducation aux médias et à l’information » qui intègre plusieurs dimensions, dont le développement de l’esprit critique, la formation au numérique, ainsi que de nombreuses compétences du socle commun.
Comme le précise dans son texte Jérôme Grondeux, inspecteur général Histoire et Géographie, il est important d’apprendre aux élèves à développer leur esprit critique. Les futurs citoyens doivent être capable de distinguer les faits et les interprétations, et doivent savoir accepter la confrontation des idées et la discussion des différentes opinions (publication Eduscol). Le débat et les interactions entre élèves en classe de Mathématiques, notamment en Statistique, sont des situations propices au travail de ces compétences.
L’utilisation à bon escient des outils du numérique est également un élément important à faire travailler aux élèves. Là encore, le travail fait en Statistique en Mathématiques est fondamental, puisque relevant parfois des pratiques de la vie quotidienne (notamment l’utilisation du tableur). Les compétences du socle commun comme « les langages pour penser et communiquer », « les méthodes et outils pour apprendre » et « Outils numériques pour échanger et communiquer » sont autant de domaines que nous pouvons également travailler lors de ces séances. Par exemple, lors d’interactions entre élèves, ceux-ci vont devoir s’exprimer de façon précise pour argumenter et se faire comprendre des autres. L’utilisation de tableur pour présenter des résultats statistiques leur apprend à « traiter les informations collectées, les organiser, les mémoriser sous des formats appropriés et les mettre en forme ».
Les interactions entre pairs et le débat scientifique favorisent aussi la création et la coopération entre élèves.
Problématique
Nous sommes parties de l’hypothèse que les élèves ont du mal à accepter et s’approprier de nouvelles méthodes ou de nouveaux raisonnements car cela les force à sortir de leur zone de confiance. Il nous semble alors que leur permettre de confronter leurs perceptions d’un sujet et leurs interprétations d’un même problème avec des pairs pourra aider les élèves à remettre réellement en question leurs schémas de pensée afin de les améliorer. Par ailleurs, la compréhension des savoirs étant sujette à l’interprétation que chacun en fait, nous souhaitons amener les élèves à confronter leurs interprétations des indicateurs statistiques afin de leur donner du sens. Ainsi, nous nous sommes demandé comment amener les élèves à exprimer leurs représentations d’un problème ou d’une notion mathématique, puis à les confronter avec d’autres interprétations afin de réajuster et enrichir leurs schémas de pensée, et d’approfondir le sens des notions abordées en formulant à plusieurs de nouvelles connaissances.
Dans le cadre du chapitre de statistiques descriptives de la classe de 2nde, nous nous demandons si le fait de travailler à plusieurs sur un problème de représentation d’une série statistique et d’argumenter pour expliquer un choix statistique peuvent aider les élèves à améliorer leur compréhension des indicateurs statistiques étudiés et à leur donner du sens.
Méthodes et résultats
Nous avons travaillé sur les statistiques descriptives avec deux classes de seconde, au lycée Pablo Neruda et au lycée Aristide Bergès. Nous proposons trois activités faisant travailler les tableaux d’effectifs et de fréquences, ainsi que le calcul et la compréhension des indicateurs statistiques. Dans chacune des activités, notre objectif a été d’amener les élèves à comprendre par eux même les notions visées en confrontant leurs représentations avec celles de leurs pairs. Les deux premières activités mettent à profit le débat scientifique. La première activité a pour objectif d’amener les élèves à comprendre l’intérêt des tableaux d’effectifs et de fréquences, et la deuxième à interpréter les indicateurs statistiques. La dernière activité se base sur un problème d’essence sociale. Là encore, nous souhaitons que les élèves arrivent à interpréter les indicateurs statistiques, pour comparer deux séries.
La suite de cette partie présente pour chacune des activités sus-mentionnées une analyse a priori présentant les objectifs didactiques et disciplinaires, les énoncés et fiches de travail utilisés ainsi qu’une prévision des méthodes de résolution et des difficultés des élèves. Nous exposons ensuite nos observations pour évaluer si le dispositif répond à nos objectifs.
Activités d’introduction : Débat scientifique
Activité 1 « Effectifs cumulés croissants »
Analyse a priori
Cette activité fait travailler les élèves sur les tableaux d’effectifs, le calcul de la moyenne à partir de ce tableau, le calcul de fréquences, d’effectifs cumulés croissants et de fréquences cumulées croissantes. C’est la toute première du chapitre de statistiques descriptives, et ne fait intervenir que des notions du programme de troisième, elle peut donc servir d’évaluation diagnostique. L’objectif est que les élèves comprennent l’intérêt de ces tableaux, ainsi que du calcul de la moyenne en passant par le tableau d’effectif. Pour cela, l’activité leur demande de faire un certain nombre de calculs dans un temps restreint, puis nous leur faisons comparer leurs méthodes de résolution dans une phase de débat, durant laquelle ils doivent comprendre que présenter les effectifs, ECC et FCC dans un tableau permet, entre autres, de simplifier les calculs. La description précise du déroulé de l’activité est faite dans le document de travail « Modalités de mise en œuvre » (annexe 1).
Certains indicateurs pourront nous permettre de juger si les objectifs sont atteints. Par exemple, est-ce que la classe arrive bien à la conclusion que le tableau d’effectif est le plus efficace, sans l’intervention du professeur ? Est-ce que les élèves ont proposé plusieurs solutions ? Si la majorité de la classe fait directement le tableau d’effectifs, cela veut dire que le problème ne présentait pas une difficulté didactique suffisante. Les mêmes questions peuvent se poser concernant les tableaux d’effectifs cumulés croissants et de fréquences cumulées croissantes.
Analyse a posteriori : résultats et modifications
L’activité a d’abord été testée sur une séance de 55min, en classe de seconde au lycée Pablo Neruda (Saint Martin d’Hères) avec un énoncé un peu différent (Figure 4). Le bilan était peu satisfaisant. En effet, les élèves n’ont pas compris qu’on s’intéressait principalement aux méthodes de résolution. Par conséquent, ils se sont montrés réticents à proposer des solutions qui aboutissaient au même résultat que celles déjà énoncées d’une part, et se sont vite désintéressés du débat d’autre part, dès qu’ils ont obtenu la confirmation que leur méthode était juste. Par suite, même si les avantages du tableau d’effectifs ont été identifié lors de la phase de débat, beaucoup d’élèves sont restés sur leur méthode, qui est correcte aussi et qu’ils maîtrisent, notamment pour le calcul de la moyenne.
Avant d’expérimenter l’expérience avec une autre classe, nous avons donc choisi d’essayer d’améliorer l’activité. Pour inciter les élèves à utiliser les effectifs dans le calcul de la moyenne, nous avons interverti les questions. Pour gagner du temps et inciter les élèves à rédiger leur réponses, nous avons allégé les questions portant sur les effectifs cumulés et les fréquences cumulés, en leur demandant de calculer seulement quelques valeurs. Les objectifs de ce nouvel énoncé restent les mêmes : comprendre l’intérêt d’utiliser un tableau d’effectifs et d’effectifs cumulés croissants dans le calcul de la moyenne et des fréquences cumulées croissantes d’une série statistique, en comparant ses calculs et sa présentation des résultats avec celles des autres élèves.
Activité 2 « Médiane et quartiles »
Analyse a priori
Cette activité fait travailler les élèves sur le calcul et l’interprétation de la médiane et des quartiles d’une série statistique. Le but principal est de faire comprendre aux élèves l’intérêt de définir une valeur médiane et des quartiles, ainsi que la difficulté de donner une définition.
En effet, ils sont amenés, en expérimentant sur une petite série, à constater qu’on peut donner beaucoup de valeurs qui partagent un groupe en deux parties d’effectifs égaux, et qu’il a donc fallu faire un choix pour définir la valeur médiane. Il en est de même avec les quartiles, ce qui explique pourquoi les définitions sont un peu compliquées. Dans un deuxième temps, les élèves doivent donc construire ensemble une définition du premier quartile. A l’issue de cette activité, les élèves doivent être capables d’interpréter correctement la médiane et les quartiles d’une série et de les calculer. L’annexe 3 présente le déroulement détaillé de l’activité.
Pour évaluer ce dispositif, nous avons distingué quelques indicateurs : Est-ce que les élèves proposent plusieurs solutions ? Parviennent-ils à la conclusion qu’il est nécessaire de faire un choix commun pour définir la médiane et les quartiles ? Lors du second temps, proposent-ils plusieurs définitions ? Arrivent-ils à voir les problèmes des définitions et à les expliquer aux autres ? Parviennent-ils à proposer des améliorations et à construire ensemble une nouvelle définition, plus précise que les propositions initiales ?
Analyse a posteriori : résultats sur l’activité modifiée
Cette activité a été réalisée avec une classe de seconde à Seyssinet. Comme dans la classe de Pablo Neruda, la partie I a été facilement traitée, les élèves ont proposé beaucoup de formulations différentes et ils ont bien compris que toutes les réponses proposées étaient également justes. Avant de passer à la suite, j’ai tenté d’expliquer l’importance de définir de manière unique une valeur médiane et les quartiles d’une série statistique, en insistant sur le fait que le but n’est pas seulement d’isoler une partie de la série, mais aussi de donner un indicateur qui permette de comparer des séries, et surtout des grandes séries. Je leur ai également donné du temps pour réfléchir et écrire une définition, temps qui a été mis à profit par la plupart des élèves, puisqu’ils ont presque tous écrit quelque chose. Malgré ces explications et le temps de réflexion, un certain nombre d’élèves a proposé des définitions donnant un groupe de valeurs de la série : « Au maximum un quart des valeurs », « Le premier quart des valeurs », « au moins un quart des valeurs ». Un autre élève a tenté de se rappeler de ce qu’il faisait en troisième et a proposé « On divise l’effectif total par 4 et si on trouve 3 c’est la troisième valeur ». Enfin, un autre élève a proposé « Un quart des valeurs sont inférieures ou égales à une valeur ». Cette partie a donc été assez satisfaisante, puisque les définitions proposées étaient relativement variées. En revanche, une grande partie des élèves n’a pas compris l’intérêt du débat qui a suivi. Je leur ai laissé un court moment pour observer les définitions proposées et noter les avantages et inconvénients de chacune, mais très peu d’entre eux ont pris des notes, la majorité se contentant de choisir leur définition préférée. Le débat a donc commencé par discuter si on prend au moins ou au plus un quart des valeurs, ce qui a été vite tranché par l’argument « on arrondi au dessus » en s’appuyant sur l’exemple d’une série de 10 données, pour laquelle le premier quartile aurait été défini par les trois premières valeurs. Pour relancer le débat, j’ai donc essayé de leur faire remarquer le problème des propositions donnant environ le premier quart des valeurs au lieu de définir une valeur unique, mais sans trop de succès au départ. En leur demandant d’appliquer leur définition aux séries, puis en leur disant comment moi je l’appliquais, ils sont arrivés à la rectifier en « la dernière valeur du premier quart », puis en « la première valeur après un quart ». Cette phase du débat a donc bien fonctionné, même si assez peu d’élèves y ont participé et que les autres ne semblaient pas percevoir l’intérêt de cette discussion. Par ailleurs, la définition « un quart des valeurs sont inférieures ou égales à une valeur » a été un peu discutée ; plusieurs élèves la trouvaient « bien », sans pouvoir dire pourquoi, mais beaucoup ne la comprenaient pas. Après quelques questions, son auteur l’a corrigée en « un quart des valeurs sont inférieures ou égales à cettevaleur » (sous-entendu le premier quartile).
Cette discussion a un peu ralenti le débat, puisque beaucoup d’élèves ne se sont pas intéressés à cette proposition, peut-être trop éloignée des leurs.
Finalement, nos objectifs pour cette activité ont été atteints, puisque les élèves ont proposé des améliorations sur les définitions (en se détachant de leurs propres réponses et en considérant toutes les propositions), et que des élèves qui n’avaient pas proposé de définition sont intervenus dans la phase de débat. Le débat a permit de construire une définition correcte et plus précise que les propositions initiales. Toutefois, les élèves cherchaient davantage à formuler une réponse qui me conviendrait qu’à formuler des définitions précises dans une démarche scientifique.
Analyse a posteriori : résultats
La première partie a été difficile pour les élèves, parce qu’ils ne comprenaient pas ce que nous attendions. Certains ont également soulevé le problème qu’ils savaient calculer la médiane mais qu’ils ne savaient pas « ce que c’est ».
Finalement, un certain nombre d’élèves a choisi d’écrire « la valeur du milieu est 21,44 s » pour présenter la médiane, ce qui a donné « la valeur du premier quart est … » pour ceux qui ont tenté de transposer cette réponse au premier quartile. D’autres élèves ont proposé une formulation du type « le 11ème meilleur temps est 21,42s », « le 6ème meilleur temps est … », ou « il y a 10 valeurs au dessus et en dessous de 21,44s », « 5 valeurs sont inférieures à … », ce qui ressemble plus à ce que nous attendions. Enfin, certains élèves ont été plus dans l’interprétation : « Nina a autant de scores au dessus et en dessous de 21,44s », « 50 % des temps sont inférieurs et 50 % sont supérieurs ». Dans tous les cas, les élèves ont copié leur présentation de la médiane pour formuler celle des quartiles. Le groupe qui a proposé « autant de valeurs au dessus qu’en dessous » n’a pas trouvé de phrase pour les quartiles.
Un point positif est que ce travail a amené un certain nombre d’élèves à chercher dans leur cours ou dans leur manuel une définition de la médiane et des quartiles pour pouvoir proposer une réponse. Certains se sont appuyés sur l’interprétation proposée par le livre (au moins 50 % des valeurs de la série sont inférieures ou égales à la moyenne et au moins 50 % lui sont supérieures ou égales), en la simplifiant (en enlevant le au moins par exemple) ou en la précisant pour les séries dont ils parlaient. En effet, un certain nombre d’entre eux a remarqué qu’ils n’avaient pas besoin de la fonction quartiles du tableur, et qu’en triant les données, ils pouvaient facilement vérifier les valeurs données par le tableur, ce qui a donné les formulations « le 6ème meilleur temps est … » et « 5 valeurs sont inférieures à … ».
La seconde partie a plus motivé les élèves ; les « coachs » autant que les « sélectionneurs » étaient intéressés par le choix du « meilleur » athlète, et ils ont échangé beaucoup d’arguments pour défendre leurs choix.
Les élèves n’ont pas utilisé leurs phrases écrites dans la partie A pour présenter leurs données.
Ils ont donné les indicateurs statistiques calculés de manière « brute ». Par conséquent, les premiers arguments étaient tous de la forme « Untel a une meilleure moyenne/ médiane », « Telle autre a un meilleur 1 er quartile ». Certains ont aussi parlé de régularité, mais plutôt en regardant les séries de scores qu’en s’appuyant sur l’écart interquartiles. Sur la demande d’écrire des arguments qui n’utilisent pas les mots « médiane » et « quartiles », pour les forcer à interpréter ces indicateurs, ils ont fait l’effort de reformuler leurs arguments et se sont alors basés sur les phrases qu’ils avaient formulé dans la partie 1. Voici quelques propositions d’élèves :
– « Eli a de meilleurs temps sur les 5 meilleurs essais, mais Florent a de meilleurs temps sur les 5 moins bons »
– « Plus la palette entre le premier et le troisième quartile est élevée, moins le nageur est régulier, donc Eli est plus régulier que Florent »
– « Meilleur 16ème temps »
– « Nina est plus rapide sur les 25 premiers % »
– « Angèle a un meilleur dernier quart »
Le point positif est donc que beaucoup de formulations différentes ont été proposées, et que les binômes se sont échangé les phrases qu’ils avaient formulé dans la première partie pour rédiger à quatre les arguments demandés. En revanche, aucun élève n’a remarqué que la série de Nina comprenait une valeur extrême, non représentative de ses temps habituels. Quand je l’ai fait remarquer à certains groupes, les réactions ont été variées : des élèves en on déduit qu’elle n’était pas du tout régulière, d’autres ont trouvé « dommage » qu’elle ait fait cette « erreur » et se sont posé la question de savoir si elle aurait été meilleure sans ce temps, mais sans le vérifier, et un groupe l’a vérifié en supprimant cette valeur mais ils n’ont pas changé d’avis, à cause d’un désaccord au sein du groupe.
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Table des matières
1.Introduction, état de l’art et problématique
1.1.Introduction
1.2.État de l’art
1.2.1.Le constructivisme
1.2.2.Le socio-constructivisme
1.2.3. L’importance des interactions entre élèves
1.2.4. Les problèmes « d’essence sociale »
1.2.5. Le travail de groupe
1.2.6.Le débat en classe
1.2.7.Compétences travaillées en classe de seconde
1.3.Problématique
2.Méthodes et résultats
2.1.Activités d’introduction : Débat scientifique
2.1.1.Activité « Effectifs cumulés croissants »
2.1.1.1.Analyse a priori
2.1.1.2.Analyse a posteriori : résultats et modifications
2.1.1.3.Analyse a posteriori : résultats de l’activité modifiée
2.1.2.Activité « Médiane et quartiles »
2.1.2.1.Analyse a priori
2.1.2.2.Analyse a posteriori : résultats et modification
2.1.2.3.Analyse a posteriori : résultats sur l’activité modifiée
2.2.Activité 2 : problème d’essence sociale
2.2.1.Analyse a priori
2.2.2.Analyse a posteriori : résultats
3.Conclusion par rapport à la problématique et ouverture
4.Bibliographie
5.Annexes
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