« Mangetaheta ambonin’ny lakana » , cet adage ne traduit que trop bien la situation dans laquelle se trouve le peuple malagasy. D’un côté, une majeure partie de la population vit dans l’extrême pauvreté. De l’autre, le pays est doté d’une biodiversité unique au monde dont une exploitation rationnelle aurait eu pour effet l’amélioration du cadre de vie de tout un chacun. Faute d’une gouvernance efficiente des ressources naturelles et d’une responsabilisation de chaque acteur concerné, les forêts se sont vues être le théâtre d’exploitations sauvages.
L’être humain, obligé de tirer des forêts les ressources nécessaires à sa survie n’a eu de cesse d’y porter des pressions de plus en plus importantes . Actuellement, une très grande partie de celles-ci a déjà disparu, disparition dont les conséquences ont été plus que désastreuses pour la biodiversité. En effet, ces mauvaises pratiques traduisant une gestion irresponsable de l’environnement ont été la source de la disparition de nombreuses espèces tant faunistiques que floristiques, pourtant indispensables au maintien des grands équilibres écologiques. C’est pourquoi le droit de l’environnement, droit qualifié de jeune par de nombreux auteurs, s’intéresse aux principes qui tendent à la protection du patrimoine forestier de sorte qu’il soit possible de faire coexister les activités de l’homme avec la préservation de la nature.
L’insuffisance des recherches données scientifiques sur l’espèce
Un poivre endémique à Madagascar
Madagascar compte plusieurs variétés de poivre appartenant à la famille piper nigrum, famille recensée surtout en Orient. Certaines variétés ont une origine malgache tandis d’autres y ont été introduites pour en faire la culture. C’est par exemple le cas de la variété belantoeng sur la côte Est qui a commencé à y être cultivé depuis les années 1900 .
Le poivre tsiperifery est d’origine malgache. Selon l’état des études effectuées, c’est une espèce qui est endémique à l’île c’est-à dire qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde. Selon une distinction effectuée par Vives GERARD , un gastronome français, il y aurait 7 types d’épices de poivre. Les 3 premiers, le poivre noir, le poivre blanc et le poivre vert sont ceux cueillis auprès du poivrier piper nigrum à divers stade de leur maturité. Quant aux 4 autres, ce sont respectivement : le poivre rouge, le cubèbe, le poivre long et enfin le voatsiperifery.
Le voatsiperifery est encore très peu connu même pour la population locale et n’a commencé à être exploité massivement que depuis les années 2009. Avant cette date, c’était un produit « extrêmement confidentiel », connu seulement de la haute gastronomie internationale. Il semble que cette situation ait perduré jusqu’à présent selon certains exportateurs . Sur le plan local, celui-ci a toujours été utilisé comme épice mais aussi dans la médecine traditionnelle.
Le genre piper est encore très peu étudié à Madagascar, ce qui justifie le manque de données scientifiques le concernant . Selon une étude effectuée par le Missouri Botanical Garden, il y aurait 4 nouvelles espèces de poivre endémiques à Madagascar. Le poivre tsiperifery est surtout connu pour se développer dans des endroits humides. On le rencontre à l’Est, au centre mais également dans le Nord de l’île .
Etant attendu la difficulté d’identification de ce poivre, sa taxonomie21 reste incomplète et est toujours à l’étude.
Caractéristiques de l’espèce
Le poivrier se présente comme une liane à tige devenant ligneuse en grimpant sur son tuteur pouvant atteindre une hauteur de 5 à 20m. L’espèce aurait un taux de régénération de 141% qui s’avère plutôt faible. D’après les études effectuées, la période de fructification et de floraison se situe en Octobre et en Novembre. Mais ces données ne sont pas tout à fait sûres, certains exploitants relatent que la fructification peut aussi avoir lieu aux mois de Juin et Juillet de l’année . Les recherches effectuées ont pu aussi déterminer que la fleur du poivrier tsiperifery est dioïque et de couleur blanchâtre .
Les fruits du poivrier sont pédonculés globuleux de couleur orange ou rouge orangé à maturité . La période de fructification étant variable pour chaque grappe présente sur un même individu, leur niveau de maturité est variable.
Les scientifiques ayant travaillé sur le poivre tsiperifery ont essayé d’en faire la taxonomie. Il s’agit d’un classement systématique du tsiperifery par rapport aux autres espèces voisines et de mettre en évidence sa spécificité.
Pour l’instant, la taxonomie qui a été proposée par le Missouri Botanical Garden est celle sur laquelle les scientifiques se sont entendus pour le poivre sauvage de Madagascar. Voici la classification du poivre à partir de la famille à laquelle il appartient :
Famille : Piperaceae
Genre : Piper
Espèce : sp.
Nom : voatsiperifery, tsiperifery, poivre sauvage, sakaiala , tsimahalatsaka .
Il serait possible selon les scientifiques qu’il y existe des variabilités intra-spécifiques c’est-à-dire que l’espèce se divise elle-même en sous-espèces. Des études sont encore en cours pour connaître d’autres caractéristiques de l’espèce à savoir les propriétés chimiques ou génétiques du poivre. Il s’agit par exemple de savoir de quelles molécules il tient son goût, les informations génétiques qu’il est susceptible de receler ou s’il existe une possibilité de le transformer afin d’en obtenir des produits cosmétiques ou pharmaceutiques. Les scientifiques pensent opérer une taxonomie sur ces différents plans afin de compléter la taxonomie botanique, la seule proposée jusqu’à maintenant.
A partir de ces diverses caractéristiques de l’espèce, l’on peut essayer de déterminer dans quelle catégorie l’administration classe le poivre tsiperifery et de déterminer le régime juridique qui lui est applicable.
La définition juridique trop généralisée du poivre tsiperifery
Parallèlement à ce classement scientifique, un classement juridique est opéré par l’administration pour déterminer le régime juridique applicable au poivre tsiperifery. Ce classement devrait en principe prendre en compte les spécificités du produit et en l’occurrence, assimiler le fait que l’espèce en question encourt la disparition en raison de sa surexploitation.
La description scientifique de l’espèce permet de déduire qu’il se classe parmi les produits forestiers non-ligneux (PFNL) car c’est le fruit issu du poivrier situé en forêt. Partant d’une définition négative, sont PFNL tous les produits de la forêt qui ne sont pas des produits forestiers ligneux (PFL). Les PNFL peuvent être des produits végétaux ou animaux . Selon la définition donnée par l’article 2 de l’arrêté n° 20489/ 2008 du 18 Novembre 2008 déjà abrogé fixant les taux de redevances des PFNL, un PFNL est « tout produit issu des forêts dont la récolte n’implique pas nécessairement la coupe de l’arbre. Il peut s’agir de feuilles, tiges, racines, écorces, fleurs, graines, fruits, […] ». Située uniquement en forêt, l’espèce serait donc soumise aux règles régissant les forêts malgaches notamment la loi n° 97 017 du 08 Août 1997 portant révision de la législation forestière et ses divers textes d’application. Que ce soit pour son exploitation ou sa conservation, l’espèce se soumettrait donc au régime forestier.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Première partie – L’EXISTENCE D’UNE GESTION PEU HARMONISEE GENEREE PAR LES PARTICIPANTS
Titre I –Situation juridique du poivre tsiperifery d’Anjozorobe
Chapitre I – Une définition encore ambiguë du poivre tsiperifery
Chapitre II – Cadrage normatif et institutionnel de la gestion durable du poivre sauvage
Titre II – L’absence d’encadrement de la filière
Chapitre I – La faible implication des principaux acteurs de la filière
Chapitre II – L’absence d’actions concrètes au niveau local
Deuxième partie –LA NECESSAIRE REACTUALISATION DES MODALITES DE PARTICIPATION
Titre I – Le renforcement de la participation des COBAS pour une gestion plus efficace
Chapitre I – Les COBAS, base substantielle de la gestion environnementale
Chapitre II – Les conditions d’efficacité de la participation des COBAS
Titre II – La nécessité de réformes de la gestion environnementale
Chapitre I – La nécessité de réformes de la part de l’Etat
Chapitre II – Pour une pérennisation de l’action des autres participants
CONCLUSION GENERALE