L’importance de l’étude des calottes polaires

L’importance de l’étude des calottes polaires 

Venant du grec ”kryos” qui signifie ”froid” ou ”glace”, la cryosphère désigne l’ensemble des zones présentes sur Terre où l’eau existe à l’état solide. Ce terme regroupe alors les banquises (ou glace de mer comme cela sera appelé dans ce manuscrit), les glaciers, les lacs ou rivières gelés, les pergélisols ou les inlandsis. Un ”inlandsis”, mot d’origine scandinave pour ”glace de l’intérieur”, est un glacier dont la superficie dépasse les 50000 km2 recouvrant la terre de glace sur plusieurs mètres d’épaisseur. Les deux seuls inlandsis restant à ce jour sont appelés calottes polaires et sont celles du pôle nord au Groenland et du pôle sud en Antarctique.

C’est spécifiquement sur la calotte de l’Antarctique que ce manuscrit est concentré. Elle est comme la calotte groenlandaise, un contributeur à la hausse avérée du niveau des océans avec l’expansion thermique de ces derniers [Cazenave and Cozannet, 2014]. Il est désormais impossible de ne pas aborder la climatologie et par conséquent le sujet du réchauffement climatique lorsque l’on s’intéresse aux pôles. Certains chiffres sont célèbres : près de 60 m d’élévation du niveau de la mer si toute la calotte Antarctique venait à fondre, 7 m pour sa consœur du nord en Arctique. La Figure 3(a,b) illustre la contribution de l’Antarctique sur la montée des océans ainsi que sa perte de masse, toutes deux cumulées (a) et la contribution à la hausse du niveau de la mer des deux calottes polaires sur différentes périodes (b). Sur la Figure 3(a), on remarque une nette accélération de la perte de masse. Sur un total de 3.3 mm/an, la fonte du Groenland et de l’Antarctique participe à la hausse du niveau de la mer à hauteur de 0.59 (0.43 à 0.76) mm/an et 0.40 (0.20 à 0.61) mm/an respectivement sur la période 2002-2011 et y contribue à hauteur de 1.2 (0.8 à 1.6) mm/an sur la période 2007-2011 [Stocker et al., 2013]. Le dernier rapport du GIEC présente aussi des scénarios de prévision où le plus pessimiste prétend que la glace de mer de l’Arctique aura disparu d’ici 100 ans. . . Plus récemment, en 2015, une nouvelle étude remet en cause la stabilité de la plate-forme de Larsen B, vieille d’au moins 10000 ans, dans la Péninsule Antarctique et prévoit sa complète désintégration d’ici 2020 [Jansen et al., 2015, Khazendar et al., 2015].

Pour l’Antarctique, la glace se détachant du continent pour se déverser dans la mer influe les masses d’eau déjà présentes dans l’Océan Austral, et ceci joue à la fois sur les circulations océanique et atmosphérique globales en plus de contribuer à la hausse du niveau de la mer. Cette augmentation impacte les littoraux [Nicholls and Cazenave, 2010, Cozannet et al., 2014]. L’étude des calottes polaires est donc un enjeu majeur d’un point de vue scientifique mais aussi sociétal, pour arriver à modéliser leur dynamique, quantifier leurs effets sur le climat, leurs réactions face à son réchauffement ainsi que la prédiction de leur évolution. Les processus tels que les précipitations, les vêlages d’icebergs, l’écoulement et la rhéologie de la glace, l’interaction avec le socle rocheux, le rôle du vent, la fonte de la neige et son métamorphisme ou la composition du manteau neigeux sont tous autant indispensables pour comprendre la « vie » des calottes, dont l’évolution a des impacts sur l’ensemble du globe. Par les mesures in situ des propriétés de la neige et les carottages, on contraint mieux les modèles du climat passé, présent et futur et les modèles dynamiques du continent. L’année géophysique internationale en 1957 a initié les progrès dans la connaissance des calottes polaires, mais surtout, les satellites ont permis de faire un bond en avant pour comprendre les processus sus cités. L’imagerie optique, ou SAR (Synthetic Aperture Radar), ainsi que l’interférométrie permettent d’observer l’évolution des platesformes de glace ou les glaciers émissaires, quantifier leur recul, la vitesse d’écoulement ou l’apparition de crevasses fragilisant leur structure [Rignot and Jacobs, 2002, Glasser and Scambos, 2008, Holt et al., 2013]. La gravimétrie étudie les variations du champ de gravité terrestre et calcule les changements de masse de la calotte Antarctique [Ramillien et al., 2006, Harig and Simons, 2015]. Le capteur satellite dont les données sont étudiées dans ce manuscrit est l’altimètre qui depuis près de 30 ans déduit la topographie des milieux polaires avec une précision de l’ordre de la dizaine de centimètres [Rémy and Parouty, 2009].

L’importance du suivi de l’Antarctique par altimétrie satellite 

Les deux avantages inégalables de la télédétection sont : une couverture globale et continue. Du fait des conditions extrêmes en Antarctique, ce continent est un désert peu propice aux expéditions terrains régulières. Les satellites pallient alors cet échantillonnage spatial et temporel irrégulier des données et complètent les observations in-situ réalisées, ces dernières étant une référence de comparaison. L’altimétrie par satellite trouve ses origines en 1969 au congrès de Washington. Le principe physique est détaillé dans le chapitre 2 mais est simple : une onde radar ou laser est émise vers le sol à la verticale. La vitesse à travers les différents milieux étant connue, en mesurant le temps aller-retour de l’onde pour revenir à l’instrument, on peut alors déduire la distance entre le satellite et le sol. L’altitude du lieu considéré est alors calculée en soustrayant la distance au géoïde connue. La mesure de la puissance rétrodiffusée en fonction du temps est appelée forme d’onde et contient de nombreuses informations sur le milieu considéré. Le premier instrument appelé altimètre est embarqué sur Skylab en 1973, suivi de SeaSat en 1979 et de GeoSat en 1985, missions américaines. Depuis 1991 et le lancement de ERS1 (European Remote Sensing) par l’Europe, la totalité du Gröenland et l’Antarctique jusqu’à a minima -82◦ de latitude sont observées [Femenias et al., 1993, Davis, 1994, Zwally et al., 1994]. Depuis des missions comme ERS2, ENVISAT (Environmental Satellite) ou CryoSat-2 se sont succédé pour fournir leur lot d’informations grâce à leurs caractéristiques instrumentales différentes. ICESat (Ice Cloud and Land Elevation Satellite) marque le début d’exploitation de l’altimétrie laser en 2003. En matière d’altimétrie radar, les fréquences utilisées jusqu’alors sur les altimètres survolant l’Antarctique sont celles de la bande S ou la bande Ku, soit 3.2 GHz et 13.6 GHz respectivement. A chaque fréquence son lot d’avantages et d’inconvénients en matière d’altimétrie sur glace continentale. La bande S est sensible à la stratification du manteau neigeux et au taux d’accumulation notamment, la bande Ku au taux d’accumulation et à la taille des grains de neige. La pénétration de l’onde radar est inversement proportionnelle à la fréquence. En bande S elle est donc plus élevée qu’en bande Ku [Davis and Poznyak, 1993, Legresy and Remy, 1998, Arthern et al., 2001]. De plus, la topographie accidentée (pente et ondulations) fausse l’observation altimétrique et ce d’autant plus qu’on est à haute fréquence. On discerne déjà les avantages des informations comprises dans le signal mais aussi les difficultés de traitement pour discriminer chaque influence. Grâce à l’altimétrie radar ou laser, on remonte aux variations de hauteur de la calotte [Davis and Ferguson, 2004, Fricker and Padman, 2012], à l’amincissement ou l’épaississement des glaciers émissaires [Shepherd et al., 2001, Scambos et al., 2004, Flament and Rémy, 2012], à l’étude des plates-formes de glace [Zwally et al., 2002, Fricker and Padman, 2006, Brunt et al., 2010] ou encore à l’élaboration de modèles numériques de terrain [Herzfeld, 1999, Bamber et al., 2009]. Avec la synergie de plusieurs missions altimétriques radar ou laser ou de plusieurs techniques (campagnes aéroportées, gravimétrie, radiométrie) on identifie les lacs sous-glaciaires [Ridley et al., 1993, Fricker et al., 2007, Roemer et al., 2007, Smith et al., 2009, Siegert et al., 2014], on estime les paramètres de la neige [Lacroix et al., 2009, Champollion et al., 2013], le rebond post-glaciaire[Riva et al., 2009] et le bilan de masse de la calotte Antarctique qui nous renseigne sur l’équivalent de glace en eau rejeté dans les océans [Zwally et al., 2005, Wingham et al., 2006, Pritchard et al., 2010]. L’altimétrie radar ou laser permet donc d’affiner la connaissance de la surface du continent Antarctique, comprendre sa dynamique, alimenter les différents modèles physiques (de neige, de climat, d’écoulement de la glace. . . ), étudier l’évolution des bords de la calotte (plate-forme et glaciers émissaires), calculer les pertes et les gains de masse et estimer la contribution à la hausse du niveau de la mer. La dernière avancée en matière d’altimétrie par satellite est le lancement de la mission SARAL/AltiKa.

Les enjeux de la mission SARAL/AltiKa

SARAL, pour Satellite with ARgos and ALtiKa mais aussi signifiant « simple » en hindi, a été lancé le 25 Février 2013, sous l’initiative d’une collaboration entre le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) et l’ISRO (Indian Space Research Organisation). AltiKa, le nom de l’altimètre embarqué, est le premier capteur à utiliser la bande Ka, 35.75 Ghz comme fréquence d’émission de l’onde radar. Ceci implique plusieurs modifications. Les effets de la ionosphère sur la mesure sont négligeables, la résolution verticale est améliorée (0.3 mètre, auparavant 0.5 mètre) avec la bande passante de 500 MHz (320 MHz en bande Ku), la résolution spatiale (8 km de diamètre pour l’empreinte au sol, le double pour ENVISAT), et le rapport signal sur bruit sont meilleurs également ce qui permet une observation plus performante aux abords des côtes et sur les calottes polaires. L’atténuation que subit l’onde envoyée par l’altimètre due à la glace est négligeable. La pénétration dans le manteau neigeux est théoriquement plus faible, le signal provient de la sub-surface ce qui ouvre de meilleures perspectives sur l’estimation des paramètres du manteau neigeux comme la taille des grains à laquelle la bande Ka est plus sensible. L’importance de la continuité des données temporelles et spatiales a été mise en avant par [Rémy et al., 2014, 2015]. SARAL est sur la même orbite qu’ERS1, ERS2 et ENVISAT, prolongeant ainsi les données disponibles au même endroit et donnant lieu à des séries temporelles qui permettent de mesurer les variations de hauteur sur une période plus longue. Enfin, certaines difficultés de traitement existent : le changement de fréquence implique une interaction entre l’onde radar et la neige différente qu’en bandes S et Ku donc une nouvelle physique de la mesure qu’il faut comprendre. La polarisation et l’ouverture d’antenne de l’altimètre sont différentes, ce qui prohibe la comparaison directe entre deux altimètres [Remy et al., 2006, 2012]. SARAL présente donc de nouveaux avantages en matière d’observation mais également des défis sur la comparaison et la compréhension de ses données par rapport aux précédentes missions.

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Table des matières

Introduction
0.1 L’importance de l’étude des calottes polaires
0.2 L’importance du suivi de l’Antarctique par altimétrie satellite
0.3 Les enjeux de la mission SARAL/AltiKa
0.4 Objectifs et plan du manuscrit
1 L’Antarctique : contextes géographique et scientifique de la thèse
1.1 L’Antarctique : caractéristiques générales, géographie
1.2 Dynamique du continent
1.2.1 Introduction
1.2.2 Processus rapides et apport de masse
1.2.3 Processus très lents influant la topographie de surface
1.2.5 Conclusion et interêts de l’altimétrie
2 Altimétrie : aspect technique, spécificités sur glace continentale, missions passées et présentes
2.1 Distance altimétrique et orbitographie
2.1.1 Principe
2.1.2 Signal altimétrique émis et distance altimétrique
2.1.3 Corrections sur la propagation de l’onde et sur les marées
2.2 Altimétrie radar sur glace continentale
2.2.1 Signal altimétrique reçu et distance mesurée
2.2.2 Tracker et forme d’onde
2.2.3 Algorithme de retracking
2.2.4 Sources de biais dans l’analyse de la forme d’onde
2.2.5 Corrections « géo » et « écho » pour le traitement des séries temporelles altimétriques radar
2.3 Altimétrie laser sur glace continentale : différences avec l’altimétrie radar
2.4 Missions passées et actuelles pour l’étude de l’Antarctique
2.4.1 ERS1 et ERS2
2.4.2 ENVISAT
2.4.3 CryoSat-2
2.4.4 SARAL
2.4.5 L’altimétrie laser : ICESat
3 Préambule à SARAL : étude du biais de pénétration d’ENVISAT grâce à la comparaison de mesures ENVISAT et ICESat
3.1 Introduction
3.2 Traitement des données
3.3 Résultats
3.4 SARAL/AltiKa : premières observations préliminaires
3.5 Discussion
3.6 Conclusions
4 Validation des mesures altimétriques de SARAL et estimation de sa performance
4.1 Développement d’un outil de traitement de données sur glace continentale : CalValGlace
4.1.1 Le projet PEACHI
4.1.2 Principe de la chaîne
4.2 Processus de sélection des données et utilisation de la classification des formes d’ondes
4.2.1 Limites de l’editing actuel (brut)
4.2.2 Classification des formes d’ondes
4.2.3 Tests de sensibilité de différents editings : sélection de données pertinentes
4.3 Méthode des points de croisement comme estimation de la performance de la mesure de SARAL
4.3.1 Introduction
4.3.2 Application du nouvel editing
4.3.3 Impact de l’écart temporel sur la variabilité de la différence de hauteur aux points de croisement
4.4 Comparaison de standards de correction : exemple de la marée océanique
4.5 Variabilité spatiale et temporelle aux points de croisement
4.5.1 Variation spatio-temporelle
4.5.2 Evolution temporelle globale et locale
4.6 Conclusions de l’étude
Conclusion

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