Un enseignement adapté à l’âge des élèves de maternelle
L’école maternelle, devenue obligatoire depuis la rentrée 2019, a une place à part en raison de l’âge des élèves. Comme le spécifie le Bulletin officiel de 2015, c’est une école qui tient compte du développement des jeunes enfants, qui assure autant que possible leur sécurité affective et une école où le plaisir à une place prépondérante : plaisir d’apprendre, de progresser et de vivre ensemble. Sur ce dernier point, l’école maternelle a aussi pour devoir de permettre aux enfants d’apprendre ensemble et de vivre ensemble. Elle assure leurs premiers pas vers la vie en société avec les règles de la collectivité.
Comme il est dit dans les textes officiels, l’autre grande caractéristique de l’école maternelle est qu’elle organise des « modalités d’apprentissage spécifiques » (MENESR, 2015b, p.4). Ces modalités reposent sur les quatre principes suivants : apprendre en jouant, apprendre en réfléchissant, apprendre en s’exerçant et apprendre en mémorisant et en se remémorant (MENESR, 2015b).
Si les programmes de 2015 ne donnent que peu de précisions quant à la découverte des langues étrangères telle qu’elle y est présentée, les recommandations pédago giques publiées au Bulletin officiel de mai 2019 fournissent plus de pistes pédagogiques que les enseignants peuvent suivre. Il y est notamment mention de sensibiliser les élèves aux sonorités de la langue étrangère étudiée. Pour ce faire, il y est préconisé de les exposer aux langues régulièrement, mais pendant des temps courts. Pour répondre à ce conseil, le temps de regroupement du matin avec la mise en place des rituels semble être le moment adéquat pour initier les élèves à ces autres langues. À l’instar des apprentissages au cycle 2, seul le développement des compétences orales est à favoriser et il faut être attentif à ne faire découvrir aux élèves que des éléments linguistiques adaptés à leur âge (MENESR, 2019). Il faut effectivement que le contenu lexical et le contenu syntaxique soient identiques à ceux qui sont travaillés en français, la langue de l’école. Il s’agit ainsi de focaliser principalement sur des phrases simples et majoritairement affirmatives et de travailler les lexiques usuels au cycle 1 comme les parties du corps, les couleurs ou les émotions par exemple.
Si ces recommandations ministérielles aiguillent les enseignants sur les modalités d’apprentissage des langues en maternelle, il ne faut pas négliger un paramètre essentiel qui est la motivation. Nous allons maintenant nous intéresser à cet aspect.
La motivation dans les apprentissages
Généralités
La motivation dans l’éducation est un objet de recherche très étudié depuis plusieurs décennies. Diverses théories ont émergé de ces recherches et leurs orientations sont loin d’être unanimes. Certaines de ces théories sont même en totale contradiction (Bourgeois, 2011).
La première théorie qui a émergé considère la motivation comme étant intrinsèque puisqu’elle serait le fruit de facteurs individuels. De ce fait, la personnalité, les connaissances préalables, l’histoire personnelle, l’inconscient, le contexte familial et socioculturel ou autre constitueraient le degré de motivation d’un individu dans ses apprentissages. Selon cette hypothèse, les choix pédagogiques de l’enseignant, quels qu’ils soient, se révéleront insuffisants à motiver un apprenant hermétique à la matière proposée puisque son opinion est faite dès le départ et restera immuable. Sa motivation est une histoire personnelle et rien ni personne ne pourront y influer.
À l’extrême opposé, la deuxième théorie attribue la motivation des apprenants à des facteurs qui seraient externes à ces derniers, nous parlons alors de motivation extrinsèque.
Selon ce principe, la situation d’apprentissage et sa mise en œuvre seraient à elles seules responsables de la motivation ou démotivation des apprenants. D’après ce courant, une façon de procéder donnée assurerait immanquablement les mêmes résultats chez tous les élèves.
Depuis le milieu des années 1960, une troisième approche a vu le jour. Il s’agit de la théorie dite de « Value-Instrumentality-Expectancy » aussi désignée comme « paradigme social-cognitif » (Bourgeois, 2011, p.238) qui se situe entre les deux positions précédentes.
Elle avance que la motivation découle de trois types de représentations chez l’apprenant : « la perception que l’effort investi dans la tâche conduira à sa réussite (expectancy), la perception que la réussite de la tâche permettra d’atteindre le but visé par le sujet (instrumentality) et la valeur et l’importance accordées au but visé en question (value) ». (Bourgeois, 2011, p.238).
De nos jours c’est encore ce paradigme social-cognitif qui prime parmi toutes les théories et les recherches en psychologie de l’éducation. Cette théorie étant caractérisée par une pluralité des variables à prendre en compte, les chercheurs tendent de plus en plus à employer l’expression de dynamique motivationnelle (Bourgeois, 2011 ; Galand, 2006).
Nous pouvons donc retenir des recherches que lorsqu’il s’agit de motiver les individus en situation d’apprentissage, il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. Le rôle des constituants de la dynamique motivationnelle est de mieux en mieux cerné par la recherche.
Nous savons désormais que la motivation d’un apprenant, de même que sa démotivation, ne saurait être ramenée qu’à des facteurs internes, appartenant à l’apprenant, ni même qu’à des facteurs externes, relevant de la situation d’apprentissage. C’est bien une combinaison de ces deux dimensions et de différentes variables telles que le sentiment de compétence, le plaisir éprouvé à l’école et le sentiment d’utilité de la formation reçue, pour ne citer que les principales, qui agissent sur la dynamique motivationnelle d’un apprenant (Bourgeois, 2011 ; Galand, 2006).
Motivation et apprentissage des langues vivantes en maternelle
Dans le domaine des langues vivantes, la motivation intrinsèque des élèves peut provenir du fait qu’un membre de leur famille parle cette autre langue, ou bien dans la perspective de voyages à venir, d’échanges avec des personnes parlant d’autres langues (lors de voyages, de correspondances scolaires, de dialogues sur internet ou sur les réseaux sociaux, etc.) ou même pour comprendre leurs chansons préférées ou visionner des films et séries en version originale. La motivation extrinsèque peut provenir du désir de réussir et d’obtenir les différents contrôles et examens qui jalonnent le parcours scolaire.
En maternelle, ces éléments n’ont que peu d’impact sur les élèves. Au cycle 1, ils ne voient pas où se trouve leur intérêt à apprendre une langue vivante étrangère, surtout s’ils n’ont aucun contact familial avec d’autres langues que le français. Ainsi, nous sommes en droit de nous poser la question de déterminer ce qui peut motiver des élèves de maternelle à apprendre une langue étrangère. Il ressort de cette interrogation que pour des élèves de cycle 1, il faut créer la motivation à travers des canaux spécifiques à leur jeune âge. De ce fait, il faut les motiver par le plaisir, la curiosité et par leur besoin de bouger et celui d’être rassurés.
Différentes méthodes répondent à un ou plusieurs de ces critères et permettent la mise en place d’enseignements efficaces et qui font sens pour les élèves. Parmi ces méthodes, nous pouvons évoquer par exemple l’intervention d’un élève allophone auprès de ses camarades.
Cette action ferait sens pour les élèves et permettrait de les sensibiliser à cette autre langue et leur donner envie de l’apprendre. Cependant, ce procédé est malgré tout très particulier et possède comme limite d’avoir au sein de la classe d’implémentation la présence d’un tel élève. De manière plus générale cette fois, nous pouvons mentionner trois autres stratégies qui, faute de la présence d’un vrai natif dans la classe, consistent à mettre en place des situations de communication qui motivent l’utilisation d’une langue vivante. Ces trois stratégies reposent sur les spécificités et les outils habituels de l’école maternelle : l’exploitation d’un album de jeunesse dans la langue étrangère cible, un travail autour de comptines dans cette autre langue ou bien encore l’utilisation d’une marionnette. Ces trois outils sont très utilisés au cycle 1 et leur familiarité possède un rôle rassurant pour les élèves lorsqu’ils doivent entrer dans de nouveaux apprentissages.
L’utilisation des comptines dans l’apprentissage des langues étrangères
Les comptines sont de puissants outils langagiers ce qui rend leur utilisation dans l’apprentissage des langues étrangères parfaitement adaptée. Elles apportent du lexique et leur familiarité auprès des élèves de cycle 1 leur confère un rôle rassurant. Cela correspond à l’une des spécificités de l’école maternelle où les enfants doivent être rassurés sur les apprentissages, car ils apprennent à devenir élèves. Cela est d’autant plus vrai dans l’apprentissage des langues vivantes, car le fait que l’enseignant parle dans une langue différente de celle dont ils ont l’habitude peut avoir un effet déstabilisant. Les comptines ont aussi le pouvoir de mettre les élèves en contact régulier et répété avec les sonorités des langues étrangères qu’ils n’entendent pas dans leur environnement habituel. Cela va leur permettre à terme de maîtriser ces sonorités en plus de l’acquisition d’un vocabulaire simple, mais usuel.
En vue de reproduire le schéma naturel d’apprentissage par l’enfant de sa première langue, Asher (1977) promeut la nécessité de focaliser sur la compréhension orale dès les débuts de l’apprentissage d’une langue étrangère. Cette perspective se retrouve dans l’étude de Ghanbari & Hashemian (2014). D’après eux, une parfaite maîtrise de la compréhension orale adoptée dès le plus jeune âge se révèle cruciale pour offrir aux élèves de meilleures dispositions envers la langue étrangère étudiée et une meilleure maîtrise des autres compétences par la suite. Ces auteurs préconisent ainsi le recours aux comptines pour y parvenir. La prononciation, deuxième paramètre fondamental selon ces deux auteurs et Asher (1977), pourrait à son tour se voir maîtrisée grâce à l’utilisation effective de comptines dans les premiers stades d’apprentissage. En effet, le caractère souvent répétitif de la comptine et le fait de la réitérer régulièrement servent d’entraînement à la prononciation, et ce de façon naturelle pour des enfants de cet âge.
Cette première approche des langues via l’appropriation des sons étrangers fait consensus et se retrouve également dans les recherches de Pamula (2008) et celle de Yılmaz Güngör (2020). Ces deux auteurs reprennent en effet l’idée que les comptines permettent aux jeunes apprenants de découvrir, d’écouter et de reproduire la phonétique de la langue étrangère, et ce dès les premières séances d’apprentissage.
Enfin, l’entrée ludique dans l’apprentissage de la langue étrangère procurée par l’utilisation de comptines possède également l’avantage considérable de déclencher des émotions positives chez les élèves. Par conséquent, cela permet d’associer l’apprentissage des langues à un objet de plaisir dans leur esprit, ce qui sera bénéfique dans la suite de leur scolarité et favorisera leurs progrès (Gauthier & Lejeune, 2008 ; Ghanbari & Hashemian, 2014 ; Yılmaz Güngör, 2020). En effet, les émotions positives sont un facteur essentiel dans la motivation et par voie de fait dans la réussite scolaire comme cela sera présenté plus en détail dans la suite de cette partie.
Gestuelle et recours à l’association du dire et du faire
Il semble judicieux pour l’enseignant de maternelle d’avoir recours aux comptines comme outil langagier. Néanmoins, Bolduc, Lefebvre & Pirkenne (2012) retirent de leur étude le fait que, bien que l’utilisation de comptine en classe de maternelle soit un réel atout, il ne faut pas se contenter d’une écoute passive ou d’une simple récitation. Ces données orientent tout naturellement notre attention vers la complémentarité de la gestuelle dans les comptines. Cette dimension supplémentaire des comptines permet de donner du sens et d’associer le dire et le faire pour optimiser l’acquisition de compétences phonologiques.
La gestuelle, qui accompagne la majorité des comptines, sert à mimer les paroles et renforce de ce fait le lien entre ces dernières et leur sens. Fabuleux guide pour les enfants dans leur compréhension et leur interprétation des propos entendus dans la comptine, cette caractéristique bénéfique est d’autant plus attrayante dans l’apprentissage des langues étrangères.
Ce lien entre paroles et mouvements induit en outre une meilleure mémorisation puisque l’élève peut retenir les gestes qui le guideront par la suite à se souvenir des paroles ou inversement. La mémoire kinesthésique vient donc compléter celle auditive et ancrer les nouvelles connaissances de manière plus pérenne.
Utiliser la gestuelle accentue l’aspect ludique des comptines et les enfants en retirent d’autant plus de plaisir. De surcroît, les jeunes enfants de maternelle éprouvent un véritable besoin de mouvements comme souligné dans le Bulletin officiel de 2015 et cette méthode d’apprentissage permet d’y répondre.
Un autre point intéressant à souligner est que lors de l’utilisation en classe de comptines avec gestuelle, la dimension physique de la gestuelle renforce la motivation. Il s’agit alors d’une situation s’inscrivant pleinement dans la TPR d’Asher (1969) telle que décrite précédemment. D’ailleurs, la stratégie d’Asher recommande un nombre limité de nouveaux mots que l’enseignant doit soumettre aux élèves au cours d’une séquence langagière ce qui correspond tout à fait à la réalité d’une comptine.
Pour finir, il est important de préciser que le choix de la comptine utilisée doit faire l’objet d’une réflexion en amont. Les comptines doivent être concrètes pour les langues vivantes, ne pas comporter de référence culturelle que les élèves ne sont pas à même de connaître et il faut sélectionner des comptines qui permettent d’associer le geste à la parole ou le geste au sens. Afin de pouvoir faire le lien entre le dire et le faire il ne peut pas y avoir d’abstraction.
Après avoir détaillé l’intérêt d’utiliser des comptines dans l’apprentissage des langues vivantes étrangères en maternelle, nous allons maintenant pouvoir aborder le deuxième outil sur lequel nous avons choisi de nous focaliser : l’utilisation d’une marionnette.
L’importance de l’affectif dans l’apprentissage des langues
Implication affective et motivation
Comme nous l’avons évoqué précédemment, la motivation découle de différentes sources dont le facteur affectif. En effet, nous pouvons noter que plusieurs recherches en motivation dans l’éducation (Lepper, Corpus & Iyengar, 2005 ; Tzuriel, 1991) prouvent que stimuler la curiosité et développer l’intérêt et l’implication des élèves sont des éléments importants pour le développement de la motivation à apprendre et influencent significativement l’acquisition de nouvelles connaissances.
Nous allons dans ce paragraphe nous intéresser plus particulièrement au rapport qu’il existe entre les facteurs affectifs et la motivation dans l’apprentissage des langues et notamment des langues vivantes étrangères.
Dans le domaine des neurosciences, de nombreux travaux ont été menés sur l’influence de l’affectivité dans l’apprentissage des langues. Dans son résumé de ces recherches, Shumann (1994) conclut que le système nerveux, et plus particulièrement la zone limbique, régule les facultés intellectuelles à travers les émotions de telle sorte que même si les capacités émotionnelle et cognitive du cerveau sont distinctes l’une de l’autre, elles sont indissociables. Par conséquent, en ce qui concerne le système nerveux, l’affectif fait partie intégrale des facultés intellectuelles.
Du point de vue des sciences de l’éducation, Arnold (2006) nous indique que de nombreux professionnels de l’enseignement des langues se sont penchés sur l’importance des facteurs affectifs et ont démontré qu’une implication affective positive maintient l’investissement des élèves et creuse l’intérêt pour la matière enseignée. Tout cela indique que l’apprentissage des langues est facilité lorsque les élèves sont impliqués par des facteurs affectifs positifs.
Dans la même lignée, Asher (1969) dans son étude sur la TPR indique le puissant lien existant entre les émotions et l’apprentissage d’une langue étrangère. Il affirme en effet que les émotions négatives et notamment le stress ont une action inhibante sur les processus naturels d’apprentissage d’une langue. À l’inverse, les émotions positives se révèlent un véritable atout et favorisent la mémorisation sur le long terme.
De son côté, le CECR (2001) reconnaît l’importance de l’affectivité dans l’apprentissage. Ainsi, dans le paragraphe 7.3.1 sur les compétences et caractéristiques de l’apprenant, il y est mention des facteurs affectifs tels que la confiance en soi, l’implication, l’état général et l’attitude qui sont des caractéristiques individuelles de l’apprenant qui doivent être prises en considération lors de l’élaboration des tâches à proposer.
Rôle pédagogique de la marionnette
Un autre rôle primordial des marionnettes lorsqu’il est question de les utiliser dans une classe de maternelle est la place qu’elle occupe dans les apprentissages. L’importance considérable qu’elle possède sur la motivation et l’implication des jeunes enfants est tout particulièrement intéressante dans les apprentissages des langues. De nombreuses recherches ont étudié la question de cet intérêt.
C’est le cas pour Remer et Tzuriel (2015) qui sont en accord avec les conclusions précédemment évoquées qui expliquent que les facteurs affectifs jouent un rôle déterminant sur la motivation des apprenants. Ces auteurs mettent en évidence l’effet positif de la marionnette sur les émotions des enfants ce qui se traduit par une augmentation de leurs indices de motivation. Effectivement, l’utilisation d’une marionnette dans l’éducation de jeunes enfants créée une ambiance de jeu qui suscite intérêt et attention chez eux. Elle développe un dialogue avec les enfants ce qui engendre une réaction enthousiaste et encourage leur participation. Les enfants considèrent la marionnette comme un pair et ont envie de lui expliquer clairement et en détail leurs réponses et leurs idées. La marionnette représente donc un réel atout pour l’enseignant puisqu’elle fait le lien entre lui et les élèves.
De plus, le dialogue mis en place entre la marionnette et les enfants n’est pas à négliger puisqu’il va faciliter la transmission de notions abstraites via leur personnification par la marionnette et par conséquent faire du sens auprès de ces jeunes élèves. La marionnette offre aux élèves un vrai interlocuteur et permet la mise en place de situations de la vie réelle auxquelles les élèves doivent réagir.
Enfin, au-delà de la participation individuelle, la marionnette va aussi favoriser la participation collective. Comme elle est perçue par les enfants comme l’une d’entre eux, sa présence sert à renforcer la cohésion du groupe classe et l’appartenance à une collectivité particulière. Par son rôle d’objet fédérateur, elle unit donc les élèves dans un groupe et dans un but commun (Lécullée, 2005). Dans le domaine de l’apprentissage des langues vivantes étrangères, cet aspect est encore plus probant, car l’élève est porté par le groupe et par l’échange collectif, ce qui lui offre une plus grande liberté dans ses prises de paroles.
Un autre aspect essentiel du rôle de la marionnette dans les apprentissages peut être expliqué à travers les résultats avancés par l’étude de Korosec (2013). Ces derniers concourent aux affirmations précédentes et démontrent que non seulement la marionnette représente un moyen de motivation extrêmement riche auprès des élèves, mais que cela s’accompagne en plus d’un renforcement de leur réussite. Cette étude focalise ainsi sur les bienfaits de l’utilisation d’une marionnette dans la réussite des objectifs d’apprentissage. Il y est présenté que les professeurs qui utilisent des marionnettes dans leur classe témoignent que la marionnette permet aux élèves d’atteindre plus efficacement les objectifs d’apprentissages visés en agissant de conserve sur le développement émotionnel, le développement social et le développement intellectuel de l’enfant.
Cela conforte l’idée que la marionnette est un outil pédagogique qui agit sur plusieurs niveaux lorsqu’il est utilisé dans une classe. En complément des apprentissages visés par l’enseignant, les enfants en retirent aussi un enrichissement émotionnel et social. La marionnette offre à l’enfant la possibilité de comprendre des choses par des moyens différents et tout ce processus contribue à nourrir sa tolérance, son sens de l’innovation, son intelligence émotionnelle de même que sa capacité d’empathie (Korosec, 2013 ; Remer & Tzuriel (2015).
Dernier point, mais non des moindres, la marionnette exerce un attrait indéniable sur l’enfant qui, comme nous l’avons mentionné dans ce paragraphe, la perçoit comme un partenaire de jeu et de confidences. Grâce à cela, la marionnette permet à l’enseignant de faire naître un vrai besoin de communiquer chez les jeunes élèves. Elle possède ainsi un rôle d’objet médiateur et incite la prise de parole spontanée et sincère de la part des enfants. De ce fait, la marionnette présente un réel intérêt dans le développement de compétences langagières chez les enfants, pour leur langue première, mais également pour les langues vivantes étrangères. Elle est considérée comme un véritable outil de communication puisqu’elle stimule les activités langagières et facilite les échanges oraux. En effet, l’enfant ose beaucoup plus s’exprimer lorsqu’il peut le faire avec ou à travers le personnage de la marionnette (Joubert, 1978 ; Lécullée, 2005). La place de l’erreur est donc atténuée par la présence de la marionnette puisqu’elle est considérée comme un pair et non comme un enseignant qui cherche à transmettre des connaissances et à les évaluer.
En conséquence, cette liberté langagière associée à la participation enthousiaste, à une motivation renforcée et à une réussite accrue fait de la marionnette un outil de prédilection dans l’apprentissage d’une langue vivante étrangère.
MÉTHODE
Les participants
La séquence menée s’est déroulée en période 3 dans une classe de 29 élèves de Petite Section/Moyenne Section d’une école primaire de 13 classes. Parmi ces classes, 5 sont des classes de maternelle dont 3 classes de Petite Section/Moyenne Section. Le milieu socioprofessionnel de l’école est bon, voire favorisé, et les origines culturelles sont diversifiées.
Le choix du thème de cet écrit sort du cadre du projet d’école, car ce dernier n’inclut pas d’axe prioritaire sur les langues vivantes. En cycle 1, cet apprentissage est habituellement pris en charge par les enseignantes de Grande Section. Cette année, l’enseignante qui partage ma classe ainsi que mes autres collègues de maternelle ont accepté que je mène à bien cette étude et que je commence l’apprentissage de l’anglais avec mes élèves de Moyenne Section.
J’ai pris la décision d’ainsi m’éloigner quelque peu du projet d’école afin d’aborder le sujet de l’apprentissage de l’anglais en maternelle puisque c’est une langue que j’affectionne particulièrement et son enseignement me tient à cœur. Ayant vécu plus de deux ans aux ÉtatsUnis, je saisis parfaitement l’importance et le besoin d’apprendre une langue vivante étrangère.
En raison de l’âge des enfants, seuls les élèves de Moyenne Section de la classe ont été concernés par la séquence mise en œuvre. Il s’agit de 12 élèves, 6 filles et 6 garçons, tous âgés de 4 ans au moment de la réalisation de la séquence. Parmi ces 12 élèves, il y a quatre petits parleurs naturels qui ne s’expriment que peu en classe, quel que soit le moment de la journée ou l’activité proposée. Ils ont tous les quatre des difficultés de prononciation et d’articulation.
Ces élèves doivent faire l’objet d’attentions particulières pour réussir à susciter chez eux un désir de s’exprimer, car leurs difficultés à le faire provoquent une forte timidité et de la réticence. Il y a également une élève dont l’équipe éducative commence à suspecter un haut potentiel, mais cela demande à être confirmé par une expertise. C’est une élève qu’il faut d’autant plus motiver qu’elle éprouve de réelles facilités dans les apprentissages. En contrepartie, son comportement est souvent provocateur : elle refuse régulièrement d’entrer dans les tâches demandées afin de déclencher une réaction chez l’enseignante. Le reste des élèves se caractérise par un engouement habituel pour les apprentissages. Pour ces élèves-là, il est surtout question de mettre en place des situations d’apprentissage qui parviennent à maintenir leur motivation.
Bien qu’il en aille différemment pour des élèves d’autres classes, les 12 élèves de Moyenne Section de cette classe parlent français comme langue maternelle (langue première) et ne possèdent pas de langue seconde. Les parents de ces élèves ont également tous le français comme langue maternelle. De plus, il s’agit d’enfants qui n’ont jamais fait d’anglais, ou autre langue vivante étrangère, dans leur scolarité.
Au vu de ce contexte, j’ai fait le choix d’orienter davantage mon approche vers une initiation aux langues vivantes étrangères et notamment à une découverte de la langue anglaise. Je vais à présent décrire les outils que j’ai mis en place pour mener à bien cette expérimentation.
La construction d’une séquence ritualisée
La séquence d’apprentissage élaborée pour cette expérimentation s’articule autour de 8 séances courtes et ritualisées quotidiennement. Cette séquence se trouve dans son intégralité en Annexe 1. L’absence préalable de contact des élèves avec des langues vivantes étrangères, dont l’anglais, a orienté la conception de la séquence vers une introduction de cette autre langue dans leur scolarité ainsi que dans leur vie.
Ainsi, les objectifs généraux de cette séquence d’apprentissage sont les suivants :
– Prendre conscience que la communication peut passer par une autre langue que le français.
– Développer des attitudes positives à l’égard de l’apprentissage de l’anglais
– S’ouvrir aux sonorités de la langue anglaise
De plus, l’objectif langagier visé est un objectif d’exposition à la langue anglaise. Le contenu syntaxique abordé est celui des présentations avec notamment le dialogue en question-réponse suivant :
« – Hello, what’s your name ?
– Hello, I’m …. »
Le contenu lexical abordé est quant à lui plus diversifié avec les salutations (hello, goodbye), ainsi que les parties du corps (finger, head, nose, chin, arm, leg, foot). Initialement, les émotions (happy, angry, scared, sleepy) devaient également être abordées avant que cet aspect ne soit abandonné pour des raisons que je vais développer dans le paragraphe suivant.
Cet objectif d’exposition se caractérise par l’intention de faire entendre à de nombreuses reprises le contenu syntaxique et le contenu lexical aux élèves. Ils pourront ainsi s’imprégner des sonorités anglaises et effectuer leurs premiers pas sur le chemin de l’apprentissage des langues étrangères. La finalité recherchée n’est par conséquent pas nécessairement la rétention de ces connaissances par les élèves.
Garder trace de la séquence : séances filmées et journal de bord
Les deux dernières séances de la séquence ont été filmées afin de pouvoir revenir ultérieurement et de manière plus exhaustive sur les comportements et les différentes participations des élèves en vue de l’exploitation de ces données. La séquence telle qu’elle avait été pensée au départ ne prévoyait de filmer que la dernière séance. La décision de filmer les deux dernières afin d’avoir plus d’éléments d’observation a été prise en cours de séquence.
De plus, en raison du contexte sanitaire particulier de l’année où cette expérimentation a été menée, au dernier moment, le choix de tenir un journal de bord au fil de la séquence a été fait. Le but de cette démarche était de conserver des éléments à analyser et pallier à la possible fermeture des écoles avant la fin de la séquence ce qui aurait provoqué l’absence de séances filmées. Ce journal de bord retranscrit les comportements des élèves tout au long de la séquence, pendant les séances d’anglais et en dehors de ces dernières . Cela apporte une plus-value aux séances filmées de la fin puisque le journal de bord fournit un nouvel outil de mesure : celui de d’évaluer les attitudes des élèves à d’autres moments que pendant les séances de langue. Ces deux outils de mesure ont servi à en remplir un troisième qui est la grille d’observation et que je vais maintenant présenter.
La grille d’observation
Les éléments relevés dans le journal de bord tout au long de la séquence ainsi que les deux dernières séances filmées ont permis de remplir une grille d’observation recensant différents composants qui me semblent traduire le degré d’implication et de motivation des élèves dans l’activité. Voici les paramètres qui sont pris en compte : la participation orale, la participation physique, la gestuelle de la comptine, les interactions orales avec la marionnette, les interactions physiques avec la marionnette et les réactions et attitudes des élèves quand l’activité est annoncée (ou devinée). À ces six paramètres caractéristiques de l’implication des élèves s’ajoute ensuite la prononciation des différents propos énoncés que ce soit durant les présentations ou les paroles de la comptine. Cet élément n’a pas pour vocation d’évaluer d’une quelconque manière la motivation des élèves, mais est présent pour donner un aperçu de l’efficacité des outils utilisés sur ce critère langagier. Une dernière rubrique « Autres » permet également de relever des réactions qui n’auraient pas été anticipées afin d’enrichir et de peaufiner l’analyse.
La grille d’observation a été remplie avec les symboles « ++ », « + », « ± » et « – » qui signifient respectivement, « très fort », « fort », « moyen » et « faible ». Ces appréciations sont attribuées en fonction des critères répertoriés en Annexe 6. Ces derniers recensent les différentes attitudes possibles des élèves allant de l’absence de réponse aux activités à une implication majoritaire, voire totale. C’est le cas pour la participation orale et la gestuelle de la comptine. Pour la participation physique, les notes « fort » et « très fort » correspondent à des mouvements de la part des élèves en dehors de la gestuelle demandée, par exemple de la danse sur les temps mélodiques de la comptine, des signes de main ou des sourires envers les autres participants (marionnette, élèves, enseignante). En ce qui concerne les interactions orales et physiques avec la marionnette, les notes positives représentent les échanges des élèves avec elle (dialogue, câlins, manipulation) que ce soit durant les séances d’anglais ou même en dehors pour une réaction très forte. Enfin pour les réactions et attitudes des élèves quand l’activité est annoncée (ou devinée), ils ont reçu un « + » ou un « ++ » s’ils témoignaient de la joie, de l’engouement ou bien de l’exultation lorsqu’ils comprenaient quenous allions faire anglais voire même s’ils participaient à la mise en œuvre de l’activité en appelant Mr Fox avec moi pour le « réveiller » et le faire venir.
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Table des matières
INTRODUCTION
ÉTAT DE L’ART
1. L’APPRENTISSAGE DE L’ANGLAIS EN MATERNELLE
1.1 Intérêt de l’apprentissage précoce des langues
1.2 Instructions officielles
1.2.1 Place de l’anglais dans les programmes
1.2.2 Un enseignement adapté à l’âge des élèves de maternelle
1.3 La motivation dans les apprentissages
1.3.1 Généralités
1.3.2 Motivation et apprentissage des langues vivantes en maternelle
2. ASSOCIER LE DIRE ET LE FAIRE
2.1 Le corps et l’action au service de la motivation
2.2 Les comptines et l’apprentissage des langues vivantes
2.2.1 Définition et intérêts des comptines
2.2.2 L’utilisation des comptines dans l’apprentissage des langues étrangères
2.2.3 Gestuelle et recours à l’association du dire et du faire
3. L’IMPORTANCE DE L’AFFECTIF DANS L’APPRENTISSAGE DES LANGUES
3.1 Implication affective et motivation
3.2 L’utilisation d’une marionnette dans le cadre scolaire
3.2.1 Définition
3.2.2 Rôle affectif de la marionnette
3.2.3 Rôle pédagogique de la marionnette
4. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
METHODE
1. LES PARTICIPANTS
2. LA CONSTRUCTION D’UNE SEQUENCE RITUALISEE
3. LES OUTILS DE MESURE
3.1 L’entretien
3.2 Garder trace de la séquence : séances filmées et journal de bord
3.3 La grille d’observation
RESULTATS
1. UNE EVOLUTION DES CONCEPTIONS : L’ENTRETIEN
2. LA MESURE DE L’IMPLICATION ET DE LA MOTIVATION : LA GRILLE D’OBSERVATION
2.1 Analyse par paramètre
2.2 Analyse par élève
DISCUSSION ET CONCLUSION
1. RE-CONTEXTUALISATION
2. MISE EN LIEN AVEC LES RECHERCHES ANTERIEURES
3. LIMITES ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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