Ma méthode de recherche
Une méthode d’enquête qualitative : l’enquête ethnologique
Afin de déterminer l’importance de la réunion de rentrée dans la mise en place d’un partenariat avec les familles d’élèves, j’ai donc décidé d’en analyser une. Pour cela, je devais prendre en compte l’avis de plusieurs parents, notamment concernant leurs attentes vis-à-vis de cette réunion puis savoir ce qu’ils avaient pensé de ce moment. Par soucis de temps, j’ai fait le choix de n’étudier qu’une seule réunion pour ce travail de recherche mais de façon approfondie. Ce type d’enquête se rapproche de celles dites « ethnologiques ».
Cette discipline consiste à étudier des sociétés de petites tailles dans un but anthropologique. L’étude de ces petits groupes passe notamment par l’observation participante, où le chercheur est lui-même témoin de son sujet d’étude. Cette méthode fut notamment développée par Bronislaw Malinowski, anthropologue et ethnologue de la première moitié du siècle dernier, qui proposa, par exemple, une étude de la société mélanésienne . Pour cela, il s’immergea complètement dans cette société en vivant avec eux. Ainsi, il dépasse l’observation extérieure en prenant part directement à son sujet d’étude. Comment donner meilleur avis sur une société qu’en y faisant partie ?
Dans le cas d’une enquête comme la mienne, je me suis appuyée sur les méthodes défendues par Stéphane Beaud dans sa plaidoirie pour « l’entretien ethnographique » . En effet, il explique qu’une enquête peut s’appuyer sur une méthode ethnologique.
Premièrement, il est nécessaire de s’immerger dans son sujet d’étude.
Finalement, il n’y a plus le sujet d’étude d’un côté et le chercheur qui regarde de l’autre côté. Le chercheur est avec les personnes étudiées, il assiste aux mêmes événements, « il fait avec eux ». Ainsi, dans mon enquête, j’ai assisté à la réunion de rentrée d’une enseignante au côté des parents que j’interrogeais. Ensemble, nous avons donc vécu un même moment et nous avons donc pu, par la suite, échanger sur le sujet.
Deuxièmement, l’observation est perçue comme une méthode significative. Ainsi, comme les anthropologues le faisaient auprès de sociétés exotiques, le chercheur va assister à certains instants et pouvoir ainsi, par l’observation, en déduire des éléments. Dans mon enquête, j’ai participé à la réunion de rentrée et j’ai donc ainsi pu observer le déroulement et les comportements de chacun afin, par la suite, d’en faire un compte-rendu.
Troisièmement, pour ce sociologue, les entretiens doivent prendre en compte la situation énonciative. Ce type d’entretien, appelé par Stéphane Beaud « entretiens ethnographiques », repose sur la mise en contexte des données recueillies. Il explique que la quantité n’est pas forcément gage d’une bonne enquête sociologique. Il n’est ainsi pas nécessaire de récolter un nombre vertigineux d’entretiens et de questionnaires pour avoir une portée généralisable. De ce fait, il est possible de se focaliser sur un nombre restreint d’entretiens, à condition de les analyser de façon approfondie. En ce qui me concerne, je n’ai interviewé que cinq parents, mais je les ai rencontrés une fois avant la réunion, une fois après, à leur domicile et je peux aujourd’hui dire que je connais ces personnes.
Quatrièmement, Stéphane Beaud explique que lors d’un entretien ethnographique il est déconseillé d’utiliser une grille d’entretien « serrée », c’est-à dire une grille comportant d’innombrables questions qui peuvent freiner les réponses des interviewés. Il conseille donc de simplement avoir une conversation avec le locuteur sans chercher à ce qu’ils répondent à des question s. Ainsi, le chercheur reste entièrement disponible pour la discussion et n’est pas distrait par l’attente de réponse. Pour mon enquête, j’ai donc établi une grille d’entretien composée de thèmes et de quelques questions mais je n’ai pas forcément posé toutes les questions inscrites et j’ai essayé de laisser les parents s’exprimer librement.
Une enquête de type ethnologique
L’enquête que j’ai effectuée s’ancre dans une logique ethnologique. En effet, comme nous venons de le voir, j’ai rencontré, à deux reprises, cinq mères de famille dont les enfants se trouvaient dans la même classe. Une première fois avant la réunion de rentrée, puis la seconde fois, après. J’ai également assisté à la réunion de rentrée du jeudi 12 septembre 2013.
Les entretiens des familles
En définitive, le but du premier entretien, qui eu lieu entre le 10 et le 12 septembre, était de cerner la personne. Pour y arriver, j’ai mené des « entretiens ethnographiques ». Ainsi, je disposais d’une grille d’entretien plutôt légère qui me permettait une plus grande disponibilité pour converser avec l’interviewé. De plus, j’ai rencontré ces mères de familles chez elle, exception faite pour une personne (l’entretien eu lieu à la bibliothèque de l’école). Le fait de constater par moi-même leur milieu de vie, la façon dont elles me recevaient, m’ont aussi donné des indications, notamment sociales, sur ces mères. Cet entretien me permettait donc de comprendre ces familles dans leur façon de percevoir l’Ecole, l’Education, les rôles des uns et des autres…
A la suite de ce premier entretien, je pouvais répondre à des questions simples sur ces parents comme leurs attentes de réussite de l’élève, leur façon de voir l’éducation, leur façon de voir leur enfant, leur façon de faire travailler les enfants à la maison…
Le second entretien, par téléphone, s’est déroulé lors de la semaine suivant la réunion. L’objectif était de savoir ce que ces mères de famille avaient pensé de la réunion. Pour cela, je disposais d’une grille d’entretien reprenant les thèmes abordés par l’enseignante lors de la réunion. Les parents pouvaient ainsi se remémorer la réunion et dire ce qu’ils en avaient pensée en même temps. Cet entretien m’a permis de déterminer si elles étaient prêtes ou non à établir un partenariat avec l’enseignante, selon leur propre vécu de la réunion.
L’école
Avant de choisir la réunion d’un professeur des écoles, j’avais d’abord sélectionné l’école dans laquelle je voulais effectuer mon enquête. Cette école se situe à Chartres, une grande agglomération regroupant de nombreux établissements. Elle est dans un quartier et comporte une maternelle et une élémentaire fusionnées.
La particularité de cet établissement est sociale. En effet, face à l’école, se trouve tout un quartier résidentiel de petits pavillons abritant des familles plutôt aisées.
Derrière l’école, on trouve des strates d’immeubles où vivent des familles plus défavorisées. Ainsi, l’école est fréquentée par des enfants provenant d’environnements sociaux différents. Cette mixité sociale m’a permis alors de rencontrer des familles différentes et ainsi d’éclaircir mon hypothèse concernant la complicité sociale avec l’enseignant.
Le professeur des écoles
Ensuite, je devais choisir l’enseignant. Je voulais, au départ, un professeur des écoles stagiaire (PES) car le fait qu’il soit débutant permettait d’augmenter la fréquentation à la réunion et d’éviter les a priori des parents. Malheureusement, il n’y avait pas de PES dans cette école, j’ai donc dû choisir en m’appuyant sur d’autres critères. J’ai alors retenu l’enseignante des CM1 – CM2 malgré son ancienneté d’une dizaine d’années dans l’école. En effet, le fait qu’elle enseigne au CM2 pouvait augmenter la présence des familles à cause de l’anxiété du passage en 6ème. Je supposais alors que les parents d’élèves de CM2 viendraient nombreux afin d’être rassurés sur cette année charnière. Par ailleurs, cette enseignante propose une méthode pédagogique en mathématiques et français tout à fait originale. En effet, elle met en place un système d’ateliers tournants pour ces matières. Ainsi, une semaine sur deux, tous les élèves de la classe sont répartis en groupe de niveaux et effectuent un atelier. La classe est alors divisée en cinq groupes dont un seul est avec l’enseignante, les autres étant en autonomie. Ce système assez nouveau dans les conceptions pédagogiques peut inquiéter les parents, ainsi permettre un engouement pour la réunion de rentrée et des réactions de la part des familles.
Les parents
En ce qui concerne les parents, je les ai contactés via le carnet de liaison dès le jour de la rentrée. Dans les nombreux « papiers de la rentrée » se trouvait un mot rédigé par les élèves informant de la date et l’heure de la réunion de rentrée, et un mot tapé à l’ordinateur, signé de l’enseignante, demandant, aux parents, des volontaires à une enquête de recherche . Les parents devaient alors se faire connaître en retour de ce mot. Seulement cinq personnes ont répondu par l’affirmative, toutes étaient des mères. Voici donc dans ce tableau une présentation de chacune.
Problématique et hypothèses
Nous venons de démontrer que la réunion de rentrée est d’une importance capitale car c’est le moment où les parents se font une idée, assez précise et ancrée, du professeur des écoles de leur enfant. Le professeur expose sa pédagogie, ses méthodes, ses projets et c’est à la sortie de cette entrevue que les parents vont choisir de soutenir ou non cette personne et son travail. De là, il reste une question en suspend. Comment, pendant cette heure de réunion, l’enseignant fait-il pour convaincre les familles ? Que doit-il dire ? Que doit-il éviter ? Pour savoir cela, il faut donner la parole aux parents afin de savoir sur quels critères ils se basent pour accorder leur confiance à un enseignant. L’enquête menée ici doit m’aider à déterminer ces critères afin de me permettre d’animer , en septembre prochain, une réunion rassurante et convaincante pour les parents de mes futurs élèves ainsi que pour moi.
J’ai donc fondé la problématique de mon travail de recherche à partir de là.
Elle est la suivante : lors de la réunion, quels critères feront que les parents sero nt disposés à fonder un partenariat avec l’enseignant ?
Je suppose ainsi que le jugement des familles d’élèves envers l’enseignant sera meilleur si le professeur et le parent partagent une réalité sociale, c’est-à-dire que leurs capitaux scolaire et financier sont proches.
En effet, cela permet d’expliquer que lors d’une même réunion, certains parents l’aient trouvée réussie alors que d’autres moins. Ainsi, une dimension sociale est à prendre en compte dans le sens où, je présume qu’une famille proche socialement de l’enseignant se sentira plus proche de lui et donc sera plus à même de le soutenir. Cette supposition constitue mon hypothèse générale.
Egalement, j’émets l’hypothèse que les parents se rendent aux réunions plus pour rencontrer l’instituteur et savoir qui il est en tant que personne plutôt que pour des questions de pédagogie ou de matériel.
En effet, les professeurs des écoles rencontrés lors de mes stages m’exprimaient leur déception face à l’absence de question posée par les parents à la fin des réunions. Si les parents n’ont pas d’interrogations c’est qu’ils viennent plus dans un objectif de rencontre et non d’apport d’informations.
De fait, je suppose que l’opinion des parents va plutôt se baser sur la personne qu’est le professeur des écoles et non sur ses compétences et son travail.
Ainsi, un enseignant, qui se montrera sympathique, abordable et bienveillant, sousentendu potentiellement bienveillant avec les enfants, sera apprécié des familles quoi qu’il arrive. Les parents ne s’appuient pas uniquement sur des données professionnelles. En conséquence, des critères sociaux et personnels prennent le pas sur l’aspect professionnel.
Par ailleurs, je suppose que le jugement des parents envers l’enseignant sera meilleur si ce dernier propose des sorties et des activités « extrascolaires ».
En effet, un enseignant qui met en place des projets s’investit beaucoup pour sa classe, il déborde de ses fonctions. Cela est gage de motivation de sa part et je présume que cela plait aux familles. Dans la même idée, il sera d’ailleurs intéressant de voir si toutes les familles apprécient cette présence de projets. En effet, est ce qu’un trop grand nombre de projets ne va pas rebuter certaines familles socioculturellement « défavorisées » qui ne comprendront pas la place de ces activités à l’Ecole ?
Enfin, je suppose que de bonnes conditions d’accueil pour la réunion en favorisent un bon jugement.
En effet, les Inspecteurs Généraux conseillent, dans leur rapport de 2006, de soigner les modalités d’accueil des parents dans les établissements scolaires. Ainsi, des parents bien reçus, confortablement installés, lors d’une réunion agréable à suivre et qui ne se sentent pas pris de haut par l’enseignant auront aussi une meilleure opinion sur le moment qu’ils ont vécu.
Les parents ont la parole – Pré-enquête d’avril 2013
Afin de m’aider à construire ma grille d’entretien pour ma première rencontre avec les familles, j’ai effectué une pré-enquête en avril 2013 auprès d’une dizaine de parents d’élèves de primaire afin d’obtenir leur avis sur la réunion de rentrée. J’ai essayé de varier leurs caractéristiques sociales en jouant sur plusieurs facteurs : l’âge des parents, l’âge des enfants, leur lieu de vie, le nombre d’enfant s dans la famille. Je les ai contactés par téléphone et les ai soumis à un questionnaire . Je voulais tout d’abord, avoir leur opinion sur la réunion de rentrée en général mais surtout, je voulais des réponses précises concernant leurs attentes par rapport à cette rencontre ainsi que leurs retours. Pour cela, je leur demandais de s’appuyer sur la réunion de septembre 2012 à laquelle ils avaient assisté e ou non.
Voici les résultats obtenus.
Que pensent – ils de l’organisation générale ?
Au niveau de l’organisation générale, les parents pensent, à mon grand étonnement, que cette réunion n’est pas organisée trop tôt. Se déroulant souvent vers 18h ou 18h30, ils trouvent cet horaire convenable, ni trop tôt (correspondance avec les horaires de travail des parents), ni trop tard (la réunion durant entre une heure et une heure et demie, elle ne se termine pas trop tard). Par contre, plus de la moitié des interrogés insistent sur l’absence de nombreuses familles durant cette réunion (« il y a 24 élèves dans la classe de mon fils, et il y avait seulement 10 familles présentes »). Ces personnes interrogées ont un autre point en commun, celui de scolariser leurs enfants en ville. Ainsi, les familles de la ville se rendent moins à la réunion de septembre que les familles de la campagne qui ont précisé que « tous les enfants de la classe avaient au moins un parent présent ».
Les professeurs des écoles ont la parole
Concernant les enseignants, je n’ai pas effectué d’enquête à proprement parlé, mais durant mes stages d’observation et de pratique j’ai pu rencontrer de nombreux instituteurs (environ huit) avec qui j’ai parlé de mon sujet de recherche. Ces enseignants pensent que cette réunion est indispensable afin de mettre en place le contact avec les parents mais aussi pour présenter sa manière de travailler, son organisation, ses projets… Un instituteur de CP disait que c’était le bon moment pour aborder la notion de coopération entre les parents et les enseignants et notamment les rôles de chacun dans la scolarité de l’enfant. Une autre enseignante, de CE2, m’a précisé que ce moment était important pour elle, car cela permettait de rencontrer les parents, de voir lesquels venaient, lesquels ne venaient pas et ainsi d’évaluer l’intérêt des parents face à la scolarité de leur enfant. Enfin, les points principaux abordés en réunion de rentrée par les professeurs des écoles interrogées sont : les projets de classe, les sorties, les programmes, l’emploi du temps, les sanctions, la fonction des cahiers (brouillon, leçon, liaison, dessin…), les moyens de se rencontrer par la suite, le travail à la maison.
L’Education nationale et le SNUIPP conseillent de faire visiter l’école, de proposer un café aux parents, de faire un tour de présentation afin que tout le monde sache qui est qui. Mais je constate qu’aucun des enseignants interrogés ne met en pratique ces conseils.
A la suite de la pré-enquête et des avis récoltés auprès des enseignants, j’ai pu construire ma grille d’entretien, comportant les thèmes suivants : l’opinion sur l’institutrice, la réussite scolaire (regroupant les méthodes de travail et l’évaluation),la discipline, les projets de classe, la relation de l’école à la famille et la réunion deseptembre.
Quels enjeux lors de la réunion de rentrée ?
Des réponses à mes hypothèses.
Des projets qui plaisent
L’une de mes premières hypothèses concerne les projets de classe. Je suppose que plus un enseignant fait de projets, plus les parents ont une bonne opinion de lui.
En effet, un enseignant qui monte des projets, qui ne sont pas annoncés comme obligatoires dans les programmes officiels, prouve qu’il s’engage dans sa classe, qu’il est motivé. En toute logique, les parents doivent apprécier ces enseignants qui donnent plus que ce qui leur est imposé.
Lors de mes entretiens avec les familles, j’ai pu constater qu’effectivement les parents apprécient les projets de classe et les sorties. Pour Mathilde, les projets de classe ouvrent l’esprit des enfants tout en leur permettant d’apprendre de nouvelles choses. Pour Hélène, les sorties sont un moyen de proposer aux enfants des activités pratiques, ce qui est important. On constate donc que mes entretiens avant la réunion confirment cette hypothèse.
Mais, deux éléments viennent relativiser cela. Tout d’abord, l’entretien de Sylvie qui m’explique qu’elle n’est pas rassurée de laisser son enfant partir en sortie avec la maîtresse. « L’année dernière il a fait une sortie à Paris, je n’étais pas très pour, j’avais peur. Mais si c’est vraiment des sorties où faut qu’il dorme là-bas […] je le laisserai pas. Je le laisserai pas parce qu’avec ce qu’on entend et puis est-ce que les enseignantes vont être… » Sylvie – Entretien avant la réunion. Cette mère de famille ne termine pas sa phrase mais on sent dans ses propos que sa crainte de laisser partir son enfant est due à un manque de confiance envers les enseignants. Ainsi, tous les parents ne sont pas favorables aux sorties organisées par l’école.
Ensuite, l’enseignante dont j’ai choisi d’étudier la réunion est une personne qui propose de très nombreux projets au sein de sa classe : école et cinéma, écolire, du patin à glace, du théâtre, une correspondance avec une autre classe, des rencontres sportives et de la chorale. Cela m’a donc permis de savoir si une grande quantité de projets n’avait pas l’effet inverse sur les familles. Ainsi, Mathilde, qui était très favorable aux sorties et projets de classe avant la réunion, émet quelques réserves face à ce grand nombre de projets, lors de son entretien retour. « Elle a de nombreux projets pour l’année, on voit qu’elle s’investit pour ses élèves, elle estmotivée.
[…] Après, je m’interroge si ce n’est pas trop. […] Est-ce qu’il reste de la place pour les apprentissages ? » Mathilde – Entretien après la réunion.
Ainsi, cette mère se demande si un trop grand nombre de projets ne va pas avoir de répercussions sur les apprentissages des élèves. En effet, faire vivre des projets est chronophage et le temps en est décompté sur les heures de classe. Cela peut donc inquiéter certaines familles. Pour autant, sur les trois mères interrogées qui ont assisté à la réunion, seulement Mathilde craint qu’il n’y ait trop de projets.
Hélène n’en fait pas allusion lors de son entretien retour et Laura, au contraire, trouve que tous ces projets sont biens. « C’est plutôt bien tout ce qu’elle fait. Elle permet aux enfants de voir autres choses. Elle propose d’emmener les enfants au cinéma […] je suis sûre que dans la classe il y a des gamins qui sont jamais allés au cinéma. » Laura – entretien après la réunion. Ici, cette mère appuie l’idée que les sorties permettent aussi de faire découvrir de nouvelles expériences à des enfants qui n’ont pas la possibilité de vivre cela avec leurs parents. Les projets de classe sont donc les bienvenus notamment dans les écoles fréquentées par des familles plutôt défavorisées.
D’ailleurs, l’école où j’ai effectué mon enquête se situe dans un quartier mixte où se côtoie des « familles pavillonnaires » et des « familles HLM ». Or, Laura, qui soutient les projets de classe nombreux, habite dans un habitat à loyer modéré alors que Mathilde, qui ne soutient pas spécialement les projets abondants, vit dans un pavillon. On constate ici une différence sociale. Les familles plus défavorisé es vont peut-être plus apprécier les projets qui permettent aux enfants de découvrir des endroits, des activités qu’ils ne peuvent eux-mêmes offrir à leurs enfants. Au contraire, les familles plus favorisées, qui n’ont pas besoin de l’école pour ouvrir l’esprit de leurs enfants, vont être plus réticents par rapport à une grande quantité de projets, constatant que cela prend du temps sur les apprentissages. J’en conclue que la quantité de projets proposée par l’enseignant doit varier selon le milieu dans lequel il intervient du fait que la demande des parents sera différente. Dans tous les cas, je valide mon hypothèse en affirmant qu’un enseignant qui propose des projets bénéficiera d’un meilleur jugement de la part des parents.
Un conseil de l’IGEN contesté
Les Inspecteurs Généraux, dans leur rapport de 2006, conseillent aux enseignants d’accueillir les familles dans des conditions adaptées, notamment en ce qui concerne les locaux, le matériel mais aussi les horaires de rencontre. De bonnes conditions d’accueil favorisant la mise en place d’une meilleure relation. Lors de mon enquête, j’ai constaté des éléments qui vont en faveur de ce conseil.
En effet, pendant la réunion à laquelle j’ai assisté pour mon enquête, il faisait très chaud dans la salle de classe et dans la classe mitoyenne se déroulait l’étude du soir où les élèves qui y participaient faisaient beaucoup de bruit. La forte chaleur et le bruit provoqué par les cris et les claquements de portes empêchaient les parents d’être totalement attentifs.
Je pense qu’il est nécessaire, en tant qu’enseignant, de soigner ces aspects lors de la réunion car ils peuvent avoir des répercussions négatives. Je l’ai constaté auprès de Sylvie, qui n’avait pas assisté à la réunion mais se l’était faite raconter par une voisine, qui, elle, était présente :
« Elle m’a dit qu’elle avait eu mal à la tête le soir. » – « Elle m’a dit que c’était très bruyant » – « Elle m’a dit qu’il y avait des enfants qui entraient, ou qui couraient dans les couloirs ». Sylvie – entretien après la réunion.
Des résultats supplémentaires
Une implication familiale forte
Jean-Manuel de Queiroz dont nous avons parlé plus tôt, considère que les familles à faible capital scolaire ont tendance à s’en remettre le plus à l’instituteur et à l’école. Ainsi, comme au début du siècle dernier, elles confient l’avenir de leur enfant au professeur qui représente la connaissance, le savoir. Lors de mon enquête, j’ai pu faire un constat différent auprès notamment de Sylvie et d’Hélène, toutes deux n’ayant pas fait d’étude. Sylvie aime aller à la rencontre des enseignants afin de parler de son fils, s’il a des soucis, s’il comprend bien en classe et ne leur accorde pas sa confiance, notamment lorsqu’il s’agit de partir en sortie. « Je ne tolèrerai pas qu’il aille en sortie. J’ai peur. Je ne le laisserai pas. » Sylvie – entretien avant la réunion.
Quant à Hélène, elle n’hésite pas à aller voir l’enseignante après une punition donnée à son fils. En effet, lorsqu’elle n’est pas d’accord avec une sanction, elle se rend directement voir l’enseignante pour en parler avec elle. « Je l’avais trouvée trop sévère. […] Quand je vais chez elle, je lui dis « alors, qu’est ce qu’il se passe ? ». Hélène – entretien avant la réunion.
Ces deux mères de famille n’ont donc aucune retenue en ce qui concerne la discipline et l’éducation de leurs enfants. Ainsi, elles interviennent auprès des professeurs. Cela montre donc, que même si des familles sont défavorisées, culturellement parlant, elles restent très impliquées en ce qui concerne leur enfant.
Cela peut être dû à l’existence d’une méfiance vis-à-vis de l’école et des enseignants, de manière générale. Eux-mêmes n’ayant pas réussi leur scolarité, ils gardent une distance de sécurité avec l’école qui, pour eux, n’est pas garante deréussite.
A contrario, Mathilde, mère diplômée de deux maîtrises, m’a confié qu’elle donnait carte blanche à l’enseignant en matière d’éducation et d’instruction. « Je laisse l’enseignant gérer. Pour les problèmes qu’il peut y avoir dans la classe, c’est la maîtresse qui a, je dirais, carte blanche. Après si on me fait un retour que ça ne va pas, j’interviens à la maison. […] Je vais toujours dans le sens de l’institutrice. » Mathilde – entretien avant la réunion.
Elle n’hésite donc pas à accorder toute sa confiance à l’enseignant. Elle le soutient face à ses enfants et exige un respect. Cela peut s’expliquer par la proximité sociale de la mère et de l’enseignante. En effet, leur capital scolaire étant proche , cette mère n’a aucune crainte à donner les pleins pouvoirs au professeur de son fils.
Ainsi, une famille ayant un capital scolaire important fera d’autant plus confiance à un professeur. Malgré cela, Mathilde précise que même si elle respecte l’autorité de l’enseignante, elle garde un œil sur l’école et n’hésite pas à intervenir sur des questions pédagogiques.
Mon enquête montre donc que, même à des niveaux différents, tous les parents sont impliqués dans la scolarité de leur enfant. L’enseignant doit ainsi arriver à combler ces exigences qu’elles soient disciplinaires ou pédagogiques. En conséquence, il me semble capital d’évoquer la discipline et la pédagogie lors de laréunion afin de rassurer chaque famille.
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Table des matières
Introduction
I. Les parents à l’école
1. Un peu d’histoire
2. L’entrée des parents à l’Ecole
3. Et aujourd’hui ?
4. Mais qui sont les parents ?
II. L’importance de la relation entre les parents et les enseignants
1. Vers une meilleure réussite de l’élève
2. Qu’est ce qu’une relation fructueuse entre parents et enseignants ?
3. Un partenariat est-il possible avec toutes les familles ?
4. La première rencontre officielle
III. Ma méthode de recherche
1. Une méthode d’enquête qualitative : l’enquête ethnologique
2. Une enquête de type ethnologique
3. Problématique et hypothèses
4. Les parents ont la parole – Pré-enquête d’avril 2013
5. Les professeurs des écoles ont la parole
6. Analyse thématique des contenus
IV. Quels enjeux lors de la réunion de rentrée ?
1. Des réponses à mes hypothèses
i. Des projets qui plaisent
ii. Un conseil de l’IGEN contesté
iii. Une lacune professionnelle qui passe à l’as
iv. Une personne plus qu’un professionnel
v. Un regard présent mais mesuré sur la pédagogie
vi. La connivence sociale implique-t-elle une meilleure relation entre famille et enseignant ?
2. Des résultats supplémentaires
i. Une implication familiale forte
ii. Des absences justifiées
iii. Un thème peu abordé : le groupe classe
iv. La place centrale des enfants
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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