L’implicite et les liens logiques chez des enfants dyscalculiques de 7 à 11 ans

La pragmatique

   Pour cette partie, nous nous sommes largement inspirées des ouvrages de: Armengaud F. (1985), Austin J.L. (1970), Kerbrat Orecchioni C. (2001), Roudière G. (2002)’ et Searle J.R. (1996). Les paroles sont aussi un moyen d’accomplir des actions : dire c’est sans doute transmettre à autrui certaines informations sur l’objet dont on parle, mais c’est aussi faire, c’est-à-dire tenter d’agir sur son interlocuteur, voire sur le monde environnant. Et c’est cela qui constitue la base de l’approche pragmatique. C’est surtout au début du XXè siècle que I’on voit se répandre une sorte de prise de conscience de ce que I’on appelle aujourd’hui la dimension pragmatique du langage. Cette prise de conscience a pris des formes diverses, par exemple et entre autres :
– la description des différentes formes de phrases qui sont, pour Benveniste, au nombre de trois : les propositions assertives, les propositions interrogatives, et les propositions impératives, distinguées par des traits spécifiques de syntaxe et de grammaire,
– les fonctions du langage que dégage K. Bühler sont également au nombre de trois : la représentation, l’expression et l’appel ; fonctions reprises par Jakobson sous le nom de fonctions référentielle, expressive et conative, auxquelles viennent s’ajouter trois fonctions supplémentaires dites phatique, métalinguistique et poétique,
– les pensées d’autres précurseurs de la théorie des actes de langage tels que Ch. Bally et à A. Reinach, A.H. Gardiner, Grice, et Goffman, qui annoncent les travaux de Searle,
– celles d’un autre pionnier de la pragmatique contemporaine : B.K. Malinowski, qui défend un langage-action, en disant que le langage est essentiellement un moyen d’agir.
– des théories originales développées par Gardiner et Malinowski, où I’on reconnaît cependant l’influence du modèle alors dominant en psychologie : le modèle behavioriste.
– la sémiotique développée par Ch.S. Peirce qui pense que le sens d’un énoncé se ramène aux effets que cet énoncé est susceptible de produire. Ch. Morris distingue trois types d’approche des signes : sémantique, syntaxique, et pragmatique, selon que les signes sont envisagés dans les relations qu’ils entretiennent avec leurs référents, avec les autres signes de la phrase ou avec leurs utilisateurs. L. Wittgenstein, philosophe, dit que décrire le sens des mots ou des énoncés,c’est décrire les actes qu’ils permettent d’accomplir, ces idées étant influencées par les «jeux de langage » de Wittgenstein. La plus ancienne définition de la pragmatique est celle de Morris en 1938 : « La pragmatique est cette partie de la sémiotique qui traite du rapport entre les signes et les usagers des signes. » La pragmatique étudie donc la relation des signes aux locuteurs, de l’énoncé à l’énonciation. Elle concerne les actes linguistiques et les contextes dans lesquels ils sont accomplis. La pragmatique est fondée sur trois principaux concepts :
– le concept d’acte : c’est considérer que le langage ne sert pas seulement, ni d’abord, ni surtout, à représenter le monde, mais il sert à accomplir des actions. Parler, c’est agir, par exemple sur autrui,
– le concept de contexte : c’est la situation concrète où des propos sont émis, ou proférés, le lieu, le temps, l’identité des locuteurs, … tout ce que I’on a besoin de savoir pour comprendre et évaluer ce qui est dit,
– le concept de performance : c’est I’accomplissement de l’acte en contexte, avec tout le savoir et la maîtrise des règles des interlocuteurs.

L’implicite est un trait inhérent de la langue

   L’implicite est présent dans toutes les communications humaines. II est fondamental de permettre aux interlocuteurs d’instituer entre eux un réseau de rapports implicites sur lequel se fondent leurs échanges. Ainsi, chaque personne, au moment où elle s ‘exprime crée, autour de son énoncé, l’univers dont elle parle. Pendant ce temps, les interlocuteurs tentent de se représenter ce monde, de se l’approprier, de le comprendre en cherchant les motifs qui ont pu le susciter. A partir des données de la littérature, nous avons voulu comprendre ce qu’est l’implicite, comment il s’exprime )) et ce qui ne s’exprime pas, quels sont les mécanismes discursifs mis en jeu, quels procédés de décodage et d’interprétation sont nécessaires au récepteur pour comprendre le message de son interlocuteur, à quels mécanismes mentaux le sujet doit avoir recours et quelles sont les compétences nécessaires pour comprendre ce qui n’est pas dit dans le discours

L’implicite est un rajout à la signification littérale : explicite

   L’implicite n’existe pas sans le support de l’explicite, il n’est pas autonome. La signification est ce supplément de sens dû à l’interprétation qu’en fait le destinataire ou qu’en suggère le locuteur. C. Kerbrat-Orecchioni (1986) l’exprime ainsi : «Les contenus explicites sont logiquement premiers, en ce que l’existence des contenus implicites présuppose unilatéralement celle des contenus explicites sur lesquels ils se greffent, et qu’éventuellement même, (. . .), ils détournent à leur seul profit N. Ainsi que l’a montré 0. Ducrot (1998) : K Dans tous ces cas, la signification implicite apparaît comme surajoutée par rapport à une autre signification, que nous appellerons « littérale « . » Elle s’ajoute à la signification littérale mais elle ne la remplace pas. Si je dis : << II est 22 heures », cela peut vouloir dire : << Allez-vous en ! », mais la signification littérale reste, et l’auditeur aura toujours la possibilité de répondre en ne tenant compte que de ces données explicites. De plus, la signification implicite ne peut être comprise, qu’une fois la signification explicite saisie. Vous devez d’abord comprendre que j’annonce l’heure qu’il est, pour en déduire une notion temporelle, et, selon le contexte situationnel, peutêtre une invitation à partir. En revanche, il est possible de comprendre la signification explicite sans saisir l’implicite. 0. Ducrot (1998) aboutit à la même conclusion quand il écrit: K Le rapport entre les deux éléments est donc une sorte de dépendance unilatérale, une des significations, et une seule, étant nécessaire à la saisie de l’autre. )) O. Ducrot (1998) montre aussi l’influence du contexte par cet exemple : << En disant au patron d’un hôtel ‘Ce matin, les croissants étaient frais », on laisse entendre qu’ils étaient secs les jours précédents. (. . .) L’énoncé précédent peut très bien être utilisé par le patron, sur le point d’annoncer que le lendemain, par suite de la grève des boulangers, il ne pourra pas, exceptionnellement, servir des croissants frais. On peut d’autre part facilement imaginer un client qui, après une journée passée à l’hôtel, énumère ses griefs : « Ce matin, les croissants étaient secs ; au déjeuner, la viande était dure …  » C’est une des raisons pour lesquelles nous réservons au composant rhétorique, qui connaît les contextes, le calcul des sous-entendus. B A partir de l’énoncé et de son sens littéral, et selon la situation d’énonciation, les interlocuteurs, le moment, le lieu et les circonstances, le locuteur va pouvoir établir une démarche discursive, une sorte de raisonnement pour aboutir au sous-entendu.Son raisonnement s’articule ainsi : << Si X a cru bon de dire Y ici et maintenant, c’est qu’il pensait Z >> et Z est un sous-entendu. Le locuteur peut aussi omettre de dire explicitement une information, ou une relation logique (de cause-conséquence par exemple) liant deux faits. Parfois, l’énoncé peut aboutir à deux interprétations différentes, et le seul élément qui permettra de savoir laquelle est la bonne est I’intonation. Par exemple II pleut >> peut être une interrogation ou une exclamation de joie, ou de déception, selon I’intonation qui est utilisée lors de l’énonciation.

Les tabous

  II existe, dans toutes les sociétés, des mots qui ne doivent pas être prononcés, des sentiments, ou des événements qui constituent un interdit d’origine sociale, ce sont des tabous. Lorsqu’un mot ou une expression est chargé de significations inacceptables, d’autres mots lui sont substitués pour transmettre implicitement la même signification sans la formuler explicitement. Au niveau du locuteur lui-même, il y a des informations qu’il ne peut pas se permettre de dire. Selon la situation, son interlocuteur et son vécu, le locuteur ne peut exprimer certaines idées, non pas qu’elles soient objets d’une prohibition mais parce que l’acte de les donner constituerait une attitude considérée comme répréhensible. Pour telle personne, à tel moment, dire telle chose, ce serait se vanter, se plaindre, humilier l’interlocuteur, le blesser, le provoquer, etc. Dans la mesure où, malgré tout, le locuteur peut avoir l’envie ou le besoin d’exprimer ces informations, il devient nécessaire d’avoir à sa disposition des modes d’expression implicites, qui permettent de laisser entendre sans encourir la responsabilité d’avoir dit.

Agir sur l’auditeur

  Chaque locuteur, avant même de s’exprimer, se représente, en fonction de son expérience de l’activité linguistique, les déductions que l’allocutaire fera. II anticipe déjà l’effet que ses paroles peuvent avoir et choisit ainsi celles qui ont de grandes chances de produire les conséquences qu’il désire : faire admettre une opinion ou déclencher un acte. Lorsqu’on donne un ordre, non seulement on exprime sa volonté, mais on fait savoir que I’on a le droit, dans cette situation, de donner des ordres et cela modifie les rapports sociaux entre les interlocuteurs. Lorsque I’on interroge quelqu’un, on lui demande une information, mais on témoigne aussi son intérêt. Tous les actes de parole transforment les rapports existants entre les interlocuteurs. On peut, par l’implicite, susciter certaines pensées ou opinions chez l’allocutaire, sans prendre le risque de les formuler soi-même, on peut donc faire croire sans avoir dit. L’implicite peut aussi servir à provoquer des émotions chez le destinataire dans le but d’en obtenir certains effets (comique par exemple) ou certains sentiments (la compassion par exemple). G. Roudière (2002) évoque le cas des emplois de l’implicite dans un but de manipulation : « Qui ne sait des cas de victimes naïves d’escrocs qui se font une spécialité de jouer sur les inférences ? A partir de très peu d’éléments qu’ils ontgrappillés ci et là, ceux-ci montent un discours à trous que leurs victimes remplissent innocemment des débordements de leur crédulité, jusqu’à se convaincre de la réalité de ce qu’ils entendent, et dont la conclusion aboutit, le plus souvent, à leur déconfiture. w Les politiciens utilisent la même stratégie au cours des débats. Ils intègrent leurs opinions dans le discours, sous forme de sous-entendus. L’interlocuteur, se sentant obligé de continuer le dialogue se retrouve face à un dilemme : soit il s’oppose au présupposé au risque d’être accusé d’interrompre la conversation ou de << sortir du sujet », soit il continue le dialogue et, par son silence, consent à ce que le présupposé soit admis comme une évidence.

Les inférences liées aux connaissances du monde, aux actions, aux situations, aux scripts, …

   Certains implicites font appel à des savoirs normalement partagés par tous les interlocuteurs et tenus pour acquis en conversation. On les appelle « connaissances du monde », ils concernent l’organisation des différents événements ou faits du monde, les relations logiques et chronologiques. Ces connaissances sont indispensables tant à la production qu’à la compréhension d’un discours. Cela peut être par exemple une situation de la vie courante qui suit un script c’est-à-dire déroulement séquentiel stéréotypé. Pour se nettoyer les dents, chacun prend sa brosse à dents, dépose du dentifrice dessus et brosse ses dents. O. Ducrot (1998) illustre ces implicites liés aux connaissances du monde en évoquant une pancarte « Ouvert le mardi », posée à la devanture d’un magasin. Le composant linguistique nous informe simplement que ce magasin est ouvert le mardi, c’est le sens littéral de I’énoncé. Le composant rhétorique, lui, varie selon la situation. Dans notre société, chacun sait que les magasins sont habituellement ouverts le mardi, selon la loi d’informativité, la pancarte doit apporter une donnée nouvelle. Le sens littéral n’est donc plus suffisant. La loi d’exhaustivité oblige la pancarte à dire le maximum d’informations possible. On interprétera donc I’énoncé comme : « Ce magasin est ouvert uniquement le mardi ». Si, dans notre société, le mardi était habituellement le jour de fermeture des magasins, alors l’interprétation « Ce magasin est ouvert même le mardi » sans indiquer son état les autres jours, serait tout à fait probable.

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Table des matières

Introduction
1. PREMIERE PARTIE : PARTIE THEORIQUE 
1 .l. INTRODUCTION 
1.1 .l. La pragmatique
1.1.2. L’explicite, les acquis indiscutables, et l’implicite
1.1.3. L’implicite est un trait inhérent de la langue
1.2. NOTIONS GENERALES SUR L’IMPLICITE 
1.2.1. Les définitions de l’implicite
1.2.2. L’implicite est un rajout à la signification littérale : explicite
1.2.3. Des exemples d’implicites
1.2.4. Les conventions langagières et situationnelles liées à l’implicite
1.2.5. Manifestations volontaires ou involontaires,les intérêts de l’implicite
1.2.6. La responsabilité de l’énonciation
1.2.7. Les tabous
1.2.8. La remise en question
1.2.9. Agir sur l’auditeur
1.3. LES DIFFERENTS TYPES D’IMPLICITE
1.3.1. Les inférences liées aux connaissances du monde, aux actions, aux situations, aux scripts
1.3.2. L’implicite dans le langage, quelques types d’implicites
1.3.4. D’autres formes d’implicites
1.4. LES COMPETENCES REQUISES AU DECODAGE DE L’IMPLICITE
1.4.1. La compétence linguistique
1.4.2. La compétence encyclopédique
1.4.3. La compétence logique
1.4.4. La compétence rhétorico-pragmatique
1.5. LA LECTURE D’IMAGES ET L’IMPLICITE ICONIQUE
1.5.1. Les définitions de I’image
1.5.2. Les rapports existant entre la langue et I’image
1.5.3. La lecture d’images
1.5.4. L’implicite iconique
1.6. LE RAISONNEMENT LOGICO-MATHEMATIQUE : DEVELOPPEMENT ET TROUBLES
1.6.1. Les stades de développement de la pensée logique selon Piaget
1.6.2. Les structures sous-jacentes à la construction du nombre
1.6.3. Les troubles du raisonnement logico-mathématique et la dyscalculie
1.7. DES LIENS ENTRE L’IMPLICITE ET LE RAISONNEMENT LOGICO-MATHEMATIQUE
1.7.1. D’autres capacités liées à la logique
1.7.2. Au quotidien …
1.7.3. L’implicite en rééducation orthophonique
2. DEUXIEME PARTIE : PARTIE EXPERIMENTALE 
2.1. LA DEMARCHE D’ELABORATION DU PROTOCOLE 
2.1 .l. Le choix des épreuves
2.1.2. Le pré test
2.1.3. Les modifications du protocole suite au pré-test
2.1.4. Les difficultés rencontrées
2.2. LA PRESENTATION DE L’EXPERIMENTATION 
2.2.1. La population expérimentale
2.2.2. La durée de passation
2.2.3. Les modalités de passation
2.3. LA COTATION PAR NOTION
2.3.1. Quelques Remarques générales
2.3.2. Le détail de la cotation par notion
2.4. LA COTATION PAR EPREUVE 
2.4.1. Les auto-corrections des enfants
2.4.2. Les justifications des enfants
2.4.3. La « norme » à I’UDN
2.4.4. La cotation des épreuves 8
2.4.5. Le détail de la cotation par épreuve
2.5. LA COTATION DES CONDUITES LANGAGIERES 
2.6 LES DIFFICULTES RENCONTREES
3. TROISIEME PARTIE : ANALYSE DES RESULTATS 
3.1. L’ANALYSE PAR NOTION
3.1 .1. l’interprétation des graphiques
3.1.2. La conciusion de l’analyse par notion
3.2. L’ANALYSE PAR EPREUVE
3.2.1. Les épreuves de logique
3.2.2. La conclusion de l’analyse des épreuves logiques
3.2.3. Les épreuves d’implicite
3.2.4. La conclusion de I’analyse des épreuves d’implicite
3.2.5. Quelques interprétations
3.3. LIENS ENTRE LES NOTIONS LOGIQUES ET LA COMPREHENSION DES IMPLICITES
3.3.1. Les liens entre notions de logique et d’implicite
3.3.2. De cause à effet immédiat
3.3.3. Les personnages dans les histoires en images
3.3.4. Certains enfants se laissent influencer par les éléménts perceptifs
3.3.5. Les enfants sont à la recherche de cohérence
3.4. L’ANALYSE DES COMPORTEMENTS ET CONDUITES LANGAGIERES
3.4.1. Le vocabulaire
3.4.2. Les connecteurs logiques et spatio-temporels
3.4.3. Les items à choix multiples
3.4.4. L’emploi des pronoms personnels
3.4.5. Les liens avec des situations réelles ou vécues
3.4.6. Les changements de point de vue
3.4.7. Les énoncés relatifs à I’autoévaluation
3.4.8. L’utilisation de l’implicite ou de l’humour en expression
3.5. CE QUE CE MEMOIRE NOUS A APPORTE 
3.6. DISCUSSION 
CONCLUSION
LISTE DES GRAPHIQUES
REPERES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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