L’impact pédagogique positif : une meilleure gestion de l’hétérogénéité de la classe de FLE grâce au plurilinguisme

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L’UPE2A du collège des Violettes

Présentation générale de la structure

L’UPE2A des Violettes s’est ouverte en septembre 2011, et a été inaugurée par Emilie Tillaux (qui a ensuite été à Claude Nougaro). Ce collège, situé sur une commune périphérique du Nord de Toulouse, est plus favorisé socialement que Toulouse-Lautrec et Claude Nougaro.
36 Contrairement au profil linguistique de mon groupe UPE2A qui rassemble tous les élèves vus sur l’année, je n’ai pu faire ici qu’un état des lieux du groupe UPE2A du collège Claude Nougaro sur un mois. Des pseudonymes ont été utilisés pour tous les élèves.
Il n’est concerné, dans sa carte scolaire, par aucun Quartier Prioritaire37. Les enseignant.e.s du collège des Violettes que j’y ai rencontré.e.s s’accordent pour dire qu’il y a une bonne mixité sociale dans cet établissement d’environ 650 élèves.
Marion Sygall est enseignante d’espagnol depuis juin 2005, et professeure de FLE/FLS et d’espagnol depuis septembre 2014. Elle est donc elle aussi une enseignante chevronnée, mais son expérience en FLE/FLS est plus récente.
Ce qui frappe, est que l’atmosphère générale du collège se répercute sur la classe de FLE : en effet, des 3 classes, c’était celle qui était la plus calme. Pour la même séquence, qui s’est déroulée à peu près à la même période de l’année38, les enregistrements audios montrent une interruption beaucoup moins fréquente des interactions orales dans la classe des Violettes que dans celle de Claude Nougaro. En effet, plusieurs enseignants en UPE2A s’accordent à dire que les élèves allophones, au fur et à mesure de l’année, calquent leur comportement sur celui des élèves des classes ordinaires. En plus de cela, on peut rajouter qu’une forte concentration d’un groupe linguistique (ce qui est le cas à Claude Nougaro) est potentiellement plus propice aux interventions intempestives – notamment des interpellations entre camarades, déconnectées du cours – qu’un groupe hétérogène du point de vue linguistique. Or, les deux groupes ont, à cet égard, des profils très différents.

Profil linguistique dans l’UPE2A du collège des Violettes

Toujours grâce à ce même rituel de début de séance, j’ai pu recueillir les informations suivantes sur les langues parlées par les élèves. Comme pour le collège Claude Nougaro, j’ai noté par une croix les langues que les élèves disent parler, sans aucune restriction. J’ai noté par une croix entre parenthèses les langues que les élèves disent apprendre à parler ou connaître un peu. J’ai rajouté, dans cette catégorie, des langues pour lesquelles j’ai constaté, pendant les activités proposées dans la séquence, que certains élèves avaient des connaissances non déclarées.

Etude théorique

Définition des notions en jeu

Véronique Castellotti57 souligne que la notion de « plurilinguisme » est beaucoup employée mais souvent ambiguë, pas toujours comprise de la même manière par les différents acteurs qui l’utilisent. Il convient donc de définir cette notion, ainsi que celles qui gravitent autour d’elle : approche(s) plurielle(s), plurilinguisme, multilinguisme, diversité.

De nouvelles méthodes pédagogiques : de l’approche plurielle aux approches plurielles

La notion de « plurilinguisme » s’inscrit dans la notion plus large d’« approches plurielles » que Michel Candelier (2008) a présentées de manière synthétique. Le chercheur rappelle qu’au départ, la notion d’« approche plurielle » (plutôt au singulier) désignait uniquement l’éveil aux langues. Puis ce terme a été utilisé de manière élargie pour renvoyer à toute démarche qui prenne en compte la diversité linguistique et culturelle : « […] on appellera approche plurielle toute approche mettant en œuvre des activités impliquant à la fois plusieurs variétés linguistiques et culturelles. En tant que telle, une approche plurielle se distingue d’une approche singulière, dans laquelle le seul objet d’attention est une langue ou une culture particulière, prise isolément. » (Candelier, 2008 : 68)
On parle alors souvent des « approches plurielles » – au pluriel. Michel Candelier distingue d’un côté une démarche centrée sur l’aspect culturel et de l’autre des démarches plus proprement linguistiques. Même si langue et culture ne sont jamais totalement déconnectées, il existe bien des points de vue dominants qui permettent de différencier certaines démarches.

Une démarche centrée sur l’aspect culturel

L’approche interculturelle (ou les approches interculturelles) vise(nt) la prise en compte des différentes cultures, sans jugement de valeur, sans hiérarchie, sans classement stéréotypé. Il s’agit d’envisager l’individu en lui-même et dans sa culture, afin d’aboutir à une véritable rencontre négociée et réciproque entre les cultures. Cette démarche implique de renoncer à l’ethnocentrisme. On parle parfois de « transculturel » pour insister sur le fait que chacun des participants ne ressort pas indemne de cette rencontre interculturelle, mais subit une transformation réelle et durable. Les principaux chercheurs dans ce domaine sont Martine Abdallah-Pretceille, Louis Porcher, Christian Puren et Geneviève Zarate.
La réflexion sur le plurilinguisme est, dans les ouvrages théoriques, toujours étroitement liée à la dimension culturelle de la langue, et donc aux notions d’interculturel ou de transculturel. Nous nous limiterons intentionnellement, pour des raisons de clarté et parce que nous avons choisi la porte d’entrée « langue », à l’aspect linguistique, sans ignorer les liens étroits entre les deux domaines.

Des démarches proprement linguistiques

Michel Candelier (2008) relève trois types d’approches, et ce sont elles qui nous intéressent particulièrement. Tout d’abord, il évoque la didactique intégrée des langues enseignées qui concerne la langue de scolarisation ou une langue étrangère : « le concept de didactique intégrée [ …] ne préjuge pas de la manière dont les langues en questions sont enseignées : il peut s’agir d’enseignement de la langue ou d’enseignement dans une langue (qui est alors langue d’enseignement d’autres disciplines). » (Candelier, 2008 : 68)
Ainsi, ces langues de scolarisation ou étrangères peuvent avoir le statut de matériau à étudier (cours de langue française, cours d’espagnol) ou de matériau pour étudier une autre matière (cours de SVT ou d’EPS en français, cours d’histoire-géographie en anglais dans le cadre de la DNL, ou cours d’histoire-géographie en français pour des élèves allophones). Mettre sur le même plan la langue de scolarisation et les langues étrangères, en France, a été un premier coup de force. Cela a permis, en effet, à la fois de relativiser la place du français pour apprendre d’autres matières, mais aussi d’affirmer le caractère indispensable de l’acquisition du langage, dans quelque langue que ce soit, pour accéder à tous les types de savoirs. Ce type de démarche est soutenue, par exemple, par Michel Candelier, Véronique Castellotti ou Louise Dabène. En UPE2A, on voit à quel point ce concept est opératoire. En effet, les élèves apprennent le français, en cours de FLE, comme une langue étrangère (et seconde, et maternelle). Le reste du temps, en classe ordinaire, ils accèdent aux autres matières à travers une langue étrangère, le français, dans des situations proches des cours de DNL. L’exigence pour les élèves de FLE en intégration est encore plus grande que pour la DNL car le recours à la langue maternelle pour vérifier la compréhension n’est quasiment jamais possible, sauf si l’enseignant connaît la langue de l’élève et décide de l’utiliser au début ou à la fin du cours avec l’élève allophone en particulier.
Michel Candelier évoque ensuite une seconde approche plurielle : l’intercompréhension entre langues parentes. Il s’agit de tirer profit de la proximité linguistique entre des langues (langues latines, langues germaniques) pour développer des compétences, essentiellement en compréhension écrite. Louise Dabène, notamment, a œuvré au développement de cette démarche. En UPE2A, ce phénomène est extrêmement courant, notamment entre élèves arabophones du Maghreb et du Machrek, ou entre élèves hispanophones, lusophones et italianophones.
Enfin, Michel Candelier présente l’éveil aux langues. Cette approche est d’abord apparue en Grande-Bretagne, dans les années 1970-1980 avec Eric Hawkins, sous le nom d’ « awareness of language » (réflexion sur le langage ou prise de conscience métalinguistique). C’est d’abord auprès de minorités ethniques, socialement défavorisées, qu’Eric Hawkins ressent le besoin de faire de la grammaire autrement, non pas en se limitant à la langue anglaise, langue de scolarisation, mais en prenant en compte les langues des élèves, et aussi les langues étrangères apprises à l’école. Son but est de faire progresser les élèves en anglais (langue de scolarisation) mais aussi en langues étrangères. Ces deux matières ne sont plus vues séparément : il s’agit de mener une réflexion globale sur les langues et le langage en général, dans une nouvelle matière qui est une « matière-pont » (Hawkins, 1992) entre l’anglais, les langues étrangères, mais aussi toutes les matières scolaires, puisqu’elles utilisent la langue de scolarisation. Dans les années 1990, Louise Dabène importe l’idée d’Eric Hawkins en France et Michel Candelier la développe pour le Conseil de l’Europe sous le nom d’Evlang (éveil aux langues) (Auger, 2010 : 92). Dans le même état d’esprit et à la même période, on trouve en Suisse le programme EOLE (Eveil et Ouverture aux Langues à l’Ecole), porté notamment par Jean-François De Pietro. L’objectif n’est pas d’apprendre, de manière approfondie, une langue, mais d’aider les élèves, par des activités d’ouverture à la différence linguistique et à la réflexion métalinguistique, complémentaires aux matières « langue de scolarisation » ou « langue étrangère », à progresser dans l’acquisition du langage, en langue première et en langue étrangère. Il s’agit en quelque sorte d’une aide méthodologique pour entrer dans une langue ou mieux la maîtriser.
Ces nouvelles démarches pédagogiques se sont accompagnées d’une nouvelle façon de concevoir les personnes plurilingues.

La notion de compétence plurilingue : une nouvelle conception des locuteurs

Avec la notion de « compétence plurilingue » (Coste, Moore & Zarate, 2009, 1997), on change en effet radicalement de perspective. On abandonne la vision d’un locuteur qui maîtrise une langue ou des langues séparées, de manière équilibrée ou non, avec un droit ou non au titre de « bilingue », « trilingue », voire « polyglotte ». On passe à la conception moins normative d’un locuteur qui dispose d’un « répertoire plurilingue », c’est-à-dire de compétences diverses (compréhension orale et/ou écrite, production orale et/ou écrite), partielles, à différents niveaux, dans plusieurs langues : On désignera par compétence plurilingue et pluriculturelle, la compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement possédée par un acteur qui maîtrise, à des degrés divers, plusieurs langues, et a, à des degrés divers, l’expérience de plusieurs cultures, tout en étant à même de gérer l’ensemble de ce capital langagier et culturel. L’option majeure est de considérer qu’il n’y a pas là superposition ou juxtaposition de compétences toujours distinctes, mais bien existence d’une compétence plurielle, complexe, voire composite et hétérogène, qui inclut des compétences singulières, voire partielles, mais qui est une en tant que répertoire disponible pour l’acteur social concerné (Coste, Moore & Zarate, 2009 : 11)
Avec cette notion de compétence plurilingue, on abandonne la vision idéalisée du bilingue pour passer à une conception plus réaliste du locuteur plurilingue, qui est opérationnel dans telle situation avec telle langue, dans une autre situation avec une autre langue. Le locuteur qui utilise un domaine lexical pour une langue et un autre domaine pour une autre langue n’est plus taxé de « semilingue » : le locuteur plurilingue assume le déséquilibre de ses compétences et développe des stratégies pour communiquer efficacement, en évoluant à travers ses différentes langues, dans l’espace et dans le temps. L’alternance codique n’est plus vue comme un défaut, mais comme la marque d’agilité cognitive et de compétences de communication. Les langues du locuteur ne sont plus compartimentées, mais ont des liens entre elles, et contribuent toutes à l’acquisition et à l’enrichissement du langage du locuteur en général. Apprendre une nouvelle langue ne signifie pas repartir à zéro, mais s’appuyer sur la L1, la L2, etc…
Il s’agit aussi finalement, avec l’avènement de cette notion de « plurilinguisme », de conscientiser chez les différents locuteurs des compétences linguistiques déjà présentes et, ce faisant, de faire naître l’estime de soi, la confiance et ainsi la motivation pour activer ces compétences. Avec cette conception, le locuteur strictement monolingue ne peut plus exister puisqu’à moins d’évoluer en laboratoire, il a forcément été exposé à une seconde langue.
A l’intérieur même de la L1, on prend conscience de la pluralité qui existe : registres de langue, variations oral / écrit, variations liées au statut social du locuteur ou de l’interlocuteur ou à la situation de communication, etc… A cet égard, il est significatif qu’au début des années 80, dans un contexte de crise économique et de tensions sociales, on s’intéresse en même temps à la valeur sociale des langues (Hawkins, 1984) et à celle des différentes variations à l’intérieur d’une même langue (Bourdieu, 1982) :
« si grande que soit la part du fonctionnement de la langue qui échappe à la variation, il existe, dans l’ordre de la prononciation, du lexique et même de la grammaire, tout un ensemble de différences significativement associées à des différences sociales qui, négligeables aux yeux du linguiste, sont pertinentes du point de vue du sociologue parce qu’elles entrent dans un système d’oppositions linguistiques qui est la retraduction d’un système de différences sociales. » (Bourdieu, 1982 : 41)
Dès lors, il est difficile de fixer un locuteur dans un profil linguistique type, mais on peut plutôt le situer, à un instant T, sur différents continuums qui évalueraient chacun une compétence particulière dans une langue particulière. La notion de compétence plurilingue conduit donc à une conception dynamique dans l’espace et dans le temps, davantage centrée sur l’apprenant, plus respectueuse de sa situation individuelle. Elle apporte ainsi plus de précision et de complexité et en même temps, comme elle se prête mal à un cadrage trop rigide, elle conduit à plus de flou.
Dans ce contexte notionnel un peu vague, il peut être utile de distinguer la notion de plurilinguisme d’autres termes qui lui sont proches.

Plurilinguisme et multilinguisme

Pour le Conseil de l’Europe, le terme « plurilingue » renvoie désormais à des locuteurs et des situations sociales où intervient la parole, alors que le terme « multilingue » désigne, lui, des territoires :
Au sein de ces orientations, l’accent mis sur l’individu comme locus et acteur du contact se traduit par le déplacement terminologique, le terme de plurilinguisme venant se substituer à celui de multilinguisme (réservé dès lors à l’étude du contact social. (Coste, Moore & Zarate, 2009 : V)
Véronique Castellotti (2010 : 184) rappelle la distinction, en Europe, entre d’une part « des formes de pluralité linguistique individuelles mises en œuvre, en tant que compétence, dans différentes situations sociales (plurilinguisme) » et d’autre part « ce qui relèverait de la co-présence régulière de plusieurs langues dans un même environnement (multilinguisme), plus ou moins délimité : région, état, continent… ».
Mais l’Union européenne, sous l’influence de l’anglais, n’utilise que le terme « multilinguisme » (multilingualism). Avec ce terme, elle se réfère au « modèle suisse »
(D. Robillard, cité par V. Castellotti, 2010 : 188) et privilégie la traduction. L’idée d’interpénétration entre les langues propre au plurilinguisme est laissée alors de côté.
Mais Véronique Castellotti met en garde : malgré des tentatives de clarification, les termes « plurilinguisme » et « multilinguisme »
continuent à être fréquemment employés, de manière indifférente, pour désigner différents types de diversité / pluralité / hétérogénéité linguistique ; cette indifférenciation est renforcée par le fait que l’anglais n’a recours, le plus souvent, qu’à un seul de ces termes (multilingualism). (Castellotti, 2010 : 184)
De mon côté, je me situerai dans la perspective du Conseil de l’Europe et serai attentive à bien distinguer les utilisations de ces deux termes. En transposant cette distinction sur le terrain, je peux ainsi dire que chacun des élèves d’une UPE2A est un locuteur plurilingue (il connaît au minimum sa langue première et le français). La cours du collège Toulouse-Lautrec est, elle, un espace géographique multilingue : on y parle beaucoup français, mais aussi, à des degrés divers, les langues des élèves d’UPE2A, anciennement en UPE2A ou issus de la migration (arabe). L’expression « situation sociale », placée sur un continuum notionnel entre des individus en interaction et un espace géographique socialement marqué, pourra être employée à côté du terme « plurilingue » si l’on met l’accent sur les locuteurs ou à côté du terme « multilingue » si l’on met l’accent sur le point de vue spatial. Ainsi, la « classe de FLE », pourra être considérée comme « plurilingue » si l’on privilégie le point de vue des locuteurs (une « classe » est un ensemble d’élèves, d’individus) ; mais on pourra également la qualifier de « multilingue » si on la considère davantage comme un espace géographique circonscrit (la « classe » de FLE correspond à la salle 103, située au premier étage du collège Toulouse-Lautrec de Toulouse).
Véronique Castellotti rappelle des connotations sociales rattachées aux termes qui nous intéressent : « tout se passe comme si « multilinguisme » était associé à des formes de pluralité et de diversité « par le haut », emblème des dominants de tout ordre (langue anglaise, Europe occidentale, riches, puissants), tandis que « plurilinguisme » tendrait à désigner, pour les langues, ce qui relève davantage de formes de pluralité et de diversité mise en œuvre par les dominés, ce que l’anthropologue A. Tarrius nomme La mondialisation par le bas (Tarrius, 2002). » (Castellotti, 2010 : 193)
Dans mon travail, le terme « plurilinguisme » désigne indifféremment une diversité linguistique par le haut ou par le bas. En effet, mon UPE2A comporte une mixité sociale bien plus importante que celle du collège REP dans lequel elle est implantée. Ainsi trouve-t-on dans la même classe, indifféremment, des élèves qui ont un répertoire linguistique valorisé comme dévalorisé.
On le voit déjà, la notion de « plurilinguisme » ne se limite pas à des notions purement linguistiques, mais se situe à la croisée de plusieurs domaines de recherche.

Le plurilinguisme : une notion à la croisée de plusieurs domaines de recherche

Je pensais au départ, avec mon sujet, me centrer sur des questions essentiellement linguistiques, cognitives et didactiques.
En effet, les chercheurs qui ont travaillé sur l’éveil aux langues ou la comparaison des langues (E. Hawkins, L. Dabène, M. Candelier, J-F De Pietro, N. Auger, etc…) ont montré l’importance de ces démarches en termes didactiques et cognitifs, dans le développement de compétences métalinguistiques. Mais j’ai assez vite compris, au contact de mon terrain et au fil de mes lectures théoriques, que la notion de « plurilinguisme » avait des implications bien plus larges.
Tout d’abord, une langue n’est pas une entité purement objective, mais vit à travers une subjectivité, se rattache à l’identité d’une personne et la construit. Elle porte une charge psycho-affective de toute importance, comme l’a montré Marie-Rose Moro (2015). Dès lors, cet aspect doit être pris en compte lorsque l’on étudie le plurilinguisme d’un élève.
Plus largement, la sociologie, et notamment Pierre Bourdieu avec Ce que parler veut dire (1982), nous apprend que le langage, mais aussi les langues ne sont pas neutres socialement. Elles entrent dans un « marché linguistique » et sont associées à une certaine valeur économique ou symbolique. Dès lors, en fonction de l’histoire des pays dans lesquels on parle chacune des langues, ces dernières ne se situent pas sur un pied d’égalité, mais dans des rapports de domination. Cet aspect aussi est essentiel pour mieux analyser certaines réactions d’élèves ou d’acteurs de l’éducation.
La dimension spécifiquement économique intervient également dans notre sujet, soit parce qu’il s’agit d’évaluer l’efficacité, la rentabilité d’une démarche pédagogique en lien avec le plurilinguisme, soit parce que le plurilinguisme a une valeur marchande pour les entreprises et en terme de formation de futurs travailleurs. C’est ce qui ressort en partie du projet Dylan (Berthoud, 2010).
La notion de « plurilinguisme » s’inscrit clairement dans le cadre de politiques linguistiques et éducatives, mues par des idéaux politiques sur le long terme : volonté du Conseil de l’Europe d’une construction d’une Europe solidaire et respectueuse de la diversité linguistique de ses membres (Coste, Moore & Zarate, 2009, 1997).
En UPE2A, structure qui est régulièrement menacée et dans le contexte d’allocation d’heures (HSE) ou de primes (IMP) qui se fait de plus en plus en fonction de projets particuliers à défendre, les deux dimensions économique et de politique linguistique et éducative se croisent et doivent être prises en compte pour la défense du plurilinguisme.
On voit donc que les différentes dimensions qui se croisent autour de la notion de plurilinguisme portent des marques idéologiques fortes.

Le plurilinguisme : une notion largement étudiée, valorisée et marquée idéologiquement

Si en 2008, pendant que j’écrivais mon mémoire d’IUFM sur le sujet « Comment enseigner la grammaire en comparant les langues », je sentais une certaine effervescence et une dimension encore novatrice concernant cette question, il semble désormais que ce soit une question largement traitée par les chercheurs en didactique des langues et des cultures.
Une grande partie des chercheurs s’accorde sur les nombreux avantages à prendre en compte le plurilinguisme dans le système scolaire, pour former les futurs travailleurs dans des entreprises multilingues (Berthoud, 2010), ou pour former, plus largement, les futurs citoyens d’une Europe multilingue (Coste, Moore & Zarate, 1997 ; Castellotti & Moore, 2002 ; Beacco & alii, 2010). On voit déjà se dessiner deux conceptions divergentes sur le rôle des langues et de l’école en général. Sur le plan psycho-affectif, les démarches plurilingues changent les représentations des élèves et apportent confiance, valorisation et motivation des apprenants (Projet Evlang, N. Auger, M.-R. Moro). D’un point de vue cognitif, elles permettent aux élèves de développer des capacités métalinguistiques, utiles pour réinvestir des notions de L1 en L2, mais aussi de rendre l’apprenant actif, acteur de son savoir (N. Auger). Concernant les politiques éducatives, favoriser le plurilinguisme contribue à favoriser la cohésion sociale et la réussite scolaire des populations les plus vulnérables (Beacco et alii, 2010). Déjà E. Hawkins, avec son mouvement éducatif « Language Awareness », était mu par un idéal de tolérance vis-à-vis des autres cultures et une forte volonté de réduire les inégalités dans le système éducatif britannique.
On voit donc que la promotion du plurilinguisme est largement faite par des chercheurs engagés, qui sont portés par des idéaux, voire un idéalisme qui a été parfois mis en exergue.

Les critiques quant à la promotion du plurilinguisme

Parmi les chercheurs, on trouve rarement des critiques ou des réserves concernant la prise en compte du plurilinguisme. Elles méritent d’autant plus d’être notées.

La tentation de l’utopie plurilingue

Véronique Castellotti (2006, 2005 : 322), d’un point de vue théorique, met en garde contre une vision idéalisée du plurilinguisme qui se rapprocherait de l’ancienne version idéalisée du bilinguisme.
« La compétence plurilingue […] est par essence partielle, plurielle, composite et hétérogène : elle se caractérise également par une grande malléabilité et une capacité d’évolution constante, dans le temps et dans l’espace.[…].
Lorsqu’on fait sienne cette conception réaliste du plurilinguisme, on peut considérer que la compétence plurilingue est sinon existante, du moins présente en germes, la plupart du temps, sous forme d’ensemble de ressources ou de répertoire, chez la grande majorité des locuteurs contemporains. »
En 2010, elle souligne que le mot « plurilinguisme » masque souvent une réalité bien moins positive :
« Dans bien des cas, les discours sur le plurilinguisme évitent de (se) poser la question des inégalités, des conflits, des dominations et des discriminations dont les langues, en tant que constructions liées à des groupes et nations ayant des intérêts divergents, sont parties prenantes. Comme le rappelle D. Coste :
« Vouloir maintenir la pluralité des langues et prôner leur prise en considération totalisante et écologique semblera, aux yeux de beaucoup, relever au mieux du vœu pieux et d’un aveuglement idéaliste, au pire de la manœuvre de diversion, voire de la complicité objective et paradoxale tant avec les tenants de l’uniformisation internationale qu’avec ceux de l’exception communautariste » (Coste, 2006 : 13)
Patrick Dahlet, dans son article « Le plurilinguisme sur un baril de poudre », critique de manière virulente l’idéalisme aveugle qui sous-tend les discours autour du plurilinguisme :
« Dans l’enchaînement des discours et des travaux sur la diversité linguistico-culturelle, on aurait beaucoup de mal à trouver un propos qui s’inscrive en faux contre l’interprétation réelle de la belle utopie. » (Dahlet, 2011 : 47)
Dans une perspective politique, sociologique et psycho-affective, il dresse un tableau en négatif des situations plurilingues :
« toute pratique plurilingue […] a partie liée avec un potentiel d’agression proportionnel aux inégalités du régime d’interaction de ses langues et aux exclusions dont l’affirmation de la supériorité de l’une ou de l’autre surcharge, menace ou accompagne la traversée des autres. C’est en ce sens que l’on considèrera que toute emprise plurilingue est irrépressiblement conflictuelle, plutôt que fusionnelle par nature, puisqu’elle implique toujours que l’appropriation d’un bien linguistique conspire à l’appauvrissement ou à la destruction de l’autre. » (pp. 48-49)
Pour lui, les plurilingues heureux, « c’est l’exception, pas la règle » (Dahlet, 2011 : 53).
Enfin, parmi toutes les recherches de terrain sur ce thème, seuls quelques rares enseignants rapprochent les moments de plurilinguisme en classe d’accueil de moments de tension : « Les bavardages fréquents, le recours à la langue maternelle, les rires parfois peuvent poser problème. » (Rapatel, 2011 : 20). Certes ces recherches sont le fait de personnes formées et rassurées sur les questions du plurilinguisme, et donc ne voient que les aspects positifs dans le fait d’entendre de nombreuses langues différentes dans une classe. Mais peu de chercheurs et/ou d’enseignants soulèvent les difficultés pratiques ou psycho-affectives, posées pour les élèves comme pour les enseignants, liées aux situations de plurilinguisme en milieu scolaire. Il y a comme du « politiquement correct » qui empêche de dire les difficultés à entendre d’autres langues inconnues des élèves ou des enseignants.
Or, l’une de mes hypothèses est que des difficultés pratiques ou psycho-affectives liées au plurilinguisme existent tant chez les élèves que chez les enseignants et qu’elles doivent être identifiées pour permettre une prise en compte didactique et pédagogique plus saine et plus efficace de cette dimension.
De plus, il s’agit de prendre en compte les critiques et les méfiances des chercheurs et des enseignants face à une démarche qui peut sembler être la couverture, parfois, de préoccupations purement économiques.

Le plurilinguisme comme support de l’idéologie capitaliste ?

En lisant les documents émanant du Conseil de l’Europe, on peut remarquer que la notion de curriculum prend une place très importante. Le terme désigne une organisation la plus efficace possible des apprentissages – en l’occurrence les langues-cultures – scolaires et extra-scolaires, tout au long de la vie.
En analysant de plus près ces textes, voici ce que j’ai pu observé :
En 2001, quand paraît le Cadre, on trouve dans ce texte, sur 150 pages environ, 17 occurrences du terme « curriculum/curricula » ou du mot « curriculaire » appartenant à la même famille.
En 2002, dans le texte de Véronique Castellotti et Danièle Moore intitulé
« Représentations sociales des langues et enseignements », Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe – De la diversité linguistique à l’éducation plurilingue. Étude de référence, Conseil de l’Europe, Strasbourg, on trouve 2 occurrences de ces termes à la page 22.
En 2009, lors de la réécriture du texte de 1997, on trouve, sur 45 pages, 26 occurrences des termes « curriculum/curricula » et « curriculaire », qui reviennent comme un Leitmotiv.
En 2010, le texte de Jean-Claude Beacco et alii également sous l’égide du Conseil de l’Europe s’intitule même « Guide pour le développement et la mise en œuvre de curriculums pour une éducation plurilingue et interculturelle. Le curriculum, mot présent dans le titre, est donc passé au centre des préoccupations concernant la promotion du plurilinguisme. Très logiquement, on trouve une centaine d’occurrences du terme « curriculum » ou des mots de la même famille, uniquement dans les vingt premières pages.
Ainsi, entre le début des années 2000 (période prospère économiquement en Europe) et 2009 (période de crise économique), on remarque une inflation de ces préoccupations curriculaires, ce qui invite à la méfiance, ou tout au moins à un certain recul quant aux idéaux et/ou aux idéologies qui sous-tendent de manière de plus en plus appuyée la notion de plurilinguisme. Derrière les valeurs de respect et de diversité, derrière l’innovation pédagogique qui sont effectivement des intentions parfaitement louables, une logique économique pointe, et certains chercheurs et/ou enseignants pourront être enclins à la méfiance envers une mise en place concrète d’une éducation plurilingue qui pourrait céder à la logique économique.
Concernant le champ professionnel, Cécile Canut et Alexandre Duchêne, dans leur introduction au n° 136 de Langage et société de 2011 intitulée « Instrumentations politiques et économiques des langues : le plurilinguisme en question », ont mis en avant l’intérêt économique que pouvaient avoir de nombreuses entités à défendre le plurilinguisme dans le cadre d’une économie globalisée :
Nous assistons de manière concomitante et souvent interdépendante, à une place grandissante occupée dans l’économie privée à la promotion de la diversité. Ancrée dans une logique marchande, ces discours – et les pratiques reliées à ces discours – tendent à construire les langues comme instruments de la productivité économique (Heller & Boutet 2006). » (Canut et Duchêne, 2011 : 8)
Les deux chercheurs montrent, de plus, comment fonctionnent les discours sur le plurilinguisme, dans une logique à double face, où la face visible est constituée de valeurs que l’on ne peut que défendre, alors que se cachent, derrière, des préoccupations matérielles :
Tout d’abord, si la diversité linguistique émerge de façon emblématique dans les discours de notre temps, c’est qu’elle est associée à une perspective d’ouverture sociale et de respect des différences. […]
Dans un second temps, le plurilinguisme est immédiatement associé à la performance individuelle dans la recherche d’un emploi. En temps de crise, cette valorisation se construit donc comme le corollaire de la flexibilité : les grandes multinationales mettent en évidence l’importance de la diversité linguistique comme facteur de croissance.
Dans un troisième temps, le plurilinguisme est appréhendé comme une donnée purement économique. Plus malléable, plus flexible, le capital linguistique des locuteurs est ainsi devenu un facteur de rentabilité économique réel, et parallèlement un produit attractif pour les consommateurs de culture, dans le cadre du tourisme culturel ou les cours de langues « exotiques » par exemple. (Canut et Duchêne, 2011 : 8)
Ainsi, les langues voient aujourd’hui leur composante essentielle, selon les auteurs, mise de côté : Capital social au service de l’entreprise ou capital économique directement rentable pour le développement économique, la langue ainsi marchandisée n’a plus rien à voir avec ce qui constitue l’activité de langage des êtres humains. (Canut et Duchêne : 9)
Même si on ne cautionne pas cette dimension purement économique, on ne peut pas pour autant la balayer rapidement. Ce serait faire preuve d’un idéalisme qui desservirait notre cause. En effet, plusieurs élèves d’UPE2A sont conscients de la valeur sociale et/ou économique de telle ou telle langue et vont construire leurs choix d’orientation en fonction de cela. Dans ce contexte, il est de notre responsabilité d’enseignant d’aider les élèves dans leurs stratégies d’orientation et notamment en terme de choix de programme linguistique. Cette aide doit se faire dans une double exigence : aider chaque élève à pratiquer des langues qui contribueront la fois à sa construction individuelle et à son insertion professionnelle.
Par-delà les deux tendances idéologiques extrêmes qui sous-tendent la défense du plurilinguisme – utopisme européen et alter-mondialiste d’une part, capitalisme d’autre part – le constat apparaît de manière récurrente dans les différentes réflexions des chercheurs : le plurilinguisme n’est pas suffisamment pris en compte.

Un plurilinguisme pas assez pris en compte

La déploration des chercheurs

On remarque un fort consensus des chercheurs pour constater et déplorer que le fait plurilingue n’est pas ou peu considéré dans les différents systèmes scolaires :
dans la plupart des contextes et à travers les cultures éducatives, les formes scolaires dominantes prennent rarement en compte cette diversité des plurilinguismes qu’elles accueillent et peinent à intégrer la dimension plurilingue dans leur projet éducatif (Coste, 2010 : 155-156)
Même si l’intention institutionnelle est présente, on est encore loin du compte dans les faits : on se demandera […], en Europe, comment reconstruire une sensibilité sociale à la diversité à la mesure des orientations prétendant instaurer une éducation plurilingue… (Castellotti, 2010 : 200) Concernant la situation particulière des classes d’accueil (UPE2A depuis 2012) en France, nous avons vu que Nathalie Auger (2011) nous décrivait un énorme potentiel plurilingue des élèves des classes d’accueil en France, non exploité par une institution et des enseignants pas assez conscients et formés sur le fait plurilingue. Si nous avons nuancé ce constat concernant les enseignants d’UPE2A de l’académie de Toulouse, il nous faudra voir ce qu’il en est de l’équipe enseignante et éducative qui entoure les élèves dans notre UPE2A en particulier. Mon hypothèse est que la richesse linguistique présente en UPE2A mais aussi dans le collège est prise en compte de manière un peu anarchique, et pas forcément consciente, de la part des enseignants et de l’équipe éducative en général.

Les résistances face aux démarches plurilingues : la question des représentations

Si l’on considère tous les aspects positifs qu’il y aurait à prendre en compte le plurilinguisme des élèves, on peut s’étonner des résistances qui semblent perdurer.
Une des causes récurrentes de la non prise en compte du plurilinguisme, mise en avant par les chercheurs, est l’existence et la persistance de représentations sociales négatives de la part des élèves, des enseignants et des parents sur certaines langues qu’ils dévalorisent ou considèrent comme non légitimes.
Cette notion de représentation, extrêmement féconde dans de nombreux champs scientifiques depuis les années 60, a été largement étudiée dans le recueil de Denise Jodelet (2003). A propos en particulier de la représentation sociale, elle donne cette définition :
C’est une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social. Egalement désignée comme « savoir de sens commun » ou encore « savoir naïf »,
« naturel », cette forme de connaissance est distinguée, entre autres de la connaissance scientifique. […] (Jodelet, 2003 : 53)
C’est une sorte de grille de lecture subjective mais efficace du réel, fortement ancrée dans un tissu social et en chacun des membres qui le constituent. […] les représentations sociales sont abordées à la fois comme le produit et le processus d’une activité d’appropriation de la réalité extérieure à la pensée et d’élaboration psychologique et sociale de cette réalité. (Jodelet, 2003 : 53-54)
Ainsi, chaque individu n’est pas seulement le réceptacle de représentations sur les langues, mais il contribue à les véhiculer. C’est un phénomène très puissant. Denise Jodelet (2003 : 61) indique en effet que la représentation « sert à agir sur le monde et autrui. Ce qui débouche sur ses fonctions et son efficacité sociales. » (Jodelet, 2003 : 61)
Pierre Bourdieu souligne, à propos des langues, que les représentations sont certes alimentées par les institutions :
les effets de domination qui sont corrélatifs de l’unification du marché ne s’exercent que par l’intermédiaire de tout un ensemble d’institutions et de mécanismes spécifiques dont la politique proprement linguistique et même les interventions expresses des groupes de pression ne représentent que l’aspect le plus superficiel. (Bourdieu, 1982 : 35)
Mais il affirme surtout que la légitimité d’une langue relève d’un processus quasiment inconscient, qui agit en chacun sur le très long terme mais de manière extrêmement concrète : « La reconnaissance et la légitimité de la langue officielle n’a rien d’une croyance expressément professée, délibérée et révocable, ni d’un acte intentionnel d’acceptation d’une « norme » ; elle est inscrite à l’état pratique dans les dispositions qui sont insensiblement inculquées, au travers d’un long et lent processus d’acquisition, par les sanctions du marché linguistique et qui se trouvent donc ajustées, en dehors de tout calcul cynique et de toute contrainte consciemment ressentie, aux chances de profit matériel et symbolique que les lois de formation des prix caractéristiques d’un certain marché promettent objectivement aux détenteurs d’un certain capital linguistique. » (Bourdieu, 1982 : 36)
Ce caractère difficilement saisissable et en même temps extrêmement efficace des représentations, notamment à propos du plurilinguisme, a mobilisé les chercheurs en sociolinguistique. Ainsi, c’est très souvent sous cet angle que la question du plurilinguisme est abordée dans les écrits théoriques en sciences du langage (Castellotti & Moore, 2002 ; Leconte & Mortamet, 2005). En effet, les représentations positives ou négatives sur certaines langues sont profondément ancrées dans chacun des acteurs, et ont des conséquences puissantes. Par exemple, si les élèves et la communauté éducative sont convaincus que l’arabe est moins important que l’anglais ou l’espagnol, il va être très compliqué de promouvoir cette troisième langue dans le cursus des élèves, pour prendre en compte la diversité linguistique présente dans une communauté éducative.
Dans le domaine proprement didactique, l’absence de prise en compte du plurilinguisme des élèves, en UPE2A, en classe d’accueil avant 2012 et en général en classe ordinaire, vient également, selon les chercheurs, d’une formation insuffisante des enseignants concernant les démarches plurilingues. En effet, la notion de compétence plurilingue bouleverse chez les enseignants la façon de concevoir les langues. Là encore, on rejoint la question des représentations, cette fois dans le champ de la didactique :
La notion, en passant d’une représentation des apprentissages visant une maîtrise complète et parfaite, hors contexte, à la mise en œuvre d’une compétence située, toujours différente et constamment renouvelée, déstabilise ainsi les paradigmes dominants. En replaçant au centre des préoccupations l’autonomie de la personne, sa liberté et son histoire, elle porte en filigrane des préoccupations de critique sociale, de questionnements épistémologiques, d’engagement intellectuel et social. » (Castellotti & Moore, 2011 : 245)
On voit donc que les écrits théoriques mettent en avant des résistances liées avant tout aux représentations, et ce dans plusieurs domaines.
En sociolinguistique, tous les acteurs – élèves, parents, communauté éducative – ont des jugements valorisants ou au contraire dévalorisants sur certaines langues, ce qui les empêchent de prendre en compte les langues des élèves, ou au moins certaines langues.
En didactique, les enseignants – de langue, mais surtout de français langue maternelle – manquent de formation et ont du mal à s’approprier la notion de « compétence plurilingue ».
Il s’agira donc de voir ce qu’il en est sur mon terrain. Une autre de mes hypothèses, à ma connaissance non formulée par la critique, est que l’absence de prise en compte des langues des élèves est aussi liée, dans le domaine psycho-affectif, à un sentiment d’insécurité de la part des enseignants face à des élèves qui communiquent dans d’autres langues. Eux-mêmes n’osent pas forcément parler une langue étrangère qu’ils pensent ne pas assez bien dominer. Mais ils se sentent aussi déstabilisés par le fait d’entendre leurs élèves parler des langues qu’ils ne comprennent pas. Cette autre hypothèse devra également être mise à l’épreuve de mon terrain.

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Table des matières

1 Présentation du terrain
1.1 Mon terrain principal : l’UPE2A du collège Toulouse-Lautrec (Toulouse)
1.1.1 Présentation générale du collège Toulouse-Lautrec
1.1.2 Présentation générale de l’UPE2A du collège Toulouse-Lautrec
1.1.3 Une situation sociale contrastée
1.1.4 Le profil linguistique en UPE2A
1.2 Mes terrains secondaires : les UPE2A de deux autres collèges
1.2.1 L’UPE2A du collège Claude Nougaro
1.2.2 L’UPE2A du collège Les Violettes
1.3 Mon troisième stage extérieur : le CASNAV de Toulouse
2 Etude théorique
2.1 Définition des notions en jeu
2.1.1 De nouvelles méthodes pédagogiques : de l’approche plurielle aux approches plurielles
2.1.2 La notion de compétence plurilingue : une nouvelle conception des locuteurs
2.1.3 Plurilinguisme et multilinguisme
2.2 Le plurilinguisme : une notion à la croisée de plusieurs domaines de recherche.42
2.3 Le plurilinguisme : une notion largement étudiée, valorisée et marquée idéologiquement
2.4 Les critiques quant à la promotion du plurilinguisme
2.4.1 La tentation de l’utopie plurilingue
2.4.2 Le plurilinguisme comme support de l’idéologie capitaliste ?
2.5 Un plurilinguisme pas assez pris en compte
2.5.1 La déploration des chercheurs
2.5.2 Les résistances face aux démarches plurilingues : la question des représentations
3 Analyse
3.1 Les aspects positifs de la prise en compte du plurilinguisme
3.1.1 L’impact pédagogique positif : une meilleure gestion de l’hétérogénéité de la classe de FLE grâce au plurilinguisme
3.1.2 Les impacts psycho-affectifs positifs du plurilinguisme
3.1.3 Les enjeux sociolinguistiques : la légitimation de langues dévalorisées grâce au
plurilinguisme
3.1.4 L’impact cognitif du plurilinguisme
3.1.5 Deux grands types de démarches plurilingues dans mon UPE2A : quels impacts ?
3.2 Les obstacles à la prise en compte du plurilinguisme des élèves allophones
3.2.1 Les enjeux sociolinguistiques et les représentations des élèves d’UPE2A sur leurs langues
3.2.2 Les représentations du plurilinguisme chez les familles des élèves allophones
3.2.3 Les obstacles dans la communauté éducative
3.2.4 Le statut particulier de l’arabe
3.3 Les propositions pour surmonter les obstacles
3.3.1 Le levier de l’arabe
3.3.2 Le rôle de l’anglais et de l’espagnol
3.3.3 Créer une culture du plurilinguisme
3.3.4 Des leviers symboliques puissants : les supports plurilingues et les personnes légitimes plurilingues
3.3.5 Intégrer le plurilinguisme à des démarches plus globales pour en faire une démarche prioritaire

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