L’impact humain d’un changement de logiciel au cœur d’un métier sensible

Tout d’abord, une rationalisation du travail

     Selon le taylorisme, le fordisme ou encore le toyotisme1, l’entreprise est un système très structuré où chaque collaborateur trouve une place spécifique dans l’entreprise. En effet, dans un contexte d’économies protégées et de secteurs règlementés, tous les systèmes se trouvent organisés suivant des procédures strictes : tout est basé sur la science, chaque tâche est préparée, spécialisée et chronométrée et opérée par une personne dédiée à celle-ci sans pouvoir y déroger. C’est d’ailleurs le domaine dominant à l’époque, le « one best way ». Taylor fait ressortir dans son analyse la distinction de rôles bien définis, « the right man in the right place », ce que Drucker2 confirme en faisant ressortir le rôle particulier que peut avoir un salarié dans une organisation avec la description détaillée du rôle d’un manager. De cette attribution de rôle découle l’importance portée au pouvoir de chacun dans la société et le sociologue Weber3 met en avant l’aspect bureaucratique d’une organisation où le pouvoir est ici mis plus en valeur : en effet, plus on est spécialisé dans un domaine et plus on aura d’impact et d’importance sur la société. Le fait de maitriser ce que l’on fait permet de prévoir au mieux les facteurs externes à l’entreprise et donc de se maintenir face à la concurrence. Fayol4, dans la même logique et d’une vision plus globale, observe une division des services, toujours dans un but commun pour l’entreprise qui est de prévoir, anticiper, coordonner et contrôler les actions afin de la rendre la plus efficace possible.

Impliquer les collaborateurs dans le changement

    Les sociétés d’aujourd’hui tendent vers l’automatisation du travail à travers notamment des technologies de l’information et de la communication (TIC) qui ne cessent d’évoluer et cela à vitesse grand V, ce qui implique parfois une certaine déshumanisation du travail. L’entreprise se retrouve face à un paradoxe : le fait de devoir s’adapter aux évolutions implique de mettre l’humain de côté et en même temps, c’est sur l’Homme qu’elle peut s’appuyer afin d’être au meilleur de ses capacités. Avec l’introduction d’un SIRH, on peut se demander si l’entreprise arrive à combiner non seulement son capital innovant mais aussi son capital humain. Une étude a d’ailleurs été faite par Florence Laval et Abdallah Thierno Diallo dans leur livre intitulé « Management & Avenir »16 sur la modernisation des ressources humaines qui est à l’origine des changements organisationnels et qui redéfinissent complètement les missions de chacun dans sa fonction. Et pour mieux comprendre l’adoption de ce système, il est important de savoir quelle est sa valeur ajoutée. Plusieurs articles et notamment un17 ont fait ressortir qu’un SIRH reste une solution bénéfique et avantageuse pour les ressources humaines et la direction générale, et cela tant sur le plan financier que sur le plan humain. En effet, ce système offre la possibilité aux entreprises de disposer d’un unique logiciel commun à tous, ce qui fluidifie les échanges et rend ainsi le travail plus efficace et productif tout en permettant d’automatiser certaines tâches sans valeur particulière pour le salarié. Et se sont tous ces points qui rendent le SIRH bénéfique humainement puisque les salariés disposent d’un logiciel adapté aux évolutions et beaucoup plus automatisé, il est donc simple d’utilisation au quotidien ce qui permet de se concentrer sur les points importants et de se performer continuellement. Car, au-delà de donner de la motivation aux salariés, il s’agit là de les impliquer dans le changement en cours c’est-à-dire les faire adhérer au projet et faire en sorte qu’ils s’attachent à ce que leur entreprise entreprend. De meilleures conditions de travail, certes, mais pour arriver à ce stade, l’employeur doit bouleverser les méthodes existantes et opérer à un changement organisationnel. Ces méthodes peuvent être plus ou moins ancrées dans l’entreprise, selon le type d’organisation comme on a pu le voir auparavant mais aussi selon le secteur d’activité. De nombreuses variantes existent et c’est la raison pour laquelle l’entreprise doit réfléchir et se positionner sur la façon dont elle va mener ce changement et l’accompagner. On pourrait croire que ce genre d’actualisation peut se faire de façon banale mais de nombreux exemples passés et surtout de nombreux auteurs ont étudié ce concept et ont fait ressortir plusieurs approches afin de mener à bien un tel projet. Les différents auteurs ont résumé notamment cela en un schéma avec quatre axes précis, le changement peut ainsi être :
– Continu : il n’est pas prévu et se fait au fil de l’eau
– Proposé : un planning est mis en place avec les résultats attendus, peu importe les outils déployés
– Organisé : des plans sont proposés et sont ainsi expérimentés et ajustés
– Dirigé : il est imposé et doit se faire, sans aucune marge de manœuvre
Ainsi, faut-il imposer le changement ? Le négocier ? Doit-il être exceptionnel ? Ou faire partie du quotidien ? Tant de questions auxquelles une entreprise est confrontée avant de s’engager dans un processus de changement. Ce questionnement est d’autant plus important puisqu’il implique tout ou partie de l’organisation selon le changement opéré et il a été prouvé que plus les salariés sont exclus du processus et moins le projet aboutira.

Concept de l’intelligence collective.

      Certes, de nombreux outils existent et peuvent être utilisés afin d’appréhender au mieux un changement. Mais il est primordial de choisir le bon support de communication pour accompagner les cibles dans les meilleures conditions. Il peut être choisi par exemple en fonction du niveau de résistance des personnes concernées par le changement mais également en fonction du temps donné au projet. Il peut être basé uniquement sur de l’information, ou sur de la compréhension, de l’appropriation ou enfin et surtout sur de l’action de la part de tous, que l’on soit acteur ou « receveur ». Ainsi, pour faire le lien entre la communication à choisir et l’accompagnement des salariés, et pour contrer les mœurs occidentales où l’on privilégie la compétition et les comportements individualistes, mais aussi car les mentalités ont évolué, il existe le canal de participation ou de management agile et que l’on nomme désormais l’intelligence collective. Alors qu’il est possible de se limiter simplement à un canal médiatique pour faire savoir et faire comprendre, ou au canal hiérarchique pour faire adhérer, le canal participatif permet de réfléchir, d’agir ensemble et on est plus intelligent à plusieurs que seul. C’est d’ailleurs la réflexion que plusieurs psychologues se sont faite comme Gustave Le Bon ou encore Grégory Bateson que l’on a déjà cité auparavant. Selon eux, c’est le regroupement de pensées qui forme un tout pour agir et être plus grand. Et pour mettre en place cette intelligence collective, il existe plusieurs techniques applicables en entreprise. Je ne les citerai pas toutes car il y en a plusieurs mais je vais vous donner quelques exemples pour comprendre le principe. Commençons par le World café, instauré par Juanita Brown et David Isaac, qui consiste à rassembler les cibles du projet autour de plusieurs tables avec la création de groupes. Ces derniers doivent s’exprimer sur une question différente par table et à chaque groupe, un hôte qui est le facilitateur dirige le débat entre chaque personne du groupe et fait des synthèses de chaque groupe pour le prochain qui doit réfléchir sur la question de sa table. Des règles sont définies pour que chacun puisse bien participer et une synthèse globale est faite à la fin des tours de table. Autre méthode pratiquée et formalisée par Adrien Payette et Claude Champagne, le co-développement dont le but est d’échanger entre groupe de pairs de quatre à huit personnes maximums, où chacun s’écoute et s’exprime sur la compréhension d’un sujet. Un nouveau concept a même été créé afin de s’adapter aux évolutions de la société, la sociocratie, mot créé par Auguste Comte et concept inspiré de Gérard Endenburg et Kees Boeke, dont l’idée principale est la prise de décision par consentement, qui a pour but de se réunir et de créer un lien entre les personnes et qui se traduit par un cercle de décision. Cette dernière est prise si aucune objection valable n’est donnée durant le processus. Enfin et sur une durée plus longue que les méthodes citées jusque-là, Otto Scharmer a créé la théorie U qui représente un voyage où l’individu change de regard sur une situation en prenant du recul et en y faisant ressortir la source des actions entreprises, notamment lors d’un changement organisationnel. Il s’agit en réalité d’une introspection individuelle et collective pour arriver à des solutions innovantes.

Un changement de logiciel qui rentre dans l’histoire de l’entreprise

      ALTEN est un groupe qui accompagne plusieurs clients du monde entier dans leur stratégie de développement dans les domaines de l’innovation, la recherche et développement et les systèmes d’information. C’est une société basée, du fait de son histoire, par une culture d’ingénieur, ce qui signifie que l’essence même de sa croissance est faite sur la défense des valeurs humaines, à travers la culture de l’excellence dans les compétences de chacun mais aussi dans le service rendu aux clients par la recherche de solutions innovantes. Son cœur de métier, qu’est le conseil en technologies, lui permet d’être présente dans divers domaines que sont l’aéronautique et le spatial, la défense et le naval, la sécurité, l’automobile, le ferroviaire, l’énergie, les sciences de la vie, la finance, le retail, les télécommunications et services. C’est une société qui existe maintenant depuis 32 ans et qui a démarré d’abord avec trois ingénieurs en 1988 pour comptabiliser en 2018, 30 000 collaborateurs, et cela dans quatre continents que sont l’Europe, l’Asie, l’Amérique et l’Afrique et le Moyen-Orient. Il a donc fallu pour l’entreprise, gérer son personnel aussi bien en externe qu’en interne, et cela en tenant compte de la forte évolution qu’a connu ALTEN. Et pour assurer une bonne gestion de son personnel, il est indispensable d’avoir un logiciel adapté. De plus, ALTEN étant leader mondial de l’ingénierie et du conseil en technologies, le groupe se doit d’être toujours compétitif et flexible dans toutes les prises de décisions. Il est donc logique et naturel que la société se soit placée sur un progiciel de gestion intégré (PGI). En effet, ce type de logiciel permet à l’entreprise de disposer de toutes les informations nécessaires à la prise de décision et cela tous départements confondus grâce à une base de données communes. Le passage de la paie sous SAP chez ALTEN s’est fait en début d’année 2019. SAP est justement un progiciel de gestion intégré. Cela entre donc bien dans la continuité de l’évolution de l’entreprise, qui est amenée avec le temps à gérer un capital humain bien plus important qu’il ne l’a été au départ. Il s’agit donc d’une décision stratégique de la part de la société, comme a pu en témoigner deux des collaborateurs : « SAP qui a été choisi parce que ça avait du sens effectivement, on mettait, que ce soit, on pouvait mettre la compta, on pouvait mettre la paie, on pouvait mettre les données HR, y compris les frais, et donc du coup ça avait du sens, pour les comptables, pour les contrôleurs de gestion, parce qu’on est une société qui est gérée par les contrôleurs de gestion, donc pour eux, le fait d’avoir tout dans un seul lien, c’est pas mal, c’est quand même très intéressant, ils ont qu’un seul accès, unique mais ils ont quand même toutes les informations de la société, donc c’est pour ça que on a choisi SAP ». « La bonne qualité du projet, de l’outil, qui peut drainer facilement les flux et le travail, simplifier vraiment la tâche, simplifier tout le monde, c’est vraiment très interactif, c’est formidable, c’est beau » Il en ressort aussi bien évidemment le côté financier du projet qui est plus intéressant, surtout du fait qu’il n’existe au sein de l’entreprise qu’un logiciel unique et qui marque également l’adaptabilité de la société face aux évolutions de la technologie : « C’est le fait de réduire les dépenses, les charges » « Et c’est même l’avenir, maintenant c’est l’avenir » De plus, outre cet aspect stratégique et comme on a pu le voir auparavant, changer de système d’information des ressources humaines, selon sa définition, présente de nombreux avantages, par le fait notamment de combiner plusieurs services au sein de la société et de rendre ainsi la transmission et la prise de données beaucoup plus fluide : « Limiter les interfaces, améliorer la la la améliorer la communication entre les différents métiers, harmoniser les process et heu, en tout cas sur la France, de manière à mettre tout le monde sur le même process au niveau administration du personnel et avec des règles de gestion de paie liées aux différentes entités potentiellement en essayant de limiter les différences et se se comment se limiter au règlementaire au final. » Cela s’est vérifié à travers plusieurs collaborateurs qui ont approuvé le fait que le passage de la paie sous SAP a des côtés bénéfiques sur la charge de travail et a permis de faire les choses plus rapidement : « Je le conçois comme… plus efficace en fait…dans notre production au quotidien » « On a gagné en simplicité on va dire tu vois, en, enfin, on a gagné en temps » « Je pense qu’aussi c’est censé pouvoir nous permettre d’être rapides sur ce genre de choses-là, d’aller plus vite et de pouvoir dégager du temps » En effet, n’avoir qu’un logiciel de travail offre la possibilité de maitriser et de se concentrer sur une seule plateforme sans se perdre en allant chercher d’autres supports de travail à gauche et à droite. Au-delà des bienfaits qu’apportent ce type de logiciel, il a notamment été expliqué la raison du changement au sein du service paie. Plusieurs salariés ont expliqué clairement la raison pour laquelle leur service est passé en PGI. L’évolution croissante de la société a amené le secteur des ressources humaines a géré l’humain à plus grande échelle et par conséquence, la gestion de la paie est devenue beaucoup plus importante. Le logiciel installé devait donc donner la possibilité de gérer une masse abondante de salariés, ce qui n’était plus le cas : « Il fallait absolument changer de logiciel parce que le nôtre était un peu obsolète, enfin il devenait obsolète » Et le logiciel devait également permettre de suivre les évolutions liées à l’actualité, qu’elles puissent être paramétrées et gérées au mieux, afin d’assurer une paie correcte et limiter au maximum les erreurs, surtout en raison de l’effectif volumineux de la société : « Mais là le fait d’arriver à un point de non-retour avec le logiciel heu ça mettait en péril finalement ben la paie des salariés et puis même le fonctionnement heu en rapport avec le côté financier ou autre quoi donc heu clairement socialement, j’pense que c’était important. » C’est une particularité du métier de la paie comme on a pu le voir précédemment, être constamment à jour dans les mesures gouvernementales, pouvoir suivre les nouvelles mesures, pouvoir paramétrer les éléments comme demandé, il est donc primordial d’avoir un logiciel qui permette de gérer tout cela. Le passage sous SAP prend ainsi tout son sens. Cependant, il est à noter qu’un PGI, dans sa base de données unique, renforce la connectivité entre chaque service et ce point n’est pas à négliger, c’est une nouvelle façon d’aborder son travail au quotidien. Un des collaborateurs a bien noté cette particularité du logiciel : « C’est-à-dire que toute l’action que je mène a une conséquence sur quelqu’un, sur un métier, peu importe lequel. C’est ça qui est dur aussi dans un ERP. » Et le progrès technique a tendance à bouleverser les tâches habituelles que peuvent avoir les salariés au jour le jour, ce qui peut être vu assez négativement : « Le but du jeu c’est de mettre l’homme de côté. Alors si le progrès, parce que c’est un progrès énorme, si le progrès doit passer par l’écartement de l’humain, je dis non » Le secteur d’activité que couvre ALTEN nécessite une adaptation évidente, d’autant plus que sa culture de base est une quête permanente de solutions face aux évolutions technologiques. Le changement de SIRH est bien justifié et représente pour les salariés une nouvelle façon de travailler et d’aborder les choses.

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Table des matières

Introduction
I – La mise en place d’un changement : d’abord comprendre le système organisé pour ensuite mettre en place le changement
A – Tout d’abord, une rationalisation du travail
B – Mise en valeur de l’Homme dans l’entreprise
C – L’Homme au dépends d’un environnement
II – Impliquer les collaborateurs dans le changement
A – Notion de groupe pour changer
B – Méthodes d’apprentissage pour changer
C – Concept de l’intelligence collective
III – Développement du bien-être au travail
A – Théories autour du besoin
B – Emergence de la qualité de vie au travail
C – QVT et changement organisationnel
IV – Particularité du métier de la paie
I – Méthode
1 – Rappel du contexte
2 – Choix du support d’enquête
3 – Exploitation des résultats
4 – Un contexte particulier
5 – Analyse du sujet
II – Résultats
I – Un changement de logiciel qui rentre dans l’histoire de l’entreprise
II – La préparation du projet
III – Une comparaison inévitable
IV – Un nouveau métier ?
V – Un accompagnement du changement indispensable
1 – Côté technique
2 – Côté communication
3 – Côté relations
VI – Le vécu du changement
III – Discussion
I – Positionnement d’ALTEN et du service paie
II – Les différentes étapes opérées par ALTEN
1ère étape : compréhension du changement
2ème étape : la préparation des collaborateurs
3ème étape : l’accompagnement
III – Prise de recul et analyse globale
· Un groupe concerné
· Une technologie divisionnaire
ð Point de vue logicielle
ð Point de vue métier
· Un groupe hétérogène
· Un apprentissage limité
· Analyse du vécu du changement
IV – Retour sur les hypothèses
· Aspect technique du changement
· La paie, un métier complet et diversifié
· Une remise en question du métier ?
· Une communication renforçant le lien ?
V – Des perspectives pour l’avenir
Conclusion
Préconisations / Axes d’amélioration
Pour approfondir encore
Bibliographie
Annexes

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