Compétence linguistique
Dans son article numéro5/1992, intitulé, De la compétence linguistique aux compétences langagières, Jean VIVIER illustrait clairement en se posant la série de questions suivantes pour pouvoir apporter une compréhension de taille par rapport à ce concept beaucoup plus développé par CHOMSKY. Ces questions sont :
-« Dans quelle mesure la compétence linguistique dépend-elle de l’héritage propre à l’espèce humaine et quel est l’apport de l’expérience » ? « Un apprentissage par imprégnation suffit-il pour l’expliquer » ? « Faut-il admettre une programmation universelle propre à l’espèce » ? « Faut-il analyser ce savoir comme résultante d’interactions fonctionnelles » ? Selon lui: « répondre à ces questions est d’autant moins aisé que cette compétence n’est pas directement observable. Elle ne peut être qu’un modèle abstrait celui que CHOMSKY a proposé dans les années 1960/70 a séduit bien des chercheurs et beaucoup d’enseignants. Des psychologues se sont, en effet, donné pour but de vérifier la réalité psychologique de ce modèle. On croyait que la grammaire devait représenter effectivement les processus cognitifs mis en œuvre dans la reconnaissance des phrases. Mais la psycholinguistique a subi très tôt des transformations, venant de l’évolution de la linguistique comme de la psychologie. Et ces transformations ont bousculé la belle assurance des années 70 ». Que faire aujourd’hui de ce terme de compétence ? Il varie selon les contextes : il semblait fortement lié à la syntaxe or il reçoit désormais de multiples adjectifs tels que discursive, communicative, sociolinguistique, scripturale…, ceux que nous proposons de regrouper sous l’adjectif « langagier » (Jean VIVIER, REPERES N°5/1992, p. 09). D’après le même auteur : « Toutefois si ce regroupement présente une utilité pour la théorisation didactique, rien ne permet de le fonder sur une théorie générale du langage. Cela n’empêche pas cependant les didacticiens de s’inspirer du débat lié à la notion de compétence pour définir des orientations pratiques ». L’usage de l’expression « compétence linguistique », selon VIVIER, dans les échanges entre psycholinguistes et didacticiens des langues, n’est pas sans malentendu. L’une des sources d’ambiguïté tient au statut paradoxal que l’on prête à cette notion. Elle désignerait à la fois une condition et une finalité de l’enseignement des langues. Parce que les individus de l’espèce humaine sont capables de jugements grammaticaux, ils seraient dotés de compétences (condition) ; mais cette même compétence est aussi considérée comme une « langue interne » à un individu, laquelle le rend capable de produire et de comprendre des phrases correctes dans une langue donnée. Or n’est-ce pas précisément ce que les enseignants visent à réaliser chez les individus en apprentissage ? (finalité). En tout état de cause, le problème du psychologue est de connaître la nature de cette compétence. Dans ce même article intitulé, De la compétence linguistique aux compétences langagières Jean VIVIER nous illustre ceci : « tout se passe comme si l’on voulait prendre en compte toute la complexité du langage mais cela n’est pas sans contre-partie. Comment articuler toutes ces composantes et au sein de cette complexité, la notion de compétence a-telle encore une pertinente ? Il faut peut-être à CHOMSKY l’indépendance et la prédominance de la syntaxe pour concevoir une compétence linguistique. Or le fait d’articuler système syntaxique, système phonologique et système lexical, le fait d’introduire la pragmatique comme condition de la construction de la signification posent beaucoup de problèmes »
Diglossie et bilinguisme dans la localité
Le terme de « bilinguisme » a été développé par William F. MACKEY dans l’ouvrage de Marie Louise MOREAU intitulé, Sociolinguistique, Les concepts de base qu’ : « il existe un certain flou terminologique concernant le mot. Certains le réservent pour désigner l’utilisation de deux langues, et distinguent les situations de bilinguisme, de trilinguisme, de quadrilinguisme et de plurilinguisme. C’est une acception du terme qui s’est rencontrée surtout dans les années 70 »65. En effet, nous avons constaté que le fait bilinguisme est un phénomène universel et partout dans tous les pays des personnes parlent au minimum deux ou maximum plusieurs langues dans divers contextes (William F. MACKEY, Sociolinguistique : Les concepts de base N°8-7725, MARDAGA, p.61). L’une des institutions les plus importantes en matière de langue est l’école. Elle peut avoir comme objectif de perpétuer leur bilinguisme d’une population (bilinguisme de maintien) ou l’assimilation progressive des populations qui utilisent au foyer une langue autre que celle de l’Etat (bilinguisme de transfert). Entre ces extrêmes, on peut placer une certaine de types d’éducation bilingue. (MACKEY, 1976 ; SIGUAN et MACKEY), pp.61-62. Il (MACKEY) ajoute ceci dans cet ouvrage qu’ « Une communauté bilingue se caractérise par sa répartition démolinguistique et par la position sociolinguistique des différentes langues en présence ». Nous trouvons l’illustration dans le dictionnaire de linguistique que : « Dans les pays où vivent ensemble des communautés de langues différentes, le bilinguisme est l’ensemble des problèmes linguistiques, psychologiques et sociaux qui se posent aux locuteurs conduits à utiliser, dans une partie de leurs communications, une langue ou un parler qui n’est pas accepté à l’extérieur, et, dans une autre partie, la langue officielle ou la langue communément acceptée. C’est notamment le cas des familles ou des groupes d’immigrés insuffisamment intégrés à leur partrie d’adoption et qui constituent la langue de leur d’origine. C’est le cas de certaines communautés juives un peu partout dans le monde, des travailleurs africains en France, des Portoricains aux Etats-Unies, etc. ». Dans ce même ouvrage intitulé, Sociolinguistique : Les concepts de base, coordonné par Marie-Louise MOREAU, Michel BENIAMINO nous a expliqué que le concept diglossie en sociolinguistique permet au linguiste dans le but de décrire des faits linguistiques et des phénomènes de contact de langues de même que dans la réflexion sur l’aménagement des situations linguistiques. En effet, BENIAMINO nous illustre que : « Dans sa plus grande extension, le concept de diglossie est utilisé pour la description de situations où deux systèmes linguistiques coexistent pour les communautés internes à cette communauté. Un des problèmes posés par le concept de diglossie est qu’il risque d’inférer avec celui de bilinguisme connu depuis plus longtemps : en particulier, une confusion est possible entre le bilinguisme social et la diglossie ». En suivant Fishman (1971 :97), on peut proposer de spécialiser le concept de diglossie dans le sens « attribution sociale de certaines fonctions à diverses langues ou variétés ». Cette dichotomie est accentuée par les sociolinguistes catalans, pour qui la diglossie doit être considérée comme une donnée publique de la structure et le bilinguisme comme désordre de l’individu par rapport à son milieu. (Giordan 1976 :152), pp.127-128. Concernant ce concept de diglossie, nous trouvons l’illustration dans le dictionnaire de linguistique qu’ : « on donne d’une manière générale, le nom de diglossie à la situation de bilinguisme. On donne parfois à diglossie le sens de situation bilingue dans laquelle une des deux langues est de statut socio-politique inférieur. Toutes les situations bilingues que l’on rencontre en France sont des diglossies, que ce soit en pays d’oïl (bilinguisme français et dialectes français) en pays d’oc (bilinguisme français et dialectes de langue d’oc), en Roussillon (français et Catalan) en Corse (français et dialectes rattachés à la famille italienne) en Bretagne (français et langue gaélique), en pays-Basque (français et basque), en Alsace et en Flandre (français et parlers germaniques) ». En guise de conclusion, l’étude sociolinguistique, en termes de concepts bilinguisme et de diglossie, conduisent à analyser un continuum comprenant de nombreux degrés intermédiaires de bilinguisme et de diglossie. En se basant sur cette conclusion partielle, en convoquant Hamers et Blanc (1983 :29) qui opèrent une distinction ente les situations de juxtaposition de deux communautés bilingues reparties territorialement, les situations de contacts de langues (superposition) et les situations où « les deux langues sont parlées par une variable de la population, mais […] sont en usages plus ou moins complémentaire ». En effet, ces auteurs proposent donc une tripartition entre la bilingualité (compétence des individus), le bilinguisme (les comportements légitimes et attestés dans une société par rapport à l’usage de plusieurs langues) et la diglossie (phénomènes de contacts de langue abordés sous l’angle du statut des langues en présence, p 128). Pour mener à bien ce chapitre concernant les concepts de diglossie et bilinguisme dans la localité de SEDHIOU, nous allons essayer d’étudier comment ces deux termes se manifestent dans les contextes suivants : cadre social d’évolution et impact dans la communication.
Identification de la langue, du dialecte ou du parler
Pour bien identifier la langue mandingue vis-à-vis des autres langues de la localité( de SEDHIOU), nous avons interrogé quelques élèves, des professeurs, des étudiants et le proviseur du lycée Ibou DIALLO. La plupart de ces personnes sont originaires de la région de SEDHIOU et nous viennent particulièrement des localités de Mandina Findifé, Diaring, Sakar, Oudoucar et Sitaba. Ils parlent tous la langue mandingue mais également d’autres langues comme le peul, le wolof, le diola, le balante, le mancagne, le madjack et le français. Avec ces interlocuteurs nous avons constaté que la langue mandingue prend le dessus sur les autres, c’est-à-dire la plus parlée par la majeure de la population en général et plus particulièrement chez beaucoup d’élèves. En effet, si on se fie aux résultats obtenus auprès de nos informateurs, nous nous sommes rendus compte presque (95%) de la population utilisent dans la communication la langue mandingue. C’est à partir des analyses et des observations personnelles que nous avions faites, nous sommes rendus compte qu’un nombre important de locuteurs parlent ou communiquent dans la langue mandingue, parce qu’elle constitue une langue de trait d’union entre les membres de la communauté. Cette situation pourrait être expliquée par le fait que la langue de communication de la majorité est le mandingue. Dans ce contexte précis, les élèves en parlant ou en communiquant entre eux, se sentent à laisse en mandingue plutôt que de parler des autres langues comme le peul, le wolof, le balante, le français, etc. Pour cela, nous illustrons ces propos ci-dessus par un exemple de corpus suivant sous-forme de questionnaire qui était destiné à nos informateurs dont les noms suivent : Sana Touré, âgé de 25ans de l’ethnie mandingue, natif de Diareng (SEDHIOU), Vieux Diassy, agé de 24ans de l’ethnie mandingue, natif de Sitaba (SEDHIOU), Mamadou Lamine Ndiaye, âgé de 28ans, de l’ethnie mandingue, natif de Sédhiou, Lamine Mané , âgé de 41ans de l’ethnie balante, natif de Sédhiou, Abdoulaye Danso, âgé de 30ans de l’ethnie mandingue, natif de Sakar (SEDHIOU), Khady Dabo, agé de 25ans de l’ethnie mandingue, natif de mandina findifé (SEDHIOU), Aliou Sadio, âgé de 30ans de l’ethnie balante, natif de Niafor (Ziguinchor), Wassou Sylla, âgé de 32ans, de l’ethnie mandingue, natif de Oudoucar (SEDHIOU) et Abdou Aziz Coly, âgé de 27ans de l’ethnie Diola, natif de Sédhiou qui ont répondu tous favorablement à nos différentes questions ci-après :
1. Comment vous appelez votre langue ? Mandinka, Manding, Mandiɳko
2. Quel est le nom dont les ethnies voisines appellent votre langue ? Mandiɳko
3. Comment appelez-vous votre propre ethnie (ou votre clan) ? Mandingue
4. Qu’est-ce que vous pensez de ce(s) nom(s) là ? facile à apprendre, bonne appellation, c’est bien, etc.
5. Quelles sont les origines de votre groupe ? Pakao, Inde/Thade, dans l’empire manding, Gabon, Mandé, Mali/ Niger, etc.
6. Si vous êtes déplacés pour venir ici, est-ce qu’il y a d’autres parties de votre groupe qui se sont déplacées ailleurs ? Lesquelles ? En Guinée Bissau, en Côte d’Ivoire, en Gambie, etc.
Cette langue de la majorité, selon certains locuteurs76 de la langue, le mandingue permet aux uns et autres de s’intégrer et de communiquer avec tous afin d’établir une situation d’intercompréhension entre eux.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE :ETUDE DES CADRES THEORIQUE, CONCEPTUEL ET GEOGRAPHIQUE
CHAPITRE I CADRE HISTORIQUE ET GEOGRAPHIQUE DE LA REGION DE SEDHIOU
I : Histoire et situation géographique de la région de Sedhiou
1. Histoire de la région de Sedhiou
2. Situation géographique de la région
II. Composition ou structure linguistique de la région
1. Les langues nationales
2 . L’implantation de la langue ou des langues étrangères
III. Situation scolaire de la région
1. L’alphabétisation : composition et statistique
2. La cartographie scolaire : la spécificité du collège
CHAPITRE II : CADRES THEORIQUE, CONCEPTUEL ET LINGUISTIQUE
I. Sociolinguistique : rapport entre langue et société dans la localité de Sedhiou
1. Communauté linguistique
2. Variation linguistique
II. Compétence linguistique et compétence communicationnelle
1. Compétence linguistique
2. Compétence communicationnelle
III. Diglossie et bilinguisme dans la localité
1. Cadre social d’évolution
2. Impact dans la communication
DEUXIEME PARTIE :L’IMPACT DU MANDINGUE DANS L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS
CHAPITRE III : LES ATTITUDES ET LES REPRESENTATIONS LINGUISTIQUES DES APPRENANTS
1. Identification de la langue, du dialecte ou du parler
2. Intercompréhension entre les parlers et multilinguisme ou plurilinguisme
3. Viabilité et vitalité de la langue
CHAPITRE IV : PRESENTATION DU CORPUS ET RESULTATS DES ANALYSES
1. Attitudes linguistiques
2. Développement de la langue
3. Analyse du corpus
CONCLUSION
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