Pratiques d’entretien de soi
L’entretien de soi devient primordial et fait naître des complexes chez ceux qui s’éloignent de cet idéal. On compte en janvier 2021 pas moins de 91,5 millions de mentions pour le hashtag « sport » sur Instagram®et 169 millions pour le hashtag « fit ». Les plateformes mentionnées précédemment trouvent leur place dans la société de l’image qui est la nôtre, accordant une place éminemment importante au corps et à son apparence. La catégorie « lifestyle » sur les réseaux sociaux englobe la mode, la beauté et le fitness, des sujets particulièrement connotés féminins. Tous ces sujets agissent sur le corps, que les influenceuses cherchent à valoriser par des artifices (filtres, angles de prise de vue) ou en agissant par le maquillage, les routines sportives ou encore les repas « healthy ». Le culte de soi, de son corps, est au cœur des préoccupations des jeunes filles adolescentes, qui cherchent à ressembler à leurs influenceuses préférées et plus généralement à une image idéalisée par la société. Cette recherche d’amélioration est due à « l’incomplétude fondamentale du moi »(Beck et Beck-Gernsheim, 2002), une insatisfaction permanente de soi. Les influenceurs sont alors placés au rang de modèles pour leur audience, car ils véhiculent souvent les pans positifs de leur existence, en ne montrant pas sur les réseaux « une reproduction fidèle de la réalité »(Kaufmann, 2002, p. 123) : voyage tous frais payés par une marque, soirée presse, envoi de produits gra-12 tuit, rémunération… Certains osent cependant montrer l’envers du décor en abordant d’autres par-ties de leur travail : comptabilité, montage vidéo… En ce qui concerne les pratiques de fitness et de musculation dans l’enseignement secondaire en France, les programmes de 2001 marquent l’arrivée des activités physiques d’entretien de soi sous le nom de composante culturelle n°5, aujourd’hui devenu champ d’apprentissage n°5 « réaliser et orienter son activité physique pour développer ses ressources et s’entretenir ». Ce champ mobilise ainsi les pratiques de course en durée, yoga, fitness, musculation, natation en durée ou encore step. Il est important de noter que l’un des Attendus de Fin de Lycée Professionnel (AFLP) du champ d’apprentissage n°5 en lycée professionnel (BO spécial n°5 du 11 avril 2019) consiste à « intégrer des conseils d’entraînement, de diététique, d’hygiène de vie pour se construire un mode de vie sain et unepratique raisonnée », une réflexion sur des contenus sportifs ou nutritionnels proposés sur Internet entre parfaitement dans la volonté de préparer un adulte à sa vie future, de le rendre « capable de faire des choix éclairés et responsables » comme l’annonce la finalité de ce programme pour la discipline et d’après le quatrième objectif général de ce même programme, de l’aider à « construire durablement sa santé ». Il sera intéressant d’observer par une capture vidéo l’attention des élèves quant à une vidéo produite par un influenceur du même sexe qu’eux ou de sexe opposé. Notre enquête prend alors son sens du point de vue institutionnel en permettant de contribuer à l’atteinte des objectifs fixés pour la discipline.
Cadre de l’expérience sociale
Les élèves arrivent donc avec des connaissances issues des réseaux sociaux en EPS, ce que l’on peut appeler un « déjà-là » ou encore des expériences sociales. D’après Lebaron (2009, p. 60), l’expérience sociale se définit comme « la succession des contextes au sein desquels un individu a évolué au cours de sa trajectoire ». Le sujet agit au sein de plusieurs contextes qu’ils soient familiaux, scolaires, personnels ou encore professionnels qui constituent des expériences que celui-ci incorpore. De ces expériences, les sujets gardent en mémoire des croyances, qui peuvent se vérifier ou non. La sociologie de l’expérience telle qu’évoquée par Dubet réfute la sociologie « classique », en alliant une part d’objectivité et une part de subjectivité dans toute expérience. L’expérience sociale consiste pour le sujet à combiner des « logiques d’actions différentes, parfois opposées » (Dubet, 2007, p. 98). Ce dernier auteur propose de déterminer trois logiques d’actions liées à des types de relations sociales (Du-13 tercq, 1996, p. 144) . La première est une logique d’intégration, car tout sujet cherche à se socialiser, à garder des liens avec un groupe et à maintenir une identité sociale. Cette logique peut ainsi influencer son comportement, son avis. La deuxième logique est celle de la subjectivation, qui induit une mise à distance du sujet pour apporter de la critique, induisant une forme de domination. La troisième logique est liée à la stratégie, puisque tout sujet cherche à défendre ses intérêts dans une logique de concurrence. Dubet (1994, p. 105) précise que « l’acteur est tenu d’articuler des logiques d’action différentes, et c’est la dynamique engendrée par cette activité qui constitue la subjectivité de l’acteur et sa réflexivité ».
Concrètement, nos élèves adolescents font l’objet d’expériences sportives et d’expériences sur les réseaux sociaux qui sont variables et propres à chacun d’eux. Le milieu familial peut influencer ces expériences, certains parents étant sportifs, d’autres non et certains permettant l’accès aux réseaux sociaux tandis que d’autres ne le permettent pas. Dans le milieu scolaire, les expériences sportives sont différentes en fonction des activités pratiquées et de l’enseignant d’EPS. Durant ces différentes expériences, l’élève fait appel aux trois logiques d’actions présentées précédemment, et peut les combiner de manières diverses selon les contextes. Par exemple, un élève n’aura pas le même comportement en cours devant ses pairs pour rester intégré dans la communauté que dans son milieu familial. Le monde scolaire cherche à former un citoyen autonome, et ainsi capable d’entrer enréflexion sur ses expériences.
Question de recherche
Notre projet permettra donc de répondre à la problématique suivante.
Quels sont les effets de l’accès aux élèves à des contenus sportifs présents sur les réseaux sociaux sur le processus d’apprentissage des élèves et sur leur implication en EPS quand il s’agit d’utiliser ces contenus comme mode d’entrée dans une activité d’entretien de soi, comme la musculation ou le fitness, auprès d’un public de lycéens professionnels de classes démixées ?
Dispositifs d’expérimentation
L’étude se réalisera de la même manière pour les deux classes. Afin de caractériser notre population, nous poserons aux élèves des questions sur leur pratique physique et leur pratique sur les réseaux sociaux. Ces questions seront posées dans leur carnet d’entraînement de fitness ou de musculation, pour permettre aux élèves de créer du lien entre leur activité physique en cours et hors descours et leur pratique des réseaux sociaux.
Le cœur de l’étude consistera en la passation d’un questionnaire relatifs à des contenus de réseaux sociaux et à des placements de produits suivi d’une discussion. Cinq catégories sont proposées. Le premier est un placement de produit réalisé par des « sportifs » sur Instagram®: un legging anti-cellulite, qui est donc supposé éliminer la cellulite quand on le porte. Le deuxième est un avant-après d’une « fitgirl » qui montre les bénéfices de son programme sportif sur Instagram® quand il est réalisé sur un mois. Le troisième est un titre de vidéo proposée par le youtubeur « fitboy » Tibo InShape: « 7min pour perdre le gras du ventre (en confinement) ». Le quatrième est un extrait vidéo de la youtubeuse « fitgirl » Juju Fitcats intitulée « Perdre le gras du ventre (ceci est un mensonge) ». Il est précisé aux élèves pour cet extrait de ne pas chercher à retenir toutes les informations mais à chercher des indices de leur fiabilité. Le dernier produit est un placement de produit présenté par des « sportifs ». Il s’agit de patchs à poser sur les abdominaux ou encore les fessiers pour prendre du muscle sans rien faire. Le support présenté au vidéoprojecteur aux élèves est présenté en annexe 1. Les élèves auront également à écrire avec leurs propres mots (sans censure) une définition d’un influenceur, sportif ou non.
L’intérêt du questionnaire (annexe 2) est de récupérer des données quantitatives et d’avoir sur papier ce qu’un élève n’aurait pas forcément l’opportunité ou le courage de dire à l’oral devant tout le monde. La consigne donnée est de communiquer le moins possible entre élèves pour éviter d’influencer les autres par ses réponses lors de la passation du questionnaire, de ne pas faire attention à l’enseignant et de ne pas modifier ses réponses suite aux discussions que l’on a lors de la seconde partie de l’étude. Ces données, pour la plupart quantitatives, seront analysées grâce à un logiciel de recueil de données d’enquête comme MODALISA afin d’en réaliser des tris à plats puis destris croisés pour mettre en avant les corrélations éventuelles.
La discussion a pour but de confronter les avis des élèves en reprenant les questions les plus importantes du questionnaire pour recueillir les comportements des élèves : admiration, moqueries, critique constructive… Ces informations seront recueillies à l’aide d’un dictaphone et codées pour en mesurer la fréquence d’apparition. L’avis de l’enseignant ne sera donné qu’après avoir recueilli les impressions des élèves, en précisant qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, et que l’avis de l’enseignant est également influencé par les réseaux sociaux.
Cette étude permet donc de rendre compte de l’expérience d’élèves sur les réseaux sociaux dans le domaine sportif afin de savoir si c’est un inducteur intéressant pour l’enseignant.
Résultats
Constats aidant à la caractérisation de notre population
Une première étape a été réalisée avec la classe de 2°MMV. La séquence a débuté par un questionnement individuel sur la pratique du fitness des élèves au travers de leur carnet d’entraînement. Les questions posées sont les suivantes : pratiquez-vous ou avez-vous déjà pratiqué le fitness, combien de temps consacrez-vous à la pratique sportive par semaine en période normale (hors coronavirus), suivez-vous des influenceurs fitness et si oui, lesquels, sur quels réseaux sociaux suivez-vous ces influenceurs ? L’analyse de ces données a fait l’objet d’un tri à plat. Les résultats sont indiqués dans les tableaux n°1 à n°5. Le nombre d’interrogés est de 14.
Ces mêmes questions ont été posées aux élèves de 1°PLP. Dans un contexte hors séquence de musculation, au moment de la passation du reste du questionnaire.
Les placements de produit sportifs des candidats de télé-réalité
Dans cette cinquième et dernière partie, les questions portaient sur un produit d’électrostimulation en patchs, dont plusieurs candidats de télé-réalité ont fait la promotion : avez-vous déjà vu ce produit sur les réseaux sociaux (E-1) ? Pensez-vous que c’est efficace (E-2) ? Possédez-vous un de ces produits (E-3) ? Avez-vous envie d’en acheter un (E-4) ? Pensez-vous que les influenceurs utilisent vraiment ces objets (E-5) ? Quel niveau de qualité accorderiez-vous à ce produit (E-6) ?
Interprétations
Population interrogée : rapports aux pratiques d’entretien de soi et rapport aux réseaux sociaux
Les premiers résultats permettent de caractériser notre population. Plus de la moitié des élèves de 2°MMV ne pratiquent aucune activité physique extra-scolaire. Quelques élèves ont déjà pratiqué le fitness en complément d’une autre activité physique dans un objectif de préparation physique tandis que d’autres l’ont découvert pendant le confinement en mars 2020. Leur pratique n’est donc pas régulière. Cinq d’entre elles seulement annoncent suivre des inflenceurs sportifs, les neuf autres ne le faisant apparemment pas. Nous constatons que ces élèves, uniquement des filles, ne suivent que des influenceuses, pas d’influenceurs.
Pour la classe de 1°PLP, le public est davantage sportif puisque plus de la moitié des élèves pratiquent plus de 2h par semaine, quelques-uns atteignant les 6-7h de pratique hebdomadaire. La majorité d’entre eux atteignent les deux heures de pratique puisqu’ils font des trajets quotidiens à pieds pour rejoindre le lycée. Les élèves de cette classe suivent des influenceurs sportifs liés à leur discipline sportive (rugby, équitation) mais seulement un tiers suit des influences fitness ou musculation.
La focalisation de notre étude sur les réseaux sociaux Instagram®et YouTube®s’explique grâce au tableau 5, c’est en effet les deux réseaux sociaux les plus investis par nos élèves.
De plus, dans le tableau 4, un élève a répondu Sarah Fraisou comme influenceuse sport. Il s’agit d’une candidate de télé-réalité qui prodigue depuis peu des conseils de fitness, sans avoir de diplôme (tout comme Juju Fitcats et Juste Zoé). Dans la même veine, un élève a répondu Julien Tanti comme influenceur sport, puisqu’il se montre pratiquer en salle de musculation sur ces réseaux. Ceci nous montre que les élèves s’approprient différemment le terme « influenceur sportif » ou « influenceuse sportive ». Ainsi, les élèves interrogés suivent peu d’influenceurs sportifs, dont certains ne le sont pas au sens où nous pouvons l’entendre.
La définition d’un influenceur sportif n’est donc pas la même pour tous. On distingue trois profils principaux. Le premier est un sportif professionnel qui partage son travail et sa passion sur les réseaux sociaux, en mettant en avant ses sponsors. Le deuxième est une personne qui pratique la musculation ou le fitness et le montre sur les réseaux sociaux, sans forcément prodiguer des conseils ou des entraînements et réalisant des placements de produit. Le troisième est une personne qui centre son activité sur les conseils sportifs en musculation / fitness ou encore en diététique, sans forcément avoir de diplôme et pouvant réaliser des placements de produits. Ces trois profils seront appelés par la suite respectivement « sportif professionnel », « sportif » et « fitgirl / fitboy ». La fiabilité des contenus transmis aux « followers » peut ainsi être mise en cause.
Enfin, les élèves ont été invités à donner une définition personnelle d’un influenceur, à l’écrit. Parmi les 19 réponses données, plusieurs tendances se dégagent. 14 élèves font référence au gain d’argent, ce qui permet d’affirmer que pour les élèves il s’agit bien d’un métier. Leur avis sur ce gain d’argent est le plus souvent négatif : « ils se font de l’argent sur notre dos », « ils se font de l’argent facilement », « ils se font masse argent ». Une deuxième tendance apparaît, celle de la jalousie et de l’insulte. En effet, alors qu’une définition était demandée, nous remarquons que les réponses de 9 élèves introduisent des jugements de valeur par des insultes (« shlags », fils de pute », « petits branleurs », « enculés ») ou un avis personnel (« ils cassent les couilles », « ils se croient au dessus des gens »). 9 élèves ont abordé l’arnaque que peuvent créer ces influenceurs : « séduire le public », « ils se foutent de la gueule des gens », « ils manipulent les gens », « ils ne donnent pas leur vrai avis car ils sont payés ». À l’inverse, seulement 4 élèves abordent un aspect positif, parfois nuancé, du travail d’influenceur : « ils sont légitimes », « ils mettent à disposition leur savoir », « ils peuvent aider beaucoup de personnes ». Cette question d’expression libre permet de ne pas censurer le comportement des élèves face à ces influenceurs pour avoir leur réel avis mais permet également d’établir s’ils sont capables de prendre du recul sur le sujet pour donner une définition et non seulement un avis.
Éléments saillants de l’étude
La passation de notre questionnaire a permis de soulever trois éléments. Le premier élément concerne la fiabilité (1), d’après les élèves, des contenus délivrés par les influenceuses suivies, en comparaison avec les contenus du cours d’EPS par exemple. Les élèves ont été interrogés sur la légitimité de la personne prodiguant les contenus, ce qui a invité certaines discussions quant à leurs diplômes, leurs expériences et la confiance qu’ils véhiculent auprès de leur audience. Ceci permettrait de savoir si les contenus des réseaux sociaux sont un levier ou non pour ce type d’élèves dans ces activités de forme. Le deuxième élément est le comportement des élèves (2) vis-à-vis de ces contenus ou des influenceurs en eux-mêmes quand ils sont abordés au sein d’un cours. Nous avons observé des comportements de dispersion et de moqueries pendant la passation de notre questionnaire. Le troisième élément remarqué est la capacité des élèves à prendre du recul (3), à avoir une réflexion, un esprit critique sur ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux : le produit fonctionne-t-il, l’avis de l’influenceur est-il biaisé sachant qu’il est payé ?
Ces trois éléments ont été présents pour les différents produits (legging anti-cellulite et patchs d’électrostimulation) et services (programme sportif, vidéo d’entraînement sportif, vidéo relative à la nutrition) proposés par l’enseignant durant la passation du questionnaire.
À propos de la première partie du questionnaire relative au produit « legging anticellulite », nous remarquons que les deux tiers des élèves avaient déjà vu passer le produit sur les réseaux sociaux et que leur confiance en ce produit est sans appel. Ils pensent tous que ce produit n’est pas efficace dans les vertus que les influenceurs promettent sur les réseaux sociaux, c’est-à dire que les alvéoles du produit fassent disparaître les capitons de cellulite. Du côté de la classe majoritairement masculine, la discussion a mené sur une réflexion sur le prix de vente du legging. D’un côté, ils considèrent qu’un prix très bas est gage de mauvaise qualité et donc d’inefficacité. D’un autre côté, ils considèrent également qu’avec un prix élevé le legging ne serait pas non plus efficace.
Ce doute est dû à la pratique du dropshipping, consistant à vendre cher un produit acheté à bas prix pour faire du bénéfice et procurer un sentiment de qualité auprès de l’acheteur. Seul un répondant aindiqué vouloir l’acheter, pour en tester l’efficacité, c’est-à-dire par curiosité.
Un élève fait remarquer qu’il n’achèterait ce produit que s’il était présenté par un influenceur en qui il a confiance parce qu’il le suit depuis longtemps et que ses placements de produits sont sûrs. On remarque alors une prise de distance des élèves vis-à-vis du contenu présenté. Certains garçons ont même connaissance de produits (pommades) annonçant éradiquer la cellulite et les considèrent tout autant inefficaces. Néanmoins, c’est en leur posant des questions sur la fiabilité qu’ils s’interrogent sur cela. Il n’est pas dit qu’ils le feraient forcément d’eux-mêmes, ce qui biaise le résultat. D’autres élèves ont même répondu au questionnaire sans savoir ce qu’était la cellulite, la confondant avec les vergetures. Ils n’ont pas posé de question durant la phase de réponse auquestionnaire pour avoir des précisions sur la définition de la cellulite.
Tout comme son conjoint Tibo InShape, Juju Fitcats a fait l’objet de moqueries quant aux diplômes qu’elle détient, les élèves de 1° ayant répondu « CAP fermière », « CAP boulangerie » ou encore « bac pro clocharde ». Ces moqueries sont intéressantes car elles font référence à leur propre situation scolaire, ces élèves évoluant en bac professionnel. Dans la classe de 2°, les filles ont employé le terme « cheum » pour la caractériser, terme dévalorisant le physique de la jeune fille et n’ayant rien à voir avec ses capacités intellectuelles, d’autant qu’elle possède des diplômes dans la nutrition sportive et a donc de réelles connaissances sur le sujet qu’elle expose dans sa vidéo, à savoir la perte de gras. Durant le questionnaire, des élèves ont imité et ri de son introduction de vidéo, une phrase marquante qu’elle utilise au début de chaque vidéo et qui est sa « marque de fabrique ». D’autres ont indiqué que cette introduction était gênante. Les élèves n’étaient donc pas réceptifs au contenu de la vidéo en étant occupés à rire de Juju Fitcats, de la même façon que pourTibo InShape.
Les élèves ont donc beaucoup ri de cette youtubeuse mais 64,3% d’entre eux la trouvent légitime de proposer du contenu sur la nutrition, sans connaître ses diplômes. 69,2% la considèrent légitime d’apporter des contenus sportifs, types entraînement sur sa chaîne YouTube®, cette fois alors qu’elle n’a pas les diplômes nécessaires. Si l’on se réfère au diplôme, les propos sur la nutrition sont basés sur ses cours et sont en théorie justifiés mais pas forcément les entraînements sportifs.
Néanmoins, un élève de 1° fait la remarque qu’elle n’oblige personne à réaliser les entraînements qu’elle propose, et qu’elle ne les fait pas directement payer, contrairement à la youtubeuse Stormette. Sa rémunération est indirecte et provient des vues de la vidéo sur la plateforme You-Tub e®. Cet élève met en exergue le fait que les youtubeurs / influenceurs sans diplôme de coach ont le droit de proposer des contenus sportifs tant qu’ils sont gratuits, de même qu’un coach sportif a besoin du diplôme pour assurer le suivi d’élèves.
Quant à la dernière partie du questionnaire, les élèves ont quasiment tous vu passer sur les réseaux sociaux ces patchs d’électrostimulation pour les abdominaux et les fessiers. 70,6% d’entre eux pensent que ce ne sont pas des produits efficaces, 88,4% annonçant une forte méfiance quant à ce produit et aucun ne lui accordant une totale confiance. Néanmoins, par comparaison à l’autre placement de produit présenté durant le questionnaire (le legging), les élèves semblent légèrement plus tentés d’acheter ce produit. Ceci est très certainement dû à la connotation mixte du produit, contrairement au legging qui était plutôt réservé aux femmes et au fait que tous les élèves (19) avaient déjà vu le produit sur les réseaux sociaux contrairement au legging (12).
Une réflexion a été entreprise par la classe de 1° quant au prix d’achat du produit et ont ainsi mis en avant le dropshipping réalisé par les influenceurs, comme pour le legging anti-cellulite. Ce produit est vendu 100 suite à une remise mais un élève a annoncé qu’il ne voudrait pas le payer plus de 20 , car les influenceurs qui présentent le produit sur les réseaux sociaux, des candidats de télé-réalité notamment, ne sont selon les élèves pas dignes de confiance et ne portent pas les valeurs du sport. Ainsi ce produit est-il vendu une centaine d’euros pour une qualité inférieure, alors que l’on peut retrouver dans des enseignes de sport des produits d’électrostimulation au même prix avec une qualité paraissant plus élevée.
Réponse à la question de recherche
Notre problématique comportait deux versants. Le premier concernait l’effet de l’accès des adolescents à des contenus sportifs sur les réseaux sociaux sur leurs apprentissages au sein du système scolaire, ce qui constitue leurs expériences sociales. Le deuxième était relatif à leur implication quand ces contenus issus des réseaux sociaux étaient utilisés pour entrer dans une activité de forme.
Afin de faire l’état des lieux des habitudes et des connaissances des élèves sur ce sujet, le questionnaire et la discussion qui a suivi s’intéressait à plusieurs produits et services variés (vidéo présente sur YouTube®, produit perte de poids, programme sportif…). Ce temps d’échange a permis de repérer les idées reçues des élèves mais également les connaissances qu’ils ont acquises sur ces réseaux sociaux.
Trois éléments caractéristiques se retrouvent à chaque produit ou service présenté.
Le premier est la fiabilité du contenu proposé et de l’influenceur en lui-même. Pour l’ensei-gnant, la fiabilité est primordiale car c’est ainsi qu’il saura si son enseignement devra déconstruire les idées reçues et idées fausses qui circulent ou au contraire s’en servir comme une ressource pédagogique. S’intéresser à la personne qui propose le contenu (expérience, niveau d’étude) revient à s’intéresser à une source pour vérifier un fait historique en histoire-géographie par exemple. Dans notre étude, nous remarquons que les élèves connaissent les influenceurs mais en savent peu sur leurs compétences et donc la fiabilité des conseils transmis. Contrairement à l’hypothèse de N’TaryCalaffard & Guichard (2019), notre étude n’a pas démontré que le nombre d’abonnés était significatif de l’expertise de l’influenceur. Néanmoins, les élèves indiquent qu’un influenceur avec beaucoup d’abonnés ne peut se permettre certains placements de produits douteux pour ne pas perdre en crédibilité, ce que l’enseignant a réfuté en prenant l’exemple de certains candidats de télé-réalité. Néanmoins, le deuxième élément récurrent est la capacité des élèves à prendre du recul sur le contenu proposé, notamment parce que ces adolescents aiment critiquer, donner leur avis et juger. Ceci est directement lié à la logique de subjectivation du cadre de l’expérience sociale. Quand ils sont aiguillés par l’enseignant, ils mettent en avant les dérives économiques du métier qui peut inciter l’influenceur à mentir (retouches de photos, efficacité) ou omettre des pans d’un service (vidéo à réaliser plusieurs fois, référencement) ou produit parce qu’il est payé par la marque ou souhaite faire fonctionner son entreprise. Les élèves sont conscients que le métier d’influenceur constitue un réel business. Ils explicitent la valeur marchande des services, l’un annonçant que l’influenceuse Stormette gagnait sûrement plus d’argent que l’enseignante alors que son niveau d’étude est plus faible. Ceci va dans le sens d’une des hypothèses formulées par N’Tary-Calaffard & Guichard (2019), qui émettaient l’idée que l’influenceur devenait dépendant des marques à partir du moment où il était rémunéré par celle-ci. Les discussions et contradictions qui émergent des élèves permettent à l’enseignant de former des citoyens lucides, comme décrit dans la finalité des programmes d’EPS, qui sont éduqués aux usages du numérique, dans le prolongement des cours d’Éducation aux Médias et à l’Information.
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Table des matières
Remerciements
Table des matières
Table des figures et tableaux
I. Introduction
1. Préambule et ancrage institutionnel
2. Question empirique
3. Cadre théorique mobilisé
4. Annonce du plan
II. Cadre théorique
1. Modes d’entrée dans l’activité
2. Réseaux sociaux et influenceurs
3. Pratiques d’entretien de soi
4. Cadre de l’expérience sociale
5. Question de recherche
III. Plan de recherche
1. Contexte de l’étude
2. Présentation de la séquence
3. Dispositifs d’expérimentation
IV. Résultats
1. Constats aidant à la caractérisation de notre population
2. Données quantitatives et réactions lors de l’étude
3. Interprétations
A.Population interrogée : rapports aux pratiques d’entretien de soi et rapport aux réseaux sociaux
B.Éléments saillants de l’étude
4. Réponse à la question de recherche
V. Conclusion & discussions
1. Limites
2. Apports
Bibliographie
Annexes