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piRNA primaires et régulation transcriptionnelle
Dans les cellules folliculaires et germinales, les ARN précurseurs sont clivés par l’endonucléase Zucchini, qui possède un signal de localisation mitochondrial en N-terminal lui permettant d’être localisée sur la membrane externes des mitochondries (Pane et al, 2007; Saito et al, 2010). Zuc clive spécifiquement les ARN simple-brins et nécessite la présence d’autres co-facteurs puisque son activité in-vitro est relativement faible (Ipsaro et al, 2012; Nishimasu et al, 2012). Dans les cellules folliculaires, les co-facteurs Minotaur et Gasz ont été 48 identifiés (Czech et al, 2013; Muerdter et al, 2013; Vagin et al, 2013) tandis que dans les cellules germinales la protéine Squash a été mise en évidence (Pane et al, 2007) mais les fonctions de ces protéines dans la biogénèse des piRNA ne sont pas encore clairement identifiées. Deadalus (Dead), un facteur commun entre les cellules folliculaires et germinales présent au niveau de la membrane externe des mitochondries, participe à la localisation correcte d’Armi, Zuc et Piwi (Murano et al, 2019).
Les fragments d’ARN précurseurs clivés par Zuc sont chargés par Piwi et Aub dans les cellules germinales ou par Piwi seule dans les cellules folliculaires et constituent les piRNA primaires. Shutdown et Hsp83 (aussi appelée Hsp90) sont requis pour la prise en charge des piRNA – primaires et secondaires – par les protéines PIWI (Olivieri et al, 2012; Preall et al, 2012). Les piRNA primaires sont généralement antisens (Figure 21A) et possèdent majoritairement une uridine en position 1, à l’extrémité 5’ – qualifié de biais 1U – suggérant que Zuc clive préférentiellement les ARN précurseurs au niveau des uridines (Brennecke et al, 2007; Gainetdinov et al, 2018) (Figure 21B). La taille des extrémités 3’ des piRNA primaires est modulée par trois facteurs : Zuc, l’exonucléase 5’ à 3’ Nibbler et l’ARN méthyltransférase Hen1. La mutation de Zuc ou de Nibbler génère des piRNA primaires plus longs mais n’affecte pas la longueur des piRNA secondaires indiquant que ces deux facteurs sont responsables du clivage de l’extrémité 3’ des piRNA primaires (Hayashi et al, 2016; Wang et al, 2016). Hen1 catalyse la 2’O méthylation de l’extrémité 3’ des piRNA et sa mutation entraine la production de piRNA plus courts (Horwich et al, 2007; Saito et al, 2007; Wang et al, 2016). Ainsi, l’ajout d’un groupement 2’O-methyl à l’extrémité 3’ semble protéger les piRNA du clivage par Zuc et Nibbler.
Seuls les complexes Piwi-piRISC (piRNA-induced silencing complex) – piRNA guide associé à la protéine Piwi – sont impliqués dans la régulation transcriptionnelle (ou TGS pour Transcriptionnal Gene Silencing) des ET. La protéine Piwi est localisée dans le noyau, contrairement aux protéines Aub et Ago3 qui sont présentes dans le cytoplasme (Brennecke et al, 2007) (Figure 21C). Dans le noyau, les complexes Piwi-piRISC scannent l’ensemble des ARN messagers en cours de synthèse, mais ne ciblent pas les séquences ADN, et répriment les séquences complémentaires aux piRNA chargés par Piwi. Par conséquent, seuls les ET actifs dans le génome peuvent être ciblés par les complexes Piwi-piRISC (Brower-Toland et al, 2007; Klenov et al, 2014, 2011; Le Thomas et al, 2014). Le domaine catalytique de Piwi ne semble pas participer au TGS puisqu’en contexte mutant pour piwi l’expression d’une protéine Piwi possédant un site catalytique inactif est capable de restaurer la répression des ET. En revanche, une délétion de la partie N-terminale de Piwi (mutant piwiNt), qui contient un signal de localisation nucléaire (NLS), entraine sa rétention dans le cytoplasme ainsi que la mobilisation des ET (Klenov et al, 2011; Saito et al, 2010; Sienski et al, 2012). L’association entre une protéine Piwi et un piRNA guide est indispensable pour la répression des séquences cibles : le chargement d’un piRNA primaire stabilise Piwi et entraine sa translocation vers le noyau tandis que la protéine Piwi seule est retenue dans le cytoplasme (Saito et al, 2010). En outre, le recrutement artificiel de Piwi sans piRNA guide ne permet pas la régulation des séquences cibles (Le Thomas et al, 2013; Sienski et al, 2015). Ces résultats indiquent que l’association entre un piRNA primaire et Piwi est requise à la fois pour la localisation nucléaire et pour le TGS.
piRNA secondaires et régulation post-transcriptionnelle
Dans les cellules germinales, une partie des piRNA clivés par Zuc est prise en charge par Aub pour la formation de complexes Aub-piRISC. Comme pour Piwi, ces piRNA associés à Aub sont majoritairement antisens et possèdent un biais 1U (Brennecke et al, 2007) (Figures 23A et 23B). Aub est localisé dans le cytoplasme, essentiellement au niveau du nuage (Brennecke et al, 2007; Webster et al, 2015) (Figure 23C). Ces données suggèrent que les complexes Aub-piRISC reconnaissent et clivent les ARN messagers – sens – des ET. Les fragments d’ARN messagers clivés par Aub-piRISC ne sont pas dégradés, ils génèrent de nouveaux piRNA appelés piRNA secondaires et chargés par Ago3, formant des complexes Ago3-piRISC. C’est vraisemblablement parce qu’ils sont dérivés de transcrits d’ET que les piRNA secondaires chargés par Ago3 sont majoritairement sens (Figure 23D) et portent généralement une adénine en position 10 – appelé biais 10A (Figure 23E). Ainsi, les complexes Ago3-piRISC localisés dans le nuage (Figure 23F) peuvent reconnaitre et, de même que Zuc, cliver les ARN précurseurs antisens transcrits à partir des piRNA clusters dual-strand. Ce clivage génère d’autres piRNA secondaires pris en charge par Aub, conduisant à la formation de nouveaux complexes Aub-piRISC capables de reconnaitre et de cliver les transcrits d’ET (Figure 24A). Ce mécanisme, appelé cycle ou amplification ‘Ping-Pong’, assure la régulation post-transcriptionnelle des ET et permet également l’amplification du nombre de complexes Aub-piRISC et Ago3-piRISC. La taille des extrémités 5’ des piRNA secondaires est modulée par Aub et Ago3. En revanche, la taille des extrémités 3’ dépend de l’activité de Nibbler et de Hen1. Les piRNA secondaires, comme les piRNA primaires, portent un groupement 2’O-méthyl à l’extrémité 3’ (Hayashi et al, 2016; Wang et al, 2016).
D’autres fonctions pour les piRNA
De nombreux travaux montrent que les piRNA ne jouent pas seulement un rôle dans la régulation des ET. Les piRNA sont notamment responsables de la régulation de gènes impliqués dans des fonctions biologiques variées ou encore dans la défense virale chez certaines espèces de moustiques.
Régulation de gènes
Parmi les gènes dont la régulation dépend de l’activité de piRNA chez la drosophile, on trouve le gène FasIII. Les piRNA géniques produits à partir du 3’UTR du gène traffic-jam sont chargés par les protéines PIWI et permettent la régulation de FasIII (Saito et al, 2009).
En 2010, il a été montré que le gène Nanos (Nos), qui participe à la formation de l’axe antéro-postérieur et à la détermination de la lignée germinale chez la drosophile, est régulé par les piRNA au stade embryon (Rouget et al, 2010). Cette étude montre que dans l’embryon de drosophile, la taille de la queue poly(A) des ARNm de Nos diminue progressivement au cours 58 du temps et entraine la dégradation des ARNm. Le déadénylation et la dégradation des ARNm dépendent respectivement de l’activité du complexe CCR4-NOT et de la protéine Smaug (Smg). En contexte mutant pour la voie des piRNA, la déadénylation des ARNm de Nos n’a plus lieu, en conséquence les ARNm ne sont plus dégradés. Des expériences de co-immunoprécipitation indiquent que CCR4-NOT, Smg et Aub interagissent et que les ARNm de Nos co-précipitent avec la protéine Aub. De plus, l’analyse de la séquence de l’ARNm de Nos révèle d’une part que le 3’UTR contient des sites de liaisons à Smg et d’autre part que le 5’UTR possède des séquences complémentaires aux ET roo et 412. Les piRNA complémentaires au 3’UTR de Nos co-immunoprécipitent avec Aub et l’absence des séquences complémentaires à roo et 412 situées dans le 5’UTR empêche la déadénylation des ARNm de Nos. Enfin l’injection d’anti-piRNA de roo et 412 ne permet pas le développement normal de l’embryon, montrant qu’un piRNA guide est requis pour la régulation de Nos. Ces résultats indiquent que, dans l’embryon de drosophile, les complexes Aub-piRISC ciblent les ARNm de Nos, puis recrutent le complexe CCR4-NOT et Smg pour induire la déadénylation puis la dégradation de ARNm de Nos. La régulation de Nos au stade embryon est essentielle pour le développement normal de l’individu puisque l’expression ectopique de ce gène dans le pôle postérieur, dont les ARNm sont détectés par hybridation in-situ, bloque la traduction des gènes bicoid et hunchback, ce qui empêche le développement normal de la tête (Rouget et al, 2010). Quelques années plus tard, des expériences de iCLIP ont permis de mettre en évidence qu’une centaine d’ARNm interagit avec Aub au stade embryon chez la drosophile. Une part de ces ARNm, qui codent des facteurs impliqués dans la détermination de la lignée germinale, est dégradée par CCR4-NOT et Smg (Barckmann et al, 2015).
La régulation par les piRNA de gènes impliqués dans différentes fonctions a aussi été mise en évidence chez d’autres espèces. Chez la souris, par exemple, les piRNA sont impliqués dans la dégradation d’ARNm au cours de la spermatogénèse via l’activité du complexe de déadénylation CCR4-CAF1-NOT (Gou et al, 2014). Chez l’anémone Nematostella vectensis, l’analyse de données de séquençage montre qu’une partie des piRNA s’aligne sur des gènes, pour lesquels des produits de dégradation sont détectés (Praher et al, 2017). Chez l’aplysie, on détecte des piRNA dans le cerveau qui participent à la mise en place de la mémoire à long terme. Les complexes piRISC régulent indirectement le répresseur de transcription CREB2 en aidant à la méthylation de son promoteur (Rajasethupathy et al, 2012). Chez Bombix mori, des piRNA particuliers sont produits à partir d’un locus constitué de séquences répétées et sont impliqués dans la détermination du sexe. Ces piRNA répriment les ARNm du gène Masc, requis pour la production d’une isoforme femelle-spécifique du gène doublesex (Kiuchi et al, 2014).
Des outils d’étude de la biologie des piRNA clusters
Notre équipe de recherche s’intéresse, entre autres, à la biologie des piRNA clusters germinaux ; nous cherchons à caractériser l’émergence des piRNA clusters, à identifier leurs propriétés fonctionnelles et moléculaires, ainsi qu’à comprendre leur dynamique. Pour ce faire, nous utilisons un ensemble de transgènes. Parmi ceux-ci, il y a des transgènes rapporteurs, aussi appelés transgènes « cibles », qui permettent de déterminer s’il y a, ou non, production de piRNA ; et des transgènes dits « silencer » parmi lesquels le transgène P(lArB) qui est inséré dans un piRNA cluster naturel et le cluster BX2 qui est constitué de transgènes répétés et mime un piRNA cluster.
Transgènes « cibles »
Au laboratoire, nous pouvons utiliser deux techniques différentes pour déterminer si une séquence produit des piRNA ou non, l’une moléculaire et l’autre fonctionnelle. La première technique est le séquençage des petits ARN (small RNA-seq) suivi d’analyses bioinformatiques des banques de données générées. La secondaire technique est basée sur les propriétés de Trans-Silencing des piRNA clusters. En effet, l’insertion d’un transgène P-lacZ au niveau des régions subtélomériques permet de réprimer une autre copie de transgène P-lacZ dans le génome (Roche & Rio, 1998). Cette répression, qualifiée de Trans-Silencing Effect (TSE), dépend des piRNA ; la perte de fonction des gènes impliqués dans la biogénèse des piRNA affecte le TSE (Josse et al, 2007; Todeschini et al, 2010). Les transgènes silencers et les transgènes cibles (=P(TARGET)) contiennent la séquence du gène lacZ, par conséquent il existe des séquences d’homologies entre ces deux types de transgènes (Voir dans matériel et méthodes « Balanceurs et transgènes »). L’expression de la β-galactosidase, protéine codée par le gène lacZ, permet de déterminer si un transgène silencer produit ou non des piRNA. En effet, lorsqu’un transgène silencer ne produit pas de piRNA, le transgène cible s’exprime et la β-galactosidase est produite ; à l’inverse lorsqu’un transgène silencer produit des piRNA, le transgène cible est réprimé et la β-galactosidase n’est pas produite. On peut déterminer si la β-galactosidase est produite ou non par une technique de mesure de son activité enzymatique. Cette technique, appelée ‘coloration lacZ’ ou ‘coloration β-galactosidase’ est basée sur l’utilisation de X-Gal (5-Bromo-4-chloro-3-indolyl-β-D-galactopyranoside), un substrat chromogénique dont l’hydrolyse par la β-galactosidase entraine, entre autres, la formation d’un composé bleu. En l’absence de β-galactosidase, le X-Gal n’est pas hydrolysé et la coloration bleue n’apparait pas.
Paramutation et effets transgénérationnels
Chez la drosophile, la paramutation du cluster BX2 requiert l’héritage de piRNA maternels ainsi que les facteurs impliqués dans la biogénèse des piRNA (de Vanssay et al, 2012; Hermant et al, 2015). Ce phénomène de paramutation s’accompagne de modifications chromatiniennes avec un enrichissement en marques H3K9me3 (Le Thomas et al, 2014). Les mécanismes moléculaires de la paramutation par les piRNA hérités maternellement restent encore à éclaircir. En 1956, Alexander Brink défini la paramutation comme une interaction entre deux allèles qui conduit à la modification de l’expression de l’un des allèles par l’autre allèle, sans modification de la séquence d’ADN. Cet état épigénétique est ensuite transmis aux générations suivantes en l’absence de l’allèle à l’origine du changement d’état (Brink, 1956).
La paramutation a d’abord été mise en évidence chez le maïs, notamment grâce à l’étude du locus b1 qui code un facteur de transcription impliqué dans la synthèse de pigments violets et dont deux épi-allèles ont été identifiés, B-I et B’, dont les séquences ADN sont identiques. Lorsque la plante est homozygote pour B-I, le locus b1 est fortement exprimé ce qui induit une pigmentation sombre au niveau des tiges. En revanche lorsque la plante est homozygote B’, le locus b1 est peu exprimé ce qui induit une pigmentation claire des tiges. Lorsque ces deux homozygotes sont croisés, la pigmentation de la tige chez les descendants hétérozygotes B-I/B’ est claire. Ces résultats indiquent que l’épi-allèle B’ est capable de convertir B-I. L’épi-allèle nouvellement converti, désigné par B’*, est à son tour capable de convertir B-I dans les générations suivantes (Coe, 1966). Une région contenant sept séquences répétées en tandem, requise pour le processus de paramutation, a été identifiée environ 100 kb en amont du locus b1. Le profil de méthylation de cette région répétée est différent selon l’épi-allèle ; de manière étonnante, la région répétée est plus méthylée dans le cas de l’épi-allèle B-I que pour B’, alors que B-I est associé à une expression forte du locus b1 (Stam et al, 2002). La séquence répétée en amont du locus b1 est transcrite dans les deux sens. Ces transcrits peuvent former des ARN dual-strand à l’origine de la production de siRNA de 25 nucléotides. En contexte mutant pour mediator of paramutation 1 (mop1), un gène codant un ARN polymérase ARN-dépendant, ces siRNA ne sont plus produits. Pourtant, les siRNA ne sont pas suffisant pour induire la paramutation puisqu’elle requiert également l’activité de mop1 (Alleman et al, 2006; Arteaga-Vazquez et al, 2010). Cependant, le lien entre séquence répétée, siRNA, mop1 et paramutation de B-I reste encore à préciser.
La paramutation a aussi été identifiée chez la souris avec le gène Kit, qui code un récepteur tyrosine kinase, entre autres impliqué dans la melanogénèse. Les souris homozygotes sauvages Kit+ sont viables et le phénotype associé est une coloration blanche sur le bout des pattes et de la queue tandis que des souris homozygotes portant l’allèle Kittm1Alf, dans lequel l’insertion d’une cassette lacZ-neo conduit à la perte de fonction de Kit, ne sont pas viables. Les souris hétérozygotes Kit+/ Kittm1Alf sont viables et associées à un phénotype d’extension de la coloration blanche au niveau des pattes et de la queue. Ce phénotype est maintenu à la génération suivante chez des souris homozygotes sauvages issues de parents hétérozygotes, où l’allèle Kit+ et la descendance sont alors désignés Kit*. Des expériences de northern blot chez les souris Kit+/ Kittm1Alf et chez les souris Kit* indiquent que la quantité d’ARN polyadénylé est divisée de moitié par rapport aux souris sauvages Kit+/Kit+. Ce phénotype moléculaire est associé à la surexpression du gène Kit chez les Kit+/ Kittm1Alf et Kit*. De plus, la micro-injection d’ARN provenant de souris Kit+/ Kittm1Alf dans des embryons Kit+/ Kit+ au stade une-cellule reproduit le phénotype associé à celui des souris Kit+/ Kittm1Alf et Kit, ce qui indique que la paramutation du locus Kit est ARN dépendant (Rassoulzadegan et al, 2006). Toutefois, mentionnons deux points ; premièrement, contrairement à la paramutation chez la drosophile ou le maïs, dans cette étude la séquence d’ADN des deux allèles n’est pas identique ; deuxièmement ce type de paramutation chez la souris n’est pas stable au cours des générations, contrairement à la paramutation de BX2 chez la drosophile.
Perte de fonction de hfp et activation de BX2
Le crible génétique ‘perte de fonction’ mis au point par Antoine est basé sur la technique d’ARN interférence (RNAi) permettant l’inactivation de gènes d’intérêts. Le ‘Bloomington Drosophila Stock Center’ (BDSC) de l’université d’Indiana entretient de nombreuses lignées, dont des lignées RNAi. Ces lignées portent un transgène (appelé UAS-geneKD) contenant des séquences UAS permettant l’expression tissu-spécifique d’un short hairpin RNA (shRNA) capable d’induire une réponse RNAi conduisant à la diminution de l’expression du gène ciblé par le shRNA (Plus de détails dans le matériel et méthodes). Les femelles de ces lignées sont croisées par des mâles portant le cluster BX2OFF, un transgène nos-gal4 et un transgène cible PlacZ (P(TARGET)). En présence des transgènes nos-gal4 et UAS-geneKD, la protéine GAL4 dont la production est sous le contrôle du promoteur du gène nanos (nos), est produite spécifiquement dans les ovaires. Ainsi, le shRNA est exprimé spécifiquement dans les cellules germinales, où la protéine GAL4 est produite et reconnait les séquences UAS. Dans la descendance, les femelles portant le cluster BX2OFF, le transgène P(TARGET), le transgène nos-gal4 et le transgène UAS-geneKD sont sélectionnées, les ovaires disséqués et l’état épigénétique du cluster BX2 est analysé par coloration β-galactosidase (Figure 29A-D). Si les ovaires sont colorés (coloration bleue des cellules germinales), cela signifie que le BX2 est à l’état inactif et que la perte de fonction du gène ciblé n’affecte pas l’état épigénétique du cluster. A l’inverse, si les ovaires ne sont pas colorés (pas de coloration bleue des cellules germinales), cela signifie que BX2 est actif et produit des piRNA capables de réprimer l’expression du transgène cible P(TARGET) ; la perte de fonction du gène ciblé affecte alors l’état épigénétique de BX2OFF.
Avec ce crible génétique, nous avons testé 272 gènes impliqués dans des fonctions biologiques différentes : gènes impliqués dans l’organisation de la chromatine (incluant notamment les gènes des groupes Polycomb et Trithorax), dans la réparation de l’ADN, dans la réponse à la température ou encore des facteurs d’épissage (Liste complète des gènes et shRNA testés dans l’Annexe 3). Parmi ces gènes, nous avons identifié, au départ, un seul gène, half-pint (hfp), dont la perte de fonction induit une activation du cluster BX2OFF.
Analyse de la perte de fonction de hfp
hfp code un facteur impliqué dans la transcription et l’épissage. La diminution d’expression de hfp dans les ovaires (appelée hfp GLKD, GLKD pour Germ Line Knock Down), entraine la conversion de BX2OFF dans la plupart des chambres ovariennes (87% de répression du transgène cible P(TARGET), figure 29D). Les contrôles confirment que le transgène UAS-geneKD seul n’affecte pas l’expression du transgène cible P(TARGET) (Figure 29B) et que le cluster BX2 ne peut pas être converti en l’absence du transgène UAS-geneKD (Figure 29C). Les analyses moléculaires indiquent qu’en contexte hfp GLKD, le cluster BX2 produit des piRNA sens et antisens (Figures 29G-H). Ces piRNA possèdent un biais 1U et 10A et arborent une signature Ping-Pong, indiquant qu’il y a des piRNA primaires et secondaires (Figure 29I-J). Les expériences de ChIP-qPCR indiquent que BX2 est enrichi en marques H3K9me3 (Figure 29E) et Rhino (Figure 29F) en contexte hfp GLKD. Ainsi, le cluster BX2, lorsqu’il est activé par la perte de fonction de hfp, possède toutes les caractéristiques moléculaires d’un piRNA cluster double-brin. Pour exclure la possibilité d’un ‘off-target effect’ du transgène UAS-hfpKD utilisé, l’activation de BX2 en contexte de perte de fonction pour hfp a été confirmée à l’aide de différentes combinaisons de vrais mutants (Annexe 4).
Perte de fonction de JHDM2 et activation de BX2
JHDM2 code une déméthylase d’histone contenant un domaine Jumonji-C spécifique de la déméthylation des résidus H3K9. Il a été montré in vitro et in vivo, dans des cellules HeLa mais aussi chez la drosophile que JHDM2 participe à la déméthylation des marques H3K9me1 et H3K9me2 (Herz et al, 2014; Yamane et al, 2006). De la même manière que la perte de fonction de hfp, la perte de fonction de JHDM2 dans les ovaires entraine une répression du transgène cible P(TARGET), indiquant le changement d’état épigénétique de BX2 (Figure 31A-B). La conversion de BX2 a été vérifiée avec des vrais mutants perte de fonction de JHDM2 (Shalaby et al, 2017) et indique qu’il n’y a pas d’effet ‘off-target’. Les données de small RNA-seq confirme la production de piRNA, primaires et secondaires, par le cluster BX2 en contexte JHDM2 GLKD (Figure 31C-F).
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Table des matières
Introduction
I. Les Éléments Transposables
1. Les différentes classes d’éléments transposables
2. L’impact des éléments transposables sur le génome
2.1. Conséquences structurales et fonctionnelles
2.2. Les éléments transposables, un nid à problèmes !
2.3. Les éléments transposables : un rôle dans l’évolution ?
3. Le cas de l’élément P
3.1. Présentation de l’élément P
3.2. La dysgénésie des hybrides
3.3. Régulation de l’élément P
II. Les PIWI-Interacting RNA
1. Régulation des ET par les piRNA
1.1. La lignée germinale de la drosophile
1.2. Les séquences productrices de piRNA
– Les piRNA clusters « uni-strand »
– Les piRNA clusters « dual-strand »
– Autres sources de piRNA
1.3. Biogénèse des piRNA chez Drosophila melanogaster
– Export des ARN précurseurs
– piRNA primaires et régulation transcriptionnelle
– piRNA secondaires et régulation post-transcriptionnelle
1.4. Les piRNA chez d’autres espèces
2. D’autres fonctions pour les piRNA
2.1. Régulation de gènes
2.2. Défense virale
2.3. Les piRNA, biomarqueurs de maladies ?
3. La biologie des piRNA clusters
3.1. Des outils d’étude de la biologie des piRNA clusters
– Transgènes « cibles »
– Le transgène P(lArB)
– Le cluster BX2
3.2. Paramutation et effets transgénérationnels
III. L’épigénétique transgénérationnelle et le rôle des piRNA
1. Description de la revue
2. Review: Environmentally-Induced Transgenerational Epigenetic Inheritance: Implication of PIWI Interacting RNAs
IV. Question biologique
Résultats
I. Effet de facteurs environnementaux sur l’état épigénétique de BX2
1. Effet de la chaleur
1.1. Présentation de l’Article I
1.2. Article I: Environmentally-induced epigenetic conversion of a piRNA cluster
2. Effet du froid
3. Autres stress
3.1. Sel (NaCl)
3.2. Cuivre (CuSO4)
3.3. Bisphénol A
II. Effet de facteurs génétiques dans l’activation de BX2
1. Perte de fonction de hfp et activation de BX2
1.1. Description du crible génétique
1.2. Analyse de la perte de fonction de hfp
2. Perte de fonction de JHDM2 et activation de BX2
2.1. Identification et régulation de JHDM2
2.2. hfp et JHDM2 dans l’activation de BX2
3. Etude de la perte de fonction de JHDM2
3.1. JHDM2 GLKD et effets pan-génomiques
3.2. La perte de fonction de JHDM2 affecte-t-elle la génération suivante ?
III. La dynamique des piRNA clusters
1. Présentation de l’article II
2. Article II: Modelling early germline immunization by transposable element cooption reveals internal piRNA cluster heterogeneity
Discussion et perspectives
I. Comment définir un piRNA cluster
1. Définition biologique
2. Définition bioinformatique
II. Activation d’un piRNA cluster
III. Effets pan-génomiques
1. Augmentation de température et production de piRNA
2. Environnement, stress et piRNA clusters
3. Inactivation de gènes et production de piRNA
4. Fonctions de JHDM2
IV. Être ou ne pas être un piRNA cluster : des facteurs pour spécifier l’identité des piRNA clusters
V. Dynamique des piRNA clusters et protection du génome
1. Arrivée d’un ET et invasion du génome
2. Mise en place et maintien de la régulation
3. Structures des TAS et régulation du génome
VI. Comprendre la biologie des piRNA clusters
Matériel et méthodes
I. Ressources et outils d’analyses
II. Génétique
1. Balanceurs et transgènes
2. Lignées
3. Croisement et maintien des stocks
III. Histochimie
1. Coloration β-galactosidase
2. Analyse des colorations
IV. Biologie Moléculaire
1. Extraction d’ARN
2. RT-qPCR et RT-PCR
3. Small RNA-sequencing & RNA-sequencing
4. RNA-IP
5. Western Blot
6. ChIP-qPCR
7. Liste des amorces
Bibliographie
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