L’impact des artéfacts en EPS sur les interactions entre élèves

Le mémoire de recherche que je présente cette année aura pour thème central celui des interactions entre élèves facilitant l’apprentissage en éducation physique. Ce choix découle logiquement du parcours de formation qu’est le mien à savoir, un cursus lycéen agrémenté de l’option EPS, une faculté de sport puis une entrée à l’INSPE. J’ai toujours eu un rapport privilégié avec cette discipline qui selon moi puise en ses fondements une singularité qui rejaillit sur la pratique et l’engouement qu’elle suscite chez les élèves. Discipline à la fois  »à part entière et entièrement à part » (A. Hébrard 1998), l’EPS reste la discipline qui m’a conforté dans mon idée d’enseigner et ce depuis toujours. Les programmes du cycle 3 sont variés en matière d’activités physiques, sportives et artistiques. Cependant, l’une a depuis quelques années et après un stage en établissement secondaire, attisé ma curiosité. Il s’agit de la course d’orientation. Cette APSA est en effet une activité très riche pour nos élèves sur un certain nombre de points non listés ici. Seulement elle est assez peu proposée aux élèves en premier degré du fait qu’elle dispose de caractéristiques spécifiques qui ne s’appliquent pas aux contextes de toutes les écoles primaires. Il faut dans un premier temps un espace de pratique assez vaste, sécurisé auquel vient s’ajouter un temps de préparation conséquent pour la pose des balises, un lâcher prise au niveau des élèves, du matériel spécifique … Mais elle en reste pour autant une activité qui suscite un engouement très important des élèves que j’ai pu observer lors de mes différentes mises en place sur le terrain.

Les apports de la recherche actuelle

La coopération

Dans les textes officiels

« Les élèves apprennent mieux à plusieurs », « Pour qu’il y ait apprentissage, il doit y avoir conflit », « La base du socio-constructivisme c’est l’apprentissage entre pairs » … Nombreuses sont les théories existantes à propos de la coopération entre les élèves à l’école. Seulement qu’en est-il réellement ? Nous allons ici interroger un thème central à l’école d’aujourd’hui mais également de la société de manière générale. Il est vrai que de nos jours, avec l’évolution du marché du travail, les pratiques professionnelles sont en constante évolution. Ces pratiques convergent cependant vers un point, la capacité à coopérer s’inscrit comme être une compétence fondamentale. Il n’est donc pas surprenant que cette dernière se retrouve de plus en plus dans les textes officiels. En effet, dans le socle commun de connaissances de compétences et de culture (2020), il n’est pas rare de voir apparaître le terme coopération. Extraits des programmes :
• « La maitrise des méthodes et outils pour apprendre développe l’autonomie et les capacités d’initiative, elle favorise l’implication dans le travail en commun, l’entraide et la coopération. »
• « L’élève travaille en équipe, partage des tâches, s’engage dans un dialogue constructif, accepte la contradiction tout en défendant son point de vue, fait preuve de diplomatie, négocie et recherche un consensus. Il apprend à gérer un projet, qu’il soit individuel ou collectif. Il en planifie les tâches, en fixe les étapes et évalue l’atteinte des objectifs. »
• « L’élève sait que la classe, l’école, l’établissement sont des lieux de collaboration, d’entraide et de mutualisation des savoirs. Il aide celui qui ne sait pas comme il apprend des autres. »
• « L’utilisation des outils numériques contribue à ces modalités d’organisation , d’échange et de collaboration. »
• « L’élève coopère et fait preuve de responsabilité vis-à-vis d’autrui . Il respecte les engagements pris envers lui-même et envers les autres, il comprend l’importance du respect des contrats dans la vie civile. ».

Au-delà du socle commun de connaissances de compétences et de culture, certaines disciplines, notamment l’éducation morale et civique affichent des compétences qui découlent directement de ce concept. En effet, selon les programmes l’élève doit être capable de « s’estimer et être capable d’écoute et d’empathie, être capable de coopérer » mais également « être responsable envers autrui, savoir s’engager dans une démarche collaborative et enrichir son travail ou sa réflexion grâce à cette démarche.» Cette notion de coopération est donc ancrée dans les programmes de l’école élémentaire et ce de manière claire et précise. Seulement qu’entend on derrière ce terme coopération ? Quels sont ses fondements scientifiques, et à quoi correspondent-ils au niveau scolaire ?

Définition et analyse

Selon le dictionnaire Le Robert (2020), la coopération peut se définir comme « l’action de participer à une œuvre commune » ou encore selon le centre national de ressources textuelles et lexicales (2020) comme «l’aide ou l’entente entre les membres d’un groupe en vue d’un but commun. » Pour la contextualiser un peu mieux dans l’environnement qui nous intéresse à savoir l’apprentissage, nous pouvons nous reporter à la définition qu’en fait Orly-Louis en 2011 qui indique que la coopération peut être vue comme « la façon dont les membres d’une dyade ou d’un groupe donné, confrontés à un apprentissage particulier, rassemblent leurs forces, leurs savoir-faire et leurs savoirs pour atteindre leur fin. » Du point de vue de l’enseignant, qui doit mettre en place des situations au sein de sa classe, on parle de pédagogie coopérative au-delà de la coopération. Selon Sabourin et Lehraus en 2008, « le terme approche coopérative est utilisé pour désigner un ensemble de méthodes dont l’enjeu est d’organiser une classe en sous-groupes, au sein desquels les élèves apprennent ensemble et travaillent en coopération sur des tâches scolaires. » De cette pédagogie coopérative mise en place par l’enseignant au sein de sa classe vont donc logiquement découler des apprentissages coopératifs. Ces derniers peuvent être définis comme « des travaux en petit groupe, dans un but commun, qui permettent d’optimiser les apprentissages de chacun. L’activité collective orientée dans une même direction, vers un objectif partagé par tous peut profiter à chaque membre du groupe. » (Slavin, 2010).

Ici, le travail coopératif est vu comme une révolution en matière de pédagogie, certains le caractérise même comme « une des plus grandes innovations éducatives de la période récente » (Gillies 2014). Suffit-il pour autant de n’avoir qu’à mettre des élèves en groupe pour que ces derniers progressent plus rapidement et dans plus de domaines que face à un travail individuel ? En effet, selon Slavin en 2010, « si le travail en groupe peut s’avérer extrêmement fructueux, il peut aussi se révéler inefficace. » C’est pourquoi, afin de mener à bien des situations de coopération, l’enseignant se doit de respecter certains principes. Ainsi, lorsque l’on veut analyser des situations de coopération en classe ou même simplement en créer, il faut essayer de s’appuyer sur de nombreuses caractéristiques. Rouiller et Lehraus (2008) donnent les composantes de ce qui selon eux entre en jeu lors de situations de coopérations :
– Les caractéristiques de l’enseignant.
– Les paramètres de la mise en situation de l’activité coopérative.
– Les contraintes du programme.
– Les caractéristiques non modifiables des élèves. (différences inter individuelles)
– Les caractéristiques évolutives des élèves. (celles qui peuvent être les effets souhaitables de la coopération).

Force est de constater que de nos jours, cette notion de coopération est très présente au sein du système scolaire. Un enseignant ne peut enseigner de manière cohérente sans inclure ce type de pédagogie dans son enseignement. Encore une fois il semblerait qu’il ne suffise pas de mettre les élèves en groupe afin que ces derniers travaillent, des principes sont à respecter. C’est pourquoi nous allons nous intéresser maintenant aux travaux de Gilly, Fraisse et Roux. Ces derniers avancent l’idée que lors d’un travail en dyades, plusieurs comportement typiques d’élèves peuvent être observés. La connaissance de ces conduites typique éclairera d’ailleurs notre recherche par la suite. À noter que dans leurs travaux, ces derniers n’emploient pas le terme coopération mais le terme collaboration. C’est pourquoi il semble nécessaire ici de prendre le temps de distinguer les deux car, bien qu’ils soient très proches ils présentent quelques nuances. Ces nuances sont cependant parfois difficiles à appréhender car les définitions peuvent varier en fonction des chercheurs. Certains, comme Baker en 2008, avancent que la différence entre coopération et collaboration se situe dans le produit de l’apprentissage : « l’apprentissage coopératif soit la dénomination de tout type d’apprentissage produit dans une situation de travail de groupe et l’apprentissage collaboratif désignerait l’apprentissage produit grâce à une véritable collaboration. » D’autres, à l’inverse stipulent que la différence se situerait plus au niveau du guidage. Ainsi, Connac avance en 2013 que « la coopération se définit d’abord comme l’ensemble des situations où des personnes produisent ou apprennent à plusieurs. Elles agissent ensemble. Plus précisément la coopération peut être entendue comme ce qui découle des pratiques d’aide, d’entraide, de tutorat, et de travail de groupe. La collaboration elle désigne un sous ensemble de la coopération : elle pointe des activités de travail (labeur) et elle place les coopérateurs dans une relation symétrique au projet qui les unis. » Il est donc clair ici que la limite entre une situation de coopération et une situation de collaboration reste très fine. Cependant à la vue de la dyade qui sera créée et du filtre utilisé, c’est bien la coopération qui se fera objet d’étude, coopération qui n’est autre qu’un prolongement de la collaboration.

La théorie de Gilly, Fraisse et Roux

Ces auteurs ont centré un de leurs écrits sur la collaboration dyadique entre élèves. Selon cette étude, il peut y avoir apprentissage sans qu’un conflit soit absolument présent. Autrement dit, les élèves peuvent construire voire enrichir leurs compétences sans forcément qu’ils soient en désaccord avec leur partenaire de dyade. Après avoir mené une étude sur des enfants âgés de 10 à 13 ans, les chercheurs ont fait émerger le fait selon lequel dans des situations dyadiques pouvait être relevées quatre modes d’interactions différents.

• la co-élaboration acquiesçante :
Cette modalité se retrouve lorsque l’un des deux membres de la dyade élabore une stratégie, une solution sans prendre en compte l’avis de son binôme. Le binôme quant à lui ratifie à cette décision sans chercher à poser des questions, ou même donner son avis. Il s’agit ici d’un schéma meneur/suiveur. Dans notre situation, cela pourrait prendre la forme suivante : un des membres du binôme choisit de partir dans une direction car il pense que la balise s’y trouve, l’autre prend le parti de le suivre sans même prendre le temps de regarder la carte. Il s’avère que ce mode de fonctionnement est un de ceux qui dessert le plus les apprentissages étant donné le manque de réflexion d’un des membres de la dyade.

• La co-construction :
Ici, à l’inverse de la co-élaboration acquiesçante, aucun des membres de la dyade ne va déléguer la décision. Les deux élèves vont chacun donner leur avis afin de prendre une décision, ils vont échanger, réfléchir conjointement afin d’apporter leur contribution dans le but d’élaborer une stratégie ou d’aider une prise de décision. De manière plus concrète, cela pourrait prendre la forme de deux élèves qui se concertent afin de choisir un itinéraire et où chacun complète les idées de l’autre pour prendre une décision commune sur le chemin à prendre.

• La confrontation contradictoire sans argumentation :
Dans ce cas de figure, les élèves sont en désaccord sur un point mais ne prennent cependant pas la peine de débattre. L’un ou l’autre affirme son désaccord sans pour autant chercher à développer une argumentation afin de justifier son point de vue. Toujours en prenant en compte notre contexte, cela peut s’illustrer par un élève qui refuse d’aller chercher une balise plutôt qu’une autre sans expliquer pourquoi il refuse. Ce mode de fonctionnement pointe du doigt les limites du fonctionnement en dyade qui n’engendre pas forcément un travail collectif.

• La confrontation contradictoire avec argumentation :
Ici, comme son nom l’indique, sont concernés comme précédemment les moments où les élèves ne sont pas d’accord sur la décision à prendre. Mais à l’inverse de l’exemple cité au-dessus, les élèves débattent en défendant leurs choix avec des arguments qui permettent de justifier leurs points de vue. Pour reprendre l’exemple du choix de la balise : un élève préférerait aller chercher une balise plutôt qu’une autre à l’inverse de son partenaire et les deux élèves débattraient sur leur choix en argumentant sur les chemins à prendre et leurs caractéristiques.

Voici donc ce qui résulte de la théorie de ces trois chercheurs. Cette catégorisation des interactions nous sera utile dans l’analyse du comportement des élèves en activité lors de la suite de notre étude.

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Table des matières

Introduction
1. Les apports de la recherche actuelle
1.1 La coopération
1.1.1. Dans les textes officiels
1.1.2 Définition et analyse
1.1.3 La théorie de Gilly, Fraisse et Roux
1.2 L’éducation physique et sportive
1.2.1 Dans les textes officiels
1.2.2 Spécificités et enjeux de l’EPS
2. Le cadre théorique
2.1. L’action située
2.2. Les entretiens d’auto confrontation
2.3. Questionnement et problématique
3. Méthode, mise en place de la situation
3.1 La course d’orientation, définition et textes officiels
3.2 Les comportements typiques d’élèves
3.3 Caractéristiques des élèves choisis pour l’observation
3.4 Mise en oeuvre de la situation
3.1. Données recueillies
4. Analyse des résultats
4.1 Sous le filtre de l’action située
4.1.1. Le caractère incarné de la cognition
4.1.2. L’action ou la cognition comme construction de signification partagées
4.1.3. Le caractère indéterminé de l’action exploitant les ressources de la situation
4.1.4. La co-détermination de l’action et de la situation
5. Discussion
5.1. Le nombre d’interactions relevées en situation
5.2. La nature des interactions relevées en situation
5.2.1. La co-élaboration acquiesçante
5.2.2. La co-construction
5.2.3. La confrontation contradictoire sans argumentation
5.2.4. La confrontation contradictoire avec argumentation
5.3. La place de ces situations collaboratives au sein de l’activité
5.4. Bilan
6. Conclusion
Bibliographie
Sitographie

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