L’impact de l’incarcération parentale sur l’enfant
Le droit aux relations personnelles
En 1997, la Suisse a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant. Cela signifie qu’elle doit respecter et appliquer les normes qui y sont mentionnées. La Convention relative aux droits de l’enfant prévoit à son article 9 alinéa 3 que : « Les Etats parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant » (art. 9 al. 3 CDE). Cet article est applicable en cas de détention d’un parent (Comité des droits de l’enfant, 2011). L’enfant a le droit de garder contact avec son parent incarcéré. Toutefois, ce droit peut lui être refusé si son bien-être est menacé. Le bien de l’enfant prime dans chaque décision le concernant. Le maintien du lien est également préconisé dans l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ce traité est entré en vigueur le 28 novembre 1974 en Suisse.
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » (art. 8 CEDH). L’article 34 du même texte stipule que la Cour européenne des droits de l’homme peut être saisie d’une requête par toute personne qui se prétend victime d’une violation des droits reconnus par la Convention. Cela signifie qu’un enfant privé de sa vie familiale en raison de la détention d’un parent peut saisir directement la Cour, après avoir épuisé les voies de droit interne, pour faire valoir son droit (Tulkens, 2008). La CEDH s’applique à tous les États membres du Conseil de l’Europe, dont la Suisse. L’un des moyens pour l’enfant de maintenir des contacts avec son parent incarcéré est la visite en prison. Toutefois, pour que les rencontres se passent au mieux, de nombreux dispositifs doivent être mis en place au sein des établissements pénitentiaires. Dans une recommandation datant de 2018 concernant les enfants de détenus, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe (2018) insiste sur l’importance de la mise en place d’un environnement adapté aux enfants dans les prisons.
Droit pénal Le droit pénal a pour mission de « fixer les limites qu’il ne faut pas franchir pour que la paix intérieure et extérieure ne soit pas troublée » (Boillod, 2007, p.18). La législation en matière de droit pénal est principalement régie par la Confédération. Pour ce qui est de l’exécution des peines et des mesures, cette compétence est attribuée aux cantons (Office fédéral de la justice, 2010). Lorsqu’une personne commet une infraction, une sanction doit être prise à son égard. Pour pouvoir sanctionner, il faut que l’infraction soit érigée explicitement dans la loi. C’est pourquoi le Code pénal suisse répertorie l’ensemble des comportements interdits en Suisse. Il existe deux types de sanctions pénales : les peines et les mesures. Une peine est une réaction à une infraction qui peut prendre la forme d’une peine privative de liberté, d’une peine pécuniaire ou encore d’un travail d’intérêt général. Lors du jugement, le juge choisira une peine proportionnelle au degré de gravité de l’infraction (art. 47 CP). Les mesures sont quant à elles plus axées sur le soin. Elles sont ordonnées lorsqu’une personne a commis une infraction en raison d’un trouble ou d’une addiction (art. 56 CP). Les peines et les mesures sont cumulables (art. 57 CP). La sanction impactant le plus la vie d’un individu est sans doute la peine privative de liberté. Cette dernière retire à la personne sa liberté pendant un temps déterminé, pouvant aller de 3 jours à 20 ans. En cas de crime très grave, tel qu’un meurtre, une peine privative de liberté à vie peut être ordonnée (art. 40 CP). La peine privative de liberté est exécutée dans un établissement fermé ou ouvert (art. 76 al. 1 CP). Son exécution peut prendre plusieurs formes :
o Exécution ordinaire : Le détenu travaille et passe son temps libre au sein de l’établissement (art. 77 CP).
o Travail externe et logement externe : Si le détenu a purgé (en règle générale) la moitié de sa peine et que les autorités estiment qu’il n’y a pas de risque de récidive ou de fuite, le détenu peut avoir un travail en dehors de l’établissement, mais il doit toutefois y passer son temps libre (art. 77a al. 1 et 2 CP). Si le travail externe se passe pour le mieux, le détenu peut éventuellement poursuivre sa peine au sein d’un logement externe, tout en restant soumis à l’autorité d’exécution (art. 77a al. 3 CP).
o Semi-détention : Lorsqu’une personne doit purger une peine privative de liberté de 12 mois au maximum ou un solde de peine de 6 mois au plus après imputation de la détention subie avant le jugement et qu’il n’y a pas de risque de récidive ou de fuite, le détenu peut, si certaines conditions sont remplies, continuer le travail ou la formation qu’il avait à l’extérieur, tout en passant ses heures de repos et de loisirs au sein de l’établissement (art. 77b CP).
La garde de l’enfant Jusqu’au 30 juin 2014, une distinction était faite entre le droit de garde et la garde de fait. « Le droit de garde comprenait notamment la compétence de déterminer le lieu de résidence et le mode d’encadrement quotidien de l’enfant. Tandis que la garde de fait consistait à donner au mineur tout ce dont il avait journellement besoin pour se développer harmonieusement sur le plan physique, affectif et intellectuel » (ATF 5A_548/2015 cons. 4.2).
Dans le nouveau droit, entré en vigueur le 1er juillet 2014, le droit de garde a laissé place au droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant, qui est, à présent, une composante de l’autorité parentale. La notion de garde a quant à elle gardé la même définition qu’une garde de fait (ATF 5A_548/2015 cons. 4.2). « Bien que l’autorité parentale conjointe soit désormais la règle et qu’elle comprenne le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant, elle n’implique pas nécessairement l’instauration d’une garde alternée » (ATF 5A_34/2017 cons. 5.1). Le juge doit examiner si la garde alternée ne nuit pas au bien-être de l’enfant. « Le bien de l’enfant constitue la règle fondamentale » (ATF 5A_34/2017 cons. 5.1). Dans certaines situations, l’instauration d’une garde exclusive peut s’avérer nécessaire. En somme, que ce soit pour l’autorité parentale ou le maintien des relations personnelles, la décision du juge est prise en fonction de l’enfant. Ainsi, pour pouvoir prendre une décision qui respecte au mieux l’intérêt supérieur de l’enfant, il est nécessaire de l’avoir entendu au préalable.
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Table des matières
- Introduction
Cadre juridique
2.1. Le droit aux relations personnelles
2.1.1. Droit international
2.1.2. Droit suisse
2.2. Le droit d’être entendu
Cadre théorique
3.1. L’impact de l’incarcération parentale sur l’enfant
3.1.1. Impact économique
3.1.2. Impact social
3.1.3. Impact psychologique
3.2. La prévention des troubles chez l’enfant
3.3. Le maintien du lien
Méthodologie
4.1. Les outils de recherche
4.2. Echantillonnage
4.2.1. Les enfants
4.2.2. Les parents détenus
4.3. Ethique de la recherche
4.4. Limites
Analyse
5.1. Le lien parent-enfant
5.1.1. Le maintien du lien
5.1.2. Les types de lien
5.1.3. Le droit aux relations personnelles
5.2. La parentalité en prison
5.2.1. Le maintien de l’autorité parentale
5.2.2. L’absence d’autorité parentale
5.3. La place de l’enfant
5.3.1. Le droit d’être entendu
5.3.2. Le maintien du lien : droit ou devoir ?
5.4. Conclusion de l’analyse des entretiens
Discussion
Conclusion
Bibliographie
AnnexesTélécharger le rapport complet