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Les caractéristiques de l’accentuation anglaise
D’après Kenneth Pike (cité par Roach p.15), l’anglais et le français appartiennent à deux types de langues différents par leur formation rythmique. Le français fait partie des langues à rythme dit syllabique (syllable-timed lan guage). On observe dans ces langues une récurrence des syllabes à intervalles perçus comme réguliers. Ce sont les syllabes qui rythment la diction. L’articulation des syllabes y est perçue comme plus nette et les proéminences accentuelles y sont réduites.
A l’inverse, l’anglais n’est pas régi par un schéma syllabique mais par un rythme accentuel (stress-timed language), c’est à dire par des ensembles de syllabes qui sont prononcés à des intervalles perçus comme périodiques, réguliers. Même si Peter Roach, auteur de English Phonetics and Phonology (1983), assure que les expériences en laboratoires n’ont pas pu prouver de réelles différences rythmiques entre les deux types de langues définis par Pike, l’alternance régulière des syllabes accentuées et inaccentuées de l’anglais la différencie tout de même du français ou du japonais.
Rappelons qu’une syllabe accentuée anglaise peut se caractériser par une intensité plus forte, une longueur plus importante ou par une fréquence plus aiguë. En français standard, l’accentuation se traduit par un changement de durée, moins d’intensité. En outre, la variation d’accent est souvent due à l’intention de l’émetteu r. A l’inverse, l’accentuation des syllabes de l’anglais est tout d’abord régie par des règlesgrammaticales et sémantiques et utilise toutes sortes de variations de hauteur, de durée et d’intensité.
Chaque mot anglais comporte un accent primaire, qui va déterminer sa prononciation selon son placement. Ensuite, au sein de la phrase, les mots lexicaux seront le plus souvent plus fortement accentués que les mots grammaticaux. Enfin, chaque élément lexical aura plus ou moins d’importance sémantique et sera plus ou moins mis en avant par l’intensité de l’accent qu’on lui octroiera. L’élément le plus important portera l’accent nucléaire de la phrase.
Tous ces niveaux d’accents créent une échelle d’intensité variée, entre la forme faible de la voyelle d’un mot grammatical jusqu’à l’accent nucléaire. Cette variété permet une plus grande gamme de production sonore et donc d’expression émotionnelle que dans une langue comme le français, où le degré d’intensité évoluerapeu. On pourrait aussi penser que la présence de syllabes affaiblies et de voyelles prononcées sous leur forme faible (en schwa /ə/ par exemple) est permise par le fait que les syllabes accentuées suffisent à la bonne identification des morphèmes par le récepteur du message.
Dans son ouvrage Phonétisme et prononciations du français (2005), Pierre R. Léon explique que « le français est une langue à articul ation tendue par rapport à des langues comme l’anglais où les syllabes inaccentuées se réduisentsouvent à une voyelle moyenne indistincte, proche du timbre du E caduc français. »(p.102) L’al ternance des syllabes accentuées/non-accentuées anglaises permet une tension moins importante qu’en français. Les professionnels qui utilisent leur voix toute la journée tels que les professeurs auraient donc plus intérêt à parler anglais en cours pour préserver leur voix.
La particularité de la prononciation anglaise repose également sur ses sons consonantiques. L’anglais et le français ont beau u tiliser tous deux l’alphabet latin, leurs réalisations des sons consonantiques diffèrent. Ilexiste une différence assez subtile entre les occlusives françaises et les plosives anglaises. En français, elles sont seulement séparées entre consonnes sourdes (p, t, k) qui ne font pas vibrer les cordes vocales lors de leur réalisation, et les sonores (b, d, g) qui s’articulent de la même açonf (respectivement labiale, apico-dentale et vélaire) et font vibrer les cordes. En anglais, la même différence existe entre ces consonnes « voiced » et « voiceless » . Cependant, Peter Roach explique que la différence sonore la plus importante que va percevoir un anglophone natif en début de syllabe entre un « p » et un « b » ou un « t » et un « d » sera l’aspiration lors de la réalisation des consonnes sourdes. À la suite de la consonne plosive sourde, une explosion est audible puis une faible quantité d’air est expulsée à travers les cordes vocales et crée un son similaire au /h ./ Ce phénomène d’aspiration n’accompagne pas les plosives françaises. On peut donc penser qu e ce surplus d’air expiré rend le son consonantique plus audible, et va aussi produire une projection plus forte de la voyelle qui suivra la consonne plosive en anglais qu’en françai s. Le fait qu’il faille vocaliser les « b » « d » et « g » français pour ne pas les confondre a vec d’autres consonnes implique aussi un exercice des cordes vocales plus constant et donc plus fatigant.
Les sons consonantiques sont plus nombreux en anglais qu’en français. Par exemple les phonèmes « th », sourd /Ɵ/ et sonore /ð/ n’existent pas en français. Le /h/ tend à disparaître de la prononciation française. Enfin, on compte aus si les affriquées ou consonnes complexes. Ces consonnes sont formées d’une occlusive et d’une fricative comme dans « church » ou « judge ». Ces consonnes en français ne nécessitent pas la prononciation d’une plosive (« ch » est prononcé /ʃ/) alors qu’en anglais elles demandent la réalisation de deux sons consonantiques.
La diversité et le nombre important des sons consonantiques dans la langue semblent diminuer l’impact de la prononciation des sons vocaliques en anglais. Il apparaît que les sons consonantiques agissent comme des percussions qui introduisent les syllabes accentuées du discours. On pourrait étudier la différence d’ambigüité de la prononciation des consonnes en langage chuchoté dans les deux langues pour appuyerla théorie que le cerveau reconstitue le son vocalique lorsque les consonnes articulées sont claires. Le phénomène d’aspiration lèverait l’ambigüité entre un /d / et un /t/, ou un /g/ et un /k/.
S’il est vrai qu’on peut largement s’appuyer sur le s sons consonantiques anglais pour être compris, alors, le besoin de vocaliser et de airef vibrer ses cordes vocales avec intensité est moindre. On a vu en début de partie que plus levolume d’air expiré est important, mieux vont vibrer les cordes, sans subir de pression. Dans un contexte bruyant comme une salle de classe, l’utilisation de la projection des consonnes aspirées ainsi que l’outil des syllabes seraient des meilleurs moyens de se faire entendre pour les cordes vocales du professeur.
Les caractéristiques de l’intonation de l’anglais
On mesure l’intonation donnée à un énoncé par la variation de sa hauteur lors de sa réalisation. Cette hauteur est mesurée en hertz etest analysée à partir de la fréquence fondamentale de la voix, c’est à dire, la fréquence la plus basse des différentes fréquences qui composent le son de cette voix. Les autres fréquences sont appelées harmoniques.
L’étude de l’intonation d’une phrase est complexe car la hauteur de la prononciation d’un énoncé peut être affectée à la fois par des impératifs linguistiques (par exemple, l’intonation descendante d’une question fermée introduite par un pronom interrogatif en Wh-), par les accents toniques que nous avons évoquésplus haut, par l’intention de l’émetteur, qui veut mettre en avant tel ou tel élément de son discours, donner son avis, ou par la présence d’émotion dans la voix de l’émetteur.
L’anglais se contente rarement d’utiliser un ton égal, même lorsqu’il articule un mot d’une syllabe comme « yes » ou « no ». Le ton sera montant (/ rising) ou descendant (\ falling), selon qu’il soit assertif ou interrogatif . Ces tons existent également en français. Cependant, les intonations dites du « fall/rise ˅ », et du « rise/fall ˄» sont beaucoup plus propres à l’anglais, surtout britannique. Dans cet exemple : Isn’t his name Jim ? No, John. ˅, ce symbole représente la courbe descendante puis montante qu’effectue la hauteur de la voix sur « John » pour créer une insistance. L’interlocuteur s’étonne que le locuteur se soit trompé et exprime sa surprise et son énervement léger. Cetype d’intonation étant moins typique du français, on compensera par une intensité plus forte ou une durée plus importante pour exprimer le même sentiment.
Les diphtongues ou triphtongues, voyelles qui varient une ou deux fois pendant leur réalisation sont aussi spécifiques à l’anglais (comme dans « house » /aʊ/ ou « fire » /aɪə/). Cette durée caractéristique des voyelles longues del’anglais leur donne l’avantage d’être plus facilement modifiables dans leur hauteur. La déformation de l’appareil phonatoire due au passage d’un son vocalique à un autre dans les diph tongues et triphtongues permet aussi une plus grande souplesse dans la variation de la hauteur d’un phonème.
L’anglais possède une palette de hauteur plus large que le français. Alan Cruttenden dans la seconde édition de son étude intituléeIntonation (1986) affirme que 3 à 4 variations de hauteur sont impliquées dans une phrase en anglais (contre 2 en français), ce qui explique la formation d’intonations complexes telles que rise-fall-rise dans une même phrase. L’anglais possède donc un spectre intonatif plus étendu que eluic du français.
Or, l’intonation dans un énoncé exprime, autant oumême davantage d’idées que son contenu verbal. 38% de la communication langagière passerait par le phénomène para-verbal de l’intonation 3. Cette communication para-verbale peut être intéressante à utiliser en classe de langue car elle sera interprétée de la même façon dans des cultures et des langues différentes. Dans ce sens, les linguistes comme Dwight Bollinger et Isamu Abe (1965) 4 s’accordent à dire que dans une grande majorité de langues, une intonation montante impliquera plus souvent un questionnement, une continuité et qu’une intonation descendante exprimera une finalité.
Mais lorsque les émotions sont verbalisées, elles eviennentd culturellement conventionnelles et donc, codées spécifiquement dans chaque langue. Puisque l’anglais possède plus de possibilités de variations de hauteur, alors on peut dire que le locuteur anglophone exprimera son opinion et ses émotions par des intonations plus diverses et précises qu’un locuteur francophone. La capacité detransmission d’une émotion en anglais en serait donc plus importante.
Nous verrons en deuxième partie comment ce que l’on entend peut nous amener à écouter et si l’émotion peut être un outil pour être écouté et être compris en classe. Nous étudierons en parallèle les obstacles à la théâtralisation de la langue par l’enseignant.
L’impact de la production sonore du professeur sur l’exercice de son autorité.
Nous avons en première partie étudié la phonétiquearticulatoire de l’anglais et la production prosodique. Nous allons maintenant nous pencher sur la réception de ces éléments langagiers.
Perception auditive et attention
Il paraît évident que de nombreux facteurs autres que la façon dont s’exprime le professeur vont lui permettre d’asseoir son autorité, tels que la manière dont il va organiser son travail ou le type de public qu’il aura en face de lui. Cependant, ce travail se concentrera sur ce point déjà bien assez vaste. En outre, une réflexion sur la communication professeur-élève ne peut qu’être bénéfique à l’exercice de utoritél’a. En classe, le langage n’est pas seulement fonctionnel, il est aussi relationnel. Selon Bernard Dufeu, « les facteurs suprasegmentaux – intensité, rythme, mélodie – participent au sens du message, de plus ils influencent le climat de relation et par là même lacompréhension entre les locuteurs. »
Comme nous l’avons dit dans l’introduction, faire a utorité passe par la faculté d’être écouté par les élèves. Cela implique une bonne ambiance de travail en classe où les élèves sont attentifs. Comment fonctionne le principe de l’attention ? Est-il nécessairement conscient ? Pourquoi décidons-nous de faire attention à ce que dit l’autre ?
Même si les chercheurs en psychanalyse pensent que l’explication de nos comportements dépend essentiellement de notre inconscient, des études en laboratoire ont démontré que certains critères peuvent permettre d’expliquer qu’on porte attention à un stimulus ou non.
L’attention facilite le traitement de l’information cible et altère le traitement des distracteurs. Par exemple lors d’une activité d’attention à un stimulus auditif, l’activité nerveuse du centre auditif du cerveau ou de l’aire de Wernicke dans l’hémisphère gauche qui gère la réception du langage va s’amplifier pour recevoir l’information cible, c’est le phénomène de rehaussement.
A l’inverse, les autres centres de réception sont nhibés, c’est à dire que l’activité neuronale dans ces centres ne va pas augmenter. Il apparaît dans les expériences menées par Tipper (cité par Camus, 1985, p.85) que le fait de devoir inhiber des distracteurs est coûteux en traitement intentionnel. Cette contrainte allonge le temps nécessaire à la perception de la cible. On peut donc estimer qu’il est préférable deréduire les distracteurs d’attention en cours. Même chez un élève motivé et désireux d’être attentif, ses résultats de perception seront réduits par les bavardages des autres élèves.
Le professeur aura donc tout d’abord pour tâche de créer un stimulus pour capter l’attention de l’élève et devra ensuite conserver cette attention pour créer l’écoute de son public.
Ces deux étapes correspondent à la mise en place de deux types d’attention définis par Jean-François Camus (1996). La première est une orientation automatique, dite exogène, qui va être déclenchée par un changement important dansl’environnement sensoriel d’un individu. Elle est très brève et ne demande pas uneconsommation d’énergie importante. « La capture attentionnelle est provoquée par certaines qualités sonores du signal (changement d’intensité, de fréquence, amplitude) » (Camus p.33). Cette affirmation est valable dans le processus d’attention réflexe et involontaire. Elle peut s’appliquer au discours du professeur qui doit pouvoir capter l’attention des élèves avant que leur attention volontaire ne prenne le relais. On a vu en première partie que la langue anglaise possédait un spectre intonatif plus large que le français et que les variations sonores dans cette langue sont plus naturelles. On peut donc supposer que parler anglais en exploitant largement ses possibilités d’intonation et d’accentuation peut paraître moins monotone à l’ore ille des élèves et favorisera l’attention des élèves.
De plus, il a été prouvé par Deutsch en 1970 (citépar Camus p.101) que la différence acoustique entre cible et distracteur aide à inhibe r les distracteurs. Si l’on considère que la variation acoustique est plus grande en anglais, il y aura nécessairement au moins une différence de spectre perçue par l’attention exogène par rapport aux bavardages français des camarades de classe. La tâche du filtre sera facili tée. Cependant, cet argument est à double tranchant car si un élève décide d’écouter son camarade plus que le professeur, la voix du professeur en sera encore plus masquée par le processus d’inhibition.
L’autorité est favorisée par l’attention volontairedes élèves, leur volonté d’écouter. C’est l’attention endogène que le professeur aura besoin de conserver après avoir capté l’attention exogène. Ce type d’attention requiert beaucoup d’énergie car elle implique un maintien de la concentration. Une fois installée, elle est plus à même de résister à la distraction. En réalité, si l’élève n’est pas motivé à observer ou à apprendre quelque chose, il n’investira pas de temps ni d’effort suffisants. Lamotivation d’un élève est due à de nombreux facteurs différents. L’un des facteurs sur lequel peut jouer le professeur dans sa façon de s’exprimer est la facilité d’accès qu’il donne à son discours. En effet, lorsque le professeur donne une consigne en anglais à la classe, l’élève doit à la fois se concentrer sur l’identification des éléments de la phrase anglaiseet également sur leur sens, ce que demande la consigne.
Comme on sait que l’attention volontaire va se manifester au niveau neurologique par une anticipation et une activité amplifiée des cellules nerveuses de l’aire concernée (aire de Wernicke pour la perception du langage) avant l’arrivée de la cible, on peut penser qu’une automatisation de cette anticipation et donc une diminution de l’effort dédié à l’attention serait bénéfique pour les élèves. Le professeur peut automatiser ses formules de consignes ou ses intonations pour permettre une meilleure compréhension et une communication facilitée.
Cela ne contredit pas l’idée que la variation est importante dans le discours pour être écouté. L’équilibre idéal serait de savoir surprendre les lèvesé et de moduler sa voix à un niveau prosodique tout en usant de codes et d’expressions habituels afin de ne pas dérouter la compréhension des consignes ou des rappels à l’ordre.
Perception auditive et communication
On a présenté en première partie des idées qui appuient l’hypothèse que l’anglais serait plus approprié pour faire parvenir des émotions. Mais comment se servir des émotions pour faire autorité ?
L’émotion dans la voix du professeur est d’abord un outil de communication.
L’étymologie même du mot émotion (ex/ hors de- mo/mouvement)ti implique une manifestation extérieure d’une sensation, et donc accessible, perceptible par les autres. L’intonation triste ou joyeuse que l’on donnera à s on discours pourra exprimer des émotions perceptibles. Anne Fernald6, psychologue américaine, a pu démontrer que des bés de 5 mois interprètent des intonations d’émotions primaires telles que la joie, la tristesse, les félicitations et les réprimandes de la même façonansd n’importe quelle langue. C’est pendant l’apprentissage de la langue maternelle que vont s’ ajouter à ce fondement communicationnel les structures accentuo-temporelles propres à celle -ci. Les émotions peuvent donc être universellement transmises en anglais en contexte de classe.
Jouer l’émotion est très difficile. Il est possiblede reproduire l’apparence crédible d’une émotion au prix de beaucoup d’entraînement. Mais nous ne sommes pas tous faits pour être acteurs. Le fait que « la commande motrice desmouvements liés à l’émotion n’ait pas la même origine que celle concernant les actes volontaires » (Damasio p. 195) crée ce décalage entre manifestation d’émotion authentique et simulée. Le professeur, que l’on peut considérer comme un acteur face à son public, favorisera une c ommunication congruente avec les élèves s’il exprime des émotions véritables, ou motivées arp une réelle envie.
Face à une manifestation d’émotion sincère, l’êtrehumain ne fait pas un simple constat de cette émotion chez l’autre, il est aussi affecté par celle-ci. Dans un climat relationnel non-conflictuel, l’auditeur va se mettre à la place de l’autre, l’émetteur, tout en restant lui-même. C’est le système de l’empathie. Selon Attigui et Cukier (2001), le phénomène de l’empathie émotionnelle est fortementlié à la présence des neurones miroirs dans notre cerveau. Grâce à la technique de l’image rie cérébrale, on a démontré que ces neurones s’activent aussi bien lors de l’exécution d’une action que lors de son observation sur une autre personne. L’observation des manifestations visuelles ou auditives d’une action ou d’une émotion chez autrui va activer en nous les mêmes aires cérébrales que chez la personne observée.
On peut donc imaginer que si un professeur s’adresse à une classe avec un ton enjoué, sa prosodie et son expression corporelle vont êtreperçues par les élèves et reconstitués par leurs neurones miroirs. Il en sera de même si le professeur s’exprime de façon triste ou tendue. Le phénomène de l’empathie amène donc les lèvesé à ressentir une part de cette sensation que va exprimer le professeur par son intonation. Par exemple, on pourrait imaginer qu’une consigne énoncée sur un ton enjoué sera plusfacilement suivie et écoutée qu’une consigne dite d’un ton plus neutre. L’intonation jo yeuse provoquera chez l’élève une réaction neurologique qui créera une sensation de joie, mêmeamoindrie. En effet, l’empathie permet de se mettre à la place de l’autre mais tout en res tant soi-même, en ayant ses propres émotions.
Le professeur peut être également directement source d’émotion chez ses élèves. En effet, le docteur Jean Abitbol, dans son ouvrage L’odyssée de la voix (2005) explique qu’une intonation linéaire et une forte intensité auront endancet à créer du stress, ou un sentiment de crainte relativement fort chez les auditeurs. Au contraire, une intonation linéaire et faible ne provoquera pas assez de vigilance et installera une situation d’hypostress et d’ennui chez l’auditeur.
Face à ces observations, on peut se demander si ce tte communication d’émotion ou de stress par le professeur est bénéfique pour l’élèveen situation d’apprentissage et de développement cognitif. Au niveau physiologique, les effets des émotions sont multiples. Le neurologue Damasio a établi une liste de réactions physiques ropres au corps humain lorsqu’il est confronté à une émotion. Par exemple, une émotion riste ou négative va induire une plus forte intensité des battements du cœur, une contrac tion des intestins, ainsi que des muscles du dos, du coup et du visage. Lors d’une émotion positive ou heureuse, le rythme du cœur peut accélérer, les muscles du visage vont se modifier lorsa que les muscles du reste du corps vont se relâcher. Tous ces symptômes sont gérés par les glandes endocrines et le réseau neuronal, eux-mêmes notamment sous le contrôle du système limbique. Ces modifications dues aux émotions ont pour effet indésirable d’éloigner l’organisme de son équilibre optimum en réduisant la proportion d’énergie dévolue à son bonfonctionnement.
De plus, les expériences de Bloch (cité par Channouf et Rouan 2002 p.78) en 1966 ont démontré que l’émotion perturbe l’activité cognitive. Il s’avère qu’une activité trop importante du système nerveux générée par le stressfait décroître le niveau de performance. L’élève qu’on aura trop sollicité nerveusement ou uiq sera trop impliqué dans l’émotion transmise par le professeur ne sera dans des conditions optimales pour comprendre ce qu’on veut lui communiquer.
Le stress et les émotions sont pourtant, d’après Damasio, facteurs essentiels de cognition. Il s’oppose aux études ultérieures sur ’originel des émotions et affirme qu’elles dépendent fortement du cortex préfrontal, siège desfonctions cognitives supérieures comme le langage, la mémoire de travail ou le raisonnement. Il énonce que « la capacité d’exprimer et ressentir des émotions est indispensable à la mise en œuvre des comportements rationnels » (p9). En impliquant des émotions dans son intonation, un professeur d’anglais contribuera donc à cette mise en œuvre chez l’élève.
Channouf et Rouan font référence à Frijda (1986) dans leur analyse de l’émotion. Ce dernier est un psychologue qui propose la théorie que l’émotion est une « tendance à l’action » (p.52). D’après lui, la peur (et par extension le stress) va provoquer l’excitation, la fuite, l’immobilisation ou l’évitement alors que la joie et la tristesse n’incitent à aucune réaction. Le modèle transactionnel de Folkman & Lazarus (1988), (cités par Channouf & Rouan p. 32) s’oppose à cette vision plutôt négativ e et considère que le stress peut être bénéfique et même salutaire. Comme rattrapé par sesinstincts animaliers, l’homme va chercher à survivre et à « résoudre le conflit entr e exigences externes et internes » (p.78) grâce à une plus forte activation neuronale causée par le stress.
En classe, le stress peut être bénéfique s’il est odérém et qu’il va inciter à l’action. Le risque de la provocation du stress chez les élèvesréside dans la diversité des réactions à cette émotion. Le stress sera bénéfique pour l’un et dévast teur pour l’autre au niveau cognitif.
Perception auditive et compréhension
Même si chaque langue y ajoute ses caractéristiquesphonologiques et intonatives, Murray et Arnott (cité par Nguyen 2005) ont déduitdes schémas prosodiques apparemment immuables dans toutes langues. Selon eux, l’excitation et la colère accélèrent le débit, et la fréquence vocale évolue sur une échelle de hauteurplus large et plus aiguée. Les phrasés évoquant la tristesse tendent à être plus lents, leur intensité sera moins forte et la fréquence fondamentale sera plus basse. On pourrait en déduire que la transmission des émotions pourra aider le professeur à se faire comprendre de ses élèves en anglais. En effet, si certaines intentions langagières sont immédiatement identifiables par la prosodie, alors le professeur pourra réprimander ou féliciter ses élèves aussi ficacementef en anglais qu’en français.
Cependant, la voix du professeur sera pour l’élève l’exemple le plus direct d’expression orale en anglais. On a précédemment mis en avant le rôle des neurones miroirs dans la communication. Si l’on considère qu’on apprend à faire en écoutant et en regardant, et puisque l’on sait que l’élève aura très peu de empst pour s’exprimer dans l’année, le rôle de modèle de l’enseignant est primordial. La difficulté du professeur de langue est d’allier l’expression didactique à la langue étrangère.
Il est nécessaire d’être compris par les élèves enlangue étrangère et d’être également le plus authentique possible dans la prosodie de l’anglais. Si on utilise les variations d’intonation pour transmettre des émotions et êtrecompris, on risque de perturber l’intonation imposée par la linguistique de l’anglais. Cette difficulté a été mise en avant par Scherer, Lad & Silverman (cités par Nguyen, 2005) en 1984 lors de l’interprétation du doute dans une intonation montante. Il faudra veiller à ce que la théâtralisation du professeur, l’exagération qu’il peut donner à ses intonations soit en phase a vec le contenu linguistique de son discours.
Confrontation des hypothèses aux situations de classe observées
Afin de comprendre comment fonctionne la gestion de l’autorité, nous avons observé trois professeurs dans leur classe d’anglais au collège et analysé toutes les occurrences de rappels à l’ordre et de consignes émis sur un cours de 45 min chacun. Le but des observations et des analyses de cette étude n’est pas bien évidemment de juger le travail de ces professeurs mais plutôt de comprendre comment ces trois personn es aux personnalités et aux façons de s’exprimer distinctes parviennent tous à exercer le ur autorité. Nous confronterons les hypothèses faites dans les deux premières parties de ce travail en analysant les situations de classe et leur enregistrement sonore. Les extraits d’enregistrement étudiés se présenteront sous la forme de courbes d’oscilloscopes, qui retranscrivent clairement l’intensité et la durée du son, accompagnées d’une ligne figurant la fréquence fondamentale de la voix, grâce à laquelle nous pourrons visualiser la prononciation d’un énoncé. Ces courbes ont été réalisées au moyen du logiciel Praat. La courbe supérieure bleue symbolise la variation de hauteur en Hz tandis que la courbe inférieure verte suit l’évolution de l’intensité en dB.
Les observations faites lors des cours enregistréssuivent les études de Grabe (1986) et Rinne (1984)7, selon lesquelles un élève attentif répondra à trois critères : a) il regarde le professeur lorsque celui-ci s’exprime, b) il écoute ou parle du sujet traité lors d’une discussion, c) il regarde et travaille dans son cahier pendant les périodes prévues à cet effet.
Les signes de compréhension ou d’incompréhension ont été évalués selon les réponses des élèves, leur réaction ou obéissance aux consignest rappels à l’ordre.
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Table des matières
INTRODUCTION
I- Les caractéristiques de l’anglais par la voix du professeur
1- La voix : l’outil du professeur
2- Les caractéristiques de l’accentuation anglaise
3- Les caractéristiques de l’intonation anglaise
II- L’impact de la production sonore du professeur sur l’exercice de son autorité
1- Perception auditive et attention
2- Perception auditive et communication
3- Perception auditive et compréhension
III- Confrontation des hypothèses théoriques aux situations de classes observées
1- Situation d’interaction : Rappel à l’ordre
2- Situation d’interaction : Donner une consigne
BIBLIOGRAPHIE
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