Introduction
La féminisation de la médecine générale
L’histoire
Dans l’histoire de l’Egypte ancienne, on cite deux femmes importantes dans le monde de la médecine : Méryt-Ptah (2700 av J.-C.) et Peseshet (2700 av J.-C.) qui serait la première femme médecin connue au monde.
Dans l’antiquité les femmes sont présentes dans le monde de la médecine, comme notamment Agnodice, la première femme médecin à pratiquer légalement la médecine en 350 av. J.-C. à Athènes en tant que gynécologue mais déguisée en homme. Lorsque celle-ci fut découverte, grâce à la défense de ses patientes, elle fut acquittée et autorisée à pratiquer la médecine sous son vrai visage.
Les femmes jusqu’au XIX siècle avaient surtout un rôle d’assistante ou de sage-femme, de guérisseuse.
En France, on note Magistra Hersend (1249-1259) chirurgienne qui a accompagné Louis IX en croisade.
Au XIVe siècle à Marseille une femme enseigne et pratique la médecine : Sarah de Saint-Gilles. Ensuite par décret de 1270 de l’université de l’Ancien régime, les femmes eurent interdiction d’exercer la médecine mais ce décret n’entra réellement en application qu’un siècle plus tard lors du procès de Jacqueline Félicie de Almania.
Il fallut attendre l’arrivée en France du Dr Madeleine Brès, diplômée en 1875 de la faculté de médecine de Paris, pour que les femmes puissent s’inscrire en faculté de médecine et apprendre de nouveau la pratique médicale à l’égal des hommes.
En 1886, les femmes sont autorisées à se présenter au concours de l’internat (Blanche Edwards et Auguste Klumpke). Progressivement le nombre de médecins femmes augmentent, la démographie médicale se modifie, les mœurs changent. Actuellement la féminisation se poursuit, les femmes représentent 47 % des médecins en activité régulière contre 38 % en 2007(données d’octobre 2017).
Ce processus de féminisation questionne les représentants de la profession. La croissance de la population féminine parmi les médecins va-t-elle conduire à modifier les pratiques professionnelles et l’offre de service aux patients et si oui, dans quel sens ?
Les craintes, les préoccupations ?
Elles sont aussi nombreuses de la part des patientsque de la part de nos consœurs et confrères. « La femme doctoresse est une de ces herbes folles qui ont envahi la flore de la société moderne »Pr Feissinger, la Médecine Moderne.
Raymond Soubie, dans un rapport publié par la CNAM en février 2003, dit qu’ « une féminisation croissante du corps médical tend à ralentir la croissance de l’activité moyenne » et que « ce qui ralentit la féminisation du corps médical ne favorise pas lamaîtrise de l’activité ».
Elles sont en parties liées au fait que traditionnellement, la femme représente la maternité alors que le médecin a plutôt une représentation paternaliste. Par ailleurs, la durée des études de médecine suivies d’un exercice professionnel chronophage ne correspondent pas au rôle de la femme épouse et mère traditionnellement représentée dans le passé.
Les études montrent effectivement qu’elles font moins de consultations par semaine que les hommes tout âge confondu, qu’elles se tournent plus vers un exercice de groupe en maison de santé, qu’elles choisissent un exercice salarié plutôt que libéral pour pouvoir concilier vie de famille et vie professionnelle.
Elles sont souvent amenées à s’installer dans des zones où existe une offre d’emploi pour leur conjoint, où leurs enfants auront accès facilement à l’école et aux activités de loisirs en particulier sportives donc plutôt dans des territoires bien équipés, ce qui contribuent encore plus à la désertification des autres zones.
La féminisation du corps médical est souvent accusée de provoquer une baisse du temps médical mais avec l’arrivée des 35 heures le modèle social s’est trouvé bouleversé et Homme ou Femme de la nouvelle génération aspire à une meilleure qualité de vie. (6) « Il semble que l’on puisse repérer, dans les discours des futurs ou jeunes médecins, des signes de ce virage qui témoigne d’un bouleversement d’une identité professionnelle de genre, dans les deux sens : un métier qui perd son identité masculine en même temps qu’il se féminise. »(9) Hardy-Dubernet Anne Chantal.
Enfin on peut attribuer la pénurie actuelle de médecins généralistes à la politique de réduction de l’offre de soins mise en place dans les années 90 (avec une limitation drastique du nombre demédecins formés qui descendra à 3500 en 1993) plutôt qu’à laféminisation de la profession. (5) En diminuant l’offre de soins, les pouvoirs publicsespéraient diminuer les coûts de santé mais ils n’ont pas anticipé les changements sociétaux.
Le dépistage
Le dépistage de la dysfonction érectile chez les patients permet de mettre en avant d’autres pathologies (maladie cardio vasculaire, diabète, cancer de prostate, iatrogénie, stress, anxiété, etc…)
C’est donc pour cela qu’il est intéressant de prendre en compte la santé sexuelle de son patient en abordant pudiquement le sujet, même lors d’une consultation de suivi. Cela peut par exemple survenir au travers de questions sur d’éventuels symptômes urinaires (score IPPS en annexe 4).
Lorsque le patient aborde lui-même le sujet, il existe également des questionnaires visant à évaluer la sévérité des troubles.
L’Hypothèse
Les résultats attendus
Notre étude cherche à montrer que la féminisation de la profession n’influence pas les patients pour aborder le sujet des troubles sexuels avec leur médecin. Le but de cette étude est d’établir que le plus important pour le patient est d’avoir une relation de confiance avec son médecin traitant pour pouvoir parler librement avec lui de ses troubles sexuels. Le sexe du médecin devrait avoir une influence limitée et par ailleurs le médecin est tenu au secret, il doit être bienveillant auprès de son patient et ne pas porter de jugement sur les propos et troubles rapportés par ce dernier.
Les résultats nous permettront aussi de pouvoir apprécier la connaissance des patients sur la prise en charge des troubles sexuels et de proposer d’éventuelles améliorations au besoin des outils d’informations.
La réflexion autour du sujet
C’est lors d’une consultation en stage de médecine générale, seule face à un patient homme qui venait exprimer ses troubles, que la réflexion autour du sujet s’est mise en place.
Le patient en question ne fut pas gêné d’en parler avec un médecin femme et il m’a même confié préférer avoir à faire à une femme pour éviter le sentiment de « compétitivité masculine » (sic).
Au décours de cette consultation, le sujet a commencé à se construire, je me suis alors intéressée d’une part à ce qu’implique les changements de démographie médicale en médecine générale et d’autre part à un sujet parfois tabou et finalementpeu abordé en médecine générale : les troubles sexuels masculins.
La question
La féminisation de la médecine générale influence-t-elle l’expression des troubles sexuels masculins ?
Méthodes
Recherche bibliographique
La recherche bibliographique a été effectuée en langues française et anglaise à partir des :
• Bases de données internautes :
o Medline (site de la National Library of Medicine) ;
o CISMEF (catalogue et Index des Sites Médicaux de lalangue Française) ;
o SUDOC (Service de Documentation Universitaire) ;
o Cochrane (bibliothèque avec plusieurs bases de données, spécialisées en médecine et santé) ;
o PubMed (moteur de recherche de données bibliographiques).
• Sites officiels :
o INSEE ;
o ARS ;
o Conseil national de l’ordre des médecins ;
o INPES ;
o OMS ;
o Urofrance.
• Moteur de recherche de type Google ;
• Littérature grise :
o Bibliographies des articles collectés ;
o Thèses et mémoires.
Les recherches ont été principalement réalisées à partir des mots clés suivants : « Médecin généraliste »- « féminisation » – « femme médecin » – « sexualité » – « hommes » – « troubles sexuels » – « troubles de l’érection ».
Ces derniers ont été déterminés à partir de mots clés de référence intitulés mots MeSH (Medical Subject Heading) pour réaliser des recherches dans PubMed.
Objectifs de l’étude
Ce travail avait pour objectif d’étudier l’impact de la féminisation en médecine générale dans la relation médecin patient sur un sujet parfois délicat : les troubles sexuels masculins, d’apprécier sile sexe du médecin jouait un rôle auprès des patients pour aborder le sujet en consultation.
Il permettait également de savoir si les patients préféraient en parler à une personne de confiance, en la personne de leur médecin traitant ou plutôt à unmédecin remplaçant. Il devait permettre d’évaluer, du point de vue des patients, leur ressenti quant aux compétences de leur médecin sur le sujet.
Pour terminer, il s’agissait de mesurer l’importance qu’attribue les patients à leur sexualité et à la prise en charge de leurs troubles sexuels.
Matériels et méthodes
Nous avons proposé une étude quantitative observationnelle, descriptive et transversale réalisée à partir d’un questionnaire anonyme destiné aux patients hommes, majeurs, sans déficience intellectuelle, réalisé dans des cabinets de médecine générale.
La première partie du questionnaire regroupait les caractéristiques socio-professionnelles du patient (âge, profession, couverture sociale, situation conjugale) et la relation avec son médecin ainsi que le sexe du médecin traitant.
La deuxième partie du questionnaire s’intéressait à l’évocation du sujet de la sexualité avec son médecin. Elle devait déterminer, si le sujet avait été évoqué, la gêne ressentie lors de la discussion.
La troisième partie du questionnaire répondait à l’objectif principal de l’étude, c’est-à-dire : savoir si le patient préfère évoquer le sujet avec un médecin homme ou femme ou s’il n’y attache pas d’importance. Elle évaluait également s’il préférait en discuter avec son médecin habituel ou occasionnel. Enfin la dernière partie regroupait les avis des patients sur le sujet ainsi que leurs connaissances sur les traitements et les campagnes d’informations existantes (site web, campagne publicitaire…)
Les questionnaires ont été regroupés par pochette de 10 contenant une fiche explicative. Ces supports ont été remis aux médecins généralistes de différents cabinets de médecine générale en Normandie orientale (anciennement haute Normandie).
Les cabinets des médecins ayant participés se situent à :
• Rouen Rive droite ;
• Grand Quevilly ;
• Le Havre (Harfleur et Fontaine la Mallet) ;
• Pont de l’arche ;
• Gruchet le Valasse ;
• Neufchâtel en Bray.
Les médecins ont été contactés soit par rencontre directement au cabinet avec explication du sujet et distribution des questionnaires soit par téléphone. Dans ce dernier cas, les questionnaires étaient ensuite déposés au secrétariat ou envoyés par mail.
La plupart des médecins sollicités ont été favorables à la réalisation de cette étude auprès de leurs patients à l’aide du questionnaire anonyme. Le questionnaire nécessitait 2 à 3 minutes pour être rempli par le patient.
Chaque médecin avait la possibilité de faire remplir le questionnaire par son patient :
• Soit en fin de consultation lors de la réalisation de l’ordonnance ou du passage de la carte vitale (le remplissage du questionnaire ne prenait pas beaucoup de temps pour faciliter sa réalisation en fin de consultation et ainsi obtenirla récupération immédiate des questionnaires pour limiter les perdus de vue) ;
• Soit en salle d’attente, les patients pouvaient alors le déposer une fois rempli au secrétariat.
Pour éviter les biais de sélection, il a été conseillé de faire remplir environ 2 à 3 questionnaires par jour aux premiers patients hommes majeurs vus dans la journée et sans déficience.
La période de distribution/recueil des questionnaires a eu lieu d’octobre 2016 à octobre 2017.
Une fois les questionnaires recueillis, les réponses ont été saisies dans un tableau Excel pour traitement.
Le nombre de questionnaires recueillis étaient de 177 sur 235 questionnaires distribués.
« Définition : Ajustement de Bonferroni
Lorsque vous réalisez de multiples tests de significativité statistique sur les mêmes données, l’ajustement de Bonferroni peut être appliqué pour qu’il soit plus « difficile » à ces tests d’être statistiquement significatifs. Par exemple, lorsque vous étudiez les coefficients de corrélation multiple d’une matrice de corrélation, il peut être inapproprié d’accepter et d’interpréter les corrélations statistiquement significatives au niveau 0,05, étant donné que vous effectuez de multiples tests.
Précisément, c’est la probabilité d’erreur alpha d’accepter en se trompant le coefficient de corrélation observé comme non-égal-à-zéro alors que le fait (dans la population) qu’il soit égal à zéro peut être supérieur à 0,05 dans ce cas.
L’ajustement de Bonferroni est en général effectué enrapportant le niveau alpha (généralement fixé à 0,05, 0,01, etc.) au nombre de tests effectués. Par exemple, supposez que vous réalisez des tests multiples des corrélations individuelles à partir de la même matrice de corrélation. Le niveau de significativité ajusté de Bonferroni pour chacune descorrélations serait :
Discussion des résultats et comparaisons avec d’autres études
La prise en charge des troubles sexuels : un sujet délicat
Dans notre étude seulement 32,77% des patients ont abordé le sujet de la sexualité avec leur médecin traitant.
Pourtant ,selon une enquête CSF de 2008, 84% des personnes interrogées (étude prenant en compte la population des 2 sexes) considèrent la sexualitécomme indispensable au bien être, alors que parmi eux la majorité n’a jamais consulté à ce sujet.
On note aussi que 79,66% des patients de notre étude pensent que le sujet de la sexualité suit l’évolution de la société et que l’on doit pouvoir en parler librement avec son médecin mais seulement 28,25% souhaite plus d’informations sur le sujet dela part de leur médecin.
En comparant notre étude (où seulement 37,85% des hommes préfèrent eux-mêmes aborder le sujet) on retrouve dans d’autres publications des résultats différents :
Dans une étude sur les dysfonctions sexuelles, 95 %des patients ont une préoccupation sexuelle dont 85% aimeraient que l’initiative d’aborder la sexualité vienne de leur médecin.
Dans une autre étude suisse de 2011, 90% des hommesinterrogés souhaiteraient que leur médecin les interroge plus sur leur sexualité pour des conseils de prévention. (
Des études anglo-saxonnes et allemandes montrent que les hommes trouvent en effet légitime que le médecin généraliste s’intéresse à la qualité de leur vie sexuelle.
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Table des matières
1.Introduction
1.1 La féminisation de la médecine générale
1.1.1 L’histoire
1.1.2 Les craintes, les préoccupations ?
1.1.3 Les femmes, l’avenir ? les nouvelles études ?
1.2 Les troubles sexuels masculins
1.2.1 Définitions
1.2.2 Les thérapeutiques
1.2.3 Le dépistage
1.2.4 Les difficultés d’expression
1.3 L’Hypothèse
1.3.1 Les résultats attendus
1.3.2 La réflexion autour du sujet
1.3.3 La question
2.Méthodes
2.1 Recherche bibliographique
2.2 Objectifs de l’étude
2.3 Matériels et méthodes
3.Résultats
3.1 Méthodes statistiques utilisées
3.2 Caractéristiques de la population étudiée
3.2.1 Age des participants
3.2.2 Catégories socio professionnelles des participants
3.2.3 Couverture sociale des patients
3.2.4 Situation conjugale des patients
3.2.5 Relation avec le médecin traitant
3.2.6 Importance du sexe du médecin
3.2.7 Aborder la sexualité
3.2.8 Les motifs pour aborder la sexualité
3.2.9 Parler de sexualité à quel interlocuteur ?
3.2.10 Demande des patients sur le sujet
4.Discussion
4.1 Les résultats principaux
4.1.1 L’impact de la féminisation de la médecine générale sur le traitement des troubles sexuels masculins
4.1.2 La vision des patients sur la prise en chargedes troubles sexuels masculins par le
système de santé
4.2 Les biais
4.2.1 Biais de sélection
4.2.2 Les biais de compréhension
4.2.3 Les biais de suivi
4.2.4 Les biais de statistiques
4.3 Discussion des résultats et comparaisons avec d’autres études
4.3.1 La prise en charge des troubles sexuels : un sujet délicat
4.3.2 Le vécu des médecins généralistes face aux troubles des patients
4.3.3 Le point de vue des patients
4.3.4 Le couple médecin femme /patient homme, face aux troubles sexuels, frein ou avantage ?
4.4 Ouverture du sujet
4.5 Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES