L’IMMORTALITÉ DE L’ÂME CHEZ PLATON

L’âme simple du Phédon

    En montrant les preuves de l’immortalité et de l’éternité de l’âme dans le Phédon, Socrate évoque la simplicité de l’âme. Cet argument va occuper une place importante dans les preuves avancées par Socrate. En effet, il distingue deux ordres des choses : les unes composées, changeantes, c’est-à-dire des corps perceptibles aux sens ; et les autres simples, absolues, immuables, éternelles. Autrement dit, les essences. Platon va appliquer Cette vision dualiste du monde à l’être humain en le définissant comme étant composé de deux parties : le corps et l’âme. De ce fait, il va noter une grande différence entre ces deux parties composant l’être humain. Il définit le corps comme ce qui est composé et l’âme comme étant simple. Cette idée, n’est pas partagée par Aristote car il pense que parler de l’âme c’est exprimer ses facultés, des capacités psychiques qui rendent possible la vie. L’âme, « bien qu’une en son fond, n’est pas entièrement uniforme : elle s’épanouit en facultés de natures diverses». Mais, pour mieux asseoir sa thèse portant sur la simplicité de l’âme, Platon commence par se poser la question de savoir : « à quelle espèce de chose peut il bien convenir de subir une dispersion? ». A cette question, il précise que c’est le composé qui est susceptible de subir une décomposition c’est-à-dire une destruction avec la mort. Comme nous le savons bien, quelque temps après la mort, le corps finira par se décomposer. Même si certaines pratiques sont faites comme la momification chez les égyptiens, le corps finira toujours par disparaitre. Cependant, s’il s’avère nécessaire que le corps en tant que composé, soit détruit avec la mort, tel n’est pas le cas avec l’âme. Cette dernière comme l’a si bien pensé l’écrivain français Caillois, «est indivisible et toujours tout entière partout où elle se trouve ». Pour mieux expliquer la simplicité de l’âme, Platon commence par montrer qu’elle est identique aux essences. Si notre âme est semblable aux essences, elle ne change jamais et elle n’a pas à craindre de se dissoudre à la mort, comme le corps. L’auteur du Phédon déclare dans ce sens : « si une chose se trouve ne pas être composée, c’est par excellence à elle et à elle seule, qu’il convient de ne pas subir ce processus ». Ceci est valable pour tous les autres êtres qui se rapportent au monde intelligible. C’est le cas par exemple de « l’égal en soi, le beau en soi ». Toutes ces réalités demeurent unes et identiques. C’est pour cette raison que Platon appelle le monde intelligible, celui des idées pures, différent du monde sensible où les choses sont mouvantes et changeantes. Autrement dit, le monde sensible est celui de l’illusion, de l’erreur, du changement et de l’apparence. Ainsi, tous les objets qui sont dans le monde des sens, se décomposent et sont détruits avec le temps. C’est pour cela que Platon a noté cette réelle différence entre le monde des sens et le monde de l’âme. En termes beaucoup plus clairs, le monde sensible est celui qui est visible, soumis au changement et à la corruption. Ensuite, il considère l’âme comme un principe divin car elle se rapporte aux choses divines qui sont dans le monde intelligible c’est-à-dire le monde de l’unicité. L’âme est aussi source de vie. C’est ce qui rend possible la vie ; elle est le contraire de ce qui meurt. Si tel est le cas, il faut la comprendre comme étant une entité unique. Elle n’est pas composée de parties distinctes, elle est une unité indivisible. Comme telle, elle ne connaît ni décomposition ni destruction ; elle reste intacte quand l’heure de la mort sonne. Elle ressemble à ce qui est divin, immortel, intelligible, indissoluble, simple et toujours semblable à lui-même. C’est surtout ce qui marque sa supériorité par rapport au corps qu’elle dirige. Si, durant sa vie, le philosophe s’exerçait à la mort c’est pour libérer l’âme, la faire sortir de ce tombeau qui est le corps car elle est tout à fait différente de lui. Par ailleurs, si le corps reste collé au monde sensible, l’âme va chercher à rejoindre ce qui lui est semblable. Au lieu de se décomposer et disparaître dans le vide, l’âme se retourne vers Dieu sans subir aucune décomposition. Etant simple, elle cherche toujours à aller vers Dieu, contrairement au corps qui selon Platon, renvoie à « ce qui est humain, mortel, inaccessible à l’intelligence, multiformes, sujet à dissolution ». Bref, il faut retenir que par sa simplicité, l’âme est indissoluble. Platon déclare dans le Phédon que : L’âme qui est dans cet état s’en va vers ce qui lui est semblable : l’invisible, vers ce qui est divin, immortel, sensé ; vers ce lieu où, une fois parvenue, il est donné d’être heureuse, puisque, errance, terreurs, déraison, désir sauvage, bref tous les maux liés à l’humaine condition, elle en est débarrassée. En définitive, il faut constater sans risque de se tromper que l’âme est simple. Nous pouvons dire aussi que l’âme se rattache aux essences, parce qu’elle est, simple, et portée en outre d’elle-même à les rechercher comme un bien propre à sa nature. Si notre âme est semblable aux essences, elle ne change jamais, aussi bien qu’elles, et n’a pas à craindre de se dissoudre à la mort, comme le corps. En définitive il faut constater sans risque de se tromper que l’âme est simple. Et sa simplicité est l’une des preuves de son immortalité car comme il l’a si bien remarqué, « il n’est pas facile, dis- je, de concevoir que soit éternel ce qui est composé de l’assemblage de plusieurs éléments, sauf si c’est l’assemblage le plus beau comme il nous est à présent apparu que c’était le cas de l’âme ». Ce qui laisse voir que la tripartition de l’âme concerne moins sa véritable nature, qui ne saurait admettre la diversité.

La primauté de l’âme sur le corps

   Selon Platon l’âme est supérieure au corps. Pour justifier cette thèse Platon fournit plusieurs arguments. D’abord, de par leurs natures, l’âme et le corps sont très différents. Le corps est ce qui est sensible et matériel tandis que l’âme est d’une nature divine, elle représente ce qui est divin chez l’homme. Contrairement au corps, elle est invisible et immatérielle ; elle ne connait ni destruction ni mort ; elle a une durée de vie éternelle. Par contre, le corps se détruit et se décompose avec la mort. « L’âme ressemble au divin tandis que le corps ressemble à ce qui est mortel ». A l’approche de la mort, le corps disparaît mais l’âme, va rester intacte. Donc l’âme prend toujours le dessus sur le corps car dans toutes les circonstances, celui-ci apparaît comme étant mortelle et l’âme se montre immortelle et ressemble aux idées. Encore, pour mieux faire comprendre cette supériorité de l’âme sur le corps, Platon compare le corps à une lyre et l’âme à une harmonie : L’harmonie est une chose qu’on ne voit pas et qui n’a pas de corps, qui est très belle, divine même quand la lyre a été bien accordée ; alors que la lyre, elle, et ses cordes ce sont des corps ; elles révèlent de l’espèce corporelle, elles sont composées, terreuses, apparentée à ce qui mortel. Ces quelques lignes laissent voir clairement la différence existant entre l’âme et le corps. Et à travers cela, nous pouvons encore dire que l’âme est supérieure au corps du fait qu’elle résiste à la mort. Puis, de par ce qui les intéresse, il faut savoir que le corps est intéressé par les plaisirs mondains comme manger, boire, dormir etc. En plus, il reste enfermé dans le monde des illusions sans pour autant chercher à y échapper. Il se limite et se nourrit des objets de ce bas monde. C’est cette partie de l’être humain qui est sous l’emprise du monde des sens ; elle baigne dans les illusions du monde sensible. En revanche, l’âme vise les objets intelligibles, les essences et les idées. L’essentiel de ce que vise l’âme ne trouve pas sa justification dans le monde sensible. Elle cherche et vise ce qui est beau, bon, bien et juste ; bref elle se fixe pour objectif la véritable réalité. Si tel est le cas nous pouvons dire que ce qui cherche la vérité a plus de valeur que son contraire. Donc l’âme est supérieure au corps dont elle cherche à se départir. Ensuite, dans La République livre IX, Platon revient sur la primauté de l’âme sur le corps. En effet, il montre que celle-ci est libre et celui la ne l’est pas du tout. Autrement dit, le corps est collé au sens ; il est conditionné par ces objets qui ont une apparence fausse. Mais l’âme n’est pas prise par de pareils objets ; elle est libre et peut choisir son destin selon sa vie terrestre. D’ailleurs, c’est ce qu’il a voulu élucider en ces termes: L’élément bestial se couche et se calme, tandis que l’élément calme est rendu libre alors l’âme tout entière restituée à sa nature la meilleure gagne, en acquérant modération et justice accompagnées de santé et cela dans la proportion même où l’âme a plus de valeur que le corps. Ainsi par cette liberté qu’a l’âme, de pouvoir choisir sa vie post mortem, elle est plus valeureuse que le corps car cette liberté est impossible au corps. Autrement dit, l’âme est libre alors que le corps est déterminé par les sens. Ce qui implique qu’elle a une primauté sur lui. De surcroît, dans le Timée, Platon a confirmé que l’âme est supérieure au corps, car elle est beaucoup plus résistante que lui. En effet, en retraçant comment l’univers est crée par un artisan cosmique, Platon a montré que les dieux qui étaient chargés de fabriquer l’homme ont fait de l’âme « un principe immortel(…), ensuite, le corps mortel ». Cela nous permet encore d’évoquer cette différence de nature entre l’âme et le corps. Ainsi nous notons que l’âme est supérieure au corps. En plus, dans l’Alcibiade premier, Platon a montré que l’essence de l’homme n’est pas dans le corps mais elle se trouve dans l’âme. « Puisque ni le corps, ni le composé de l’âme et du corps ne sont l’homme, il ne reste plus, je pense, que cette alternative, ou que l’homme ne soit rien absolument, ou que l’âme seule soit l’homme  ». Dans ce passage, il faut comprendre nettement que l’homme n’est pas le corps. Ce qui veut dire qu’on ne peut pas définir ou connaitre l’homme à travers le corps. Non plus on ne peut pas saisir sa nature en le définissant par rapport à l’assemblage du corps et l’âme. Autrement dit, le corps et l’âme joints ne définissent pas l’homme. En termes beaucoup plus clairs, l’homme n’est pas corps et âme. Mais c’est tout simplement et uniquement l’âme. Donc ce qui fait l’homme ce n’est pas son corps mais son âme. Et Platon, fera dire à Socrate que ce qui fait Alcibiade ce n’est pas son corps mais c’est son âme. « Celui qui connaît son corps connaît donc ce qui est à lui, et non ce qui est lui ». Et encore, Platon ajoute que prendre soin d’une personne, ce n’est pas prendre soin de son corps mais c’est plutôt prendre soin de son âme. « Tout homme qui a soin de son corps, a soin de ce qui est à lui et non pas lui ». Donc, durant toute sa vie, l’homme doit chercher à soigner son âme en la cultivant surtout avec la philosophie qui est conçue par Platon comme ce qui purifie l’âme. Puisqu’avec cet exercice l’homme va exister non pas comme un corps mais comme étant véritablement une âme. C’est pourquoi la philosophie platonicienne se définissait comme ce qui ferme les yeux du corps pour ouvrir celle de l’âme. Egalement, Platon va montrer que le véritable amour est dans l’âme. L’amour qui se rapporte dans l’âme sera éternel car encore une fois l’âme ne meurt jamais. Si l’amour s’est fondé sur le corps, il ne va pas durer car l’âge détruit la beauté physique ; les formes physiques se déforment avec le temps. Mais si l’amour était fondé sur l’âme il sera sans fin. Et Socrate dira à cet effet, qu’aimer une personne c’est aimer son âme. « Celui qui aime ton âme ne se retire jamais tant que tu désires et recherches la perfection ». Ainsi il faut noter que l’amour véritable n’est pas dans le corps mais dans l’âme. Donc l’âme a plus de valeur que le corps et c’est ce qui nous permet encore de réaffirmer la primauté de l’âme. Par ailleurs, la théorie de la réminiscence est aussi un argument confirmant la supériorité de l’âme sur le corps. Dans cette théorie, Platon rappelle que l’homme c’est l’âme et l’âme a vécu avant le corps et elle continuera à vivre après la destruction de celui-ci. Et comme l’âme a tout connu jadis, apprendre n’est d’autre que retrouver les connaissances qui sont en nous et qu’on avait oubliées. « On n’apprend rien, et qu’on ne fait que se ressouvenir ». Ce qui laisse entendre que nous connaissons non pas par le corps mais par l’âme qui nous aide à accéder au savoir véritable. La vérité n’est pas dans le corps mais elle est dans l’âme ; c’est sa véritable demeure. « La vérité est toujours dans notre âme ». Ici nous voyons clairement que l’âme est glorifiée. Elle est considérée comme ce qui permet à l’homme d’acquérir du savoir. Contrairement au corps, toutes les bonnes attributions se rapportent à l’âme. « Considérons maintenant les qualités de l’âme. N’est-il point des qualités que tu appelles tempérance, justice, courage, facilité d’apprendre, mémoire, générosité, et ainsi du reste ? ». Donc toutes les bonnes qualités sont dans l’âme et non dans le corps. Par conséquent, l’homme pour bien agir doit toujours faire appel à son âme. Encore une manière de montrer que le corps est minime par rapport à nos actes. «Ne peut-on pas dire en général que, pour être un bien, tout ce qui est au pouvoir de l’homme doit être soumis à l’âme, et tout ce qui appartient à l’âme doit dépendre de la sagesse ? Or, nous sommes convenus que la vertu est utile. ». Ainsi, d’après ce constat, nous pouvons dire sans coup férir que l’âme est supérieure au corps. De plus, dans le Phédon, on retrouve d’une manière beaucoup plus claire la supériorité de l’âme sur le corps. En effet, Platon a montré que l’âme est antérieure au corps ; elle a vécu avant lui et continuera à vivre après lui. Ce qui implique que la durée de l’âme est supérieure à celle du corps. Par conséquent, l’âme est supérieure au corps et elle a plus d’importance que lui. Et toutes les idées sont déjà encrées dans l’âme avant même le corps. C’est pour cette raison que l’auteur de Menon a affirmé que l’homme n’apprend rien, il se rappelle ce qu’il a déjà connu. « Ceux dont nous disons qu’ils apprennent ne font rien d’autre que se ressouvenir ; et en ce cas l’acte d’apprendre serait une réminiscence ». Ceci montre que nous connaissons par l’âme et encore pour mieux connaître et saisir la vérité, il faut se départir du corps. Bref, il faut dire que le corps constitue un obstacle à l’âme soucieuse d’accéder à la vérité. Donc l’âme est plus valeureuse que le corps et elle prime sur lui. Cependant, un penseur comme Descartes va montrer que cette suprématie de l’âme par rapport au corps doit être pensée d’une autre manière. Dans Les passions de l’âme, il montre « que c’est une erreur de croire que l’âme donne le mouvement et la chaleur au corps ». Somme toute, il faut savoir que cette union de l’âme d’avec le corps a toujours suscité un débat controversé. Si donc avec Platon, l’âme a d’une part une primauté sur le corps, d’autre part, elle apparaît aussi comme un principe divin.

Argument du cycle de la génération

    Socrate n’avait pas peur de mourir car il espérait avoir une vie meilleure que celle qu’il a dans ce bas monde. Il n’éprouvait aucun doute qu’il survivra d’une autre façon dans un autre monde supérieur au monde sensible. Il s’agit d’une vie dans un monde suprasensible : le monde intelligible. Mais cette assurance qu’a Socrate n’est pas partagée ; ses interlocuteurs ont du mal à adhérer à cette thèse. Cébés et Simmias ont jugé nécessaire d’avoir un éclaircissement sur l’immortalité de l’âme. Socrate va s’engager à la démonstration en évoquant un premier argument : l’argument du cycle et de la génération. Cet argument est autrement appelé l’argument de la compensation des contraires. Il est basé sur le cycle de la mort et de la naissance. Pour valider cet argument, Socrate commence par rappeler « qu’il existe une antique tradition dont nous gardons mémoire, selon laquelle les âmes arrivées d’ici existent là-bas puis à nouveau font retour ici même et naissent à partir des morts ». Ce qui traduit que les âmes des morts quittent le monde sensible pour aller vers celui d’Hadès : c’est ce que nous appelons la mort. Et les âmes qui sont au royaume d’Hadès reviennent dans ce monde terrestre : c’est la naissance. Si cela est possible c’est parce que les âmes sont immortelles. Pour Platon, de manière circulaire et éternelle, tout ce qui existe a son contraire naît à partir de ce contraire : la veille naît du sommeil, comme le sommeil naît de la veille, le grand naît du petit comme le petit naît du grand et « cela est valable pour tout ce qui se trouve entrer dans une relation de ce genre ». Si tel est le cas, la mort a son contraire à savoir la vie. Donc, la vie doit logiquement naître à partir de la mort comme la mort survient à partir de la vie de manière circulaire. S’il n’en était pas ainsi, autrement dit si le temps allait dans un sens bien déterminé au lieu d’être cyclique, alors, « tout finirait englouti dans la mort ». Et cela signifierait la disparition absolue de toute chose. « Si tout ce qui a part au vivre doit mourir, et si, une fois mort, tout ce qui est mort conserve ce même aspect sans jamais reprendre vie, n’est ce pas une nécessité absolue qu’à la fin tout soit mort, et rien ne vive ?». Ainsi nous pouvons retenir par l’idée de compensation des contraires que l’âme est immortelle car elle restera toujours en vie quelque part. Cependant, cette preuve semble avoir des limites dans la mesure où si nous suivons profondément la logique de Socrate, chaque chose vient de son contraire. Donc une âme ne doit pas logiquement être en vie dans le monde terrestre et encore restait vivante dans le monde d’Hadès. Mais on s’est rendu compte que cet argument est une démonstration provisoire car il ne satisfait pas les interlocuteurs de Socrate. Cébés et Simmias réclamaient une autre preuve beaucoup plus solide. C’est ce qui va pousser Socrate à avancer un deuxième argument : il s’agira de l’argument de la recollection.

Argument de l’affinité

    Comme le doute persistait toujours, la conscience des disciples n’était pas encore apaisée. Ils éprouvaient encore des inquiétudes à l’égard de la destinée de l’âme après la mort. De nouveau, Socrate va tenter cette fois-ci, avec un autre argument, car il ne voulait pas mourir en laissant ses disciples dans l’embarras. Ce troisième argument est appelé argument de l’affinité. Pour ce faire Socrate établit un lien entre l’Idée et l’être invisible et il en déduit que L’Idée est aussi incomposée. Et, il précise que ce qui est incomposé n’est pas indestructible. Si tel est le cas, alors l’Idée est indestructible. Une fois le caractère indestructible de l’Idée posée, Socrate va maintenant rapprocher l’âme à l’Idée. En effet, selon lui l’âme ressemble à l’Idée c’est-à-dire à ce qui est divin, impérissable, intelligible, indissoluble, identique. En outre, il montre que l’âme appréhende mieux les Idées que les objets sensibles. Pour lui, l’âme cherche à fuir tout ce qui émane des sens. Car, L’âme a recours au corps pour examiner quelque chose, utilisant soit la vue, soit l’ouïe, soit n’importe quel autre sens , (…), elle est traînée par le corps dans la direction de ce qui jamais ne reste même que soi, et la voilà en proie à l’errance, au trouble, au vertige, comme si elle était ivre, tout cela parce que c’est avec ce genre de choses qu’elle est en contact Cependant, quand l’âme contemple les Idées, elle garde les mêmes rapports, elle cesse de divaguer et prend le bon chemin pour arriver à la réalisation d’une connaissance stable et immuable. Elle se rapproche de ce qui ressemble à elle c’est-à-dire les Idées. D’où son affinité avec celles-ci. Puis, il insiste sur le caractère inchangeable et immuable de l’âme. Elle a « une forme unique », elle ne connaît ni changement ni mouvement. Par cette attitude, elle est apparentée aux Idées. En plus, elle est le véritable étant et on sait nettement que « le véritablement étant, est-ce que jamais cela peut accueillir en soi un changement quelque soit d’ailleurs ce changement ? ». Socrate dira non le véritable étant comme l’âme se rapporte aux choses divines ; il ne connaît ni mouvement ni changement. En d’autres termes, les choses qui se rapportent aux sens c’est-à-dire celles qui sont visibles touchables peuvent subir des changements et elles sont mourantes. Tandis que les réalités d’un autre ordre restent comme elles sont ; elles ne connaissent ni mort ni dissolution et l’âme est de ce genre. Donc, elle est en parfaite affinité avec les Idées car elle « offre plus de ressemblance avec ce qui existe toujours de la même façon plutôt qu’avec ce qui ne le fait pas ». Ainsi, à partir de l’affinité entre l’âme et l’Idée, Socrate va en déduire son immortalité. Il fait la distinction entre ce qui est composé et ce qui ne l’est pas. Si l’on concède d’une part que la mort consiste en une décomposition mais d’autre part que l’âme fait partie des choses simples et indivisibles, alors il faut en conclure qu’elle ne peut pas se décomposer et donc qu’elle ne peut pas mourir, de quelque façon que cette décomposition soit comprise. Car, seul ce qui est incomposé, c’est-àdire ce qui est simple est indestructible. Donc, l’âme est incorruptible et impérissable au même titre que les Idées. Autrement dit, Socrate, rattache l’immortalité de l’âme à sa nature essentielle. En partant de la différence qui existe entre l’être invisible et l’être visible, il en déduit que les êtres visibles sont composés tandis que les invisibles sont incomposés. Sur le fondement de cette dichotomie, Socrate conclut que: « l’âme ressemble au divin, et le corps à ce qui est mortel». Platon attire notre attention ici en faisant dire à Socrate que la mort ne concerne pas l’âme car elle est d’une autre nature. Ce qui est dit ici c’est-à-dire la décomposition ne regarde que le corps. Car c’est « ce qui a été composé, comme à ce qui est composé, qu’il convient par nature de subir cet accident ». Donc la mort n’intéresse que le corps car il est composé de différentes parties et quand le temps de mourir arrive le composé se décompose et se dissolve. Pourtant cette idée a longtemps taraudé la croyance des hommes car, dans les anciennes croyances, le mythe de Dionysos révèle que le corps qui représente la partie titanesque de l’homme est le principe du mal qui disparaît avec la mort. Par contre, ce qui n’est pas composé ne va pas se décomposer. Contrairement au corps, L’âme est simple, incorruptible, impérissable au même titre que les Idées. Au regard de tout cela, il semble être légitime de dire que si le corps « qui est humain, mortel, inaccessible à l’intelligence, multiforme, sujet à dissolution », tel n’est pas le cas de l’âme ; elle est en rapport avec les Idées éternelles. Au terme de l’analyse de cet argument, nous pouvons retenir que l’affinité de l’âme avec les Idées est une preuve rassurante de son immortalité. Et cela permet aussi de savoir que la mort ne regarde pas l’âme. C’est ce qui a surtout donné l’assurance à Socrate que son âme survivra dans un monde supérieur au monde terrestre. A cet effet, Socrate ne manquera pas de souligner l’importance de la philosophie. Cette discipline, affirme Socrate, est ce qui nous prépare à la mort. Autrement dit, « cette âme qui pratique droitement la philosophie, et qu’elle s’exerce pour de bon à être morte sans faire aucune difficulté ». Donc la mort ne concerne pas l’âme car de par sa nature, elle ressemble à l’Idée. Elle est immortelle, elle ne connaît ni mort ni décomposition ; elle est intacte et retourne vers ce qui est divin quand le moment de mourir arrive. Elle « s’en va vers ce qui lui est semblable : l’invisible, vers ce qui est divin, immortel, sensé ; vers ce lieu où, une fois parvenue, il lui est donné d’être heureuse, puisque errance, terreurs, déraison, désirs sauvages, bref tous les maux liés à l’humaine condition, elle en est débarrassée ». Certes Socrate était totalement rassuré de l’immortalité de l’âme jusqu’à être même content au moment où il s’apprêtait à mourir. Cependant, est-ce que cela suffira-t-il à satisfaire Simmias et à convaincre Cébés ? Nous pouvons dire que cet argument n’est pas satisfaisant car Simmias n’était pas satisfait et Cébés, de son côté, n’était pas convaincu. « Un silence se fit après que Socrate eut parlé, qui dura longtemps». Après ce petit mutisme, ils vont encore interpeler Socrate car jusqu’à présent leurs consciences n’étaient pas totalement apaisées. Socrate a déjà avancé trois arguments démontrant l’éternité de l’âme mais, ils demandaient d’autres preuves. Comme leur maître restait serein et se laissait indifférent à la mort, il ne sera pas gêné d’avancer un autre argument afin de raisonner ses disciples sur l’immortalité de l’âme. Cet argument sera saisi comme étant l’argument final du Phédon.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : NATURE ET STRUCTURE DE L’AME CHEZ PLATON
a) L’âme simple du Phédon
b) LA TRIPARTITION PSYCHIQUE
CHAPITRE II : LE RAPPORT DE L’AME AVEC LE CORPS
a La primauté de l’âme sur le corps
b L’Ame comme principe divin
CHAPITRE III : L’IMMORTALITE DE L’AME
a) Argument du cycle de la génération
b / Argument de la recollection
C) Argument de l’affinité
d) L’argument final
e) L’argument du livre X de la République
f) L’argument du Phèdre
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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