Des questions ambigües ou trop précises
Quand on analyse les réponses indiquées dans la partie précédente, on remarque bien sûr l’élève qui a répondu que la question n’était pas comprise, mais il y a également la réponse de l’élève qui a répondu « aucune », qui est intéressante. Autrement dit la personne n’a vécu aucun évènement marquant. Or, nous sommes tous des témoins de notre temps et avons tous assisté de plus ou moins loin, directement ou indirectement à des évènements. Je pense ainsi que le blocage sur cette question vient de là. La question laisse sous-entendre que la personne doit avoir participé dans la réalisation d’un évènement marquant. Or le rôle et la perception d’un témoin, d’une personne extérieure à l’évènement peut aussi avoir toute son importance historique. De plus, j’émet l’hypothèse que les exemples proposés entre parenthèse dans la question, et qui avaient pour but d’aider les parents à raconter un évènement, les ont limités dans les apports évènementiels qu’ils auraient pu faire. Je pense qu’ils se sont focalisés seulement sur les exemples proposés et se sont probablement dit qu’ils n’avaient rien vécu de tout cela. En effet, parmi les parents qui ont répondu à la question, la plupart des évènements contés et réitérés sont des évènements proposés parmi les exemples. La coupe du monde de 1998 et l’arrivée en région parisienne sont ainsi réitérées à trois reprises. Un seul évènement historique marquant proposé n’était pas parmi les exemples : le coup d’état à Haïti en 2006. Enfin, des évènements beaucoup plus personnels ont été proposés. Cela pose ainsi la question « qu’est-ce qu’un évènement marquant ?». Certains ont ainsi répondu par des évènements liés à leur situation familiale (naissance des enfants) ou leur situation professionnelle (enseignant dans une école coranique).
Cela s’explique par la formulation de la question qui a été problématique et le fruit d’un dilemme. En effet, j’ai fait le choix de parler « d’évènement marquant » plutôt que « d’évènement historique » pour pouvoir ouvrir la question à l’arrivée en région parisienne de certaines familles de sorte à travailler par la suite sur le thème de l’immigration. Cependant, la formulation telle que proposée a ouvert de manière trop importante le champ des évènements. La difficulté du traitement des évènements très personnels tel que la profession ou la situation familiale, est qu’ils ne peuvent pas être mis en réseau avec les autres réponses. Or, il s’agissait de l’objectif de cette question : pouvoir mettre en réseau des évènements vécus par les familles et pouvoir potentiellement mettre en avant des perceptions différentes de l’évènement.
Parmi les autres questions où il y a eu des difficultés à répondre, il y a la date liée au déménagement de l’individu. La question a été simple pour les personnes qui ont déménagé récemment mais pour les grands-parents, il est arrivé que les élèves n’aient pas à leur connaissance l’année en question. En effet, l’ensemble des élèves de la classe a rempli le questionnaire par le biais des parents. Ils les ont questionnés sur eux-mêmes puis sur les grands-parents. L’enquête a donc été réalisée par le biais d’intermédiaires et cela explique que les questions liées aux parents soient beaucoup mieux renseignées que celles liées aux grands parents.
Recontextualiser les histoires familiales
Le planisphère
Le premier outil de travail a été le planisphère, je vais revenir sur l’objectif de son utilisation, les difficultés, les réussites et ce qui aurait pu être faire autrement à partir de celui-ci.
Le travail réalisé
Situer géographiquement les mémoires familiales
Le travail sur le planisphère avait pour but de contextualiser et visualiser les flux migratoires qui ont pu avoir eu lieu dans les familles des élèves. Il s’agissait donc de mettre en valeur les lieux de départ et les lieux d’arrivée. C’était aussi l’occasion de voir que beaucoup d’élèves avaient des ascendants originaires d’un même pays ou de pays proches et ainsi comprendre qu’il s’agit d’un phénomène migratoire historique Nous avons à cet effet repéré une grande zone de départ : le continent africain d’où sont originaires 34/40 des parents/grands-parents interrogés. Une seconde zone un peu moins représentative au sein de la classe correspond aux Antilles et Haïti avec 4/40 parents ou grands-parents qui en sont originaires.
Deux parents étaient originaires d’une région de France métropolitaine. Nous avons ensuite repéré en classe entière quelques pays et découvert les sonorités de certaines langues grâce à la banque de donnée de l’atlas linguistique en ligne localingual.com.
Lors de la réalisation de cette séquence, les élèves avaient déjà travaillé plus tôt dans l’année sur les cartes et représentations du monde et avaient notamment identifiés les océans et les différents continents. Il s’agissait donc d’un réinvestissement de la compétence « se repérer dans l’espace : se repérer sur des cartes » de questionner le monde. Ainsi, le repérage sur les cartes a été aisé, d’autant que les noms des pays étaient écrits. Il y a eu simplement quelques difficultés à repérer des îles non-mentionnées sur la carte (les Comores et le Cap Vert), dans ce cas-là, les élèves ont repéré l’endroit sur l’atlas projeté au tableau et l’ont reporté sur leur propre planisphère.
Chaque individu a été marqué d’un point d’une couleur donnée et celle-ci a été reportée dans le pays de naissance. Les élèves ont ensuite tracé une flèche en direction du lieu de déménagement si tel avait été le cas pour l’individu. Il a ainsi été mis en évidence que pour la majorité, ces flux se dirigeaient vers la France. Cela dit dans quelques cas, les flux se sont dirigés vers des pays voisins en Afrique ou bien dans d’autres régions du même pays. Cette démarche m’a semblée importante pour visualiser un phénomène qui s’inscrit dans le temps historique et qui a concerné au moins 1 individu interrogé par chaque élève.
Des flux migratoires simplifiés
Production d’élève 3 sur planisphère
Sur ce document, on peut voir un élève qui a voulu réaliser l’ensemble des déplacements réalisés par ses ascendants. De premier abord ce qui m’a interpellé, c’est que des informations qui n’étaient pas présente sur les questionnaires de l’élève ont été représentées. La véracité de ces informations m’a posé question et l’élève a rétorqué « non mais c’est ma mère qui s’est trompée ». Ainsi, on observe que le grand-parent est parti du Cap-Vert pour aller aux Etats-Unis puis des Etats-Unis vers Haïti et enfin de Haïti vers la France. Cet élève n’a absolument pas respecté la consigne puisqu’il n’était pas question de représenter autant de flux, un seul était demandé. En effet, c’est un travail qui avait pour but de simplifier la notion de migration. Il y a certes, suite à cela, une perte de la dynamique des flux migratoires qu’aurait pu permettre le questionnaire de par les différentes questions liées au lieu de vie, mais j’ai souhaité simplifier le travail par pragmatisme, à un lieu de naissance et un lieu de déménagement. La séquence déjà bien chargée pour une classe de CE2 a dû être réalisée sur une période de deux semaines et demi. Il était donc difficile de réaliser un travail complet et précis en si peu de temps. Il est à noter que c’est au CE2 que les élèves découvrent la périodisation historique et le repérage dans l’espace notamment sur des cart es. Ils découvrent des compétences liées aux disciplines de l’histoire et de la géographie : lecture d’une carte,lecture d’une frise, repérage dans le temps. Bien que certaines compétences soient un réinvestissement de séquences passées, il n’est à mon avis, pas envisageable au CE2 d’avoir une séquence trop ambitieuse sur le thème de l’immigration. Il est à mon sens plus pertinent de se cantonner à une découverte du phénomène migratoire et de laisser l’approfondissement de la notion pour les années futures. La séquence n’avait donc pas pour but d’être exhaustive.
Les frises chronologiques
Le second autour de travail a été la frise chronologique. Comme pour le planisphère, je vais revenir sur ce que l’on a pu tirer de son exploitation en classe.
Créer des repères temporels contemporains
Les frises avaient pour but de visualiser les repères chronologiques et les mettre en relation avec les mémoires familiales liées à l’immigration. Pour cela, un premier de repérage sur les frises a été réalisé. Je tiens à préciser que nous avions déjà travaillés sur la frise chronologique à travers la frise de classe lors de l’étude des différentes périodes de l’histoire. La différence étant que cette fois la frise était centrée sur une partie de l’époque contemporaine de (1900 à 2021).
Les difficultés mathématiques
Le problème pour les élèves ayant des difficultés en mathématiques, a été de savoir encadrer des nombres.
Savoir si un nombre est plus grand qu’un autre et s’il en est plus ou moins proche. Or, dans cette classe, quelques élèves ont eu du mal avec ce raisonnement. Pour ces élèves en difficulté, soit cela a demandé une réflexion longue, soit pour 2 élèves, il s’agissait d’une compétence non acquise. La difficulté relevait aussi du fait que les années en question étaient de l’ordre des milliers avec lesquelles certains n’étaient pas encore très à l’aise. C’est pourquoi avant de réaliser cette séquence, il me semble nécessaire d’avoir travaillé avec eux sur les nombres supérieurs à 1 000, à travers la suite numérique, mais également des encadrements (« plus grand ou plus petit que »).
Les mathématiques ont à nouveau été sollicitées lors de la dernière séance qui consistait à calculer un nombre de décennies, siècles et l’âge d’individus lors d’un évènement donné sur la frise chronologique.
A nouveau, des difficultés ont été constatées de différents ordres. Il y a eu des erreurs de calcul, mais aussi pour certains trop d’informations à prendre en compte puisqu’il fallait chercher la date de naissance de l’individu et partir de cette année-là pour aller jusqu’à l’année de l’évènement donné afin de calculer l’âge de l’individu. Un élève n’a pas manqué de faire la remarque « mais maître ça dépend de son mois de naissance ». Il en est ressorti la technique suivante : Date de l’évènement – date de naissance de l’individu. Cela