L’ambiance sonore : un objet aimable ?
C’est justement dans cet interstice, entre la place du corps, des sensations, des émotions et des représentations que se situent les ambiances, notamment sonores. Revenant sur l’heuristique du concept, J.-P. Thibaud la situe au croisement entre le lieu (caractère charnel et situé de l’expérience sensible), le geste (la motricité dans nos façons d’agir), l’ordinaire de l’expérience urbaine (l’ensemble des règles, procédures, habitudes et attentes sur lesquelles nous nous appuyons constamment et que nous tenons pour évidentes) le sensible (le percevoir -gnostique- et le sentir -pathique-) et l’impression qui s’en dégage (impression d’un tout -intensif- et d’une juxtaposition successive de parties distinctes : un banc, un mur, un toit, etc. -extensif-). L’ambiance est ainsi le lieu indivisible et unique de l’expérience sensible du corps en mouvement, en écho à un vécu social et spatial (Thibaud, 2002 ; 2012).
Une fois la portée du concept établie, la question est de savoir jusqu’à quel point les ambiances sonores entrent dans la constitution d’un rapport affectif au lieu. Selon nous, ces dernières sont plus qu’une simple dimension sensible de l’espace, mais participent de la constitution individuelle d’un rapport écouménal à l’espace urbain. Pour reprendre un terme cher à A. Berque, l’ambiance est une « médiance », qui traduit un couplage entre l’être et son environnement urbain (Berque, 1990) :
« […] Selon cette conception, le rapport homme-environnement est un couplage dynamique. Disons-le autrement : c’est l’association qui fait le sens et non pas les éléments en eux-mêmes. C’est l’association qui doit être mise au centre du projet de recherches. » (Chouquer, 2001)
L’ambiance et le rapport affectif interrogent cette association, entre l’homme et l’environnement urbain, au croisement entre les qualités concrètes de l’espace sensible (visuelles, sonores, olfactives, etc.), ses valeurs (d’usage, d’habiter), ses dimensions (réelle, symbolique, imaginaire) ; qualités qui n’existent que parce qu’elles affectent autant qu’elles sont affectées par la personne qui en fait l’expérience. De là découle un pan important de notre questionnement: dans quelle mesure les ambiances sonores (en tant qu’expérience qualifiée) ont elles un impact sur l’évaluation affective de l’espace urbain, et en fonction de quelles variables ? Nous supposons que l’étude de cette imbrication supposée entre les ambiances (ici sonores) et le rapport affectif à la ville chez une personne ne s’incarne sans doute pas de façon uniforme, mais doit tenir compte des variables associées à leur perception qui sont les qualités intrinsèques de l’ambiance sonore, la temporalité, le contexte spatial, le déplacement du corps dans l’espace (associé au concept de mobilité), la sensorialité, les pratiques et les facteurs sociodémographiques, cognitifs et perceptifs individuels.
Ambiance sonore et rapport affectif : perception et représentations
Les caractéristiques acoustiques en situation d’écoute : un critère d’évaluation affective ?
Le rapport affectif se définit en fonction des caractéristiques propres au lieu (aménités, civilité, urbanité, historicité) et propres aux individus (âge, sexe, CSP, mobilité résidentielle, modèle culturel, etc.) – Audas, 2015, p. 109-. De même, les ambiances telles quelles sont perçues par les individus -et en particulier les ambiances sonores- se différencient selon la spatialité des formes urbaines qui les reçoivent, mais aussi selon les pratiques et les usages qui les animent et les représentations qui y sont liées (Marry, 2013).
« La perception sonore est caractérisée par la précurrence, c’est-à-dire la perception à distance (puisque le sens auditif introduit cette notion d’éloignement). Mais la sensorialité, attachée à la perception sonore, ne doit pas occulter l’impact de la symbolisation et de la représentation sur l’organisation perceptive. En ce sens, la perception peut être caractérisée comme « un savoir à la fois connaissant et sensible » (Buytendijk, 1958)» (Marry et Arantes, 2012)
Solène Marry reconnaît que « les caractéristiques acoustiques (niveau sonore, nombre d’événements…) sont un des facteurs déterminants dans la perception sonore. » (Marry et Arantes, 2012.). Toutefois, de nombreux autres paramètres influent sur la manière dont ces caractéristiques sont perçues par les individus : que ceux-ci soient formels, situationnels ou organisationnels. Il en est ainsi de la densité architecturale, de la centralité du lieu étudié, la diversité et les formes d’habitats, etc. (Fig.2).
Son étude des rapports entre la forme des espaces publics et l’évaluation des ambiances sonores de trois places publiques grenobloises fait d’ailleurs apparaître que cette évaluation s’effectue en partie sur un registre affectif. Ainsi, plusieurs personnes interrogées sur leurs ressentis vis-à-vis des ambiances sonores des trois places étudiées s’expriment de la sorte :
« J’aime bien l’ambiance sonore en vie normale, en semaine » (id. p. 135), « Parce qu’en plus moi ce que j’aime bien c’est qu’on est sur une toute petite place » (id. p. 161), « Il y a quand même une ambiance particulière, mais moi j’aime beaucoup, j’aime bien» (id. p.162), etc.
On note à travers ces quelques expressions que l’amabilité de l’ambiance sonore peut donc s’appliquer à elle-même, en tant qu’ensemble intensif, ou bien s’appliquer aux variables qui la constituent (doux, calme, fort, cacophonique, etc.). Ces variables doivent ainsi être comprises moins comme une réalité acoustique objective et mesurable, que comme une évaluation personnelle et subjective de l’ambiance sonore perçue par l’individu, à partir de laquelle peut s’exprimer une relation affective.
Le concept de rapport affectif appliqué aux ambiances sonores nécessite-t-il de repenser la catégorisation des paramètres influant sur l’évaluation des ambiances sonores, en réhabilitant la place des caractéristiques acoustiques propres au signal sonore perçu ? C’est possible, à condition de ne considérer celles-ci que comme des représentations personnelles et subjectives. La posture d’écoute, en tant que positionnement psychophysiologique assoit la définition de l’ambiance sonore comme « temps qualifié » (Augoyard, 1994), doté de sens, en lien avec les sensibilités individuelles.
Aimer ou ne pas aimer : une question de temporalités
Nathalie Audas et Benoît Feildel ont démontré que la dimension affective de l’espace urbain était fortement conditionnée par la temporalité. Ils distinguent pour ce faire le rapport affectif à l’espace de l’attachement au lieu, qui est une dimension du rapport affectif articulée autour du sentiment d’appartenance :
« […] c’est précisément parce que le rapport affectif s’inscrit dans une dynamique temporelle que l’on observe alternativement ou plus durablement des phénomènes d’ancrage, de rejet, d’appartenance, etc. […]. Le rapport affectif est effectivement le résultat d’un processus permettant à l’individu d’éprouver des sentiments (sensation, impression,émotion) éprouvés à un instant t, qui se traduit progressivement dans des représentations, des sentiments pouvant se muer en souvenirs, en attentes, etc. envers un lieu. Il ne faut cependant pas le considérer comme un synonyme de la notion de « place attachment » (attachement au lieu), laquelle se conçoit nécessairement comme une construction dans la durée, souvent en lien avec l’avancée dans la vie d’un individu ou la durée de résidence et/ou de fréquentation du lieu. […] Être attaché à un espace ne peut résulter d’une réaction instantanée, sa durée de construction est relative à la pratique qu’en fait l’individu et à la conformité de celles-ci avec les représentations qu’il de fait de son lien à l’espace ». (Audas, 2015, pp. 109-110)
Or, les ambiances sonores, en tant que « temps qualifiés » s’inscrivent elles aussi dans une temporalité affective double, marquée d’une part par l’instantanéité que constitue le moment de la perception, et d’autre part par une construction qui s’établit dans la durée. Ainsi, le rejet des bruits de la ville et leur connotation négative (pollution sonore, cacophonie, suractivité, etc.) dans les discours des habitants du périurbain ou chez les néo-ruraux peuvent souvent s’expliquer par une exposition prolongée à ce type d’environnement sonore, et qui vient conforter un imaginaire spatial connoté négativement. A l’inverse, des phénomènes d’acclimatation ou d’oblitération sélective d’un certain nombre d’éléments du paysage sonore peuvent s’observer à partir d’un certain temps d’exposition à ce type d’environnement, qui dépend du vécu de chaque individu. Les recherches de Nathalie Audas ont démontré que ces deux grandes dimensions du temps (durée et moment) entrent en jeu dans la construction d’un rapport affectif à l’espace selon deux modalités : sensibles (qui se rattachent aux phénomènes de perceptions/émotion) et cognitives (qui se rattachent aux phénomènes de reconstruction permanente) – Fig. 3.
Les ambiances sonores et l’habiter, un jeu de miroir dans la construction d’un rapport affectif
D’un habiter l’espace à un habiter des lieux
Nous appréhendons le concept de l’habiter au sens de N.Audas, comme étant :
« […] le fait d’être au monde, d’avoir la conscience de n’habiter que par le monde par effet de projection de soi, se traduisant notamment par des phénomènes d’appropriation. Nous appréhendons ensuite ce concept en tant que manière de faire avec l’espace, déterminé par les compétences habitantes des individus dont les pratiques signifiantes avec, dans et sur l’espace sont le principal point d’intérêt » (Audas, 2015, p. 17)
L’objet de notre propos n’est pas de suivre la généalogie du concept d’habiter depuis Heiddegger (1958a, 1958b), mais bien de le comprendre comme la résultante d’un rapport affectif à l’espace, qui préexiste d’ailleurs à l’habiter puisque le rapport affectif peut tout aussi bien s’exprimer à propos de lieux que nous ne connaissons qu’en pensée, par la représentation que nous-nous en faisons. Dans la perspective sensorielle qui est la nôtre, nous tendons ainsi à penser que ce rapport se constitue à travers la formation et l’accumulation d’images sonores qui participent à la constitution d’un être-au-monde. N. Audas parle ainsi d’un « habiter affectivement les lieux » comme « un être-là affecté qui fait affectivement l’espace » (Audas, 2015, p. 10). Habiter les lieux signalerait ainsi la constitution et la reconfiguration permanente d’un lien entre l’homme et l’environnement de nature poétique et ontologique, relevant de la géographicité de l’être (Dardel, 1952) en tant qu’ « »inscription » primitive, présociale et affective » du terrestre dans l’humain et de l’homme sur la terre » » (Di Méo, 2013). Il s’agit donc pour le géographe de « montrer comment dans un environnement historique, culturel et social, l’homme construit sa propre réalité en articulant le fonctionnel et le symbolique et comment dans chaque lieu se côtoient le réel et l’imaginaire » (Bailly et Scariati, 2004).
L’habiter « sonore » des lieux : une géographicité affective
La théorie d’un habiter sonore des lieux prend lui aussi la forme d’une géographicité. C’est en tous cas ce que soutien François J. Bonnet dans Les mots et les sons (2012). Là encore, la formation d’image sonore est moins conditionnée par les caractéristiques du son en lui-même que par les phénomènes psychoperceptifs induits dans le cadre de l’écoute. L’écoute (quelle qu’en soit la forme) permet au sonore de devenir audible: « Avant même de prendre corps ou de devenir signal, le sonore – le son, pour être, doit faire trace » (Bonnet, p. 13). Cette capacité d’écoute, de faire trace, permet aux sons de dépasser leur dimension éphémère première. Appliqué au soundscape, Bonnet signale, en s’inscrivant dans la pensée de Jean-Luc Nancy, que cette disposition d’être à l’écoute révèle l’auditeur à lui-même comme un « être écoutant ». Cet état appelle alors à une prise de conscience d’être-au-monde, dans sa dimension audible, tout en se ressentant également constitué par ce même monde audible :
« Le soundscape [entendu comme l’équivalent sonore du landscape] apparaît en effet comme le champ phénoménal d’apparition orientant l’écoute vers une dimension intersubjective. »Le lieu sonore, écrit Jean-Luc Nancy, l’espace et le lieu -et l’avoir lieu- en tant que sonorité […] n’est donc pas le lieu où le sujet viendrait se faire entendre […], c’est au contraire un lieu qui devient sujet dans la mesure où le son y résonne. » Ainsi l’être à l’écoute, prenant conscience du monde audible qui l’entoure, tisse bien une relation entre sujets, celui écoutant et celui résonnant. Le paysage sonore, le soundscape, se comprend alors comme la mise en unité espace-temps de tous les sons qui se présentent à l’écoute, dans un instant et un lieu donné. » (Bonnet, 2012, p. 59).
La dimension sonore de cette relation au monde ne forme sans doute qu’une part du rapport affectif aux lieux, mais il s’exprime selon les mêmes modalités. Ce qui paraît logique à partir du moment où le rapport affectif est le résultat d’un processus permettant d’éprouver des sentiments s’établissant dans la durée, à partir de la réactivation de ses émotions précédemment ressenties dans l’instantanéité (Audas, 2015, p. 108). Aussi serait-il nécessaire de se pencher sur les mécanismes de perception du son qui sont à l’origine de la formation d’images mentales, qui signaleraient ce « faire trace » du sonore. Cette réhabilitation du concept de l’image (sonore ici) et de l’imaginaire spatial (comme phénomène de production d’images sur et à partir d’un lieu) pourrait ainsi devenir un objet d’étude en soi, permettant d’expliquer les relations entre le rapport affectif et l’habiter sensible.
Opérabilité du rapport ambiance-affectif en urbanisme et en aménagent du territoire
Du discours
La dimension affective du rapport à la ville (ou par extension du rapport à l’espace en général) pourrait paraître par trop éloigné des nécessités matérielles de constitution de politiques territoriales cohérentes, ou de projets urbanistiques adaptés au contexte socio-spatial. Dans un article de 2013, Benoît Feildel a montré qu’il n’en est rien. Il souligne ainsi la revalorisation des affects dans nos sociétés :
« Ce revirement, que l’on peut notamment mesurer à travers la montée en puissance de valeurs aussi diverses que l’hédonisme, l’empathie, la demande de reconnaissance, la sensibilité, s’exprime également dans le champ de l’aménagement de l’espace et de l’urbanisme ». (Feildel, 2013)
D’une part parce que (sans forcément s’en rendre compte) les professionnels de l’aménagement font intervenir des éléments de langage qui relèvent des affects. Ne serait-ce qu’à des fins de communication, afin de susciter un sentiment d’adhésion ou pour inciter les habitants à participer à la vie locale 10 (Feildel, 2010). Quitte à ce que la sémantique développée autour des affects devienne un moteur important (sinon le seul) dans la construction et l’affirmation des territoires (Genestier, 2009). La place croissante accordée à la question esthétique dans les conflits liés aux projets d’aménagement, plutôt que de porter sur leur dimension fonctionnelle, incite également à renouveler la façon dont est pensée l’action publique, en accordant une importance plus marquée aux affects. D’autre part, parce que l’affirmation d’une prise en compte des représentations, des préférences et du vécu des habitants par l’urbaniste fait elle aussi appel à une dimension affective de l’espace considéré. Et que si elle représente un « impensé scientifique » (Feildel, 2013), elle est déjà une réalité à l’oeuvre dans certains projets. B. Feildel s’inscrit ainsi dans la lignée d’Anderson et Holden (2008), qui proposent de qualifier d’ « Affective urbanism » les dynamiques de transformation des espaces qui accompagnent les politiques publiques d’envergure, du fait du vocabulaire conceptuel invoqué, essentiellement axé sur le champ sémantique des affects et des émotions.
A la pratique
Ville aimable, ville durable
Un autre phénomène qui peut intéresser de près les professionnels de l’aménagement est celui entre « ville aimable » et « ville durable ». Ce rapport repose sur la théorie que la sphère de l’affectivité est un moteur puissant de transformation des comportements, en lien avec les attentes du développement durable. Il ne s’agit pas de penser qu’une ville est forcément durable si son évaluation affective est connotée positivement, ou bien qu’une évaluation affective négative serait la preuve d’une ville non durable, mais d’émettre l’hypothèse que « la ville aimable est plus le signe de la ville durable que l’inverse ». Plusieurs projets d’aménagement prenant en compte la dimension sonore de l’espace en lien avec une participation habitante ont ainsi vu le jour. Signalons à cet égard le colloque organisé par le Centre d’Information et de Documentation sur le Bruit le 3 avril 2012 à la Maison des Travaux publics à Paris portant ce titre évocateur : « Eco-quartiers et environnement sonores : de la lutte contre le bruit à la conception d’une ambiance sonore confortable », présentant des réalisations concrètes affichant aller en ce sens. Nous pouvons citer à titre d’exemple l’écoquartier Flaubert à Rouen ou encore le nouveau quartier de La Courrouze à Rennes, pour qui Roland Gicquel, du service Environnement-Energie de Rennes Métropole, avait affirmé vouloir développer une « Culture partagée de l’environnement sonore », sans pour autant préciser ce qu’il entendait par là, ni sur les moyens d’y parvenir D’autre part (sans qu’il y ait nécessairement contradiction avec la première vision), cette notion de « désirabilité » peut se comprendre comme un moyen de placer la notion de bien-être de l’usager au coeur de la conception des aménagements. Lucile Grésillon, dans un travail centré sur la perception des odeurs de cinq espaces parisiens, promeut ainsi un urbanisme qui prenne en compte « le désir que l’on a d’habiter ou de parcourir un endroit, le plaisir que l’on projette d’y éprouver. ». Effectuant des va et vient entre la géographie, les autres sciences sociales et les neurosciences, elle affirme ainsi que pour qu’un espace soit porteur d’un sentiment de bien-être, « l’important n’est pas le plaisir mais le désir, l’essentiel reste donc de rendre les milieux urbains désirables ». Concrètement, cet objectif prend la forme d’une évaluation in situ des sources multi-sensorielles de bien-être du point de vue de la population, menant à deux pistes permettant un aménagement « désirable » des lieux : supprimer les objets sensoriels ressentis comme négatifs d’une part et travailler sur des dispositifs qui permettent une excitation sensorielle plurielle d’autre part (Grésillon, 2010). On pourra donc à notre tour s’interroger sur la façon dont sont perçues les ambiances sonores, sur leur rôle dans l’émergence d’un sentiment de bien-être ou de mal-être, ainsi que sur la façon dont ce matériau peut être intégré dans les projets d’aménagements.
Identité et mobilité, des perspectives de projet à développer
La question de l’identité spatiale des villes s’affirme de plus en plus au sein des recherches en sciences de l’espace, les opérations de communication urbaine, mais aussi de façon concrète dans la conception et l’aménagement urbain. Le matériau sonore est ainsi utilisé afin de donner à l’espace urbain une cohérence que les temporalités successives de sa constitution ont pu lui faire perdre. Dans le cadre des aménagements liés aux mobilités intra-urbaine, les exemples sont légions : annonces vocales profilées dans les transports en commun, mapping et diffusion d’enregistrements sonores immersifs dans des tunnels piétons ou le long des routes, etc. (Belgiojoso, 2010). Or, la construction d’un rapport affectif à l’espace est la résultante de la constitution d’un système de lieux, déterminé en partie par les mobilités individuelles, dans le cadre desquelles des effets de liens répondent aux effets de lieux (Feildel, 2010). La mobilité revêt ici une double réalité : elle permet à la fois de relier entre eux des lieux d’ancrage affectifs, mais aussi de renvoyer à des « lieux-mobiles» comme la voiture ou le train, auxquels on peut être attaché. Le prisme des mobilités peut éventuellement être une piste, dans l’objectif de dépasser l’horizon du lieu, pour aborder le rapport de la personne à la ville dans son ensemble, comme l’a fait D. Masson (2009) en présentant l’expérience du déplacement urbain dans les transports en communs comme un moment de constitution d’un rapport personnel et subjectif à la ville, approchant l’ambiance urbaine en tant qu’ensemble. Or, D. Martouzet le souligne bien en parlant du rapport affectif:
« […] jusqu’à présent la réflexion a porté sur les lieux urbains, de l’échelle d’une place par exemple, et si l’on voit bien la possibilité d’appliquer la démarche à des échelles urbaines plus vastes comme le quartier ou le centre d’un bourg, ce sera sans doute moins facile en ce qui concerne l’échelle des agglomérations ». (Mathieu, Martouzet, id., p. 46)
Il est tout à fait envisageable de penser que les ambiances sonores puissent être une des façons de révéler ces effets de lieux et ces effets de liens via les modalités de perception de leurs caractéristiques acoustiques et de leur « degré d’amabilité », révélateur du rapport affectif personnel à la ville dans son ensemble.
Réflexions préalables à la constitution d’un dispositif méthodologique cohérent
Une méthodologie contemporaine de l’appropriation du corpus existant
Devant un état de l’art très étendu, recouvrant de multiples approches du sujet, il a fallu réfléchir à l’élaboration d’un dispositif méthodologique nous permettant, sinon de répondre en totalité à la question du rôle des ambiances sonores dans la construction du rapport affectif à l’espace, du moins de vérifier la validité de ce rapport sur le terrain. Condition nécessaire à cette validation, nos résultats doivent ainsi exprimer une relation de type causale autant que modale (qui réponde au « pourquoi ? » et au « comment? »), afin d’étudier les manifestations de ce rapport dans la psyché et les discours individuels, mais aussi dans les représentations et les pratiques collectives. Signalons tout de suite la contemporanéité de notre prise de connaissance de l’état de l’art sur cette question d’un côté, et l’élaboration du dispositif méthodologique de l’autre. Cette dimension parallèle de la construction de notre travail de recherche a pu représenter un atout en favorisant les correspondances entre la théorie et la pratique, entre les concepts et les observations de terrain en nous permettant d’effectuer des relations fructueuses entre ces deux espaces d’investigation. Elle a pu représenter également une faiblesse sur le plan strictement méthodologique, lorsque nous pouvions lire des constats et des réflexions déjà effectués par certains alors que le processus de collecte était déjà en cours. Les résultats ainsi obtenus nous ont donc au moins permis de corroborer ces constats, voire, dans certains cas de les nuancer.
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Table des matières
Remerciements
Sommaire
Introduction
Première partie : L’espace sonore et le sensible, un outil d’analyse du rapport affectif à l’espace
I. La dimension sonore des espaces urbains
I. 1. Murray Shafer et l’écologie acoustique : à l’origine du Soundscape
I. 2. Le sonore : un objet géographique et urbanistique
I. 3. Approches historiques et anthropologiques du monde sonore
II. Le rapport affectif à la ville et les ambiances sonores, deux vecteurs de compréhension du fait urbain
II. 1. Genèse d’un rapport théorique
II. 2. Ambiance sonore et rapport affectif : perception et représentations
II. 3. Les ambiances sonores et l’habiter, un jeu de miroir dans la construction d’un rapport affectif
III. Opérabilité du rapport ambiance-affectif en urbanisme et en aménagent du territoire
III. 1. Du discours
III. 2. A la pratique
Deuxième partie : Retour sur les étapes de construction d’une démarche méthodologique et premiers résultats
I. Réflexions préalables à la constitution d’un dispositif méthodologique cohérent
I. 1. Une méthodologie contemporaine de l’appropriation du corpus existant
I. 2. Une méthodologie conditionnée par l’élaboration progressive de notre question de recherche
I. 3. Le choix du terrain d’enquête
II. Une enquête quantitative de qualification des ambiances sonores : un paradoxe efficace ?
II. 1. Présentation générale du dispositif : une enquête immersive
II. 2. Le choix des ambiances sonores proposées à l’écoute
II. 3. Évaluer affectivement les ambiances sonores
II. 4. Description des variables pouvant entrer dans la constitution d’un rapport affectif aux ambiances sonores
III. Premiers résultats et analyses
III. 1. Aperçu des tendances globales
III. 2. Les caractéristiques du signal sonore perçu dans la constitution d’un rapport affectif aux lieux
III. 3. Conclusions intermédiaires et axes de perfectibilité du dispositif méthodologique
Troisième partie : L’imaginaire sonore des lieux, l’expression d’un réel affecté par la production d’images
I. L’imaginaire sonore : un objet urbanistique et géographique
I. 1. De l’image de la cité à l’imaginaire sonore
I. 2. Ambiances sonores, imaginaire urbain et rapport affectif à la ville
I. 3. Mise en évidence d’un imaginaire sonore affecté : champs lexicaux et images associées
II. L’imaginaire sonore, où le surgissement de l’image dans le champ de l’écoute
II. 1. Du rapport affectif à l’espace, à l’image sensible affectée
II. 2. L’image sonore : tentatives de contours d’un concept clef
II. 3. Le phonoscène, l’individu et la ville : tentative de modélisation d’une rencontre affective indirecte entre soi et le monde
Conclusion générale
Bibliographie
Table des matières
Table des figures
Annexes
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