L’IMAGINAIRE FORMATEUR
Ma jeunesse entre rรชve et rรฉalitรฉ Bรฉbรฉ, j’รฉtais selon les dires de ma mรจre, plutรดt tranquille.
C’est plus tard que les choses se sont compliquรฉes. Je me souviens d’avoir vu la peur dans les yeux de mes parents lorsque toute petite, je me roulais par terre pour exprimer mes frustrations. Lorsque je pleurais des soirรฉes entiรจres dans ma chambre, personne ne venait me voir. Ils ne me comprenaient pas. Pour eux, j ‘ รฉtais ยซ la compliquรฉe ! ยป J’ai grandi dans un de ces comme tant d’autres. Beaucoup d’ enfants ร cรดtoyer avec toutes les chicanes; ils voulaient que je prenne partie et moi, je me sentais plutรดt mal ร l’ aise dans les conflits. Heureusement, il y avait les champs derriรจre la maison qui m’ accueillaient pour rรชvasser, m’รฉloigner de toute cette agitation et.. . il y avait aussi les livres pour m’รฉvader. ร la maison, mes frรจres me taquinaient ร qui mieux mieux et s’amusaient ร me traiter de noms: ยซ le petit gars manquรฉ ยป, ยซ la grosse ยป, ยซ l’รฉlรฉphant. ยป Je sais que c’รฉtait plus qu’ exagรฉrรฉ.
Ils m’ ont appris que les mots peuvent รชtre trรจs blessants et on me reconnaรฎt aujourd’hui comme quelqu’un d’hypersensible aux mots. Je me fais un devoir personnel de prendre soin des mots que j ‘utilise et de n’appeler la personne que par son prรฉnom. J’estime que c’est lร une affaire de respect et de dignitรฉ personnelle. Quelquefois, je suivais mon pรจre ร son travail dans les bois. Je me souviens, je devais avoir entre 6 et 8 ans. J’รฉtais assise dans le camion, รงa sentait l’ huile et j ‘ รฉtais bien; je regardais dรฉfiler le paysage. On se parlait peu. Parfois, il tentait de m’expliquer l’essence des arbres et le sens des responsabilitรฉs. J’acquiesรงais distraitement ร ses propos car mon attention รฉtait ailleurs: tous mes sens รฉtaient interpellรฉs. Le parfum de la forรชt, la couleur des fleurs, la douceur du vent, la course des nuages, le chant des feuilles et celui des oiseaux. Alors papa montait sur sa chargeuse et moi je jouais ร m’ inventer des histoires. Je partais en quรชte d’un trรฉsor, d’ un morceau de bois ou d’ une roche.
Qu ‘ importe, tout cela me laissait une bienheureuse sensation d’รฉternitรฉ; rien ne venait alors me dรฉranger, ni mes frรจres , ni ma mรจre. Je jetais de temps en temps un coup d’ oeil ร mon pรจre, je regardais les billots s’ empiler sur la remorque et je retournais dans mon univers. Il Y avait la paix dans mon coeur, j’รฉtais en sรฉcuritรฉ. Je pouvais m’ imprรฉgner de cet environnement privilรฉgiรฉ. Pas de contrainte, pas de moquerie, pas d’effort ร faire pour faire plaisir aux autres. J’รฉtais tout simplement heureuse mais un bonheur que je ne partageais avec personne. Je me souviens aussi de tous ces beaux moments passรฉs ร la campagne chez ma tante Magella. C ‘รฉtait pour moi, la vraie vie. Ma tante et ses tomates, son รฉnorme jardin … ses petites attentions, son omniprรฉsence, sa faรงon de prรฉparer les repas. Tout ce qu’ elle a donnรฉ, c’ est incroyable . .. e sais ร quel point elle s’ oubliait lร -dedans mais combien elle a semรฉ en moi : les pique-niques, les lilas et les balanรงoires. C’รฉtait une fรฉe! Coudre, traire les vaches, laver les oeufs, en faire la livraison, recevoir tous mes tantes, mes oncles, mes cousines et cousins avec autant de prรฉsence et d’ amour.
Couple et famille: du rรชve et de la rรฉalitรฉ! ร peine 20 ans et je me marie ร l’รฉglise. Mon รฉpoux et moi, nous nous construisons une petite maison sur le lot de ses parents. Nous rรชvions tous les deux (2) de vivre ร la campagne: lui pour la chasse et la pรชche, moi pour la tranquillitรฉ et pour l’appel et la proximitรฉ de la nature. Tout notre temps et tout notre argent sont alors investis pour la maIson. Huit (8) mois plus tard, je suis enceinte. J’arrรชte de travailler ร la Caisse Populaire, je veux รชtre totalement prรฉsente pour mon enfant. Je reste ร la maison : j’apprends la couture, le tricot et je fais du pain. C’ est le temps des sucres. D’ailleurs, ce fut le plus beau printemps de notre vie en commun. Il se levait tรดt et moi ร mon rรฉveil, je prรฉparais notre dรฎner et j ‘ allais le rejoindre dans le bois. Je le regardais travailler, je humais le grand air et contemplais la nature. J’รฉtais comblรฉe: marcher dans les bois, rรชver ร ma petite famille, ne pas avoir de pressions extรฉrieures.
Une vie de rรชve quoi !. .. Avec un sentiment de dรฉjร -vu. Sept (7) ans plus tard, ce dont j’avais rรชvรฉ avait peu ร voir avec ma rรฉalitรฉ. Nous en รฉtions ร notre deuxiรจme maison et je n’avais pas su me constituer un rรฉseau d’amis. Je partageais le quotidien avec un conjoint qui hรฉlas, ne comprenait pas mes รฉtats d’รขme. J’avais donnรฉ naissance ร trois (3) enfants que j’aimais beaucoup et ร travers cela, fait une fausse-couche… Tout cela dรฉjร et je n’avais que 26 ans. J’assumais pleinement mon rรดle de bonne maman ร la maison; je prenais soin de la maison et aussi de bien nourrir ma famille avec un petit budget. Je prenais plaisir ร regarder grandir mes enfants, ils me fascinaient. Mon mari travaillait 60 heures par semaine avec mon pรจre. Et moi qui l’attendais inlassablement ร la maIson … comme il m’arrivait souvent, รฉtant enfant, d’attendre et de guetter le retour de mon pรจre. Et un peu beaucoup comme mon pรจre, ce conjoint demeurait souvent interdit devant toutes mes grandes questions existentielles et devant mes attentes intรฉrieures. Face ร mon questionnement et ร mon mal-รชtre intรฉrieur il ne savait que dire, que faire … il n’avait somme toute, que son silence et sa peur ร m ‘ offrir. Je vivais avec le pรฉnible sentiment que tout allait s’รฉcrouler. Les difficultรฉs se succรฉdรจrent: problรจmes conjugaux, financiers et familiaux. Je n’ en pouvais plus! J’รฉtouffais! Je ne voyais plus rien! Je m’enlisais dans une noirceur, une peur qui me paralysait.
J’รฉchouai donc en psychiatrie. Et pour m ‘รชtre trop et mal donnรฉe, on m’ enferma dans une prison d’ attente et de non accueil. PAPIERS !. .. on ouvre la porte du dรฉpartement et on la verrouille derriรจre nous. Je m’ รฉcroule le long du corridor. Je me replie, je me sens menacรฉe, je ne vois plus rien .. . des ombres autour de moi: je suis morte de peur ! Lorsqu’ ils me prรฉsentent au mรฉdecin psychiatre, je me recroqueville encore plus fortement vers l’ intรฉrieur. Son attitude distante, ses propos, sa froideur, ne me rassurent en rien et je me sens encore plus menacรฉe. Je crois qu’ il faut vivre cela une fois dans sa vie pour se rendre compte que socialement, nous avons crรฉรฉ des structures qui souvent, oublient la personne avec tout ce qu’ elle porte. De toute รฉvidence, mon attitude dรฉmontrait l’ ampleur de mon dรฉsarroi intรฉrieur et tout ce que l’ on m’ aura offert alors comme accueil, aura รฉtรฉ l’ enfermement. On m ‘enferma bel et bien et cela, de toutes les faรงons possibles: chimiquement et physiquement.
Un mois aprรจs mon hospitalisation et malgrรฉ toute l’ ingestion d’une mรฉdication quotidienne, je signifie mon refus de poursuivre le traitement et je repars chez moi. J’ai dรป retourner ร l’hรดpital parce que mon corps รฉtait en manque de tout ce chimique qu’on m’obligeait ร prendre. ร mon retour, mรชme pas un bonjour (ils savaient que je reviendrais). Je n’รฉtais rien, juste un numรฉro. Je devais me taire, encore me taire, faire ce qu’ils voulaient et croire ce qu’ils me disaient. J’ai donc choisi de faire la bonne fille pour avoir la permission de sortir et afin d’รฉviter de me faire attacher comme on le faisait avec d’autres. Pour eux, j’รฉtais dรฉcomptรฉe. C’est ainsi que j’ai jouรฉ leur jeu pour sortir de ces murs. J’avais 27 ans et on m’avait condamnรฉe invalide; j’รฉtais une morte vivante surmรฉdicamentรฉe. Je vous raconte tout cela parce que de cette expรฉrience, j’ai appris l’importance de l’accueil, de l’รฉcoute et de la qualitรฉ de prรฉsence. Le fait d’รชtre assise ร me bercer avec toutes ces personnes souffrantes, j’ai aussi compris que nous รฉtions tous dans la mรชme galรจre existentielle.
Je ne faisais plus confiance ร personne. J’รฉtais vide, vide. Malgrรฉ tout, il y avait en mOl ร travers ce brouillard de noirceur et de souffrances, une pensรฉe qui m’aidait ร continuer et ร me dรฉbattre: mes filles. Malgrรฉ mon รฉtat pitoyable, je devais m’occuper d’elles. C’รฉtait difficile parce qu’en dedans de moi, je savais que je ne leur offrais pas l’essentiel: l’Amour, la chaleur et la tendresse. C’est alors que je me suis dรฉcidรฉe d’aller voir mon mรฉdecin de famille afin qu’il m’aide ร vivre mon sevrage de toute cette mรฉdication. Il m’a offert son aide d’une faรงon merveilleuse. Il croyait en moi et je le sentais. Je savais que ce combat รฉtait le mien mais de me savoir appuyรฉe, cela a vraiment fait la diffรฉrence. Pendant le sevrage, je tremblais continuellement et mes enfants (รขgรฉes de 1 an, de 4 ans et de 5 ans) ont eu ร supporter ce spectacle dรฉsolant. Alors que j’รฉtais dans cet รฉtat, aucun adulte n’aura eu le courage de passer une journรฉe avec moi. Mon sevrage s’est terminรฉ ร l’hรดpital dans un tout autre contexte que celui de la psychiatrie.
ร tous les jours, le mรฉdecin me donnait un peu de son prรฉcieux temps. La qualitรฉ de sa prรฉsence me donnait l’impression qu’il n’y avait que moi qui existait, cela faisait tellement de bien. Enfin, quelqu’un qui n’avait pas peur de moi et de mes questionnements. Enfin, je pouvais lire et me reposer sans me prรฉoccuper des autres. Toute l’attention que me prodigua ce mรฉdecin et le fait qu’il m’autorisa ร prendre mon temps m’aura permis d’รฉmerger plus rapidement de ce trou noir et aura accรฉlรฉrรฉ le processus de rรฉtablissement. Au terme d’un mois d’hospitalisation, j’en ressortais avec un goรปt de vivre fraรฎchement retrouvรฉ. Je retrouvais des enfants ร aimer. .. des rรชves ร partager et surtout, une femme ร mettre au monde. En ce mois d’octobre 1989, un merveilleux sentiment d’รชtre vivante m’habitait enfin. Je vous fais part maintenant, de trois (3) cadeaux de femmes reรงus pendant cette
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Table des matiรจres
MERCI ร VOUS TOUS …
RรSUMร
TABLE DES MATIรRES
TABLE DES MATIรRES
INTRODUCTION GรNรRALE
L’HIVER
CHAPITRE 1 – LA PLACE DE L’IMAGINAIRE DANS MON TRAJET DE VIE ET DANS MA PRATIQUE PROFESSIONNELLE
1.1 Ma jeunesse entre rรชve et rรฉalitรฉ
1.2 Couple et famille: du rรชve et de la rรฉalitรฉ!
1.3 Ma vie professionnelle entre rรชve et rรฉalitรฉ
1.4 Mes enfants: porteurs de rรชves
1.5 Mes personnages d’ intervenante : porteurs de rรฉalitรฉ
Naissanced’Amanda: 1991
Naissance de Cรฉlestine : 1997
Naissance d ‘Amandine: 2003
Naissance d’Emma: 2003
1.6 D’ un trajet de vie ร une problรฉmatique de recherche
1.6.1 La pertinence personnelle de cette recherche
1.6.2 De la pertinence personnelle ร la pertinence sociale de l’ imaginaire dans l’intervention
1.6.3 Problรจme de recherche
1.6.4 Objectifs de recherche
1.6.5 Questions de recherche
LE PRINTEMPS
CHAPITRE 2 – L’IMAGINAIRE FORMATEUR
2. 1 La psychologie de l’ imaginaire
2.2 Les rรชves รฉveillรฉs
2.3 Rรชves et symboles
2.4 Le processus d’individuation
CHAPITRE 3 – RรVE ET RรALITร AU FรMININ
3.1 Anima et animus
3.2 La femme sauvage
3.3 De mรจres en filles L’รTร
CHAPITRE 4 – MรTHODOLOGIE
4.1 Prรฉsentation des terrains de recherche
4.2 Recherche heuristique
4.3 Rรฉcit de vie ou production de connaissances
4.4 Le journal
CHAPITRE 5 – MON CADRE D’INTERVENTION SE DESSINS
5.1 L’imaginaire des saisons; une transformation
5.2 Ma pratique d’accompagnement ร partir de l’imaginaire de quatre personnages
archรฉtypes fรฉminins
5.2.1 Tournรฉe des municipalitรฉs
5.2.2 Animation
5.3 Les quatre saisons des ateliers ยซ Dรฉfinir mon projet professionnel ยป
5.3.1 Ma dรฉmarche
5.3.2 Les Reines des prรฉs
5.3 .3 Les ateliers au village de Ste-Jeanne L’AUTOMNE
CHAPITRE 6 -ANALYSE DE MA PRATIQUE
6.1 Accompagnement en quatre temps, un tempo ร conserver
6.2 Les porteurs de rรฉalitรฉ
6.2 .1 Prรฉsentation ร un groupe de chercheurs
6.2.2 To urnรฉe dans les municipalitรฉs
6.3 L’atelier: ยซ Dรฉfinir mon projet professionnel ยป
6.4 La place de l’ imaginaire sur le devenir-femme
6.4.1 L’ impact des accompagnements sur mon devenir-femme
6.5 Les limites de ma recherche
6.6 Pistes de questionnement d’ une praticienne-chercheure
MA PRATIQUE RENOUVELรE, UN DEVENIR-FEMME TRANSFORMร
CONCLUSIONS GรNรRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
Annexe 1: Documents remis ร mes collรจgues pour prรฉsenter ma dรฉmarche
de recherche
Annexe 2: Confรฉrences, tรฉmoignages et autres
Annexe 3: Outils rรฉalisรฉs durant la recherche
Annexe 4 : Rรฉsultats des questionnaires d’ รฉvaluation
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