L’imagerie spectrale Infrarouge et Raman

L’imagerie spectrale Infrarouge et Raman

Aujourd’hui, les systèmes d’acquisition ne sont plus limités à l’obtention de spectres d’absorption ou de diffusion mais permettent aussi de dresser des cartes en deux ou trois dimensions caractéristiques d’espèces moléculaires dans des échantillons complexes [2,3]. Dans cette partie, nous présentons le principe de l’imagerie spectroscopique infrarouge et Raman pour l’obtention d’une image « chimique ». De manière générale, une instrumentation d’imagerie spectrale utilise une source, un microscope couplé à un spectromètre et un système d’acquisition pour la collecte des données spectrales. Un microscope permet une focalisation de la lumière sur la zone de l’échantillon que l’on souhaite sonder. Il permet aussi la collecte du rayonnement réémis ou non absorbé par l’échantillon analysé. On associe à ce microscope une platine motorisée permettant un déplacement de l’échantillon dans les directions x,y , et parfois z . Certains microscopes sont munis d’objectifs avec un système autofocus pour contrôler au mieux son positionnement à la surface de l’échantillon. Le principe de l’imagerie spectroscopique est d’obtenir des images spectrales donnant la distribution spatiale d’un constituant de l’échantillon par des systèmes d’imagerie sélective. Ils permettent d’isoler dans le spectre les radiations liées à un mode de vibration caractéristique d’une espèce chimique particulière . Les techniques spectrales peuvent ainsi être classées en deux catégories :

o L’imagerie directe (Global Imaging)
Elle correspond à un éclairement global de l’échantillon et à l’enregistrement d’une image monochromatique par un détecteur bidimensionnel
o L’imagerie reconstruite
Elle implique une exploration de l’échantillon par une source soit point par point (mapping), ligne par ligne. La détection correspond dans ce cas à soit une détection monocanal, multicanal linéaire ou bidimensionnel.

On constate alors que la méthode a priori la plus attrayante est l’imagerie reconstruite avec une détection multicanal à deux dimensions. En effet, l’imagerie directe n’est possible qu’à une seule longueur d’onde. Cependant, la reconstruction d’image peut être longue en terme d’acquisition pour du point par point ou pour du ligne par ligne. Leurs avantages reposent néanmoins sur un gain notable en résolution spatiale et en gain d’intensité (meilleur contraste). Quelle que soit la méthode de reconstruction d’image spectrale infrarouge ou Raman employée, les données obtenues sont toutes sous la forme d’un « cube ». Il s’agit d’une matrice tridimensionnelle de taille x × y × λ . Les dimensions x × y correspondent au nombre de micro-zones d’analyse appelées pixels sur un domaine spectral donné.

Génération d’images chimiques par la méthode dite « classique » 

De manière classique, la production d’une image spectrale s’effectue en connaissant l’ensemble des constituants de l’échantillon étudié et en utilisant les spectres de référence associés (Figure 2). Grâce à cela, il est possible de sélectionner une bande spectrale caractéristique et spécifique d’un des constituants. Après l’intégration de l’aire sous ce pic, une cartographie de l’analyte est déduite. Il est donc important de sélectionner une bande spectrale propre à un seul constituant et d’éviter les contributions d’autres constituants présents dans l’échantillon .

La méthode dite classique est l’approche la plus simple en imagerie spectrale. C’est certainement d’ailleurs la plus exploitée. Cette méthodologie comporte cependant plusieurs désavantages [6]. Il y a, tout d’abord, nécessité de connaître a priori tous les constituants purs de l’échantillon. Si cette hypothèse n’était pas vérifiée, nous pourrions par exemple sélectionner une zone spectrale non sélective et donc surestimer les concentrations. Nous pourrions ainsi générer des pixels présentant une concentration du composé d’intérêt alors qu’il n’est pas présent dans la zone considérée. Autrement dit, la cartographie serait biaisée et par conséquent non représentative de la réalité analytique. Plus encore, lorsqu’il existe un fort recouvrement spectral comme par exemple en spectroscopie proche infrarouge (large bande passante et / ou complexité de l’échantillon), il est irréalisable d’identifier une zone spectrale sélective. Le premier paragraphe montre qu’il peut sembler trivial de générer des images. Nous ne devons néanmoins jamais oublier les hypothèses de travail pour y parvenir. De plus, il serait difficile, voire même impossible de détecter, d’identifier et de produire des cartographies pour des composés non attendus. Malgré ces inconvénients, cette méthode d’imagerie dite «classique » reste répandue, puisqu’elle suffit dans la majorité des cas .

Sur des échantillons complexes, il est possible de palier à ces différentes difficultés en utilisant des outils chimiométriques. Ces approches permettent d’extraire sans aucune connaissance au préalable sur l’échantillon, les spectres des espèces pures ainsi que leurs cartographies respectives. Il n’est donc pas nécessaire de sélectionner une zone spectrale caractéristique.

Génération d’images chimiques sans a priori sur un échantillon complexe

Depuis plusieurs dizaines d’années, la chimiométrie a démontré son potentiel d’analyses multivariées exploitant donc l’ensemble des données spectrales. Parmi toutes ces méthodes, la résolution multivariée de courbe est au centre des préoccupations depuis de nombreuses années. L’objectif affiché de ces méthodes est l’extraction simultanée et sans a priori des spectres et des concentrations des espèces pures à partir des données spectrales de mélanges. A l’origine, ces méthodes étaient basées sur l’analyse factorielle *7,8]. Les tous premiers travaux dans ce domaine date de 1971 lorsque Lawton et Sylvestre introduisirent pour la première fois une méthode de résolution de spectres UV-visible basée sur une analyse en composantes principales sous contrainte de non-négativité [9]. Néanmoins cette méthode n’était applicable qu’aux systèmes à deux espèces chimiques. Il a fallu attendre 1985 pour qu’elle soit étendue à des systèmes de trois composantes *10]. En 1987, elle est généralisée à K composantes [11]. Les années 90 voient le développement de méthodes de résolutions spectrales de plus en plus performantes.

L’intérêt que suscitent ces méthodes s’explique en partie par leur adaptabilité leur permettant d’envisager la génération d’images chimiques d’une manière originale et certainement plus pertinente par rapport à l a méthode classique d’intégration.

Le prétraitement des données spectrales

Lié à l’interaction rayonnement / matière, le spectre contient irrémédiablement des informations d’ordre chimique mais aussi physique. Cette perturbation physique a ainsi tendance à masquer les informations spectrales d’intérêt voire même les déformer. En spectroscopie proche infrarouge par exemple, le phénomène de diffusion induit par la variation de taille des particules est à l’origine du décalage de la ligne de base des spectres. En spectroscopie Raman, les phénomènes de fluorescences peuvent aussi masquer des informations importantes. C’est d’ailleurs pour ces différentes raisons qu’il est parfois important d’utiliser un prétraitement sur les données de départ avant toutes analyses chimiométriques. Il existe de nombreuses méthodes de correction des données permettant de réduire les variances liées aux informations physiques lorsqu’elles ne sont pas désirées et de retrouver ainsi la variance chimique d’intérêt [31,32]. Dans ce paragraphe, nous présenterons les deux méthodes exploitées dans le cadre de la thèse.

a. La méthode Weighted Least Squares (WLS) [33,34]
C’est une méthode permettant de supprimer la déviation de la ligne base par une régression des moindres carrés. Ce prétraitement est généralement utilisé sur des données spectroscopiques avec des problèmes de diffusion. L’algorithme détermine automatiquement les points impliqués dans la ligne de base. Il fait cette investigation de façon itérative et détermine une sorte de ligne de base de référence. On appelle aussi cette méthodologie asymmetric weighted least squares. L’avantage de cette approche permet d’éviter de créer des pics d’intensité négative.

b. Lissage et dérivée suivant la méthode de Savitzky-Golay [35]
La dérivée a été historiquement le premier prétraitement utilisé. Elle permet de réduire la dérive de la ligne de base [36+, de séparer plus clairement des bandes d’absorption [37+ et d’exalter l’information spectrale *38]. Les données sont ajustées à un polynôme d’un certain degré (souvent d’ordre 2) dans une fenêtre spectrale sélectionnée [35,39]. Il est alors aisé de calculer la dérivée en un point connaissance l’équation de ce polynôme. Un lissage est préalablement effectué car le fait de dériver à tendance à réduire le rapport signal sur bruit.

La notion de rang sur les matrices expérimentales et sa détermination

Lorsque l’on effectue une analyse sur des données en imagerie spectroscopique, il est primordial de déterminer le nombre d’espèces chimiques présentes dans l’échantillon. On parle alors de rang chimique par analogie au rang mathématique d’une matrice. C’est en fait le nombre de lignes ou de colonnes indépendantes dans cette matrice. Si nous prenons la définition du rang d’une matrice en algèbre linéaire, il correspond à la dimension du sousespace vectoriel engendré par cet ensemble. Le rang représente donc le nombre de contributions « pures » pour décrire l’ensemble des mesures. On considère ici que chaque enregistrement est une combinaison linéaire de ces contributions pures. C’est le principe de bilinéarité. Le lien entre le rang chimique et le rang mathématique est complexe. Lorsque nous avons à faire à des données enregistrées non affectées par du bruit, le rang chimique est équivalent au rang mathématique. On pourrait alors penser qu’il suffit d’utiliser des principes d’algèbre linéaire et de calculer le rang mathématique de la matrice de données pour déterminer le nombre d’espèces chimiques. Ce cas « idéal » est néanmoins loin de la réalité car nos données sont bruitées. Considérons un exemple, une matrice de données D qui possède deux espèces chimiques. En l’absence de bruit et selon la loi de Beer-Lambert, la matrice D peut être décrite par deux contributions constituées du produit des concentrations relatives des deux composés par les spectres des produits purs associés. Le rang chimique est alors égal à 2, mais le rang mathématique est souvent bien supérieur car le bruit apporte une variance.

Il existe différentes manières d’aborder ce problème. L’approche la plus simple repose sur une connaissance a priori de l’échantillon. Cependant, les informations relatives au nombre d’espèces impliquées sont souvent manquantes ou incomplètes. Dans la plupart des cas l’étude de nouveaux systèmes chimiques donne par définition un nombre inconnu. Il existe énormément de méthodologies permettant d’estimer le rang à partir uniquement des données expérimentales comme le test de Durbin-Watson [24] ou la théorie des sousespaces [41+. La recherche du rang de matrices expérimentales est d’ailleurs une thématique de recherche en mathématique. Il n’existe pas réellement de méthode optimale à ce jour. Nous avons utilisé dans ce manuscrit la Décomposition en Valeur Singulière (SVD) qui est certainement la plus populaire [42].

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : L’IMAGERIE SPECTROSCOPIQUE
1.1 Introduction
1.2 L’imagerie spectrale Infrarouge et Raman
1.3 Génération d’images chimiques par la méthode dite « classique »
1.4 Génération d’images chimiques sans a priori sur un échantillon complexe
1.4.1 La résolution multivariée des données spectrales pour l’imagerie spectroscopique
1.4.2 Mise en œuvre de l’algorithme de MCR-ALS
1.4.3 L’ambigüité rotationnelle
1.4.4 Principe de fonctionnement de l’algorithme de MCR-ALS
1.4.5 Le prétraitement des données spectrales
1.4.6 La notion de rang sur les matrices expérimentales et sa détermination
1.4.7 Recherche d’estimations initiales pour l’algorithme MCR-ALS
1.4.8 Les contraintes
1.5 Le challenge de la résolution spatiale en imagerie des spectroscopies vibrationnelles
1.6 Comparaison des microscopies champ proche / champ lointain
1.7 Conclusion
CHAPITRE II : LA SUPER-RESOLUTION : CONCEPT ET ETAT DE L’ART
2.1 Introduction
2.2 Processus de formation / dégradation de l’image
2.2.1 Définition générale de l’échantillonnage
2.2.2 Le « flou » d’une image
2.2.3 Le bruit contenu dans les images
2.2.4 L’importance du déplacement entre les images
2.3 La super-résolution
2.3.1 Les méthodes fréquentielles
2.3.2 Les méthodes d’échantillonnage multicanal
2.3.3 Les méthodes de recalage et d’interpolation
2.3.4 Problèmes inverses
2.4 Conclusion
CHAPITRE III : ADAPTATION DU CONCEPT DE SUPER-RÉSOLUTION A L’IMAGERIE SPECTROSCOPIQUE INFRAROUGE ET RAMAN
3.1 Introduction
3.2 Les limites des instrumentations spectroscopiques de type champ lointain
3.2.1 La nature du sous-échantillonnage
3.2.2 Le microscope optique et ses limites
3.2.3 L’influence des vibrations
3.2.4 L’origine du bruit en imagerie spectroscopique vibrationnelle
3.3 La super-résolution en spectroscopie vibrationnelle
3.4 Méthodes d’évaluation de la résolution spatiale en imagerie Infrarouge et Raman
3.5 Conclusion
CHAPITRE IV : ETUDE DU COMPORTEMENT ET OPTIMISATION D’UN ALGORITHME DE SUPERRESOLUTION PAR SIMULATION NUMERIQUE
4.1 Introduction
4.2 Les plans d’expérience
4.2.1 Les plans de criblage
4.2.2 Plans de surface de réponse
4.3 Mise en place du plan d’expérience pour l’étude de la super-résolution
4.3.1 Méthodologie du plan factoriel complet « MFC »
4.3.2 Simulation d’une séquence d’images de basse résolution
4.3.3 Evaluation de la résolution spatiale
4.3.4 Recherche des facteurs d’influence significatifs
4.3.5 Recherche d’un optimum de la résolution spatiale
4.4 Conclusion
CONCLUSION

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