L’imagerie médicale, historique

L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) est une technique d’imagerie médicale couramment utilisée dans le milieu hospitalier pour diagnostiquer des maladies sur des organes tels que le cerveau et les poumons. Elle est basée sur le principe de la Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) et elle repose en général sur la détection des protons (1H) présents dans le corps humain. Cette technique d’imagerie, utilisée depuis plus de trente ans (premières images IRM chez l’homme en 1977), se caractérise par une haute résolution spatiale et est devenue un outil incontournable pour l’observation de tissus en profondeur.

Cependant, le principal inconvénient de l’IRM est sa faible sensibilité. L’utilisation d’agents de contraste est souvent nécessaire afin d’améliorer la qualité de l’image et donc de faciliter le diagnostic. Les plus utilisés actuellement sont les complexes de gadolinium et les nanoparticules d’oxyde de fer super paramagnétiques. Malgré l’utilisation d’agents de contraste, l’IRM 1H n’est pas encore suffisamment sensible pour pouvoir faire de l’imagerie à l’échelle moléculaire. La communauté scientifique s’est alors intéressée à l’utilisation d’espèces hyperpolarisées telles que l’hélium (3He), le carbone (13C) ou le xénon (129Xe) pouvant permettre un gain en sensibilité important.

Au cours de ma thèse, nous nous sommes intéressés à l’IRM du xénon (IRM 129Xe). Le xénon est un gaz de spin 1/2, inerte, non toxique et déjà connu pour ses propriétés anesthésiantes et pour faire de l’imagerie des poumons humains par IRM 129Xe. Il est très sensible à son environnement et possède donc une large gamme de déplacements chimiques. D’autre part, grâce à une technique d’hyperpolarisation du xénon, il est actuellement possible d’obtenir un gain en sensiblité considérable de l’ordre 10⁴ à 10⁵ . Cependant le xénon ne possède pas de spécificité pour une cible biologique et a donc besoin d’être « transporté ». Aujourd’hui, parmi les systèmes hôtes répertoriés dans la littérature, les cryptophanes possèdent les meilleures propriétés d’encapsulation du xénon, en termes de constante d’affinité, de  du xénon dans la cage et de relaxation du xénon dans le cryptophane.

Les cryptophanes, dont la structure générale est présentée ci-dessous, sont des molécules cages constituées de deux unités de type cyclotribenzylène reliées entre elles par trois chaînes pontantes. Ils ont été synthétisés pour la première fois par l’équipe d’A. Collet au Collège de France au début des années 1980 et ces travaux se sont ensuite poursuivis au laboratoire de chimie de l’ENS Lyon dans l’équipe de J-P. Dutasta et T. Brotin.

En 2001, l’équipe d’A. Pines à Berkeley a mis au point la première biosonde en RMN 129Xe en détectant le complexe biotine – avidine à partir d’un cryptophane décoré par une molécule de biotine . Depuis, de nombreux scientifiques se sont intéressés à la synthèse de nouvelles biosondes à base de cryptophanes. À ce jour, sept équipes travaillent principalement sur cette thématique dont l’équipe de J-P. Dutasta et T. Brotin, d’A. Pines, d’I. Dmochowsky à Philadelphie, de C. Freund à Berlin, T. Holmann à Georgetown et les équipes de P. Berthault et B. Rousseau au CEA Saclay.

Parmi tous les cryptophanes synthétisés, le cryptophane-111 (n = m = 1, R1 = R2 = H), plus petit cryptophane, possède la plus grande affinité pour le xénon avec une constante d’association de 10⁴ M-1 dans le 1,1,2,2-tétrachloroéthane à température ambiante. Ce composé a été synthétisé par l’équipe de J-P. Dutasta et T. Brotin , en sept étapes avec un rendement global de 1,5 % et jusqu’à présent aucune biosonde n’a encore été obtenue à partir de cette molécule. C’est pourquoi, dans une première partie de ma thèse, nous nous sommes fixés comme objectif de fonctionnaliser pour la première fois le cryptophane-111 et de concevoir de nouvelles biosondes à partir de cette molécule cage. Pour ce faire, une nouvelle méthode de synthèse du cryptophane-111, plus courte et avec de meilleurs rendements, devra être développée.

D’autre part, toutes les biosondes synthétisées jusqu’à présent ont été obtenues via des synthèses longues, avec de faibles rendements et elles présentent souvent des problèmes d’hydrophobie. Cette faible solubilité en milieu aqueux du cryptophane peut engendrer la formation de systèmes auto-organisés, favoriser les interactions de ce dernier avec la membrane cellulaire et ainsi compromettre les applications in vivo. C’est pourquoi, dans une seconde partie, nous nous intéresserons à la mise au point d’une synthèse efficace de cryptophanes hydrosolubles et fonctionnalisables pouvant être vus comme une plateforme générale pour l’obtention d’un éventail de biosondes.

L’IRM ET SES AVANCÉES

L’imagerie médicale, historique

L’imagerie médicale est un ensemble de méthodes permettant de visualiser des processus biologiques au sein même des organismes vivants, de manière non invasive. Elle est essentielle à la compréhension des pathologies afin de mieux les diagnostiquer, les pronostiquer et les soigner. Initiée avec la radiographie par rayons X, l’imagerie médicale a bénéficié de la découverte de la radioactivité artificielle et des techniques de détection associées pour se développer. Par la suite, la découverte de la résonance magnétique nucléaire puis le développement des aimants supraconducteurs ont permis des avancées technologiques significatives dans le domaine de l’imagerie par résonance magnétique .

L’imagerie nucléaire (Tomographie par Émission de Positons et Tomographie par Émission de Simples Photons ) et l’imagerie par résonance magnétique sont les deux techniques principales pouvant apporter des informations sur le fonctionnement des organes. Elles sont complémentaires et utilisées couramment en milieu hospitalier. La première possède une forte sensibilité et la seconde une très grande résolution spatiale . Au cours de ma thèse, nous nous sommes intéressés à la technique d’IRM.

Principe et applications de l’IRM

L’organisme est constitué d’atomes ou d’assemblages d’atomes (molécules). La RMN et l’IRMfont appel aux propriétés magnétiques des noyaux atomiques de ces molécules. L’IRM est une technique capable d’étudier des tissus dits mous, tels que le cerveau, la moelle épinière, les muscles… Elle permet d’en connaître la structure anatomique, mais également d’en suivre le fonctionnement.

Principe de la RMN

En 1945, le physicien américain Félix Bloch découvre la propriété que possèdent les noyauxatomiques de se comporter comme des dipôles magnétiques lorsqu’ils sont soumis à un champ magnétique. Dans le cas de la RMN du proton (RMN 1H), sous l’action d’un champ magnétique B0 élevé, une faible proportion des moments magnétiques des spins des protons s’alignent parallèlement au champ magnétique B0 et donnent lieu à une aimantation longitudinale Mz selon la direction de B0 (axe z) (Figure 3). Lorsque les moments magnétiques de spin sont ensuite soumis à une onde électromagnétique oscillante à la fréquence de résonance des protons, ceci va provoquer un basculement de l’aimantation M de manière perpendiculaire à B0 (dans le plan xy): c’est l’aimantation transversale Mxy.

Après arrêt de l’onde oscillante, l’aimantation revient dans sa position d’équilibre sous l’action de B0. Ce retour à l’équilibre s’effectue suivant un mouvement de précession libre durant lequel les composantes longitudinale Mz et transversale Mxy de l’aimantation M varient au cours du temps .

Ce phénomène, appelé relaxation, se caractérise par deux paramètres:
• temps de relaxation longitudinal T1 ou temps de relaxation « spin-réseau » Il correspond au temps que mettent les moments magnétiques à retrouver leur alignement suivant l’axe z. Il est défini comme le temps nécessaire pour retrouver 63 % de l’aimantation longitudinale Mz car il faudrait un temps infini pour que tous les spins soient alignés de nouveau suivant z.
• temps de relaxation transversal T2 ou temps de relaxation « spin-spin » Il s’agit du temps nécessaire pour que Mxy diminue jusqu’à atteindre 37 % de sa valeur initiale.

Le signal de précession libre (FID ou Free Induction Decay) est enregistré. À la suite d’une transformée de Fourier, un signal fonction de la fréquence de résonance représentant le spectre RMN final est ainsi obtenu. Pour obtenir une image par résonance magnétique, le principe consiste à appliquer un champ magnétique élevé et variable dans l’espace de sorte que la fréquence de résonance change d’un point à l’autre de l’objet pour un même noyau. Avec une onde de fréquence fixe, seule une région entrera en résonance et fournira un signal. En décalant le champ magnétique, une région différente se trouvera en situation de résonance. Ceci permet de sonder une autre zone del’objet. Le signal magnétique émis par les noyaux juste après la résonance est détecté et un traitement informatique permet de reconstruire une image tridimensionnelle présentée en coupes successives.

IRM anatomique

La qualité anatomique des images IRM, malgré une sensibilité intrinsèque très faible, est due à la détection des spins des noyaux d’hydrogène, constituant notamment les molécules d’eau. En effet, l’eau représente 70 % du corps humain, et le proton 1H étant à la fois naturellement abondant (99,99 %) et très sensible en RMN, il est relativement simple d’enregistrer le signal. Autrement dit, même si le pouvoir de détection de la RMN est faible, le nombre de molécules émettant un signal est si considérable que l’on peut détecter une image de qualité exceptionnelle .

IRM fonctionnelle (IRMf)

L’IRM fonctionnelle révèle l’activité des différentes structures qui composent le cerveau. Cette technique repose sur le principe selon lequel l’afflux de sang oxygéné augmente dans les zones cérébrales activées. Elle consiste à alterner des périodes d’activité avec des périodes de repos, tout en acquérant des images de l’intégralité du cerveau toutes les 1,5 à 6 secondes. La localisation des zones cérébrales activées est basée sur l’effet BOLD (Blood Oxygen Level Dependent), lié à l’effet de l’aimantation de l’hémoglobine contenue dans les globules rouges sur les protons des zones environnantes.

L’hémoglobine se trouve sous deux formes:
• les globules rouges oxygénés par les poumons contiennent de l’oxyhémoglobine (molécule non active en RMN).
• les globules rouges désoxygénés par les tissus contiennent de la désoxyhémoglobine (active en RMN car dotée de propriétés paramagnétiques). En suivant la perturbation du signal de RMN émis par cette molécule, il est donc possible d’observer l’afflux de sang oxygéné qui chasse le sang désoxygéné et ainsi les zones actives .

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I. L’IRM ET SES AVANCÉES
1. L’imagerie médicale, historique
2. Principe et applications de l’IRM
a. Principe de la RMN
b. IRM anatomique
c. IRM fonctionnelle (IRMf)
3. Comment augmenter la sensibilité de l’IRM ?
a. Les agents de contraste
i. Agents de contraste à base de gadolinium
ii. Les nanoparticules d’oxyde de fer super paramagnétiques
b. Les espèces hyperpolarisées
i. Les différentes méthodes d’hyperpolarisation
ii. Exemple d’application en IRM 13C hyperpolarisé
II. LE XÉNON HYPERPOLARISÉ ET SES SYSTÈMES HÔTES
1. Généralités sur le xénon
2. Méthode d’hyperpolarisation par pompage optique
3. Biosondes pour l’IRM 129Xe hyperpolarisé
a. Principe de la biosonde
b. Les systèmes hôtes pour le xénon
i. Les critères de sélection
ii. Les cyclodextrines
iii. Les calixarènes
iv. Les hémicarcérands
v. Les cucurbiturils
vi. Les cryptophanes
c. Vers de l’IRM 129Xe de plus en plus sensible
i. HYPER-CEST
ii. Augmentation de la concentration locale en cryptophanes
iii. Augmentation de la concentration locale en cryptophanes + HYPER-CEST
III. LES CRYPTOPHANES, STRUCTURE, SYNTHÈSE ET APPLICATIONS
1. Les grandes avancées dans l’histoire des cryptophanes
2. Les dérivés de cyclotrivératrylène
a. Synthèse et mécanisme de formation des CTV
i. Mécanisme de formation
ii. Différentes voies de synthèse des CTV
b. Symétrie et chiralité
c. Conformation
3. Les cryptophanes
a. Stéréochimie des cryptophanes et symétrie
b. Différentes voies de synthèse des cryptophanes
i. Méthode directe
ii. Méthode template
iii. Méthode par couplage
c. Différentes voies de fonctionnalisation des cryptophanes
d. Les différentes biosondes par équipes
i. Équipe de A. Pines
ii. Équipe de J-P. Dutasta & T. Brotin
iii. Équipe d’I. Dmochowski
iv. Équipe de C. Freund
IV. CONCLUSIONS ET OBJECTIFS
CONCLUSION GÉNÉRALE

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