Le dentiste dans la société au cours des siècles : origines des représentations
Des témoignages attestent que les hommes souffraient de maux de dents depuis les premiers temps. Dès l’époque préhistorique, on note des traces de lésions carieuses. Sans qu’on ait aucune preuve qu’il existait des solutions thérapeutiques, on peut présumer que l’Homo sapiens ait vraisemblablement songé à combler les dents creuses ou à remplacer les dents absentes par des racines, des écorces d’arbres, des macérations de feuilles réduites, des morceaux de silex qui seraient ainsi les ancêtres de nos blocs de céramique (1). Il est difficile de dire précisément quand débute l’histoire de la médecine dentaire. On s’accorde à reconnaître que le plus ancien document connu est tiré de la médecine des Égyptiens ; c’est le Papyrus d’Ebers (fig.1). Il fut écrit vers 1550 avant J.-C. De nombreux remèdes sont décrits contre les abcès, les gingivites mais il n’est fait mention d’aucune opération (2). Un grand nom domine l’histoire de l’art dentaire, comme de toute la médecine, chez les Grecs : c’est celui d’Hippocrate, l’illustre médecin de Cos. Nos connaissances précises datent de ce célèbre praticien, qui a consigné le résultat de son expérience dans ses œuvres. Les chapitres relatifs aux dents, à leurs maladies, à leurs traitements, comptent parmi les plus importants. Hippocrate recommandait d’enlever les dents branlantes avec une pince de plomb, dont on a retrouvé un modèle dans le temple de Delphes. Si la dent douloureuse ne remuait pas, on se contentait de la brûler avec des ingrédients appropriés. Hippocrate connaissait les désordres causés par la dent de sagesse, les abcès alvéolaires et la nécrose des maxillaires ; mais les moyens thérapeutiques qu’il prescrivait étaient des plus anodins : il conseillait, contre l’odontalgie et les poussées dentaires, des gargarismes de castoréum et de poivre ; et contre les abcès de la bouche, une bouillie de lentilles (4). Pline nous livre la formule d’un anesthésique, qui n’était autre qu’une dissolution de pierres de Memphis dans du vinaigre. Celse ne conseille l’avulsion, que lorsque tous les autres moyens de calmer la douleur seront restés sans effet. Sous le règne de Trajan, Archigène imagine un trépan pour forcer les dents qui présentaient une inflammation du nerf (1). Les Romains ne connaissaient pas le plombage, ils se contentaient de remplir la cavité d’une poudre d’excréments de souris, ou encore de foie de lézard, et recouvraient le tout avec de la cire. Au temps de l’empereur Auguste, la profession était exercée généralement par des esclaves, et surtout des affranchis, qui pratiquaient leur industrie soit pour leur propre compte, soit de compte à demi avec leurs maîtres (4). Avec Galien, l’art dentaire reprend sa place dans le domaine scientifique. Galien était pour la conservation de la dent malade, dont on devait éviter la chute par tous les moyens. Pour faciliter l’éruption des dents, il recourait à des mixtures composées de lait de chienne ou de cervelle de lièvre, ou faisait porter au cou de l’enfant la corne desséchée d’un vieux colimaçon. Pour enlever une dent douloureuse, le moyen préconisé par un praticien du IIIe siècle, Marcellus Empiricus, était d’enduire le nez du sujet avec du sang de lièvre et de l’huile verte, de retenir sa respiration et de placer une pierre entre les dents, puis de bâiller : à ce moment, le liquide qui provoque la douleur s’écoule et l’on peut enlever la dent sans souffrance (5). Abulcasis a composé un traité de chirurgie, où il indique un traitement des fistules dentaires : elles doivent être brûlées avec un cautère, dont le bouton présentera le même calibre que la fistule. On répète cette opération plusieurs fois, de façon à faire sentir la douleur jusque dans la racine, puis on lui fait garder de l’eau salée dans la bouche pendant une heure, après quoi la souffrance doit avoir disparu (1). L’art dentaire pendant l’Antiquité est déjà assimilé à la douleur. Partout dans le monde, les écrits montrent déjà la recherche pour soigner et amoindrir la douleur des patients même si certains procédés sont plus proches de la sorcellerie que de la médecine. Aux XIIème et XIIIème siècles, il se crée plusieurs communautés revendiquant l’exercice de la chirurgie dentaire. D’un côté les barbiers, qui sont autorisés par le Roi Charles VII, à faire de la petite chirurgie (notamment les extractions dentaires) et d’autre part, les chirurgiens généralistes qui s’estiment les seuls capables à réaliser les actes de chirurgie dentaire. Le chirurgien le plus fameux du Moyen Âge (XIVe siècle), Guy de Chauliac, parle peu du traitement des dents malades, alors réservé aux barbiers et aux empiriques, mais il s’élève contre leurs pratiques, qu’il juge dangereuses et qu’il voudrait voir réserver aux médecins. Il a été un des premiers à préconiser les anesthésiques et l’usage interne de l’opium (6). Dans son ouvrage, Walther H. Ryff, médecin et chirurgien à Strasbourg croit à l’existence de vers rongeurs dans les dents malades (1). La maladie dentaire est perçue comme un châtiment divin. Beaucoup de malades s’en remettent à Sainte Apolline, une martyre dont les dents furent brisées, avant d’être brulée vive. Elle est représentée avec, dans la main, une pince enserrant une dent (Fig2). C’est au cours du XVIème siècle que naît l’image de l’arracheur de dent (7). Les places publiques deviennent le théâtre de nombreux charlatans, venant présenter des élixirs faisant repousser les cheveux ou les remèdes miracles contre les douleurs dentaires. Les spectacles continuent avec l’arrivée des « dentateurs », des arracheurs de dents (Fig 3). Le patient est un complice qui simulent une douleur durant l’extraction et le « chirurgien » a en réalité une dent cachée dans sa manche qu’il fait semblant de retirer de la bouche de son complice. L’histoire de l’art dentaire au XVIe siècle comprend pourtant de très grands noms. André Vésale indique qu’en cas d’éruption difficile de la dent de sagesse, il incise la gencive, et si cette petite opération ne suffit pas, il ouvre la « couverture osseuse » de la dent, ce qu’il pratiqua sur luimême à l’âge de vingt-six ans. Maître Mazzeo, craignant que le malade ne pût supporter la douleur de l’opération, résolut de l’endormir auparavant, avec une eau dont il avait la recette. Il se mit donc à distiller cette eau soporifique, un certain mélange d’opium et de narcoleptique (1). Le Moyen Age voit donc la dégradation de l’image du chirurgien-dentiste qui est associée aux arracheurs de dents des places publiques, menteurs et charlatans. Le XVIIIe siècle marque la séparation complète de la médecine et de la chirurgie avec l’art dentaire, qui sera reconnu dès lors comme une branche à part entière de la chirurgie. De nombreuses acquisitions sont faites tant dans le domaine de la connaissance anatomique que du traitement. Fauchard est le premier à parler de trépanation de la dent pour sa conservation, de coiffage, de parodontologie. Le redressement, le plombage, la prothèse lui sont familiers. Il connaissait la dent à pivot, qu’il nomme dent à tenon, et c’est lui qui imagina faire tenir en place des appareils au moyen de ressorts (8) (Fig4).
Matériel et méthode
L’étude concerne les films européens et américains traduits en français et diffusés au cinéma en France. La recherche a été effectuée en mars 2019 sur 4 moteurs de recherche de site de vente en ligne de films : AmazonePrimeVideo, VODAllociné, Imineo.fr et GooglePlay avec l’utilisation des mots clés médecin, dentiste et Docteur. Netflix (plateforme en ligne qui permet la diffusion de films et séries sur ordinateur et smartphone) nous a permis de visionner certains films grâce à notre abonnement.
Images véhiculées
Images négatives : 19 films sur 22 véhiculent une image négative du chirurgien-dentiste.
La folie et le sadisme : Dans les films visionnés, on retrouve régulièrement un dentiste sadique qui prend plaisir à martyriser ses patients. Dans Charlot Dentiste, le docteur Pain (douleur en anglais), est représenté comme un homme violent qui martyrise ses patients. Dans Marathon Man, le dentiste « perfore » les dents de sa victime et joue avec un flacon d’Eugénol, régulateur de la torture. Dans la Petite Boutique des Horreurs, tous les fantasmes sadiques sont passés en revue (costume de latex noir, instruments nickelés, ordre combinatoire, soumission). A cette image sadique peut être associée une image de névrose générale. Dans The Dentist, Alan souffre de gros troubles de la personnalité, il est obsédé par l’hygiène et la propreté. Torture et sadisme sont à leur paroxysme. Dans Comment Tuer Son Boss, la dentiste nymphomane est sexuellement agressive envers son assistant. La peur, la douleur et le traumatisme liés aux soins dentaires : Le chirurgien-dentiste est encore régulièrement associé à la douleur. Pour mettre en scène la douleur, la consultation dentaire est utilisée. Dans Némo, le portrait du praticien est extrêmement caricatural. Les séances de soins sont agitées. La petite fille qui se fait soigner hurle, inquiétant les patients de la salle d’attente. L’anesthésie est également régulièrement utilisée pour mettre en scène la peur et la douleur. Dans Horton, quand le maire de Zouville va chez le dentiste, l’éléphant traverse un pont suspendu. L’éléphant tombe du pont et le dentiste plante l’aiguille dans le bras du maire. Dans les Visiteurs, le chirurgien-dentiste sursaute et rate son anesthésie. L’aiguille se casse alors dans la bouche de la patiente. Dans Denti, le cinéaste utilise la peur du dentiste pour plonger son personnage dans la solitude. Dans Charlie et la chocolaterie, Willy devait porter un appareil dentaire extra oral, ce qui l’a vraisemblablement traumatisé.
Le ridicule : Le cabinet dentaire permet également de faire vivre des scènes cocasses aux protagonistes en ridiculisant le chirurgien-dentiste. Dans Mon Voisin le Tueur, le dentiste est un personnage endetté, coincé entre une épouse et une belle-mère aigrie. Dans plusieurs scènes, Oz submergé par l’émotion n’arrive plus à soigner ses patients. Il en vient même à falsifier un schéma bucco-dentaire d’un cadavre pour faire croire que le meurtrier n’est pas son voisin. Dans Harry Potter, lors d’un repas entre professeurs et élèves, un professeur interroge Hermione sur la dangerosité de la profession de ses parents. Elle répond que son père a eu 10 points de sutures car il s’est fait mordre le doigt.
Un personnage antipathique : Dans de nombreux films, le dentiste est un personnage dépourvu de sympathie. Dans les Visiteurs, le dentiste est présomptueux et arrogant, dépourvu de calme et de patience. Dans Charlie et la chocolaterie, le papa de Charlie, dentiste, apparait comme un homme froid, autoritaire et dénué de gentillesse pour son fils. Wilbur Wonka interdisait à son fils de manger les bonbons et les chocolats. A chaque Halloween, il les jetait au feu.
Le dentiste sous médecin : Régulièrement on retrouve l’idée que le chirurgien-dentiste n’est pas un médecin et qu’il n’en a pas les connaissances et capacités. Dans Very Bad Trip, le dentiste un peu coincé et moralisateur va lancer la phrase « je ne suis que dentiste » quand ils vont demander un docteur. Dans Bande de sauvages, un des personnages est victime d’un problème cardiaque. A l’hôpital, le médecin tente d’expliquer au dentiste le problème cardiaque avec des termes très médicaux. Le personnage est alors ridiculisé, et se voit rétorquer aux médecins : « je ne suis que dentiste ».
Personnage riche : Sur le grand écran, on retrouve également l’idée que le chirurgien-dentiste est riche. Dans Les Visiteurs, le cabinet du dentiste est dans un somptueux manoir avec des œuvres d’art. Dans Very Bad Trip, dès le début du film, en arrivant à l’hôtel, c’est le dentiste qui paye la suite royale de l’hôtel à las Vegas car il en a les moyens.
L’image du dentiste à l’ère du Numérique
Les outils connectés sont de plus en plus présents dans nos sociétés. Elle touche un public toujours plus large et toujours plus jeune. C’est aujourd’hui le media préféré des enfants et adolescents qui tendent à délaisser les livres et télévision (15). La connectivité pourrait amener un réel bénéfice sur la représentation de notre profession, elle contribue au bouleversement de notre vie quotidienne dans le domaine de la santé. La dentisterie, à l’ère de la santé connectée, est en pleine évolution. Le numérique a virtualisé notre pratique clinique et le quotidien de nos patients (16). Nous avons voulu savoir si l’essor du numérique en dentisterie moderne influait sur la perception du dentiste chez nos patients. Pour cela nous étudierons YouTube et deux applications numériques.
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Table des matières
INTRODUCTION
Partie 1 : Le dentiste dans la société au cours des siècles : origines des représentations
Partie 2 : L’image du dentiste au cinéma
Matériel et méthode
Résultats
Années de production
Origine géographique
Public ciblé
Styles cinématographiques retrouvés
Images véhiculées
Discussion
Partie 3 : L’image du dentiste dans la littérature : exemple de la bande dessinée
Matériel et Méthode
Résultats
Origines géographiques
L’année de publication
Le public ciblé
Images véhiculées
Discussion
Partie 4 : L’image du dentiste à l’ère du Numérique
1.Youtube
Matériel et Méthode
Résultats
Discussion
2.Applications numériques pour smartphones et tablettes
Matériel et méthode
Résultats
Discussion
CONCLUSION
TABLE DES ILLUSTRATIONS
BIBLIOGRAPHIE
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