L’illustration comme béquille pour l’imagination du jeune lecteur 

La peur, l’illustration et l’enfant

La place de la peur dans le développement psychique de l’enfant

La peur du noir, la peur du loup, la peur des monstres, telles sont les premières idées qui nous viennent à l’esprit lorsque l’on évoque les notions de peur et d’enfant conjointement. En effet, les adultes ont conscience que leurs enfants ont beaucoup d’imagination, qu’ils sont parfois apeurés et refusent d’aller se coucher par exemple. Les parents sont alors déconcertés et ne comprennent pas bien ce qui les effraie. Ils tentent de les rassurer sans vraiment parvenir à saisir les raisons de certaines peurs. Les adultes ne se souviennent pas très bien de leurs jeunes années et de leurs peurs enfantines. Ainsi, cibler clairement ce qui terrorise leurs enfants est presque impossible surtout que, pour l’adulte, ce sont des peurs anodines qui lui paraissent insignifiantes, dénuées de sens et rattachées à des fantasmes plutôt qu’à des réalités.Le parent va donc essayer de raisonner l’enfant, lui « prouvant » qu’il n’a aucune raison d’être apeuré. La différence de point de vue entre le parent et l’enfant creuse un fossé entre eux qu’il est difficile de combler, c’est pourquoi, l’adulte rationnel, va se sentir forcé de convaincre le jeune que ses « petites » peurs sont infondées. Pour comprendre les émotions et les sentiments que peut avoir un jeune enfant, il est nécessaire de s’intéresser à son développement psychique et à la façon dont il voit la vie.

La nécessaire confrontation de l’enfant à ses peurs

En réalité comme l’affirme le pédagogue et psychologue américain Bruno Bettelheim dans son ouvrage Psychanalyse des contes de fées , les peurs sont déterminantes, voire essentielles dans le processus d’évolution psychologique de l’enfant. La peur va en effet contribuer à faire du jeune un être autonome capable de se détacher de ses parents pour construire sa propre existence. Pour B. Bettelheim « la tâche la plus importante mais aussi la plus difficile de l’éducation est d’aider l’enfant à donner un sens à sa vie . » L’auteur nous explique que pour y parvenir, l’enfant doit traverser des crises qui vont l’amener à dépasser les limites d’une « existence égocentrique . » L’enfant doit croire qu’il peut « apporter quelque chose à sa propre vie . » De plus, il ne sera capable de vivre pleinement que s’il sait faire face aux difficultés qu’il va rencontrer au cours de son existence, s’il sait affronter les hasards et les périodes de troubles inévitables. Pour y arriver, il est indispensable que son sentiment de confiance en lui se développe, ce qui lui permettra aussi d’avoir « confiance en l’avenir . » Cette étape est nécessaire dans le sens où elle lui permettra d’établir des relations enrichissantes avec les autres.

Faire face à la fin de la période paradisiaque

Bruno Bettelheim explique que pour l’enfant, les premiers stades de la vie sont perçus comme un paradis. Tous ses besoins sont comblés par ses parents et en particulier sa mère, qui lui apporte la nourriture, la chaleur et les autres soins nécessaires à son bonheur sans qu’il doive faire le moindre effort : il tisse alors avec elle des liens forts de dépendance et son bonheur est très intimement lié à une autre personne que lui-même. Ainsi, lorsqu’il commence à grandir et que ses capacités se développent, il va devoir faire face à de plus en plus d’exigences de la part du monde extérieur et de ses parents. Ces devoirs sont ressentis comme la fin de sa période paradisiaque et peuvent être très mal vécus par l’enfant qui a le sentiment d’être trahi et abandonné, il n’a pas encore confiance en lui et se sent incapable de parvenir à réaliser ce qu’on lui demande. Bruno Bettelheim nous invite à regarder comment cette période peut être traumatisante pour le jeune enfant et nous montre la manière dont la peur va l’aider à grandir et à s’affirmer.
L’auteur nous invite à utiliser le conte pour aider l’enfant à augmenter sa confiance en lui et nous explique les mécanismes qui vont le permettre. Dans le conte (ou plutôt dans les « contes traditionnels » selon l’auteur) il est toujours, ou presque, question d’un héros qui se trouve dans une situation qui ne le satisfait pas ou qui ne peut plus durer. Les héros d’Hansel et Gretel par exemple sont une charge trop lourde pour leurs parents qui vont alors se séparer d’eux. Afin de dépasser cette situation, ils doivent évoluer et affronter des épreuves, qui sont le plus souvent effrayantes, telle la sorcière mangeuse d’enfant. Dans ce même conte, B. Bettelheim nous explique que cette trame narrative, loin de traumatiser les jeunes enfants, va servir à la fois d’exutoire à leurs pulsions, mais aussi de catalyseur pour transformer leurs peurs en confiance en eux. Ces récits pourraient sembler en effet de prime abord ne pas convenir à un public enfantin, les thèmes abordés y sont graves : la mort, la vieillesse, la sexualité, la dévoration font partie intégrante de ces histoires, et certains parents pourraient y voir davantage un effet de perversion de l’enfant qu’une source d’évolution psychologique.
C’est pourquoi de nombreux albums revisitent les contes, ils changent la fin de l’histoire et l’illustrent avec des personnages et des décors qui, le plus souvent, n’effrayent pas. Ainsi, les parents vont préférer lire ces albums aux illustrations moins choquantes. Il faut noter également que les contes d’aujourd’hui, dits « modernes », sont beaucoup plus enfantins et expriment la peur de manière détournée contrairement aux contes traditionnels.

La nécessité d’établir une signification profonde liant l’enfant et l’œuvre

Lorsque l’on lit Bruno Bettelheim, il nous apprend que les enfants, bien qu’ayant parfois peur de l’histoire que nous leur lisons, semblent particulièrement l’apprécier au point de demander à ce qu’on la leur raconte plusieurs jours de suite. L’explication de ce phénomène selon l’auteur, vient du fait que les enfants se reconnaissent à travers ces contes. Leur vie d’enfant, vue à travers le regard d’un adulte, nous semble bien éloignée de ces récits de vengeance et de brutalité, pourtant le jeune enfant vit des situations en beaucoup de points semblables aux aventures de ces histoires. Il expérimente au travers de son existence de nombreuses frustrations, souvent incontrôlables, qu’il ne parvient pas encore à dominer et qui s’emparent alors totalement de lui. On peut penser à un jeune enfant qui crie et pleure de toutes ses forces lorsqu’il est laissé à une nourrice ou encore lors de sa première année d’école. Cette réaction souvent perçue comme un caprice par les parents peut, du point de vue de l’enfant, très bien se rapprocher du début de l’histoire d’Hansel et Gretel dans laquelle les parents décident d’abandonner leurs enfants au milieu de la forêt. En effet, lorsque le jeune enfant est laissé pour la première fois à l’école par ses parents, il peut se sentir abandonné et l’exprimera par ses larmes. Il ressent alors de la colère et de la frustration envers ses parents et redoute la « classe et ses camarades » qui lui sont inconnus et qui lui paraissent hostiles, telle la forêt d’Hansel et Gretel.
La reconnaissance des situations décrites dans les histoires ne fait certes pas de celles-ci un élément suffisant au développement psychologique de l’enfant, elle montre seulement que celui-ci se sent concerné par le récit et qu’il imprime en lui des émotions fortes. C’est là un point important selon B. Bettelheim, car l’auteur critique justement une grande partie de la littérature jeunesse de son époque, qui n’utilise pas la peur et se contente d’histoires amusantes et instructives. Selon l’auteur elles ont une « substance si pauvre qu’elles n’ont guère de signification profonde pour lui ». Malheureusement, B. Bettelheim ne précise pas le titre des livres auxquels il pense, cependant, nous pouvons trouver actuellement une quantité d’albums jeunesses correspondant à ses critères comme Le gros navet ou BêêEtes !
Ces deux exemples sont destinés à amuser l’enfant, mais ce dernier s’identifiera difficilement au(x) héros. Or, ceci est un des points les plus importants, en effet, pour que l’enfant utilise les histoires qui lui sont racontées pour évoluer, il est nécessaire qu’il se sente concerné, par les mêmes problèmes et les mêmes angoisses que les héros qui lui sont présentés, il ne s’agit aucunement d’amoindrir ses peurs mais de les reconnaître et d’affirmer leur importance.

Un outil de compréhension interne pour l’enfant

La peur omniprésente dans les contes, sous forme de créatures monstrueuses, de dragons, ou bien simplement de personnes au caractère effroyable, capables de tuer, de menacer directement la vie du héros, va permettre à l’enfant, grâce à la victoire du personnage principal, de prendre confiance en lui. Dans ces histoires, le héros parvient toujours, par un moyen ou un autre, à se sortir des situations les plus difficiles et sans espoir, de plus, il y arrive presque constamment en se reposant sur ses capacités propres, grâce à une évolution personnelle. L’enfant qui s’assimile déjà au personnage au début de l’histoire, est ainsi informé par l’exemple qu’il lui est possible de faire face à toutes sortes de situation, et que baisser les bras n’est pas une solution. De ce fait, à force de lire différentes histoires de ce type, il développe petit à petit sa confiance en lui, et apprend que, malgré les aléas de la vie, il disposera toujours de capacités personnelles qui lui permettront de venir à bout de ses difficultés.

La peur comme adversaire à la portée de l’enfant

La peur joue un rôle d’opposant qui, même s’il parait démesurément fort et impossible à vaincre, sera défait par la raison, le courage ou toutes autres ressources internes du personnage principal. L’enfant apprendra alors qu’il est lui aussi capable de se transformer et d’évoluer pour affronter ses propres peurs et qu’il dispose en lui-même de toutes les ressources nécessaires à la victoire. L’intérêt de la peur est alors clairement démontré, toutefois, il ne faut pas se dire que n’importe quel récit, quel que soit le niveau de peur qu’il inflige au lecteur, du moment qu’il finit bien, sera un récit à même d’être proposé à un enfant.
En effet, pour que le conte fonctionne et permette à l’enfant de se construire, il faut que celui-ci obéisse à des règles spécifiques qui vont rendre la peur utile, sans être traumatisante.
La première objection lorsque l’on évoque l’idée de confronter l’enfant à des récits lui faisant réellement peur et mettant en scène des passages cruels et violents, est la volonté de le préserver des « côtés sombres de l’homme » que l’on pense éloigner de l’enfant. On ne veut pas mettre à sa disposition des exemples de brutalité de peur d’encourager la violence chez l’enfant. Or c’est là une grossière erreur, selon le point de vue de Bruno Bettelheim, elle témoignerait d’une méconnaissance de la psychologie enfantine. En effet, les pulsions et les envies de violence et de brutalité n’apparaissent pas à l’âge adulte ou à l’adolescence, elles font partie intégrante de l’enfant depuis ses tout premiers pas. Les colères manifestées par l’enfant à l’égard d’un camarade qui lui aurait pris un jouet, ou les envies de punition qu’il peut avoir vis-à-vis de ses propres parents lorsqu’il juge que ceux-ci ont mal agi avec lui témoignent de la présence de pulsions à l’intérieur de la psyché de l’enfant. En effet, l’enfant doit « régler les problèmes psychologiques de la croissance (c’est-à-dire surmonter les déceptions narcissiques, les dilemmes Œdipiens, les rivalités fraternelles).»

Apprendre à objectiver ses pulsions

Alors que celui-ci ne sait pas comment faire face à ces envies, il est particulièrement pertinent de le confronter à des récits où cette violence peut être peinte, et mise en scène, afin de voir qu’il peut exister un exutoire à celles-ci. Lorsque l’enfant prend conscience que ses envies ne sont pas monstrueuses, mais qu’elles existent et qu’elles peuvent être dominées et maîtrisées, il aura tendance à avoir plus confiance en lui et à ne plus se voir comme un monstre. En effet, sans pouvoir confronter ses pensées à un matériel imaginaire, l’enfant aura tendance à se croire anormal dans la mesure où il existera un fossé entre ce que ses parents lui expliquent être bien, et ce qu’il ressent parfois. Ces pensées, bien qu’inconscientes, risquent de bloquer l’enfant dans sa construction psychique si elles ne sont pas extériorisées par le biais du jeu ou de l’histoire. En mettant ses pulsions entre les mains de personnages, il pourra ainsi leur donner un moyen d’expression à travers ses jeux et ses représentations imaginaires.

L’illustration et l’enfant

Lorsque l’on évoque la littérature de jeunesse, et en particulier celle destinée aux enfants des cycles un et deux, il est impossible de ne pas faire référence à l’illustration. En effet, les ouvrages qui sont accessibles à cette classe d’âge sont en grande majorité des albums, c’est-à-dire que l’illustration y tient une place prépondérante. Il nous apparaît alors indispensable d’étudier de quelle manière elles interagissent avec leur public, et d’analyser si elles ne détournent pas l’enfant des buts d’évolution psychologique dont nous avons parlé plus tôt.
Bruno Bettelheim, dans sa Psychanalyse des contes de fées considère que les livres destinés à la jeunesse doivent tout autant intéresser l’enfant que l’éduquer, il s’oppose fermement à la présence d’illustrations dans la littérature enfantine. Selon l’auteur : « les illustrations sont distrayantes; elles n’apportent rien à l’enfant. (…) elles détournent l’enfant du processus éducatif, au lieu de le renforcer, et cela parce qu’elles empêchent l’enfant d’expérimenter l’histoire à sa façon . » L’enfant serait alors empêché de construire ses propres significations à partir de l’histoire, les images, créées par quelqu’un d’autre, se substituent à lui-même dans l’acte créateur, au travers duquel il devrait manipuler les représentations qu’il se fait du récit et des personnages pour reconstruire l’histoire et y prendre la place qu’il s’attribue. Pour lui, chacun doit se représenter les mots et les situations décrites dans les histoires d’une manière qui lui est propre. Chaque lecteur se sert alors de son imagination et de ses expériences personnelles pour interpréter le récit. Bruno Bettelheim précise que l’importance de ces visions personnelles est qu’elles portent en elles des significations profondes. Ainsi une « image préfabriquée du monstre peut nous laisser totalement froids, parce qu’elle n’a rien d’important à nous dire ; ou bien elle peut nous faire peur, sans évoquer en nous, au delà de notre angoisse, une profonde signification . » Lorsque l’on sait la place que tiennent les impressions que la littérature dégage sur l’enfant pour l’auteur, on comprend pourquoi il juge les illustrations sans intérêts pour le développement de l’individu.

Analyse des illustrations du corpus

Dans un premier temps, nous allons analyser deux familles d’albums pour ensuite les confronter en mettant en avant leurs points communs et leurs différences. Le but recherché est de nous donner une idée sur les paramètres mis en jeu pour créer le sentiment de peur chez le jeune lecteur. Notre objectif d’analyse est de trouver la façon dont une illustration peut être terrifiante. Pour cela, nous allons prêter une attention toute particulière aux pages illustrées qui pourraient effrayer.

La peur engendrée par le cadrage

Dans cette sous partie, nous allons comprendre l’importance du cadrage au sein de la narration grâce à l’analyse de deux albums : Les trois brigands et Loup noir.
Les trois brigands : Trois vilains brigands possédant un soufflet, un tromblon et une hache rouge, dévalisent les voyageurs la nuit. Ils font peur à tout le monde et emportent leur butin dans leur caverne, située en haut d’une montagne. Ils sont très riches et possèdent des coffres remplis d’or, de pierres précieuses et de bijoux. Un jour, ils attaquent une voiture ne contenant rien mis à part une fillette orpheline : Tiffany. Les brigands s’en emparent et lui donnent un lit. Le lendemain, Tiffany, qui n’est pas effrayée par ces messieurs, leur demande ce qu’ils font de leur argent. Se prenant d’affection pour la petite fille, ils décident d’acheter un château et de chercher d’autres orphelins pour leur offrir un toit. Les enfants sont heureux et vivent aux cotés des brigands, même une fois mariés.
Dans cet album, nous allons nous concentrer sur les six doubles pages qui peuvent faire peur c’est-à-dire avant que les brigands ne rencontrent Tiffany. Premièrement, les illustrations de l’album sont assez sombres avec trois couleurs dominantes : le noir, le bleu et le rouge. Le rouge contraste avec les deux autres couleurs. Les brigands attaquent la nuit, c’est pourquoi les couleurs sont sombres. La nuit, le noir, correspond aux peurs enfantines, le contexte n’est pas rassurant. En effet, dans le noir nous distinguons mal les personnes et il est difficile de reconnaître les lieux. L’obscurité fait peur aux enfants, ce qui crée une atmosphère tendue dès le départ. Le noir signifie d’ailleurs l’inconnu, la mort, le néant, il ne rassure pas.
Le rouge est ici la couleur des armes des brigands (cf. Annexe 4, phot. 2) et symbolise la violence et la force. De plus, le peu de détails fournis dans les images accentue l’incapacité de reconnaître des éléments. Les personnages n’ont pas de relief, les dessins semblent lisses, ils n’ont pas de profondeur : la technique de l’aplat est utilisée. Elle entraîne une perte des repères et peut provoquer de l’inquiétude chez le lecteur. Les brigands eux-mêmes, avec leur grande cape, correspondent plus à des formes noires qui paraissent englouties par la nuit qu’à des hommes (cf. Annexe 4, phot. 1). Seuls leurs yeux qui dépassent indiquent que ce ne sont pas des monstres, pourtant leur absence de visage ne rassure pas. Contrairement à leurs victimes, représentées avec des couleurs plus claires (cf. Annexe 4, phot. 3), les brigands sont tout de noir vêtus, créant ainsi une sorte de contraste entre le bien et le mal, les gentils et les méchants. Le lecteur n’aura donc pas de sympathie pour eux et les craindra tout comme les villageois de l’album. En plus de leur cape noir, les trois brigands possèdent chacun une arme de couleur rouge. Nous pouvons observer beaucoup d’angles pointus comme la hache qui en possède quatre, mais également la bouche des gens qui crient en voyant les hommes et les chevaux qui possèdent des articulations assez anguleuses (cf. Annexe 4, phot. 6). Ces angles contrastent avec les formes courbes de la roue, par exemple, ou encore du visage des gens. Tous ces paramètres donnent à l’image une certaine brutalité qui ne met pas le lecteur à son aise.
D’ailleurs, les armes des trois hommes ont une importance capitale au sein du récit puisque c’est grâce à elles, et avec elles, qu’ils peuvent effrayer les gens et les voler. Une double page leur est dédiée au début de l’album (cf. Annexe 4, phot. 2). Nous les voyons représentées en gros plan, rouges sur un fond noir qui les met en valeur et montre leur importance. Les armes fascinent les enfants et les intriguent, mais elles leur font aussi peur car elles sont dangereuses et les rendent impuissants. Nous remarquons très bien la peur des gens et des chevaux qui se dressent sur leurs pattes arrières en créant le désordre total grâce à leurs mouvements (cf. Annexe 4, phot. 4). Les animaux sont représentés par des silhouettes noires qui accentuent la terreur. Nous pouvons voir une femme qui ne tient plus debout, elle est portée par son mari, les hommes s’enfuient. Cette impression de déplacement se traduit par leur posture symbolisant la course (cf. Annexe 4, phot. 3). Les brigands sèment le chaos et le jeune lecteur partage l’inquiétude des villageois. Nous retrouvons cet effet de mouvement quand le brigand à la hache brise la roue d’une voiture : des débris de roue s’envolent et stagnent en l’air ce qui témoigne de la violence du coup (cf. Annexe 4, phot. 5). La posture du brigand, jambes pliées pour se donner de l’élan, amplifie la puissance de la scène ainsi que son effet sur le lecteur.
De plus, il occupe toute la page de droite, seule sa hache et l’arrière du carrosse sont présents sur la page de gauche. Le fait de le rendre aussi grand montre son importance et la terreur qu’il provoque avec sa hache rouge sang qui fend la page.
Dans cet album, le texte vient souvent compléter l’image. Ainsi, la première page informe le lecteur, grâce à l’énoncé, que ces brigands sont « vilains » (cf. Annexe 4, phot. 1).
L’écrit prévient le spectateur qui se met à les craindre autant que les villageois. Dans les pages où règne la terreur, les énoncés sont en association avec le texte. Cela permet au spectateur de se sentir concerné par le récit. Cet effet est d’ailleurs accentué par les pages à fond perdu avec beaucoup de hors champ qui laisse supposer que l’histoire se poursuit au-delà du livre.
L’immersion du lecteur, qui se sent concerné par les événements, est totale. Les personnages qui s’enfuient en hors champ (cf. Annexe 4, phot. 3) insinuent que les brigands peuvent très bien surgir tout à coup dans la page et cela crée une tension chez le lecteur, une angoisse vis-à-vis des trois méchants. Nous notons que les plans se resserrent jusqu’à l’action des brigands. En effet, sur la troisième double- page, nous distinguons seulement les silhouettes des trois hommes. Dans la page suivante, nous les voyons surgir de derrière une colline (cf. Annexe 4, phot. 3), pour voir enfin un brigand de très près faire peur aux chevaux, créant un déséquilibre chez ces derniers. Ce rapprochement des brigands crée une atmosphère d’angoisse, le lecteur les voit s’approcher de lui au fil des pages et peut en avoir peur.

Exploitation pédagogique

Nous avons décidé de tester cinq albums de notre corpus auprès d’enfants de grande section : Max et les Maximonstres, Mangée, mangée, Loup noir et trois versions du Petit Chaperon Rouge dont deux qui n’effrayent pas. Nous en avons étudié seulement cinq sur les sept choisis car nous n’avions que deux semaines pour mettre en pratique nos séances.
Nous voulions que les enfants découvrent les illustrations leur faisant peur pour qu’ils puissent les interpréter et comprendre pourquoi une image les effraie plus qu’une autre. Ainsi, ils pourront dégager des points communs entre tous les albums sur la manière dont l’illustrateur procède pour rendre une image terrifiante.
Nous procèderons en deux temps, le premier consistera à décrire notre séquence en analysant ce qui a bien fonctionné et ce qui a moins bien marché. Dans un deuxième temps, nous comparerons nos résultats, obtenus grâce aux élèves, avec ce que nous avons compris des différents ouvrages étudiés dans les parties précédentes. Nous proposerons également une nouvelle séquence qui pourrait être plus efficace que celle réalisée en classe.

Exploitation en classe

Nous allons présenter notre séquence constituée de cinq séances puis nous analyserons chacune d’elles en mettant en avant les réussites et les points faibles.

Séance sur Max et les Maximonstres

Nous avons choisi de débuter notre séquence par l’album de M. Sendak parce que nous n’arrivions pas à prévoir les réactions des enfants et que cette histoire met la peur à distance.
Les principaux buts de notre première séance (cf. Annexe 10) étaient que les enfants comprennent bien l’histoire et observent attentivement les illustrations en exprimant leurs ressentis. L’enseignante a conseillé de lire l’histoire le matin et de la relire l’après-midi pour que les élèves de grande section assimilent plus rapidement l’album et se familiarisent avec les personnages. Nous avons donc fait le choix de montrer, à la première lecture, les trois doubles pages sans texte de l’album dans lesquelles nous distinguons très nettement les monstres. Les enfants ont ainsi pu se concentrer pleinement sur la compréhension du récit.
L’après-midi, nous avons relu l’histoire en montrant toutes les illustrations. Au cours de notre lecture, les élèves faisaient parfois des commentaires. Lorsque nous avons montré la page où Max possède son déguisement de loup (cf. Annexe 3), un enfant a remarqué qu’on « ne dirait pas un loup ». Cette intervention nous prouve que certains enfants ne voient pas un déguisement de loup et donc ne perçoivent pas la peur qui pourrait s’en dégager. A la vue du premier maximonstre, certains pensaient que c’était un dinosaure, d’autres un dragon (cf. Annexe 3, phot. 1). Cette difficulté à les distinguer les perturbait. Dans les pages suivantes, ils ne comprenaient pas pourquoi certaines créatures possédaient des cornes. Les élèves ont ri lors du passage des trois doubles pages sans texte. Cette réaction prouve que, même si les chimères les intriguent, ils ne sont pas apeurés lors de la fête organisée par Max.
Après la lecture, nous leur avons posé des questions pour vérifier leur compréhension de l’histoire et essayer de savoir s’ils avaient éprouvé de la peur. Il s’avère que beaucoup n’ont pas eu peur car, comme ils l’ont fait remarquer, « c’est qu’un livre, ça n’existe pas ».
Cependant, le monstre qui terrifiait le plus était celui avec une tête de taureau car d’après eux, « il a des cornes et il peut nous tuer ». Les élèves ont compris que Max n’avait pas peur des monstres car « il leur dit stop ». Par contre à la question « pourquoi Max veut-il s’en aller ? », ils ont eu des difficultés à trouver : c’était parce qu’il « a peur car les maximonstres veulent le manger ». Cette explication, montre que les enfants ont senti l’implicite qui se dégage des créatures, ils ont perçu le danger qu’encourt Max. Cependant, les enfants ont mal compris la raison qui pousse Max à rentrer chez lui. En effet, ils auraient dû répondre que c’est parce qu’il a faim et qu’il sent l’odeur de la nourriture. Les élèves ont commis cette erreur peut être parce qu’au moment du départ de Max, les monstres le menacent de le manger. Comme nos questions ont eu lieu à la fin de la lecture de l’album, ils ont pu confondre et être induit s en erreur par ce passage. A notre question « que faut-il pour qu’un monstre fasse peur ? » les élèves ont bien identifié ce qui était en jeu, à savoir « qu’il soit méchant, qu’il ait des griffes, des cornes, des dents pointues ». Nous avons dû les orienter pour qu’ils abordent les couleurs créant la peur.

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Table des matières
INTRODUCTION 
I – LA PEUR, L’ILLUSTRATION ET L’ENFANT 
A. LA PLACE DE LA PEUR DANS LE DÉVELOPPEMENT PSYCHIQUE DE L’ENFANT
1) LA NÉCESSAIRE CONFRONTATION DE L’ENFANT A SES PEURS
a. Faire face à la fin de la période paradisiaque
b. La nécessité d’établir une signification profonde liant l’enfant et l’œuvre
2) UN OUTIL DE COMPRÉHENSION INTERNE POUR L’ENFANT
a. La peur comme adversaire à la portée de l’enfant
b. Apprendre à objectiver ses pulsions
B. L’ILLUSTRATION ET L’ENFANT
1) L’ILLUSTRATION COMME OUTIL DE COMPRÉHENSION POUR LE JEUNE LECTEUR
2) L’ILLUSTRATION COMME BÉQUILLE POUR L’IMAGINATION DU JEUNE LECTEUR
II – LA PEUR DANS LES ILLUSTRATIONS DU CORPUS
A. ANALYSE DE L’ILLUSTRATION
1) LES TECHNIQUES D’ANALYSE
a. La sémiotique de l’image
b. Le message linguistique
c. Le message iconographique
d. Les signes plastiques
2) L’ILLUSTRATION AU SERVICE DE LA NARRATION
a. Durée et mouvement dans l’image fixe
b. Le rapport du texte et de l’image
3) LA GRILLE D’ANALYSE
B. ANALYSE DES ILLUSTRATIONS DU CORPUS
1) LA PEUR ENGENDREE PAR LE CADRAGE
2) LA TEXTURE DES ILLUSTRATIONS AU SERVICE DE LA PEUR
III – EXPLOITATION PEDAGOGIQUE 
A. EXPLOITATION EN CLASSE
1) SEANCE SUR MAX ET LES MAXIMONSTRES
2) SEANCE SUR MANGEE, MANGEE
3) SEANCE SUR LOUP NOIR
4) SEANCE SUR LES LOUPS
5) SEANCE D’OBSERVATION DES PRODUCTIONS D’ELEVES
B. ANALYSE DES RESULTATS
1) ANALYSE DES RESULTATS OBTENUS AVEC LES ELEVES
2) PROPOSITION D’UNE NOUVELLE SEQUENCE
3) CE QUI POURRAIT ETRE TRAITE EN CYCLE 1
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXES

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