Une diversité de manifestations
Les Gartenschauen prennent plusieurs formes, se déroulent à différentes échelles et impliquent des acteurs différents.
Les Bundesgartenschauen (BUGA) sont les plus fréquentes et les plus nombreuses. Elles ont lieu de manière régulière tous les deux ans dans une ville d’Allemagne, choisie par la DBG après un concours ouvert entre les postulants. Leur popularité est grande auprès du public allemand. Organisées à l’échelle d’un site particulier, elles accueillent des créations artistiques et florales se voulant spectaculaires. Le cahier des charges est relativement bien codifié. L’organisation d’une BUGA demande dans tous les cas des moyens financiers et logistiques importants, de telle sorte que les villes organisatrices sont plus souvent des métropoles ou des grandes villes bien placées dans la hiérarchie urbaine allemande. L’évènement bénéficie presque toujours d’un soutien financier du Land et/ou du Bund. En retour, ces manifestations sont devenues un outil efficace de communication et de marketing territorial (Höhn, 2008).
Les Landesgartenschauen (LAGA ou LGS) connaissent un succès croissant depuis leur lancement au début des années 2000 par le Land du Bade-Wurtemberg. Leur surface d’exposition ne se restreint pas à un site urbain, mais forme un espace continu et cohérent à l’échelle intercommunale, régionale, voire à celle d’un Land, comme dans le cas de la LAGA Landau Gartenschau 2015. Les différentes installations florales et artistiques constituent de véritables continuités écologiques (ou trames vertes). De cette façon, de nombreuses petites villes ont l’opportunité de participer à une Gartenschau via la mise en réseau des différents sites. Les LAGA ont également pour ambition de promouvoir la production régionale et le patrimoine caractéristique du territoire (produits du terroir, innovation industrielle, paysages ruraux et urbains, etc.). Organisées de manière ponctuelle, les LAGA répondent à des besoins spécifiques et sont organisées de manière plus souple que les BUGA ou les IGA. Certains ont aussi pris une dimension transfrontalière sur les limites des territoires nationaux (LGS Strasbourg-Kehl) ou entre deux Länder (LGS Ulm).
A une échelle plus vaste, les Internationale Gartenschauen (IGA) sont organisées tous les dix ans dans une ville d’Allemagne de plus de 50 000 habitants choisie, non pas par la DBG, mais par des institutions d’organisation d’évènements culturels internationaux : l’Association internationale des producteurs horticoles (AIPH) et le Bureau International des Expositions (BIE). Le concours organisé pour le choix du projet de l’exposition horticole et du parc paysager est ouvert aux candidatures internationales – c’est-à-dire à des équipes de paysagistes, d’architectes et d’urbanistes étrangers -, contrairement aux concours pour les BUGA et les LAGA, qui limitent les candidatures à des acteurs nationaux, voire locaux. Le projet doit nécessairement présenter des parties organisées en collaboration avec des pays du monde entier (pavillons et jardins thématiques et traditionnels), partenaires de l’IGA. Ce travail coopératif et interculturel est le garant du label international de la Gartenschau. Le public des IGA est toutefois sensiblement le même que celui des BUGA ou des LAGA, l’aspect international de l’exposition se limitant aux installations et aux collaborations artistiques avec les pays partenaires (Höhn, 2008).
L’ensemble de ces expositions et leurs déclinaisons présentent toutefois des enjeux et des objectifs communs. Toutes, en effet, sont conçues pour valoriser les territoires d’accueil, en favorisant la création et la mise en valeur des espaces publics verts, dans une perspective écologique et durable (Jaquand, 2011). Plus particulièrement, depuis la redéfinition de leurs objectifs en 19518, les Gartenschauen sont utilisées comme des outils de revalorisation des franges et des friches urbaines ; elles ont ainsi permis de réaménager près de 2000 hectares de terrain en 60 ans (Meibert, in Preisler-Holl, 2002).
La Gartenschau, un outil polyvalent de transformation et de promotion territoriales
La Gartenschau dans la tradition des expositions horticoles et florales européennes
La Gartenschau est, avant toute autre chose, une exposition florale et horticole, mettant en scène et en valeur l’art paysager et l’art des jardins. En Europe, ce type d’expositions ne se limite pas à l’Allemagne. On les retrouve, en effet, sous diverses formes, en France, en Angleterre, en Belgique, aux Pays-Bas et en Suisse notamment. Tous ces pays ont développé une tradition d’art et d’exposition horticoles depuis le 19ème siècle (Bucher, Jaquand, 2000). En témoigne par exemple la création de sociétés d’amateurs de plantes et de jardins, comme la Royal Horticultural Society, fondée en 1904 au Royaume-Uni, ou la Société d’agriculture et de Botanique de Gand, fondée en 1908 (Höhn, 2008). Ces sociétés d’amateurs ont été un vecteur important de structuration et de professionnalisation des savoir-faire horticoles (Bucher, Jacquet, 2000). Initialement, leurs objectifs sont les mêmes : il s’agit d’exposer des compositions horticoles et florales et de les transformer en installations artistiques remarquables pour assurer la promotion et le savoir-faire de professionnels. Progressivement, émerge toutefois l’idée d’en faire le support de manifestations artistiques singulières et attractives, sur le modèle d’autres grandes expositions internationales (les Expositions universelles par exemple), grâce à des thématiques originales, des aménagements ambitieux et des campagnes de communication et de promotion (DBG, 2015).
A partir des années 1980, le contexte et les objectifs évoluent encore avec le rôle croissant pris par les paysagistes dans les projets territoriaux (Corajoud, 1998 ; Pousin, 2014) et la « mise en tourisme »9 de l’art des jardins et des paysages (Young, 2010). Citons par exemple, en France, les festivals internationaux des jardins des châteaux de la Loire, dont le plus connu est sans conteste celui du Domaine de Chaumont-sur-Loire. La mise en scène artistique de ces jardins et la programmation culturelle associée y attirent des milliers de visiteurs chaque année (245 400 en 2014, chiffre en nette hausse depuis le milieu des années 200010). Plus généralement, les expositions sont devenues une composante d’attractivité touristique pour de nombreux sites publics et privés, comme les châteaux de la Loire, et aussi un enjeupour les collectivités territoriales. En France, certaines régions ont suivi l’engouement du public pour développer une offre originale de valorisation paysagère. En organisant ce type de manifestation, l’objectif est d’offrir au public un évènement culturel ayant des retombées touristiques positives pour l’économie locale et pour l’image du territoire (Gravari-Barbas, 2013).
Les expositions horticoles allemandes cherchent ainsi de façon croissante à mettre en valeur non seulement des sites en particulier (l’espace de présentation), mais plus généralement le territoire plus vaste dans lequel elles s’inscrivent. Ainsi, les Gartenschauen doivent être analysées à l’aune de leurs dynamiques touristiques et culturelles. Elles tendent à « devenir une plus-value, un atout pour une relance économique locale et un produit touristique à part entière.» (Fischesser, Dupuis-Tate, 2003, p. 52).
Des manifestations régies par la Deutsche Bundesgartenschau Gesellschaft (DBG)
La procédure présentée ci-après est valable uniquement pour les BUGA et les IGA, dans la mesure où, comme nous l’avons dit, les LAGA, plus récentes, ne suivent pas exactement les mêmes exigences et n’engendrent par les mêmes jeux d’acteurs.
La Deutsche Bundesgartenschau Gesellschaft (DBG), fondée en 1951, est un organisme privé, dont le champ d’action est fédéral, qui est en charge du respect des normes et des objectifs propres aux Gartenschauen, afin d’en garantir la qualité. Lors de sa création, l’objectif de cette structure était de donner une cohérence et une visibilité nationale à ces expositions (Höhn, 2008). Dans cette perspective, la DBG a établi un certain nombre de critères, dont la complexité a évolué avec le temps [tableau 1], susceptibles de garantir la qualité esthétique et fonctionnelle des espaces verts livrés. Ils constituent le socle d’un véritable « label Gartenschau », qui se décline dans un cahier des charges, sur la base duquel sont organisés les concours de sélection des villes. On notera d’emblée que ces critères prennent en compte les exigences d’intégration des projets dans les dynamiques locales de développement urbain et de protection environnementale (Preisler-Holl, 2002). La DBG est également garante de la faisabilité technique et financière de chaque exposition en fonction du territoire dans lequel elle s’inscrit.
Le tableau 1 répertorie les critères principaux obligatoires à l’éligibilité d’une ville pour l’organisation d’une Gartenschau. Comme nous pouvons le voir, les exigences présentées forment comme un cahier des charges relativement complet.
La complexité d’organisation d’une Gartenschau a été l’une des difficultés majeures rencontrées dans le cadre de notre recherche. Les documents consultés, principalement germanophones, ne comportaient que de très brèves explicitations quant aux compétences des différents acteurs. Ainsi, il nous a fallu regrouper, analyser et synthétiser des données disparates et incomplètes afin de mettre en forme le schéma 2.
Nous pouvons identifier trois grandes étapes dans le processus d’organisation d’une Gartenschau, qui mettent chacune en jeu des configurations d’acteurs différentes :
la phase de présentation et d’examen des candidatures ;
le choix du projet de Gartenschau et de sa maîtrise d’ouvrage ;
l’exposition elle-même et son devenir.
L’initiative d’une Gartenschau provient généralement d’un ensemble hétérogène d’acteurs qui, plus d’une dizaine d’années avant l’organisation de l’exposition, travaillent de concert afin de constituer une candidature et un projet attractif qu’ils soumettent à une ville donnée. Ce groupe se compose, de manière variable, d’acteurs publics (collectivités territoriales, services déconcentrés de la ville dans les différents quartiers) et d’acteurs privés (associations, entreprises, bureaux d’étude en urbanisme et architecture, sponsors locaux). Ceux-ci adressent une proposition officielle à la potentielle ville organisatrice. Un premier budget prévisionnel est élaboré à partir de l’exemple de manifestations similaires réalisées précédemment. Si la ville accepte et valide la proposition, le projet est ensuite soumis à une confédération professionnelle fédérale travaillant en collaboration étroite avec la DBG, le Zentralverband Gartenbau (ZVG), en charge d’effectuer une première sélection et de repérer les meilleures candidatures (Höhn, 2008).
Commence alors un travail collaboratif entre les villes dont la candidature a été retenue et le ZVG, afin de proposer une version approfondie, enrichie d’une étude de faisabilité, d’un budget détaillé et de premières propositions concrètes d’organisation. Celles-ci sont ensuite soumises à l’avis de la DBG. Seules les candidatures pour une IGA doivent parallèlement être transmises à l’Association internationale des producteurs horticoles (AIPH) et au Bureau International des Expositions (BIE) pour un double contrôle.
Première étape [encadrés gris du schéma]
Suite à l’examen de toutes les candidatures, la DBG choisit la ville organisatrice. Une deuxième phase de concertation est engagée, cette fois entre la DBG et la ville retenue : une équipe mixte en charge de l’organisation et de la gestion de la Gartenschau est mise en place. Elle est considérée, plus généralement, comme le comité de gestion de la Gartenschau à organiser. Il est composé à la fois d’acteurs publics politiques, associatifs (représentants d’associations d’habitants par exemple) et privés (représentants d’entreprises participant au financement de l’exposition, urbanistes, architectes, paysagistes, agences de communication et de publicité).
Deuxième étape [encadrés roses du schéma]
L’équipe constituée est en charge de l’organisation du concours, consacré au choix du projet paysager définitif de la Gartenschau. Des propositions de projets sont faites par des équipes de paysagistes, d’architectes-paysagistes, d’urbanistes ou des équipes mixtes et pluridisciplinaires, en fonction du cahier des charges et des grands objectifs validés par la DBG au cours de l’étape précédente. Le jury doit évaluer l’adéquation entre les projets présentés et les objectifs territoriaux définis par la ville. Formé spécifiquement pour le concours, il ne se compose pas uniquement de membres de l’équipe officielle de la Gartenschau. En effet, celle-ci fait appel à des personnalités extérieures, soit pour leur qualité d’expert (personnalités politiques, urbanistes, paysagistes, jardiniers, horticulteurs, membres de la DBG ou du ZVG), soit pour leur qualité d’usager (habitants du quartier, représentants d’associations locales, etc.).
Entre le dépôt des projets et la décision du jury, il ne s’écoule que quelques semaines, une célérité qui contraste avec les délais extrêmement longs du reste du processus. Une fois le projet choisi, il fait l’objet d’une exposition publique, au cours de laquelle le paysagiste en chef en charge du projet vainqueur présente les enjeux, les objectifs et les modalités de réalisation du projet global (l’exposition et l’espace vert final) aux habitants. Pour certains acteurs, il s’agit aussi de désamorcer en amont le risque de contestations de la part des riverains, qui peut s’avérer un véritable frein à la mise en oeuvre du projet.
Troisième étape [encadrés bleus du schéma]
Enfin, la phase de travaux pour la réalisation du projet paysager est engagée. Le choix de la maîtrise d’oeuvre est laissé libre au paysagiste en chef, parmi un certain nombre de candidatures faites sur la base de son projet général. Il est difficile de déterminer une durée unique des travaux d’aménagement ; il s’agit en moyenne de deux à trois ans, en fonction de l’ampleur des transformations à faire sur le site de l’exposition. Dès le commencement des travaux, la ville et le comité de gestion, en partenariat avec des agences spécialisées, lancent des campagnes de publicité et de communication relevant d’une démarche de marketing territorial. Une part importante du budget est consacrée à ce volet de l’exposition, dans la mesure où toutes ces démarches visent à assurer l’attractivité et donc la rentabilité de l’exposition. Aménagée pour l’accueil d’un large public, l’exposition est ouverte au public pour une durée de six mois.
Enfin, la dernière phase est celle, décisive, de la reconversion de l’exposition en espace vert pérenne. En effet, cette étape détermine ce que devient le site après la Gartenschau. La reconversion de l’espace projeté dès la conception du projet vise à véritablement aménager le parc dans son environnement urbain. Elle s’accompagne d’une ouverture totale et définitive au public, même si certains travaux sont encore susceptibles d’intervenir. Depuis le début des années 2000, on constate que les parcs « post-Gartenschau » conservent davantage leurs caractéristiques esthétiques et paysagères, notamment dans leurs formes et leurs volumes (Kasiske, Schröder, 2001), ce que nous mettrons notamment en évidence dans le cas de l’IGS Hambourg de 2013.
Finalement, la Gartenschau est une pratique à la fois culturelle et d’aménagement urbain propre à l’Allemagne. En effet, dans le cas allemand, on observe au moins trois traits spécifiques : une systématisation des procédures d’organisation ; une régularité des manifestations ; une déclinaison des projets à différentes échelles territoriales. Cependant, la démarche de conception ou de valorisation d’un espace paysagé (de nature aménagée) dans le but de dynamiser un territoire urbain s’inscrit dans un champ beaucoup plus large de recherches et de pratiques contemporaines. Elle conduit ainsi à s’interroger sur l’évolution de la perception de la place et du rôle de la nature en ville.
LES GARTENSCHAUEN ET L’ANCRAGE PLURIDISCIPLINAIRE DU CONCEPT DE NATURE EN VILLE : NOUVEAUX REFERENTIELS, NOUVEAUX ENJEUX
Dans cette partie, il s’agira de mettre en perspective notre objet d’étude, en présentant son inscription dans un champ de recherches et de pratiques en plein renouvellement, structuré autour des différentes déclinaisons de la notion de « nature en ville ». Nous nous appuierons principalement sur des références francophones et européennes, en gardant à l’esprit les temporalités différenciées de ce « retour à la nature » entre l’Allemagne (dès les années 1980) et la France (à partir de la fin des années 1990).
L’émergence de la notion de durabilité urbaine
A Hambourg comme ailleurs, les Gartenschauen tendent à s’inscrire dans des politiques globales de protection et de développement des espaces naturels métropolitains, qui empruntent à bien des titres au concept de développement durable appliqué à la ville. Passé dans le langage courant, largement popularisé dans le champ médiatique et politique, ce concept a été introduit en 1987 par le rapport dit Brundtland de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, dans un contexte de prise de conscience des effets du développement économique sur les grands équilibres de la planète. Pour une large majorité d’auteurs, il peut être défini, à la suite du rapport, comme une volonté « d’harmoniser le développement économique et social avec la préservation de la biosphère, d’assurer les besoins de la population actuelle sans compromettre l’existence des générations futures » (Merlin, Choay, 2014, p. 252).
Ainsi, le développement durable apparaît à la fois comme un référentiel idéologique global et un idéal programmatique de développement. Pour de nombreux auteurs, le concept souffre toutefois d’une trop grande généralité, qui en affecte et affaiblit la portée. En témoigne la définition proposée par la géographe Cyria Emelianoff dans le Dictionnaire de la géographie et des espaces des sociétés (Lévy, Lussault, 2013) : le développement durable y est présenté comme un « champ variable de réflexions, de pratiques et de prises de conscience, bien davantage qu’une réalité univoque ». Cette diversité « ne se prête pas pour l’instant à des significations trop précises de l’expression, qui tendraient à la réduire et à la figer » (Emelianoff, 2013, p. 250). L’auteure insiste également sur la banalisation contemporaine de la notion.
La nature en ville, une approche pluridisciplinaire : formes, expressions, appropriations
Le désir et la demande de nature des citadins : nouvelles exigences et nouveaux enjeux pour la fabrique de la ville
L’économiste et géographe Lise Bourdeau-Lepage utilise volontiers l’expression de « verdissement de la société » (2013) pour décrire un double phénomène contemporain de désir et de demande de nature en ville des citadins. Ce « verdissement » se traduirait de deux manières : d’une part, la volonté de vivre dans des villes plus vertes, plus durables et plus écologiques, exprimée parallèlement à une prise de conscience croissante du rôle des espaces de nature dans la qualité de vie urbaine (Delabarre, Marry, 2012) ; d’autre part, la multiplication des projets d’espaces de nature en ville, portés par les politiques publiques d’aménagement afin de répondre ces attentes (Masboungi, 2002).
De nombreuses recherches et enquêtes scientifiques tendent à montrer et à illustrer l’ampleur de la demande sociale d’espaces de nature en ville : analyse des liens entre habitabilité et nature urbaine (Blanc, 2010 ; Delabarre, Marry, 2012) ; réflexion sur le rôle des jardins dans les logiques d’installation résidentielle (Boutefeu, 2005 ; Cavailhès, 2009) ; mise en évidence de l’impact des espaces verts sur la qualité de vie (Basel, 2002). Par ailleurs, plusieurs enquêtes d’opinion montrent que les urbains plébiscitent de façon croissante la nature en ville sous toutes ses formes.
Parmi ces enquêtes, un rapport de l’OCDE (2011) révèle que près de 12% des Européens estiment que leur accès aux espaces verts collectifs est insuffisant. Il existe toutefois d’importantes disparités entre les pays : les Français s’expriment à 14% en ce sens, contre seulement 4% des Allemand ! Cette insatisfaction a également été identifiée dans le cadre d’une vaste enquête privée auprès de citadins internationaux : près d’un quart des Français, des Allemands et des Etats uniens se disent insatisfaits du temps qu’ils peuvent passer dans les espaces verts, notamment dans les parcs. Une enquête Unep-Ispos 201316, relative à la place des jardins et des espaces verts dans la vie quotidienne des Européens, montre pour sa part que les espaces verts/de nature ne sont pas uniquement considérés comme des espaces de loisir par les citadins ; ils répondent aujourd’hui à d’autres fonctions (bien-être, rencontre, partage, écologie).
Des approches nationales demeurent néanmoins prégnantes. Ainsi, on constate ainsi que : les Anglais ont conservé une conception traditionnelle, décorative et ludique, des espaces individuels et collectifs de nature en ville ; pour une large majorité des Allemands et des Espagnols, l’espace vert et le jardin sont des espaces de sociabilité et de bien-être ; les Français, pour la moitié des personnes interrogées, considèrent ces espaces comme étant « bons pour l’environnement », en une période de prise de conscience croissante des enjeux environnementaux et écologiques. Ces résultats soulignent la relativité des fonctions de ces espaces selon les pays, c’est-à-dire la diversité des modes de leur perception et de leur appropriation par les populations locales.
Cette même enquête Unep-Ispos, présente d’autres chiffres révélateurs : pour près de sept Européens sur dix, la présence d’espaces verts à proximité est devenue un critère « important » ou « très important » lors du choix résidentiel (p. 11). D’autres études, comme celle réalisée récemment pour l’Observatoire de la Ville (SOFRES, 2007), confirment cette volonté des citadins de se rapprocher de la nature pour améliorer leur cadre de vie. Ainsi, le désir de nature, présenté dans un premier temps comme une demande d’aménité urbaine supplémentaire, apparaît comme un véritable besoin pour les citadins, comme une mesure de compensation dans un contexte de densification urbaine croissante, au coeur de débats sur la manière de faire la ville et d’y vivre en créant des ambiances et des pratiques spécifiques et nouvelles (Delabarre, Marry, 2012). Les espaces de nature en ville tendent donc plus essentiellement à s’inscrire dans des dynamiques d’aménagement du territoire, portées par des politiques publiques d’intégration et de valorisation de ces espaces en milieu urbain dense (Delbaere, 2010).
Nature et ville dans les sciences sociales et géographiques
La thématique des liens entre nature et ville a gagné en importance dans l’attention que lui consacrent les chercheurs en sciences sociales. Elle est ainsi devenue un motif récurrent de recherches en en géographie culturelle et sociale, en sociologie, en ethnologie, mais aussi en histoire et en histoire de l’art. Eu égard aux contraintes temporelles et matérielles de ce travail, aussi bien qu’aux enjeux spécifiques associés à notre étude de cas, il ne nous a pas semblé nécessaire de dresser un inventaire exhaustif de ces travaux. Toutefois, il nous paraît important d’inscrire ce mémoire dans un champ scientifique marqué par quelques références majeures dans le champ de la géographie culturelle et environnementale, qui ont ponctué notre travail bibliographique exploratoire [encadré 1].
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1. Les Gartenschauen, un objet de recherche à la fois singulier et emblématique de l’évolution des enjeux de la nature en ville
I. La Gartenschau, un projet de nature en ville spécifique à l’Allemagne
II. Les Gartenschauen et l’ancrage pluridisciplinaire du concept de nature en ville : nouveaux référentiels, nouveaux enjeux
III. Les hypothèses et le protocole méthodologique de la recherche
Chapitre 2. L’IGS Hambourg 2013, entre héritages, innovations et contestations
I. L’IGS Hambourg 2013, une Gartenschau d’un nouveau genre ?
II. L’Inselpark : entre attentes déçues et appropriations progressives du nouveau coeur vert de Wilhelmsburg Mitte
CHAPITRE 3 : DE L’INSELPARK A LA METROPOLE : DES OUTILS AU SERVICE DES STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT DE LA VILLE-LAND ?
I. Le quartier de Wilhelmsburg, cible désormais prioritaire des politiques de développement local
II. A l’échelle de la ville-Land : entre attractivité, rééquilibrage territorial et requalification des périphéries
III. A l’échelle de la métropole : à la recherche de nouvelles continuités écologiques
Conclusion
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