Généralité sur l’instabilité politique et croissance économique
Après plus d‟un demi-siècle d‟indépendance, parmi les pays-sous-développés, ceux situés en Afrique sont particulièrement caractérisés par la précarité de leur stabilité sociopolitique. Pour autant, des réformes politiques ont été maintes fois annoncées par les dirigeants africains, au point que « le changement » constitue un des fonds de propagande. Mais la réalité est que rares sont les pays africains qui ont connu une stabilité sociopolitique durable. Les structures juridico-institutionnelles, l‟environnement sociopolitique ainsi que le système économique qui ont été mis en place jusqu‟ici ne sont pas satisfaisants, et sont jugés incapables de répondre aux attentes des citoyens. Les espoirs d‟une croissance économique soutenue suscités, au lendemain de leurs indépendances respectives, se sont volatilisés et mués en désillusions, un désarroi dus à la tension sociale et l‟instabilité politique.
Cadre conceptuel
L‟instabilité politique et la croissance économique sont des concepts qui renferment beaucoup de composantes. De ce fait, il est important de les étudier d‟une façon particulière. Dans cette section, il sera alors question de donner un cadre général aux débats concernant ce type de phénomène.
Natures et origines des instabilités politiques
L‟instabilité politique et les crises politiques sont devenues des lots de quotidien, particulièrement dans les pays en voie de développement. Mais qu’est-ce qui détermine exactement l‟instabilité politique? Dans les lexiques courants, il existe beaucoup de synonymes du mot instabilité: déséquilibre, errance, fluctuation, fragilité, inconstance, mobilité, versatilité, vacillation, précarité, tangage, turbulence. Ainsi, par opposition, l‟adjectif « stable » fait aussi référence à des situations différentes. Est entendu comme étant stable, ce qui est en permanence dans un état équilibré, et qui se maintient dans le temps sans que ses caractéristiques varient sensiblement.
La stabilité politique, définie dans ce cas une situation politico-institutionnelle d’un pays qui serait dans un état constamment déterministe, marquée par un environnement économique et politique prévisible durablement. Elle fait plutôt référence à une situation où les institutions jouent pleinement leur rôle d‟interaction et, que, la culture démocratique se trouve observée sur toute l‟échelle de l‟Etat. Par conséquent, l’instabilité politique serait constituée par de facteurs remettant en cause cette durabilité et cette fermeté. D‟un point de vue sociologique, l‟instabilité est une situation sociale où des groupes sociaux s’affrontent, faisant courir le risque de manifestations, de grèves, des tensions, des antagonismes et des conflits entre les groupes qui composent la société.
Une crise est, de ce fait, un événement social qui se caractérise par un paroxysme des souffrances, des contradictions ou des incertitudes plus ou moins de longue durée, pouvant produire des explosions de violence ou de révolte. Elle s‟agit donc d‟une rupture d’équilibre social. Une crise politique constitue alors un des moments importants, et parfois décisif dans la vie d’une nation car son existence reflète l’inadéquation manifeste entre l’organisation et les institutions politiques avec la réalité vécue par les gouvernés. Celle-ci peut se manifester sous plusieurs formes : grèves, mouvements de revendications sociales, contestations, émeutes, révolte populaire… L‟ampleur ou l‟envergure, et le temps sont les paramètres d‟une crise. Dans ce cas, toute crise institutionnelle débouche souvent sur la mise en place d‟une nouvelle forme de régime politique avec un changement de Constitution et de régime provoquant une alternance de gouvernement non conforme aux règles démocratiques. Toutefois, il ne faut pas faire un amalgame entre instabilité politique et crise. D‟après le Professeur Adrien Michel Ratsimbaharison , « il y a instabilité politique lorsque le pouvoir en place n’arrive pas à satisfaire les attentes des dirigés. Si cela persiste, il y aurait une forte mobilisation de la masse et pouvant aboutir à la mise en place de milices, c’est ce qui engendre la crise. Et à un stade supérieur, c’est la guerre civile ».
Les formes d’instabilités sociopolitiques
L‟instabilité politique est un concept à plusieurs variantes qui ne se recoupent pas totalement et doivent être prises en compte différemment. Cette instabilité recouvre deux réalités distinctes à savoir, les changements brusques du pouvoir politique par la violence et ceux qui sont réguliers dans le respect des formes légales. La première forme d‟instabilité est liée à ce que Fosu (1992) désigne par instabilité d’élite. Celle-ci regroupe les coups d‟Etat réussis ou manqués, les complots, les climats de tensions sociopolitiques ouvertes, les rumeurs ou les faits de troubles, les assassinats ciblés, les répressions et les arrestations à caractères politiques, ainsi que les actes de guérilla sous différentes formes . D‟autres auteurs, comme Hudson (1972) et Gupta (1991), font état de trois formes d‟instabilités sociopolitiques . En premier lieu, l’instabilité d’élite ou de l’exécutif qui englobe les coups d‟Etat, les changements et les crises de gouvernement. Un exemple typique et éloquent est celui de l‟Egypte depuis le « printemps Arabes » de 2011. En deuxième lieu, l’instabilité de masse correspondant à la recrudescence des mouvements sociaux tels que les grèves, les manifestations ou les émeutes. Cette dernière débute souvent par des revendications spécifiques bien précises et débordantes et finisse par la dissolution de l‟organe exécutif; c‟était le cas du Haïti (1843-1848, 1867-1879, 1908-1915 et 1986-1994) et de Madagascar (1972, 1991). La troisième est l’instabilité armée ou violente, qui débouche sur une guerre civile, la formation d‟une guérilla, et l‟organisation des coups de force pour s‟emparer du pouvoir. C‟était le cas du Rwanda (1990-1994), de la RDC (1996-2003), et actuellement de la Syrie ou de l‟Ukraine.
De ces diverses formes d‟instabilité, il est maintenant possible de construire un cadre d‟analyse pour l‟étude cas par cas de ces instabilités politiques. La base est constituée par les quelques faits historiques vécus en Afrique. Ce dernier est sans conteste le continent qui détient le record des coups d‟Etat au monde. A la suite de la vague d‟indépendances dans les années 1960, les conflits sociopolitiques nés de la création des Etats postcoloniaux, ont engendré les immiscions fréquentes des armées nationales dans le jeu politique, sous-prétexte que les militaires sont les derniers remparts pour l‟unité et la stabilité de la nation en période de crise. Voici quelques exemples des coups d‟Etat les plus récents en Afrique: Mali (22 mars 2002), Côte d‟Ivoire (19 septembre 2002), Guinée-Conakry (22 Décembre 2008), Madagascar (mars 2009), Tunisie-Egypte-Libye (début 2011), Guinée Bissau (29 Avril 2012), République Centrafrique (24 mars 2013). Si l‟instabilité reste omniprésente dans les pays sousdéveloppés, il est nécessaire de se poser la question sur les causes de ce phénomène.
Causes de l’instabilité politique
Les causes les plus probables de l‟instabilité sociopolitique sont très complexes, et varient d‟un pays à un autre ou suivant la nature de l‟instabilité. A ce sujet, J-B. Véron (2008) appuie ses idées sur des paramètres d‟ordre culturel opposant certains groupes sociaux, les uns aux autres, fondées sur des considérations identitaires, de type ethnique ou religieux . Pour le contexte de l‟Afrique Subsaharienne, le cas des pays comme le Rwanda, le Liberia ou le Nigéria est exclusivement informatif. Ces causes, qui seraient latentes dans des nombreux pays pauvres, surtout dans ceux où la reconstruction nationale est la plus récente, sont plus fréquentes. Plusieurs facteurs, à la fois endogènes et exogènes, concourent à la déstabilisation des institutions politiques et constituent encore à l‟heure actuelle des sources de conflit en Afrique. Il s‟agit, notamment de la contestation du pouvoir en place. Notons que les problèmes frontaliers sont la base de plusieurs confrontations armées interétatiques dans beaucoup de pays africain, et ce, depuis leur indépendance.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : LIENS THEORIQUES ENTRE INSTABILITE POLITIQUE ET CROISSANCE ECONOMIQUE
CHAPITRE I : GENERALITE SUR L‟INSTABILITE POLITIQUE ET CROISSANCE ECONOMIQUE
Section 1 : Cadre conceptuel
Section 2 : Apport du financement extérieur dans la croissance économique
CHAPITRE II. CORRELATION ENTRE L‟INSTABILITE POLITIQUE ET LA CROISSANCE ECONOMIQUE
Section 1 : Influence de l’instabilité politique sur la croissance économique
Section 2 : Le modèle théorique du cycle politico-économique et les effets pervers de l’instabilité politique
PARTIE II : ANALYSE EMPIRIQUE DES RELATIONS ENTRE LA CROISSANCE ECONOMIQUE ET L’INSTABILITE POLITIQUE A MADAGASCAR
CHAPITRE III. PARADOXE ENTRE CROISSANCE ECONOMIQUE ET SITUATION POLITIQUE A MADAGASCAR
Section 1 : Evolution du cadre politico-économique à Madagascar depuis 1960
Section 2. Mesure et impact de l’instabilité politique sur l’économie malgache
CHAPITRE IV : ANALYSES DES FAITS ET PERSPECTIVES DE SOLUTIONS
Section 1 : les jalons du facteur politico-économiques
Section 2. Recommandations
CONCLUSION