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Des résultats à interpréter avec vigilance
Le constat de ces limites méthodologiques retrouvées dans plusieurs articles s’ajoute à celui de l’hétérogénéité des cas recouverts par le terme générique de TDC pour appeler à une certaine prudence dans l’interprétation et l’extra- polation des résultats.
Par ailleurs, il est important de garder en tête que de nombreux résultats présentés dans les articles et dans cette expertise concernent des groupes, et donc des comparaisons de moyennes, qui ont parfois tendance à estomper la diversité des cas. Ces résultats n’indiquent ni que tous les enfants présen- tant un TDC sont concernés par les déficits ou les situations rapportés, ni que les résultats mentionnés s’appliquent automatiquement à un individu donné.
Enfin, les règles et critères de publications amènent les chercheurs à mettre plutôt en lumière les résultats « positifs » (c’est-à-dire pour lesquels un déficit ou un problème est trouvé de manière significative) contrairement à ceux qui apparaissent « négatifs » (c’est-à-dire pour lesquels un déficit ou un problème n’est pas trouvé, de manière significative). Le tableau qui en ressort peut donc apparaître parfois quelque peu déséquilibré. 9
Trouble développemental de la coordination ou dyspraxie
Des champs encore peu explorés
L’analyse de l’ensemble de la littérature indique que les sciences sociales se sont encore peu emparées de ce sujet car il existe peu de publications concer-nant les personnes présentant un TDC et leur prise en charge ou accompa-gnement. Cette littérature réduite ne permet de saisir que très modestement la complexité des situations vécues, l’influence du milieu social ou encore les interactions entre acteurs impliqués, pour ne citer que quelques dimen-sions qui pourraient être explorées plus en profondeur. Tout au plus, une littérature à l’interface entre littérature professionnelle et scientifique nous permet de saisir des pratiques professionnelles.
Par ailleurs, dans certaines disciplines (épidémiologie, sociologie, sciences de l’éducation, etc.) ou concernant certains aspects relatifs au TDC (troubles médicaux associés, participation et qualité de vie, inclusion scolaire, activité physique, acteurs professionnels de la prise en charge, etc.), la rareté des publi-cations françaises est regrettée dans la mesure où le contexte national – dans ses dimensions politique, culturelle et institutionnelle – joue un rôle important.
Enfin, il existe peu de recherches sur les adolescents et adultes présentant un TDC. Ce manque concerne les études expérimentales pour mieux comprendre le trouble aux différents âges de la vie et en saisir notamment l’évolution physiologique. Il concerne aussi les situations de handicap et le vécu de ces populations. Si quelques travaux existent sur ce sujet ils restent encore insuffisants. La clinique est aussi concernée puisqu’elle manque notamment d’outils d’évaluation pour ces tranches d’âges ainsi que de lieux d’accueil et que très peu de travaux existent sur des interventions destinées
ces populations. Plus largement, les parcours de soins, de santé, de scolarité ou encore les parcours professionnels sont méconnus alors même qu’ils sont associés à des enjeux importants : orientation au sein du système sanitaire et social ainsi qu’orientations scolaire et professionnelle.
PRÉVALENCE, FACTEURS DE RISQUE, TROUBLES ASSOCIÉS
Les estimations de prévalence à l’âge scolaire
Les estimations récentes de la prévalence du TDC s’appuient sur la définition du DSM-IV, puis du DSM-5 depuis 2013, et utilisent principalement la MABC ou MABC-2 pour la mesure du trouble de la coordination. À l’âge scolaire, les prévalences varient de 1,8 % à 5,4 % quand on considère le 5e percentile de la MABC comme seuil pour interpréter que la performance motrice est significativement inférieure à la normale compte tenu de l’âge chronologique. Elles varient de 6,7 % à 27,7 % quand la valeur seuil considérée est le 15e per-centile, avec une surreprésentation du trouble chez les garçons (sex ratio 1,8 :1). Cette variabilité est liée aux modalités de sélection des popula-tions observées, à leurs caractéristiques (exclusion ou non des enfants avec déficience intellectuelle, trouble neurologique ou psychologique sévère), à la prise en compte ou non du retentissement du trouble sur la vie quotidienne ou les performances académiques. Les chiffres extrêmes, en particulier, sont à prendre avec précaution. La limite basse pour le seuil au 15e percentile cor-respond par exemple à une étude qui n’a utilisé que 3 sub-tests de la MABC pour l’évaluation de la performance motrice. Celle plus haute n’a par exemple pas exclu les troubles neurologiques autres. Il n’existe pas, à notre connais-sance, de données épidémiologiques pour la population française.
Parmi les facteurs de risque identifiés, la prématurité est le plus important
La littérature scientifique a bien documenté les liens entre, d’un côté, des difficultés motrices (coordination, équilibre, contrôle moteur, intégration visuo-motrice, etc.) et, de l’autre, la prématurité, le faible poids de naissance ou la survenue de tout évènement neurologique pendant la périnatalité (AVC, anoxie, etc.). La survenue de ces difficultés motrices à l’âge scolaire est élevée. Ainsi, environ 32 à 49 % des enfants nés prématurément présen-tent ces difficultés (< 15e percentile ou -1 ET) avec 14 à 24 % de ces enfants qui sont modérément ou plus sévèrement touchés (< 5e percentile ou -2 ET). De manière générale dans cette population à risque, l’occurrence du TDC à l’âge scolaire est 3 à 8 fois plus fréquente que chez les enfants nés à terme ou de poids normal à la naissance. Le risque de présenter un TDC augmente avec la diminution de l’âge gestationnel à la naissance. Chez les enfants nés prématurément, les études explorant la relation entre TDC et facteurs de risque périnataux rapportent que le sexe masculin, le retard de croissance intra-utérin, l’exposition aux corticoïdes postnataux et la dysplasie broncho-pulmonaire sont des facteurs de risque indépendants de la survenue du TDC. De manière attendue, des retards d’acquisition motrice ou l’existence de troubles moteurs précoces à 2-3 ans, sans affection neurologique motrice, ont été décrits comme des prédicteurs du TDC à l’âge scolaire.
DÉFICITS DE FONCTIONS, MÉCANISMES ET MODÈLES EXPLICATIFS
La personne atteinte de TDC peut présenter des déficits au niveau des fonctions motrices fines avec un impact important sur l’écriture manuscrite
Comme mentionné précédemment, les apprentissages scolaires sont peu pris en compte dans les études concernant les activités et la participation. Même les difficultés concernant l’écriture manuscrite sont principalement abordées en matière de déficit des fonctions motrices fines. Pourtant, aujourd’hui encore, à l’heure du numérique et du digital, l’écriture manuscrite reste un acquis essentiel au fonctionnement de notre société, se situant à la base de nombreuses productions aussi bien scolaires que professionnelles. À l’école, l’écriture manuscrite représente la principale tâche académique des enfants, s’inscrivant quotidiennement dans 30 à 60 % de leurs activités. Malgré un apprentissage correct et des entraînements appropriés, certains enfants n’arri-vent jamais à atteindre un niveau en écriture suffisant pour leur permettre d’accéder aux autres niveaux de l’expression écrite (orthographe, syntaxe, etc.). Ces troubles de l’écriture manuscrite, regroupés sous le terme de « dys-graphies », sont observés dans différents contextes pathologiques, notam-ment le TDC. Étant donné l’importance de l’écriture manuscrite aussi bien dans la réussite scolaire que professionnelle, le diagnostic et la prise en charge précoce des dysgraphies sont donc essentiels, ces troubles pouvant en effet avoir de graves conséquences pour l’enfant en impactant les apprentissages scolaires, notamment lors de situations de double tâche. Cependant, il est important de rester prudent sur le diagnostic de dysgraphie qui marque défi-nitivement un trouble, alors que pour certains enfants il s’agit d’un retard de maturation du geste ou d’un trouble psychologique qui retentit sur le geste.
Les enfants porteurs d’un TDC présentent des déficits de la motricité globale et de la motricité fine, avec notamment des difficultés à réaliser des gestes coordonnés dans un but précis, en général dans le cadre d’un apprentissage spécifique et contextualisé : utiliser des couverts, manier un outil, découper, dessiner, écrire, jouer d’un instrument, attraper une balle, etc. Le dévelop-pement de la motricité fine, et plus particulièrement la capacité à réaliser des mouvements différenciés des doigts, contribue au développement de la prise de l’outil scripteur. De ce fait, il n’est pas étonnant qu’une des activités motrices fines qui pose le plus problème aux enfants présentant un TDC soit l’écriture. Plus de la moitié de ces enfants sont en effet dysgraphiques, et ces difficultés constituent une des principales raisons de consultation.
Les déficits en écriture observés chez ces enfants concernent non seulement le produit final (problème de lisibilité, nombre d’erreurs plus important que chez les enfants typiques) mais également le processus d’écriture. On constate une grande hétérogénéité concernant les déficits en écriture observés chez les enfants présentant un TDC, avec d’importantes variations inter- et intra-individuelles en fonction de la complexité de la tâche ou des contraintes imposées. Cette diversité des déficits est probablement liée à la grande hété-rogénéité des troubles présents chez ces enfants ainsi qu’à un aspect déve-loppemental de l’organisation gestuelle qui n’est pas pris en compte dans l’évaluation. Dans plusieurs publications, l’association avec le TDA/H pose aussi la question de ce qui relève d’un trouble attentionnel et ce qui relève du TDC. Néanmoins, l’écriture des enfants porteurs d’un TDC présente un certain nombre de caractéristiques constantes. Tout d’abord, l’écriture est lente et peu voire pas lisible. Elle est moins fluide et moins régulière que celle des enfants typiques, les lettres sont très irrégulières, déformées, et l’agencement des lettres et des mots dans l’espace de la feuille est souvent désordonné. Ces enfants ont aussi du mal à suivre les lignes et à respecter les hauteurs relatives des lettres et des portions de lettres. L’écriture des enfants présentant un TDC peut en outre se caractériser par une taille exces-sive. Enfin, leur écriture est beaucoup plus altérée lorsque des contraintes de taille ou de vitesse sont imposées.
Dans la littérature ces caractéristiques semblent être reliées à des difficultés pour contrôler les mouvements et la coordination inter-segmentaire des mus-cles du bras et/ou des doigts, et/ou à un déficit de l’intégration visuo-motrice, c’est-à-dire la coordination entre la perception visuelle et la coordination du mouvement du bras et des doigts. L’hypothèse d’un déficit d’automatisation des compétences motrices et dans l’apprentissage de séquences de mouve-ments pourrait également expliquer certaines difficultés d’écriture manus-crite ainsi que leur impact sur les apprentissages scolaires, notamment dans des situations de double tâche.
Le TDC est un trouble cognitivo-moteur plutôt que moteur
L’étude des fonctions cognitives telles que la perception, l’attention, les fonc-tions exécutives et la mémoire est essentielle à la compréhension des diffi-cultés rencontrées par les individus présentant un TDC et nécessaire pour comprendre l’étiologie de ce trouble. Bien que les théories dynamiques et écologiques du contrôle moteur deviennent de plus en plus présentes dans les publications sur le TDC, l’approche cognitive du contrôle moteur et de l’apprentissage moteur est dominante depuis les années 1990 dans la recherche sur les processus cognitifs déficitaires dans le TDC et maintient sa présence dans la littérature actuelle. Cette approche considère que la production d’une réponse motrice est le résultat de la mise en œuvre de processus moteurs et cognitifs. La production d’une réponse motrice adaptée, rapide, précise et stable est ainsi permise par la mise en jeu de différentes fonctions cognitives. Dans les publications, les processus cognitifs tels que la perception, l’attention, les fonctions exécutives, la métacognition et la mémoire sont envisagés de manière isolée. Ainsi, chaque publication traite d’un processus particulier, exploré par une méthode expérimentale spéci-fique, et donne lieu, la plupart du temps, à une conclusion en termes de déficits plutôt que de fonction préservée, ce qui rend difficile une vision globale de la cognition dans le TDC. Des approches cliniques avec l’évalua-tion standardisée et normée des fonctions neuropsychomotrices et neuro-psychologiques apportent aussi de précieux éléments sur les déficits fonc-tionnels relevant du TDC. Il ressort de l’ensemble de ces publications une hétérogénéité des processus cognitifs qui peuvent être affectés, soulignant l’importance d’une évaluation complète et d’une approche individuelle des personnes présentant un TDC.
Les déficits perceptifs sont hétérogènes dans le TDC et restent encore à explorer
Les travaux sur la perception dans le TDC sont essentiellement centrés sur la perception visuelle. Les résultats indiquent qu’il n’existe pas de déficit général visuel mais que les perturbations de la perception visuelle sont fré-quentes et présentent une grande hétérogénéité en fonction des individus, et notamment des troubles associés, ainsi que des tâches proposées. Les enfants présentant un TDC ont globalement un score total plus faible dans les tâches de perception visuelle que les enfants contrôles mais pas tous et pas sur tous les sous-tests. Les études sur les sous-types indiquent d’ailleurs qu’il pourrait exister une sous-catégorie d’enfants porteurs d’un TDC qui
présentent un déficit de perception visuo-spatiale. La perception visuelle doit donc être explorée en prenant en compte la nature des tâches et des stimuli (tâches motrices et non motrices, formes, mouvement, longueurs, tailles, localisation, distance/vitesses), leur composante mnésique, l’existence ou non d’une contrainte temporelle et les troubles associés (TDA/H et troubles spé-cifiques du langage notamment). Précisons que les études ne rapportent pas de déficits sensoriels primaires, la réception des informations sensorielles est épargnée.
Les liens entre déficit perceptif visuel et déficit moteur ne sont pas encore clairement établis. Plusieurs hypothèses coexistent dans la littérature allant d’une dissociation entre les habiletés motrices et perceptives à un dysfonc-tionnement commun pour lequel plusieurs types de liens entre perception et action sont envisagés (influence de l’un sur l’autre ou influence mutuelle par un couplage perception-action).
Les autres modalités perceptives sont moins explorées. Un déficit a été rap-porté pour la perception kinesthésique (perception des déplacements de ses propres segments corporels lors de mouvements du corps) mais les résultats ne sont pas unanimes et restent à confirmer. Quelques rares études suggèrent un déficit de la perception haptique (perception des sensations tactiles et de pression exercées sur le corps) sans que l’on puisse conclure à un trouble généralisé dans ce domaine. La perception auditive est également peu étudiée mais fait l’objet d’une attention grandissante avec des récentes hypothèses portant sur des déficits de discrimination de sons ou de durées. Deux méta-analyses rapportent un déficit de la perception inter-modale (capacité à tra-duire les informations d’une modalité en une autre modalité) mais des biais méthodologiques appellent à une certaine prudence dans l’interprétation des résultats. Enfin, l’intégration multisensorielle (intégration d’informations provenant de deux modalités sensorielles ou plus) des individus présentant un TDC apparaît comme une piste à explorer.
Le développement sensorimoteur est affecté chez les enfants présentant un TDC
Depuis une vingtaine d’années, il existe une littérature internationale abon-dante sur les troubles sensorimoteurs des enfants présentant un TDC, en étroite concertation avec l’évolution des concepts et théories du contrôle moteur, la théorie dominante des représentations internes et, plus récem-ment, des techniques d’explorations cérébrales.
Le couplage perception-action semble affecté dans le TDC
Les troubles des enfants présentant un TDC ne se limitent pas à la seule sphère motrice. L’exploration d’éventuels déficits perceptifs, notamment neurovisuels, est effectuée depuis la fin des années 90 et rapporte, chez cer-tains enfants présentant un TDC, des particularités oculomotrices. L’idée que le TDC peut aussi être lié à un trouble d’ordre visuo-spatial est une piste qui fait débat depuis une vingtaine d’années. En dépit de résultats antérieurs discordants chez les enfants porteurs d’un TDC 12, l’hypothèse d’un déficit de la voie visuelle dorsale, ou voie occipito-pariétale, qui présente la parti-cularité d’être impliquée à la fois dans la perception et dans l’action et qui assure la traduction visuo-motrice, reste une piste prometteuse.
En fait, plus qu’un trouble moteur ou sensoriel isolé (qu’il conviendrait le cas échéant d’identifier comme éventuel trouble associé), il semblerait que le trouble premier des enfants présentant un TDC se situe au niveau du couplage perception-action. De nombreuses études ont apporté, en effet, des preuves expérimentales d’un déficit du couplage perception-action et d’un manque d’adaptabilité lors des situations de transition et/ou de complexifi-cation de la tâche chez les enfants présentant un TDC. Or le couplage per-ception-action précoce constitue le socle des représentations sensorimotrices.
La réalisation du diagnostic différentiel et la prise en compte des troubles associés sont cruciales pour établir le diagnostic
Le diagnostic du trouble repose sur un examen clinique comportant l’anam-nèse, l’examen clinique proprement dit – comprenant un examen neurolo-gique à la recherche des signes neurologiques mineurs – et sur un diagnostic d’élimination (critère D du DSM). Il apparaît en effet indispensable de pro-céder à un diagnostic différentiel permettant d’écarter toute autre cause pathologique pouvant expliquer le retard ou le déficit de développement moteur. La littérature indique plusieurs signes pouvant amener à demander des examens complémentaires neuropédiatriques tels qu’une IRM cérébrale et/ou médullaire, un électroencéphalogramme (EEG), un électromyogramme (EMG), des examens biologiques, un dosage des créatines phosphokinases (CPK), une recherche de cause génétique et/ou métabolique. Ces signes sont par exemple des antécédents de traumatisme crânien, un strabisme, des céphalées, des anomalies du tonus, une asymétrie de la force musculaire, etc. La présence de l’un de ces signes peut orienter vers d’autres pathologies que le TDC.
Le DSM-5 mentionne également que l’examen neurologique et l’examen de la fonction visuelle doivent faire partie du diagnostic différentiel car c’est seulement si les difficultés de coordination motrice ne peuvent pas être mieux expliquées par une déficience visuelle ou en l’absence d’affection neurologique motrice (infirmité motrice cérébrale…) que le diagnostic de TDC peut être posé. Concernant l’évaluation de la perception visuelle, il ressort de l’analyse des tests existants qu’il importe d’évaluer aussi bien la perception visuelle avec et sans exigence motrice (épreuves avec papier-crayon) afin d’identifier si les difficultés proviennent d’un déficit de coordination motrice ou de perception visuelle. Par ailleurs, la littérature souligne l’importance de dépister notam-ment, via l’examen neurologique, un déficit moteur avéré de la commande motrice qui peut être associé au TDC, amplifiant les difficultés de coordination mais qui se différencie d’un TDC. Pour autant, dans la majorité des études analysées, ces examens n’ont pas été systématiquement réalisés.
Enfin, la fréquence importante des troubles associés et les conséquences de ces associations rendent indispensable de prendre en compte ce facteur dans l’évaluation diagnostique, en particulier de rechercher les associations avec le TDA/H et les troubles du langage écrit et oral. Cela doit permettre de clarifier ce qui relève d’un trouble concomitant ou ce qui est une consé-quence du TDC et donc de préciser le diagnostic et mieux orienter les prises en charge. Là encore, dans beaucoup d’études portant sur le TDC ces pré-cautions ne sont pas systématiquement prises.
Les interventions visant l’amélioration des fonctions et des activités et considérant la participation apparaissent prometteuses
Les interventions visant les activités et la participation intègrent des inter-ventions en ergothérapie et psychomotricité dont les approches CO-OP mais aussi les interventions visant la compensation du handicap. Ces dernières visent à changer l’environnement plutôt que l’enfant, notamment en pro-posant le recours à un ordinateur ou une tablette pour pallier des difficultés d’écriture manuscrite mais d’autres propositions existent aussi pour faciliter la vie quotidienne des enfants dans le cadre scolaire ou familial.
Les approches visant les activités et la participation et correspondant aux besoins de l’enfant dans son contexte de vie sont prometteuses car elles contribuent à une meilleure qualité de vie de l’enfant et de ses parents. Une revue de littérature qualitative portant sur des études réalisées auprès d’enfants bénéficiant d’approches en ergothérapie et de leurs parents mon- trent que les interventions incluant des jeux et des activités motrices qui favorisent la participation sociale sont les plus efficaces selon les parents et les enfants. Une autre revue systématique confirme que les interventions centrées sur les occupations (activités menées dans le contexte de vie) sont les plus efficaces.
Trouble développemental de la coordination ou dyspraxie
Le niveau de preuve reste cependant faible du fait notamment que la prin-cipale mesure de résultats est la MABC (1 ou 2) et que très peu d’études incluent une mesure de résultats sur les activités et la participation, encore moins sur la qualité de vie. Il est donc difficile de pouvoir actuellement décrire une amélioration aux différents niveaux de la CIF pour les différentes interventions. Des études cliniques randomisées nécessitent donc d’être menées avec ce type de mesures pour affirmer une meilleure progression des enfants.
La remédiation de l’écriture doit intégrer de l’écriture sur un certain nombre de séances consécutives
Le but de la remédiation est de permettre à l’enfant de retrouver une écriture fonctionnelle en classe, c’est-à-dire une lisibilité et une vitesse suffisantes sans surcharge cognitive. La thérapie s’organise autour de l’enfant en lien avec les parents et les enseignants qui ont un rôle à jouer dans l’accompa-gnement et la généralisation des acquis en séance. Les articles scientifiques semblent corroborer les dires des praticiens sur l’utilité de la remédiation de l’écriture pour de nombreux enfants présentant un TDC mais les preuves apportées sont encore limitées.
On distingue classiquement deux types d’interventions : les thérapies orientées sur le déficit ou les processus, visant à restaurer les fonctions altérées, et celles orientées sur la performance ou la tâche, qui cherchent à accroître l’activité et la participation de l’enfant, en utilisant des interactions constantes entre le sujet, l’environnement et l’activité travaillée. Au travers des articles scien-tifiques actuellement disponibles, on constate que plusieurs méthodes de remé-diation de la dysgraphie ont été développées, fondées sur ces deux types d’inter-ventions : approches cognitives, sensorimotrices, ciblées sur la tâche, ciblées sur le déficit, etc. Les méta-analyses scientifiques montrent une efficacité net-tement supérieure des méthodes ciblant des habiletés spécifiques. Cependant, très peu des approches mentionnées ont clairement été validées par une étude portant sur un nombre suffisant de sujets. Il n’existe à l’heure actuelle aucune méthode générique établie et consensuelle pour la rééducation de la dysgra-phie. Ceci s’explique principalement par la grande hétérogénéité des troubles d’écriture manuscrite observés chez ces enfants qui requiert une adaptation de la méthode de remédiation aux difficultés propres de chaque enfant, à son âge et/ou son niveau d’acquisition de l’écriture. Il semble en fait que la combi-naison de plusieurs approches agissant sur différentes composantes (sensori-motrices, visuo-spatiales, cognitives, etc.) soit intéressante et que la méthode de remédiation doit être mise en place au cas par cas par le praticien.
La littérature pointe néanmoins un certain nombre d’éléments comme étant évaluer et à prendre en compte avant la mise en place d’une remédiation :
(i) les facteurs propres à l’enfant (nature des déficits moteurs ou sensorimo-teurs, évaluation de l’intégration visuo-motrice, dextérité manuelle, atten-tion visuelle, etc.), (ii) les facteurs environnementaux (style d’écriture, quan-tité de pratique de l’écriture, position d’écriture, etc.), et (iii) le stade d’acquisition de l’écriture de l’enfant (phase de préapprentissage, phase de maîtrise). Un diagnostic différencié et individualisé est donc essentiel en amont afin de permettre la prise en charge la mieux orientée possible.
Enfin, deux facteurs essentiels contribuent à l’efficacité d’une rééducation : celle-ci ne peut être efficace que si elle inclut des exercices d’écriture, et la durée de la rééducation est un facteur essentiel de réussite (un minimum de 20 séances semble être requis). L’âge du début de l’intervention est également déterminant dans sa réussite. En outre, la remédiation est plus efficace si la famille est impliquée et aide le sujet dans sa pratique autonome de l’écriture. L’implication des enseignants est également un facteur supplé-mentaire de réussite de la remédiation, en particulier dans le contexte de l’école primaire.
Enfin, la question de l’arrêt de la remédiation est également importante. Il apparaît que l’écriture de l’enfant doit être systématiquement évaluée avant et après remédiation, afin de valider l’efficacité de celle-ci et d’en décider l’arrêt ou la poursuite. La balance bénéfice/coût cognitif est primordiale dans cette décision, l’objectif étant de permettre à l’enfant d’avoir une écriture fonctionnelle en classe, et non coûteuse d’un point de vue cognitif. La remé-diation sera interrompue lorsque l’objectif est atteint, ou lorsqu’il est évident pour le praticien qu’il ne pourra pas l’être.
Théoriquement, des outils de compensation et des aménagements sont pro-posés à l’enfant à l’école chaque fois que son écriture n’est pas suffisamment fonctionnelle (en matière de vitesse et de qualité) pour lui permettre de répondre aux exigences scolaires que ce soit pendant la remédiation ou à son issue. Lorsque ces adaptations sont proposées en même temps que la remé-diation, une attention particulière est à porter à l’articulation entre les deux démarches pour ne pas démotiver, ni trop charger l’enfant. À noter néan-moins que la littérature aborde peu ce sujet alors même que l’usage de moyen de compensation est à la fois recommandé et semble être une pratique courante.
Troubles de la communication, troubles du langage
Quelles que soient les appellations des troubles spécifiques du langage oral (TSLO), leur association avec le TDC ou des troubles moteurs est retrouvée de façon constante dans les études portant sur la fréquence des troubles de la motri-cité chez les enfants diagnostiqués comme ayant un trouble du développement du langage (voir chapitre Motricité et langage). Par ailleurs, bien que le profil linguistique des enfants présentant un TDC reste encore mal connu, les études portant sur la description des troubles du langage chez les enfants diagnostiqués TDC en comparaison avec les enfants diagnostiqués TSLO montrent qu’il existe bien un risque de co-occurrence entre TDC et troubles du langage (ibid.).
La question de l’association entre le TDC et les troubles du spectre de l’autisme (TSA) a été envisagée sous différents angles. Quelques informa- tions sont données ici mais cette association n’a pas été considérée dans la suite de l’expertise.
Miyahara et coll. (1997) comparent les capacités motrices de 26 enfants avec un syndrome d’Asperger et celles de 16 enfants avec un trouble des appren- tissages à l’aide de la MABC. Ils retrouvent un trouble spécifique du déve- loppement moteur chez, respectivement, 85 % et 88 % d’entre eux et confirment ainsi des études précédentes. De même, l’étude de Green et coll. (2009) montre que 79 % des enfants avec TSA, avec ou sans déficience intellectuelle, évalués à partir de la MABC, ont un score pathologique (< 5e percentile) et 10 % présentent un score limite nécessitant une surveil-lance, ce qui va aussi dans le sens d’une coexistence entre TDC et TSA. Plus largement, la présence de troubles moteurs et psychomoteurs dans l’autisme est aujourd’hui bien documentée (Kopp et coll., 2010 ; Miller et coll., 2014 ; Paquet et coll., 2016 ; Subramanian et coll., 2017 ; Kaur et coll., 2018). Sont ainsi retrouvés des troubles au niveau du contrôle postural et de la marche (Rinehart et coll., 2006 ; Freitag et coll., 2007), des coordina-tions générales, de la dextérité manuelle et de l’écriture (Provost et coll., 2007 ; Jasmin et coll., 2009 ; Kushki et coll., 2011 ; Kaur et coll., 2018). Des troubles des praxies visuoconstructives, associés à un déficit dans la motricité fine sont également rencontrés (Hellinckx et coll., 2013), de même que des troubles des praxies gestuelles (Dewey et coll., 2007 ; Miller et coll., 2014).
l’aide de la Florida Apraxia Battery adaptée pour les enfants (gestes sur commande verbale, sur imitation et avec utilisation d’objets), MacNeil et Mostofsky (2012) trouvent que les enfants avec autisme commettent un plus grand nombre d’erreurs dans les différentes conditions du test que les enfants avec TDA/H et les enfants à développement typique. Les auteurs attribuent ces résultats à une anomalie du système des neurones miroirs. Ces résultats sont retrouvés par Kaur et coll. (2018). Cependant pour Dowell et coll. (2009), les difficultés seraient surtout présentes lors de l’imitation de gestes sans signification. À l’exception des troubles affectant la motricité globale (évaluée avec le Bruininks-Oseretsky Test of Motor Proficiency – BOTMP), les différents troubles rencontrés dans le cadre de cette association, et notam-ment les troubles praxiques, sont indépendants des capacités intellectuelles des enfants (Kaur et coll., 2018) suggérant que ces troubles doivent être considérés comme partie intégrante du tableau de TSA.
L’association de problèmes moteurs (déterminés à partir de la Child Behavior Checklist) et de traits autistiques (évalués avec la Social Responsiveness Scale) a été étudiée auprès d’enfants TDA/H issus de la Missouri Twin Study (n = 1 647) (Reiersen et coll., 2008). Les résultats indiquent que l’association TDA/H et problèmes moteurs est accompagnée d’un niveau plus élevé de traits autistiques que le TDA/H isolé.
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Table des matières
Analyse
I – Définitions, épidémiologie et troubles associés
1. Questions préalables et terminologie
2. Épidémiologie : prévalence et facteurs de risque
3. Troubles associés
4. Motricité et langage
II – Impacts sur les activités, la participation et la qualité de vie
5. Impacts sur les activités quotidiennes, la participation et la qualité de vie
6. Liens entre TDC et activités physiques
7. Impacts sur l’écriture manuscrite
III – Déficiences, mécanismes et modèles explicatifs
8. Cognition
9. Contrôle sensorimoteur
10. Neuro-imagerie : des apports encore limités à la compréhension du TDC
11. Pistes génétiques
IV – Repérage, évaluation et diagnostic
12. Repérage et démarche diagnostique
13. Évaluation des déficiences au regard de la clinique
14. Principaux outils d’évaluation retrouvés dans la démarche diagnostique
V – Interventions et remédiations
15. Interventions
16. Remédiation de l’écriture manuscrite
17. Prise en charge médicamenteuse
VI – Politiques du handicap, acteurs de la prise en charge et insertion scolaire
18. Personnes présentant un TDC en France au prisme des politiques du handicap et de leur mise en oeuvre par les MDPH
19. Quelle division du travail, entre professionnels et profanes, autour des personnes présentant un TDC ?
20. Enfants présentant un TDC à l’école : entre situations de handicap et souci de compensation ?
Communications
Évaluation de la perception visuo-spatiale élémentaire par le test de perception visuo-spatiale élémentaire (PVSE) chez l’enfant présentant un TDC
Vers l’école inclusive
Le point de vue des associations Dyspraxie France Dys et Dyspraxique Mais Fantastique
Les témoignages de professionnels
Annexes
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