Lien entre la perception de fatigue et la VRC

Lien entre la perception de fatigue et la VRC

Cette étude s’intéresse aux relations entre l’état psychologique de l’anxiété et de la perception de fatigue et un indice de l’état physiologique, soit la variabilité du rythme cardiaque. Bien que ces états soient habituellement étudiés de façons distinctes, l’étude est abordée sous l’angle interdisciplinaire de la psychophysiologie. En effet, les structures et systèmes qui régulent ces états psychologique et physiologique ne sont pas mutuellement exclusifs, ce qui encourage une approche interdisciplinaire pour en étudier les relations (Thayer & Lane, 2009) .

Brièvement, l’état d’anxiété est un indicateur de la perception psychologique négative de la capacité de répondre aux différentes demandes perçues par un individu (Spielberger, 1966). La perception de fatigue est un indicateur de la perception psychologique de l’état de fatigue physiologique du corps (Noakes, 2012). La VRC est un indicateur physiologique de l’adaptation du système cardiovasculaire face aux besoins de débit et de pression sanguine perçus dans l’immédiat (Appelhans & Luecken, 2006).

Puisqu’ils sont des indicateurs du même phénomène, soit de la capacité d’un individu à répondre à une demande physique ou psychologique, la variation de l’état d’anxiété ou de la perception de fatigue devrait être accompagnée par la variation de la VRC. L’aspect novateur de cette étude est d’explorer ce lien théorique par la mise en relation de ces trois variables. Plus spécifiquement, cette étude cherche à observer des corrélations entre l’anxiété, la perception de fatigue et la VRC .

De plus, il a été décidé d’observer les participants de façon longitudinale et de mesurer les variables dans un contexte propice aux variations de l’anxiété, de la perception de fatigue et de la VRC. Ces variables ont donc été mesurées quotidiennement chez un groupe participant à une expédition de ski hors piste en autonomie complète.

La méthode de Roy (2006) a été utilisée pour estimer les corrélations à partir des données colligées. Bien qu’inhabituelle, cette méthode permet d’estimer différents coefficients de corrélations entre deux variables dépendantes à mesures répétées. Les trois corrélations issues de la méthode Roy (2006).sont a) la corrélation intra sujets, b) la corrélation inter sujets et c) la corrélation de mesures répétées.

La corrélation intra sujets indique /Si l’augmentation d’une variable est accompagnée de l’augmentation de la seconde variable chez un même participant. Cependant, la corrélation intra sujets est le résultat de l’analyse de l’ensemble des variations internes de tous les participants. Ceci implique que la corrélation intra sujet est la même pour tous les participants, à n’importe temps de mesure.

Anxiété

L’anxiété est un construit généralement défini comme un état émotionnel négatif associé avec une activation physiologique, caractérisé par des sentiments de nervosité, d’inquiétude et d’appréhension face à la capacité de l’individu à répondre aux demandes physique et psychologique (Martens, 1977; Spielberger, 1983; Weinberg & Gould, 2007).

Pour être évalué correctement, Spielberger (1966) souligne que le construit de l’anxiété doit différencier l’anxiété situationnelle de l’anxiété reliée à la personnalité de l’individu. L’anxiété d’état fait référence à l’anxiété perçue dans l’immédiat et qui varie constamment alors que l’anxiété de trait est « un motif ou une disposition comportementale acquise qui prédispose un individu à percevoir un grand éventail de circonstances objectivement non dangereuses comme étant menaçantes et de répondre à celles-ci par une réaction d’anxiété d’état disproportionnée dans son intensité et dans son ampleur quant au danger qu’il représente objectivement. » (traduction libre, p.17, Spielberger (1966)).

Origines physiologiques de l’anxiété

Le processus physiologique d’analyse, de perception et de réaction à l’anxiété implique principalement trois groupes de structures du cerveau (Etkin, 2010). Le premier groupe, qui comprend l’amygdale, le cortex insulaire, l’hypothalamus et la substance grise périaqueducale, est responsable de l’analyse et de la réponse autonome à l’anxiété et aux émotions négatives de peur et d’appréhension (Etkin, 2010; Thayer, Ahs, Fredrikson, Sollers, & Wager, 2012). Ce groupe est donc à l’origine du retrait du système nerveux parasympathique et de l’activation du système nerveux sympathique en réponse à l’anxiété (Etkin, 2010; Thayer et al., 2012). Le deuxième groupe est responsable de la perception consciente de l’état d’anxiété et comprend le cortex cingulaire dorsal antérieur et le cortex préfrontal dorsomédial (Etkin, 2010). Le troisième groupe comprend le cortex cingulaire antérieur rostral et subgenual et est impliqué dans la régulation situationnelle de l’anxiété (Etkin, 2010). En d’autres termes, ce groupe module l’anxiété selon l’information disponible dans une situation donnée. L’ensemble de ces structures permet d’analyser et de préparer le corps à une réponse à l’anxiété, bien que d’autres régions du cerveau puissent être impliquées dans une réponse complexe qui doit impliquer la mémoire ou la planification de mouvements physique {Etkin, 2010).

Instruments de mesure

Certaines mesures purement physiologiques (conduction de la peau, catéchojamines et cortisol sanguin, activité électrique du cerveau, etc.) permettent d’inférer la présence d’anxiété par l’intermédiaire des construits du stress et de l’activation (André & Laurencelle, 2010). Par exemple, un taux élevé de cortïsol sanguin est avant tout un indicateur d’une activation élevée et de la présence d’une réponse de stress. Étant donné que l’anxiété possède à la fois une composante physiologique et une composante psychologique négative, le taux élevé de cortisol permet d’inférer la présence d’anxiété uniquement s’il est accompagné de sentiments d’appréhension, de nervosité et d’inquiétude (Weinberg & Gould, 2007). Par conséquent, l’autoévaluation psychométrique qui prend en compte simultanément ces deux composantes est la méthode jugée la plus appropriée (Martens, 1977). De plus, l’autoévaluation possède les avantages d’être facile à administrer et peu invasive en comparaison avec les mesures physiologiques. Pour ces raisons, l’autoévaluation est la méthode la plus communément utilisée pour mesurer l’anxiété (Gould, Greenleaf, & Krane, 2002).

Les questionnaires psychométriques sur l’anxiété sont divisés en deux grandes catégories, selon si l’anxiété étudiée est considérée comme pathologique ou comme un état et un trait de personnalité normal (André & Laurencelle, 2010). La présente étude s’intéresse à l’anxiété comme un état normal, donc à la seconde catégorie de questionnaires. Les questionnaires couramment utilisés dans cette catégorie sont le State-Trait Anxiety Inventory version Y (STAI-Y)(Spielberger, 1983), le Competitive State Anxiety inventory-2 (CSAI-2) (Cox, Martens, & Russell, 2003), le Sport Competition Anxiety Test (SCAT) (Martens & Simon, 1976) et le Sport Anxiety Scale (SAS)(Smith, Smoll, & Schutz, 1990).

Le CSAI-2, ie SCAT et ie SAS ont été développés avec l’objectif d’étudier l’anxiété en contexte de compétition sportive. Bien que les conditions expérimentales de la présente étude aient lieu en contexte d’activité physique, l’absence de l’aspect compétitif caractéristique au sport rend inappropriée l’utilisation de ces trois questionnaires. Par contre, le STAI-Y n’est pas limité au contexte sportif. Ses items ne sont pas spécifiques à un contexte, mais sont plutôt construits pour mesurer les signes et symptômes généraux de l’anxiété. De plus, le STAI-Y est de loin le plus utilisé de la catégorie des questionnaires psychométriques qui mesurent l’anxiété non pathologique, ce qui augmente les possibilités de comparaisons des résultats à d’autres études (André & Laurencelle, 2010).

Perception de fatigue

II est important de distinguer la perception de fatigue de l’état physique de fatigue. La définition générale de la fatigue exprime la différence et le lien entre les deux construits:«la fatigue est un état résultant du fonctionnement excessif (d’unorgane/d’unorganismejet qui se traduit par une diminution du pouvoir fonctionnel, généralement accompagnée d’une sensation caractéristique (sentiment de fatigue)»{p.XQ^ la fatigue varie aussi- selon le domaine d’étude (Gibson et al., 2003). Le domaine de la neurophysiologië définit la fatigue comme la réduction de la capacité des nerfs efférents à contracter un muscle pour produire un effort maximal (Gandevia, 1992). Le domaine médical définit plutôt la- fatigue comme la diminution fonctionnelle d’un organisme dû au débalancement de l’homéostasie causée par un déficit nutritionnel ou par la maladie (Shephard, 2001). Le domaine de la physiologie de l’exercice a historiquement perçu la fatigue comme l’accumulation d’acide lactique musculaire causée par la limitation oxydative du système aérobie lors d’efforts intenses (Hill & Lupton, 1923; Noakes, 2012).

Ces définitions traitent essentiellement de l’état physique de la fatigue, mais négligent l’aspect du sentiment de fatigue dans son ensemble. En ce sens, la définition proposée par Noakes (2012) correspond mieux aux objectifs poursuivis par l’étude : une émotion indicatrice des réserves fonctionnelles d’un individu, régulée par un système complexe qui a pour but de protéger ce dernier.

Causes de la perception de fatigue

La perception de fatigue est influencée par de multiples sources qui peuvent être catégorisées selon une origine physiologique, psychologique ou externe (Gibson et al., 2003; Noakes, 2012). Plusieurs sources d’influence physiologique ont été reliées à la perception de fatigue pendant et suite à l’activité physique, dont l’épuisement des réserves de glucides sanguin (Coggan & Coyle, 1987), l’accumulation musculaire d’ions hydrogène, de lactate et d’autres produits de la dégradation d’adénosine triphosphate (ATP) (Hargreaves et al., 1998), les limites fonctionnelles du système respiratoire (Dempsey, Amann, Romer, & Miller, 2008) et cardiovasculaire (Edwards, Melcher, Hesser, Wigertz, & Ekelund, 1972).

La perception consciente des conséquences de l’activité physique, telle que la perception de l’augmentation du rythme et de la force de contractions cardiaques, du rythme respiratoire, de l’essoufflement, de la température corporelle, de la sudation et de l’effort musculaire sont toutes des sources d’influences psychologiques de la perception de fatigue pendant et après l’activité physique (Hampson, St Clair Gibson, Lambert, & Noakes, 2001) .

Il a aussi été démontré que les stratégies de dissociation cognitive permettent de modifier la perception de fatigue (Masters & Ogles, 1998). Par exemple, Boutcher et Trenske(1990) ont relié l’écoute de musique à la diminution de la perception de fatigue à l’effort. La perception de fatigue tend à augmenter avec l’effort cognitif (Marcora, Staiano, & Manning, 2009) et à varier dans le même sens que l’humeur générale (Renfree, West, Corbett, Rhoden, & St Clair Gibson, 2012). De plus, Noakes (2012) conclut que la motivation est un intermédiaire psychologique central à la perception de fatigue. Pour la même tâche, une forte motivation a été reliée à une faible perception de fatigue (Noakes, 2012).

La fatigue comme système de régulation

Noakes (2012) et ses associés (Gibson et al., 2003; Hampson et al., 2001) ont développé un modèle où la fatigue est l’émotion résultante de la combinaison d’une multitude de facteurs. Ils soutiennent qu’un système complexe à l’intérieur du système limbique est responsable de l’analyse consciente et inconsciente de l’information physiologique, psychologique et externe afin d’arriver à un sentiment général des réserves fonctionnelles d’un individu (Noakes, 2012). Ainsi et toujours selon Noakes (2012), l’objectif premier de cette émotion est de limiter le fonctionnement d’un individu pour éviter le débalancement de l’homéostasie de l’organisme.

Mesures de la variabilité du rythme cardiaque 

La VRC peut être recueillie grâce à l’analyse d’un ECG où tous les intervalles R-R sont identifiables et où l’enregistrement est doté d’une échelle de temps précise (Camm & Malik, 2004). Une fois les données recueillies, il est nécessaire d’analyser l’ECG pour exclure les portions de signaux qui sont dues aux erreurs de l’enregistrement et non à l’activité électrique du cœur. L’ECG peut ensuite être analysé selon différentes méthodes pour arriver à quantifier la VRC. Le « Task Force of The European Society of Cardiology and The North American Society of Pacing and Electrophysiology » a standardisé les méthodes et les variables communément utilisées pour assurer la validité et faciliter la comparaison des mesures de la VRC (Task Force, 1996). Ces méthodes sont divisées en deux groupes, celui des analyses temporelles et celui des analyses de fréquences (Appelhans & Luecken, 2006; Task Force, 1996).

Analyses temporelles

Les analyses temporelles font référence aux méthodes qui quantifient la variation dans le temps entre les battements (intervalles R-R) d’une période déterminée. La moyenne de ces intervalles R-R est la variable la plus simple de ce type d’analyse. La période de temps entre les pics R-R est aussi appelée intervalle normal à normal (NN) (Task Force, 1996). D’autres variables fréquemment utilisées issues de la classe des analyses statistiques sont la variation standard de tous les battements normal à normal (SDNN), la variation standard de la moyenne des intervalles normal à normal (SDANN) de segments de l’ECG complet, la racine de la moyenne carrée de la différence entre les intervalles normal à normal (RMSSD) et la proportion d’intervalles U-N différents de plus de 50 millisecondes de l’intervalle N-N précédent (pNN50) (Task Force, 1996).

Analyses de fréquences

Les méthodes d’analyses de fréquences visent à comparer l’importance relative de certaines fréquences (cycles) en fonction de leur puissance (variance) (Task Force, 1996). La fréquence est le nombre d’occurrences d’un événement dans une unité de temps donné, alors qu’un cycle est la période de temps requis pour que l’événement se répète. La fréquence est donc relative au cycle. Par exemple, un adulte respire normalement à une fréquence de 9 à 24 fois par minute (Berntson, Cacioppo, & Quigley, 1993). Un adulte normal respire donc à toutes les 2.5 à 6.7 secondes, ou selon un cycle variant entre 2.5 et 6.7 secondes. L’unité de mesure de la fréquence est l’hertz (Hz), qui indique le nombre de  cycles par seconde. Un intervalle de fréquences se nomme aussi une bande de fréquence. Par conséquent, la bande de fréquence de respirations d’un adulte normal est de 0.15 à 0.4 Hz.

Conclusion

L’objectif de cette étude a été d’explorer l’interaction entre l’état psychologique et l’état physiologique par la mise en lien de l’anxiété, de la perception de fatigue et la VRC. Les trois variables ont été observées dans le temps pour estimer trois types de corrélations, soit : a) la corrélation intra sujets, b) la corrélation inter sujets et c) la corrélation de mesures répétées. Les résultats de ces estimations ont permis d’avancer que : 1) II semble exister une relation négative entre l’état d’anxiété et l’intervalle R-R moyen, 2) II semble exister une relation négative entre la perception de fatigue et l’intervalle R-R moyen et 3) II semble exister une relation positive entre l’état d’anxiété et la perception de fatigue. L’ensemble de ces résultats supporte la théorie que la VRC représente la capacité d’adaptation du cœur face aux besoins sanguins immédiats et que l’augmentation de la perception de ces besoins à travers l’état d’anxiété ou de la perception de fatigue induit une diminution de ce potentiel d’adaptation. De plus, la force des corrélations intra et inter sujets pour chaque paire de variables a permis d’estimer l’importance de la variation partagée entre chaque variable dans le temps, ce qui semble être un apport novateur de l’étude. Ces observations ont permis d’atteindre l’objectif premier de l’étude, soit d’explorer l’interaction entre l’état psychologique et l’état physiologique.

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Table des matières

Introduction 
Chapitre 1 : Revue de littérature 
1.1 Anxiété
1.1.1 Origines physiologiques de l’anxiété
1.1.2 Instruments de mesure
1.2 Perception de fatigue
1.2.1 Causes de la perception de fatigue
1.2.2 La fatigue comme système de régulation
1.2.3 Instruments de mesure
1.3 Variabilité du rythme cardiaque
1.3.1 Mesures de la variabilité du rythme cardiaque
1.3.2 Analyses temporelles
1.3.3 Analyses de fréquences
1.3.4 Intervalle R-R
1.4 Interaction entre l’anxiété, la perception de fatigue et la variabilité du rythme cardiaque
1.5 Hypothèses
Chapitre 2 Méthodologie
2.1 Devis
2.2 Participants
2.2.2 Critères d’inclusion
2.2.3 Critères d’exclusion
2.4 Déroulement
2.5 Instruments de mesure
2.5.1 STAI-Y
2.5.2 POMS-SF
2.5.3 Appareils
2.6 Analyse des enregistrements
2.7 Analyses statistiques
2.7.1 Méthode Roy
2.7.2 Méthode Bland et Altman
2.7.3 Liens entre la méthode Roy et Bland et Altman
2.8 Opérationnalisation des hypothèses
Chapitre 3 : Résultats 
3.1 Résultats univariés
3.2 Normes
3.3 Corrélation de mesures répétées
3.4 Corrélation inter sujets
3.5 Corrélation intra sujets
Chapitre4 : Discussion
4.1 Analyses graphiques
4.2 Méthodes comparatives
4.3 Estimation par modèle d’effets mixtes
4.3.1 Corrélation de mesures répétées
4.3.2 Lien entre l’anxiété et la VRC
4.3.3 Lien entre la perception de fatigue et la VRC
4.3.4 Lien entre l’anxiété et la perception de fatigue
4.5 Limites
Conclusion

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