L’idéologie dans l’architecture virtuelle, regards croisés sur sa construction historique 

Architecture virtuelle : une définition restrictive

Dans le but de comprendre en quoi consiste véritablement l’architecture virtuelle, il convient d’étudier la distinction même du réel et du virtuel, voire de l’irréel, sur un plan philosophique.
A partir de cette étude, nous pourrons alors distinguer l’architecture virtuelle de celle qui vise à être construite (A). Puis, toujours dans cetteoptique de définition et de circonscription, nous l’étudierons à la lumière des représentations graphiques d’un projet (B) puis à celle de l’utopie (C).

L’Architecture, entre réalité et virtualité

« Représente-toi de la façon que voici l’état de notre nature relativement à l’instruction et à l’ignorance. Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière.
Ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu’ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête. La lumière leur vient d’un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux. Entre le feu et les prisonniers passe une route élevée. Imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles. (…)
Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d’hommes et d’animaux, en pierre, en bois et en toute espèce de matière. Naturellement, parmi ces porteurs, les uns parlent et les autres se taisent. (…)
Mais, dans ces conditions, s’ils pouvaient se parler les uns aux autres, ne penses-tu pas qu’ils croiraient nommer les objets réels eux-mêmes en nommant ce qu’ils voient ? » Platon, République, Livre VI, L’allégorie de la caverne. « Nous évoluons dans une époque caractérisée par la fluidification des frontières entre le corps et la machine, l’extérieur et l’intérieur, le réel et le virtuel. De même, l’architecture semble suivre ce mouvement en offrant à l’individu une toute nouvelle interactivité avec son environnement. L’architecture interactive transforme la façon dont les Hommes habitent l’espace et, par là, elle transforme leur représentation du quotidien. »
Eva Mahdalickova, « En quête de nouvelles expériences : l’architecture et le virtuel », Réel-Virtuel, n°2, « Virtualité et quotidienneté », mars 2011. Réalité, irréalité, virtualité, sont des notions qui, comme toute idée, tout principe, ont été amenées à évoluer au fil de la pensée philosophique, notamment occidentale. Sans aborder le sujet de manière totalement exhaustive, il convient de retracer les quelques évolutions majeures qui ont contribué à construire la vision moderne de ces termes. Aussi, parait il évident de commencer cette étude du « Réel » par la pensée grecque, et plus précisément par celle de Platon.
Platon part du principe que deux mondes se côtoient : un monde sensoriel et un monde des Idées. Selon lui, il règne quelque part une réalité d’un autre ordre que le monde matériel connu généralement des Hommes : ce monde pur des idées contient l’idée du Bien, du Vrai, l’idée de justice voir même l’idée de cercle, de carré ou encore l’idée de l’homme et de l’animal. C’est un monde où les idées sont éternelles, pures et incorruptibles, comme le sont les idées mathématiques. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’aujourd’hui, peu d’intellectuels, mis à part les mathématiciens reprennent à leur compte cette théorie platonicienne.
A côté de ce « Monde des Idées », se trouve,selon Platon, un monde réel, ou encore « Monde sensoriel ». Dans ce dernier, ilpeut exister des objets sphériquesௗ: un ballon, une pomme, une boule de neige. Mais ces sphères ne sont pas de vraies sphères quand on les regarde de près. Elles sont pleines d’aspérités et leur rondeur est inexacte, approximative.
En effet, cette sphère pure n’existe que dans le monde pur de la géométrie. Les formes géométriques sont d’ailleurs un modèle pour Platon. Aussi, la légende veut qu’à l’entrée de l’Académie – l’école fondée par Platon – était gravée l’inscriptionௗ: ©ௗQue nul n’entre ici s’il n’est géomètreௗ». Ainsi, le monde sensoriel est en quelque sorte une illusion, une incarnation imparfaite d’une idée parfaite, la pâle représentation d’une « vérité » encore plus grande, plus belle que ce que nous nous contentons de seulement percevoir. Car ce que l’on croit être le monde réel – tout ce qui nous entoure – est imparfait, corruptible, éphémère.
Tout cela n’est que l’ombre, l’image déformée et vacillante d’une seule vraie réalité – intangible, pure, éternelle – qui se trouve dans le monde céleste des Idées.

Architecture virtuelle et Utopie

L’Utopie vient du mot latin « utopia », forgé sur le grec : « u » (non) « topos » (lieu) soit « en aucun lieu ». L’Utopie, ce pays imaginaire où un gouvernement idéal règne sur un peuple heureux, est dans le livre de Thomas More, une île existante mais dont on aurait perdu la trace ce qui nous la rend inaccessible.
L’Utopie a toujours entretenu avec l’architecture un rapport très étroit, souvent en lien l’une avec l’autre. En effet, dès le XVIè, paraissent un grand nombre de romans qui relatent des récits de voyage dans des espaces fictifs, dont les narrateurs racontent leur découverte -souvent fortuite – de sociétés idéales. De par sa méconnaissance des limites, l’utopie va donc établir une relation à la ville très particulière. La cité humaine est en effet l’échelle urbaine que l’imaginaire utopique va préférer.
De tous temps les hommes ont rêvé de villes idéales, villes rêvées par des philosophes, des penseurs, des romanciers, des peintres, des architectes, et aujourd’hui aussi des cinéastes. Bien plus qu’une utopie architecturale, la ville idéale est bien souvent la description fantasmée de l’organisation sociale, politique et économique d’une communauté humaine. Aussi n’est il pas étonnant de constater qu’à la Renaissance, va se développer une ample réflexion sur cette « cité idéale » qui fait de la ville, en tant que telle, un objet de l’art. La cité est alors considérée comme une totalité organique réglée sur le règne des proportions.
Nous mettions en exergue, en préambule à cette recherche, l’élément utopique de l’architecture virtuelle. En effet au regard des nombreux projets, des nombreux modèles d’architecture virtuelle, ilapparait que l’utopie joue un rôlefondateur. Mais comme il était déjà dit, ce n’est pas un élément qui permet à lui seul de définir l’architecture virtuelle. Cette dernière a été, et continue encore aujourd’hui d’être très nettement influencée par les visions utopiques de nombreux architectes. Mais cependant, nombreuses sont les architectures virtuelles qui ne sont pas utopiques et qui reflètent une réalité plus ou moins proche de celle que nous connaissons. Ainsi, si l’utopie architecturale est toujours virtuelle, l’architecture virtuelle n’est pas constamment utopique.
Alors pourquoi aborder l’utopie de manière frontale? D’abord parce qu’elle constitue un véritable moteur dans l’imaginaire architectural. Sur ce point, François Schuiten et Benoît Peeters dans le numéro 387 (mai 2000) du Magazine littéraire consacré à la renaissance de l’utopie, déclaraient qu’il y a pire encore que l’utopie réalisée, c’est l’absence d’utopie, car à ce moment-là il n’y a pas non plus de contre-utopie, donc de débat. En effet, l’utopie au sein de l’architecture virtuelle permet d’ouvrir une perspective sur ce que pourrait connaitre l’architecture. Cette fiction peut êtrefuturiste comme elle peut d’ailleurs n’être qu’une altération plus ou moins sensible de notre quotidien.
« Les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées » affirmait déjà Lamartine.
Aussi, parait il logique, au regard des caractères évidemment concomitants entre l’architecture virtuelle et l’utopie, que ces deux thèmes de réflexion se rejoignent très fréquemment, tant d’ailleurs dans l’imaginaire collectif que dans celui des architectes. Car l’utopie – même architecturale – n’est pas la propriété absolue des professionnels de l’architecture. La perception d’un fantasme urbain a d’ailleurs, à de nombreuses reprises, été retranscrit par des non architectes.
Au regard de l’exposition qui s’ouvriraà partir de Mai 2014 à la cité de Chaillot « Réenchanter le Monde. L’architecture et la ville face aux grandes transitions », il apparait que l’utopie, cette fois ci entendue sur un plan strict d’anticipation, garde une éternelle actualité. Il existe d’ailleurs, à ce propos unethéorie selon laquelle les utopies apparaissent selon un rythme périodique. Il faut en effetqu’une technique ou un comportement nouveau soient connus pour qu’une utopie apparaisse et qu’elle apporte à la société un apport non négligeable. Cet apport consiste à chercher l’application d’une technique déjà connue, en remède à une situation qui provoque une insatisfaction collective. Ainsi, pour Yona Friedman, ceux qui formulèrent des utopies étaient moins des inventeurs que des réalistes.
L’apparition d’une utopie implique alors un décalage puisqu’il s’agit avant tout de mettre en application une technique déjà connue ; aussi, c’est véritablement lorsque la nouvelle technique a été découverte et reconnue qu’une situation commence à apparaître comme insatisfaisante. L’idée qu’il serait possible de guérir n’apparaît alors qu’avec la découverte d’un traitement envisageable. La première loi des utopies est ainsi le décalage entre la maladie et le remède proposé.
L’utopie sert l’architecture virtuelle, c’est indéniable. Des villes flottantes, aux immeubles de vingt étages, des mégastructures radicales aux implantations urbaines décentralisées, il apparait que l’architecture virtuelle, de par une dimension onirique incontestable, jalonne de très près le champ d’action de l’utopie. Aussi, parait il logique que dans les pages qui suivront, nombreux seront les modèles d’architecture virtuelle qui revêtent une dimension utopique.
Mais l’utopie, quand elle rejoint l’architecture virtuelle, n’est pas pour autant sans risque. L’architecture de papier de l’époque soviétique en est un exemple frappant.
L’architecture de papier était un genre d’architecture conceptuelle en URSS dans les années 1980. Il s’agissait alors de plans qui ne verront jamais le jour, de « projets de projets». Historiquement, la formule « architecture de papier » était une expression péjorative qui est apparue à la fin des années 1920 et désignait des idées absurdes éloignées des exigences vitales.
Cette architecture de grands ensembles démontre ainsi que l’ambition d’une utopie, pour qu’elle devienne réalisable, doit malgré tout tenir compte des constructions progressives de notre société.

L’Architecture virtuelle des projets utopiques révolutionnaires français

« L’architecte n’a-t-il pas un pouvoir colossal ? Il peut dans la nature dont il est l’émule, former une autre nature ; il n’est pas borné à cette partie de terrain trop étroite pour la grandeur de sa pensée ; l’étendue des cieux, de la Terre est son domaine ; il crée, il perfectionne et met en mouvement ; il peut assujettir le monde entier aux désirs de la nouveauté qui provoque les hasards sublimes de l’imagination »
Claude-Nicolas Ledoux, « L’architecture considérée sous le rapport de l’art, des moeurs et de la législation », 1804, p25 « Les moyens de mettre la nature en œuvre qui appartiennent à l’architecture proviennent de pouvoir en certains cas effectuer ce que la poésie ne peut que décrire. »

Étienne-Louis Boullée, origine de la citation non trouvée

Intellectuellement, le XVIIIème siècle constitue un réel tournant dans le développement historique de l’architecture virtuelle. En effet, par l’intervention de profonds changements sociaux et intellectuels qui vont venir recarder la pensée occidentale, l’architecture de manière générale et l’utopie plus particulièrement – voire même l’appréhension de problématiques futures – vont être irriguées par ce nouvel élan réformateur.
Aussi dans cette mesure, les architectes français et révolutionnaires Étienne-Louis Boullée, Claude-Nicolas Ledoux et Jean-Jacques Lequeu vont, en quelque sorte, transposer les idées philosophiques des Lumières au monde de l’Architecture.
Désormais, l’architecte, plus que tout autre, a vocation par son art à transformer la société, ou mieux à en produire de nouvelles. Il suscite etmet en forme les utopies, les conduit dans le champ du possible. Il constituera d’ailleurs, selon les idées de Ledoux un passeur dont l’action conduit ses contemporains vers le bonheur.
On retrouvera cette idée cosmique sublimée dans le cimetière de la ville de Chaux, que Ledoux imaginera pour sa cité idéale. Dans ce cimetière utopique , le rapport à la mort touche à la pure poésie, puisque le cimetière tout entier converge sur une gigantesque salle vide, de forme sphérique, symbolisant le néant. Cette salle comporte une seule ouverture zénithale circulaire, qui permet de reproduire par projection la course du soleil sur les parois de la sphère. A l’extérieur, le cimetière est invisible, car souterrain, seule une demi sphère émerge, comme une planète flottant dans lesnuages: c’est d’ailleurs sous cette forme allégorique que Ledoux présente son œuvre, dans une gravure de son traité d’architecture.
On retrouve dans ces fictions urbaines deLedoux l’idée d’une vie communautaire à la manière du philosophe Jean Jacques Rousseau, mais aussi l’idée d’un nouvel urbanisme industriel. En effet, Ledoux enrichit progressivement son grand projet urbain d’autres bâtiments dont il explique le fonctionnement, dresse le catalogue et établit les plans. Ceuxci devront, dans son esprit, être gravés par les meilleurs artistes puis publiés dans son traité d’architecture, ce qui sera fait partiellement en 1804. Ainsi, bien que contrairement à Lequeu et Boullée Ledoux aura été un constructeur prolifique, ce dernier croisera parfaitement les utopies sociales qui commencent à se dessiner en cette fin du XVIIIème siècle avec des projets architecturaux imaginaires qui influenceront grandement les architectes modernistes du début du XXème siècle.
Dans cette mesure, certains de ces bâtiments sont totalement déconcertants : outre le cimetière, mentionné plus haut, il faut absolument signaler les bâtiments agricoles, sortes de « collections parlantes des métiers de la vallée de la Loue ». Ces constructions s’inspirent des physiocrates et des premières découvertes agronomiques du XVIIIe siècle.
Par exemple, on citera « l’atelier des cercles », qui a été réalisé récemment en vraie grandeur sur l’aire d’autoroute du Jura12 oubien la « maison des gardes agricoles » imaginée non pour Chaux, mais pour un village modèle à Maupertuis, dont la géode parisienne semble un pastiche moderne.
Au travers de cette architecture virtuelle, de ces projets imaginés, transparait l’expression des fantasmes d’une époque. En effet, la Cité Idéale de Ledoux s’inscrit dans un courant d’urbanisme visionnaire : l’air, l’eau, les éléments épurateurs y circulent largement en conformité avec les les thèmes hygiénistes de cette époque.
Le style de Boullée quant à lui comporte desformes géométriques simples ; l’absence de tout ornement superflu ; la répétition des éléments comme les colonnes, le tout sur une échelle gigantesque.
On peut voir en autres sur les images12 un de ses projets de cénotaphes à Isaac Newton, jamais construit, composé d’une sphère de 150m posée sur une base circulaire couronnée de cyprès. De plus, selon Boullée, l’autarcie et la nature permettait de maintenir les ouvriers loin des vices des grandes villes.
Ce rapport de l’utopie avec la campagne, de la négation de la ville entendue au sens classique du terme, sera repris au XXème siècle par Wright, notamment dans sa Broadacre City, soit une ville idéale au sein de laquelle la cité devient une nation.
Cette utopie de Broadacre sera développée par Wright dans trois livres successifs et illustré on 1934 par une maquette géante. Conceptuellement Broadacre est la cité naturelle de la liberté dans l’espace, autour de routes géantes, qui sont elles-mêmes de la grande architecture, qui passent devant des stations services publiques qui comprennent tous les services nécessaires pour les voyageurs, elle est structurée autour d’unités fonctionnelles diverses et dispersées.

Architecture Virtuelle et Architecture Numérique contemporaine : le cas particulier d’Asymptote

Puisque le développement d’Internet semble irréversible, puisque le commerce électronique est en pleine expansion, puisque les universités virtuelles se multiplient, pourquoi ne pas se décider à explorer ces nouveaux territoires? Et ce d’autant plus que ces lieux dits virtuels se visitent comme notre propre monde en trois dimensions. L’architecte américain Marcos Novak a été dans les premiers à prendre position dans cet espace qu’il qualifie de « liquide », et dont il a redéfini les contours et les immenses potentialités ; espace de liberté, sans contrainte de gravité, espace calculable dans d’infinies combinatoires mathématiques, l’univers virtuel est un authentique terrain de réinvention pour l’architecture.
La mise au point au cours des dernières années d’un « protocole de navigation » dit Vrml, soit Virtual Reality Modeling Language, permettant denaviguer en trois dimensions sur Internet a ensuite accéléré les choses.
Même si il parait indéniable d’affirmer que l’architecture virtuelle n’a pas attendu la virtualité numérique pour se développer, il est incontestable, à nouveau, d’observer que l’ordinateur a rebattu véritablement les cartes de cette architecture si complexe à encadrer.
Comme l’affirme d’ailleurs Antoine Picon, « … l’utilisation de l’ordinateur afin de produire des formes nouvelles et spectaculaires, ne constitue qu’un aspect d’une dynamique de beaucoup plus grande ampleur de même que l’invention de la perspective à la Renaissance était liée à des questions plus vastes que la seule recherche de la régularité géométrique ».
Dans cette mesure, Asymptote représente véritablement cette architecture numérique hybride, à mi chemin entre virtualité et réalité. Cette agence d’architecture, créée en 1988 et basée à New York par Lise-Anne Couture et Hani Rashid, est notamment connue pour ses installations artistiques et ses recherches axées sur les rapports entre les outils numériques, l’architecture et le design.
Avec Asymptote, l’architecture n’est plus uniquement orientée et réfléchie sur l’espace géométrique fini et statique : celle ci acquière une dimension temporaire, évolutive, fluide et entre en relation directe avec la technologie et les médias. On observe ainsi une redéfinition de l’œuvre architecturale comme objet infini, en perpétuelle construction et en réorientation vers d’autres possibilités, vers d’autres mondes possibles.
Son nom d’ailleurs, Asymptote ( terme mathématique désignant une droite telle que la distance d’un point d’une courbe à cette droite tend vers zéro quand le point s’éloigne à l’infini sur la courbe ), a été adopté pour ses implications philosophiques reflétant bien la manière de penser l’architecture comme une trajectoire mêlant théorie et pratique.
A l’origine de projets mêlant le bâtiment à une réalité numérique active, Asymptote franchit un pas considérable dans la virtualisation de l’architecture en ce qu’elle écrit un nouveau rapport dans les réalités que peut désormaisrevêtir un bâtiment. Les projets de la Virtual NYSE ( New York Stock Exchange ) de New York en 1998 et The Virtual Guggenheim Museum démontrent avec force l’étendue de ces possibilités actuelles. « 3DTFV est le premier environnement de réalité virtuelle d’une telle ampleur ; Asymptote en tant qu’équipe architecturale y a apporté son savoir-faire en terme de conceptualisation et de formalisation. Ce paysage de données (data-scape) réunit des flux d’informations, des modélisations de données ainsi que des procédures de corrélation, le tout dans un seul environnement architectural tridimensionnel homogène. L’espace virtuel est une modélisation en temps réel qui présente aux utilisateurs l’activité et les événements sous la forme d’un espace navigable entièrement interactif, doté de possibilités infinies de mouvement et d’affichage. La mise en place de 3DTFV en parallèle avec la place boursière de New York apporte aux opérateurs une compréhension plus poussée et plus précise des nombreuses variables et situations complexes qui surviennent durant les séances de la Bourse. Outre les exigences fonctionnelles de la modélisation, une attention particulière a été accordée à la qualité générale de l’espace virtuel, à la maîtrise des formes, de la lumière, de la texture et de la dynamique, ainsi qu’aux méthodes d’affichage et aux nouvelles procédures de navigation. »
Désormais, le numérique permet de connecter le bâtiment avec un navigateur. En effet, avant l’apparition de l’ordinateur et surtout d’internet, l’architecture virtuelle entretenait un rapport presqu’élitiste entre le concepteur et le citoyen : rares étaient les personnes ayant la capacité d’apprécier la vision virtuellement retranscrite sur le papier ou dans les mots par l’architecte. Avec Asymptote, cette donne change puisque le non concepteur peut devenir partie prenante au bâtiment virtuel.
Les objets, les espaces, les bâtiments et les institutions peuvent aujourd’hui être construits, parcourus, compris, expérimentés et manipulés sur les réseaux globaux. C’est une nouvelle architecture de la liquidité, du flux et de l’évolutivité, qui s’appuie sur les progrès technologiques et se nourrit du désir humain fondamental de sonder l’inconnu « Ces tracés « liquides », ces images virtuelles sans liens avec une réalité connue, une exigence ou l’apparence d’une préoccupation structurelle ou fonctionnelle génèrent des volumes qui flottent sans attaches avec un quelconque environnement, une quelconque géographie, un quelconque territoire, volumes virtuels qui deviennent parfois les monuments réels de l’urbanisme contemporain. Dans ce nouveau monde de formes, les plans sécants, la discontinuité volumique, l’orthogonalité, « le cube » pour parler simple, s’effacent au profit de la continuité et de la fluidité des formes « molles ». Cette géométrie du fluide est d’une nature différente des surfaces gauches, des paraboloïdes hyperboliques des années cinquante qui furent aussi en leur temps les manifestes architecturaux d’une exploration esthétique, d’un autre espace formel.
Un univers moléculaire, biologique, liquide, parfois immatériel, se substitue ainsi au monde statique minéral, cristallographique, discontinu de nos villes. Un nouvel univers que certains ont apparenté au baroque.
Or il y a longtemps déjà, des architectures émergèrent comme par enchantement, annonciatrices de ces formes qui naissent aujourd’hui de la culture numérique.
Me viennent à l’esprit la « Tour » d’Erich Mendelsohn construite en 1921 à Potsdam pour abriter un institut d’astrophysiquedestiné à vérifier la théorie de la relativité d’Albert Einstein, et les œuvres de Gaudi à Barcelone de Le Corbusier à Ronchamp. Architectures de la fluidité, enveloppements organiques, prémices des volumes lisses et continus tracés aujourd’hui par les ordinateurs.
Cette culture numérique dont on parle aujourd’hui ne serait alors que l’expression contemporaine d’une émotion esthétique et d’un monde de formes que des architectes de génie ont déjà exploré par les seuls outils d’une étonnante simplicité dont ils disposaient à leur époque. »

L’oeil de l’Architecte

« L’architecture de Second Life, malgré les possibilités infinies et l’absence de contraintes physiques (pas de gravité), frappe surtout par sa banalité et son conformisme extrême. Un monde qui ressemble plutôt à une banlieue américaine ou à un grand centre commercial criard qu’à une utopie architecturale. » Marie Lechner, Libération, 7 Septembre 2007.
Jusqu’à tout récemment l’architecture était forcément tributaire des lois de la physique. Même si les progrès opérés dans le domaine de la science des matériaux et de la statique sont considérables, l’architecte ne peut toujours pas tout contrôler : la gravité constitue toujours un élément qu’il ne peut maitriser complètement.
Aussi, par l’infiltration progressive de l’informatique dans son environnement, l’architecture est invitée à se questionner, se remettre en question. En effet, l’outil informatique est devenu un instrument essentiel pour répondre aux besoins contemporains. Dans cette mesure, l’oeuvre de Frank Gehry avec, par exemple, le musée Guggenheim à Bilbao, en Espagne, n’aurait pu être construit sans l’utilisation de logiciels spécialises.
De plus, avec le développement d’internet, de nouveaux territoires sont découverts et nous offrent d’immenses possibilités d’exploration artistique. L’architecture virtuelle est le résultat de l’une de ces explorations. Telle que proposée dans Second Life par exemple, elle nous permet de repousser toujours plus loin les limites de notre imagination. On serait même tenté de croire qu’avec ce type d’Architecture toutes les limites seraient abolies, tous les imaginaires architecturaux pourraient devenir réalité.
En parcourant l’univers virtuel de Second Life, il apparait que toutes les constructions et tous les personnages sont de pures surfaces de projections, qu’ils ils sont couverts d’images appelées «Skins», et deviennent des signes eux-mêmes. Ainsi, dans la mesure où est acceptée l’idée selon laquelle la maison est une extension du corps, les nouvelles formes d’expressions et les espaces expérimentaux à l’intérieur de Second Life constituent une nouvelle manière de penser le rapport entre l’individu, son corps et son bâtiment. Comme nous l’avions approché dans nos propos introductifs, et contrairement à l’architecture physique, les architectures virtuelles constituent ainsi un scénario, une histoire.
Pourtant, dans le cas de Second Life, il apparaît que d’un point de vue général les bâtiments construits par les utilisateurs ne diffèrent pas véritablement de l’architecture classique.
Comme si l’absence de limites, pour l’utilisateur moyen, n’avait pas plus de perspectives que notre imaginaire soumis aux lois de la gravité.
Second life ne serait alors rien de plus qu’un lieu mimétique, une maison de poupée. Car ce n’est pas réellement un espace de communication, c’est un espace où l’on joue à communiquer, et l’architecture virtuelle de ce univers particulier fait partie de ce mode de communication.
Aussi spectaculaires que soient ses résultats, un tel mimétisme a quelque chose de déconcertant, voire même de décevant, là où on aurait pu s’attendre à une prise de distance, à une émancipation comparable à celle de la peinture moderne par rapport aux canons de la figuration. Tout se passe comme si l’on ne pouvait donner à voir le virtuel que sous les espèces du simulacre, en référence à un univers matériel transformé en décor. Mais peut être ne s’agit-il que d’une phase transitoire, en attendant que le cybermonde atteigne sa vitesse de libération.

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Table des matières
Introduction
I- Architecture virtuelle : une définition restrictive
A- L’Architecture, entre réalité et virtualité
B- Architecture virtuelle et representations graphiques li«es au projet
C- Architecture virtuelle et Utopie
II- L’idéologie dans l’architecture virtuelle, regards croisés sur sa construction historique 
A-Une Approche historique de l’Architecture Virtuelle
a)Le point de fuite, une avancée majeure dans la virtualité architecturale
b)L’Architecture virtuelle des projets utopiques révolutionnaires français
c)L’architecture virtuelle hybride de Paolo Soleri
d)L’Architecture virtuelle des années 60-70(Archigram, Archizoom, Superstudio)
e)LಬArchitecture Virtuelle et Architecture Numérique contemporaine : le cas particulier d’Asymptote
B-L’architecture virtuelle, continuités et discontinuités
III- L’Architecte et la Virtualité
A- Architecture virtuelle, un moteur dans la cr«ation dಬune m«moire architecturale
B- L’ĕil de l’Architecte
Conclusion 
Annexe / Table des illustrations
Bibliographie

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