L’IDENTITÉ ETHNIQUE DE JEUNES SAGUENEENS ÂGÉS ENTRE 15 ET 24 ANS ADOPTÉS À L’INTERNATIONAL

L’IDENTITÉ ETHNIQUE DE JEUNES SAGUENEENS ÂGÉS ENTRE 15 ET 24 ANS ADOPTÉS À L’INTERNATIONAL

Au Québec, comme ailleurs dans le monde, certains parents se tournent vers l’adoption internationale, après avoir donné naissance ou non à des enfants biologiques (Ouellet & Galipeau, 2011). Ces parents doivent toutefois être conscients du caractère particulier que revêt l’adoption internationale. L’enfant adopté à l’international se retrouve en effet confronté à différentes modalités d’adaptation, que ce soit au niveau du langage, des habitudes alimentaires, de la culture et de l’éducation (Ouellet & Galipeau, 2011). De plus, la rupture du lien avec les parents biologiques et la perte des repères font en sorte que l’enfant aura à traverser un processus de deuil. Il devra créer de nouveaux liens avec de nouvelles figures d’attachement (Ouellet & Galipeau, 2011). D’autre part, le fait d’être élevé dans une famille qui est différente de lui au niveau racial et culturel peut amener des complications dans le développement de son identité ethnique. Le jeune doit s’adapter à son nouvel environnement tout en tentant de développer un sens cohérent de sa propre identité. Jusqu’à présent, très peu de recherches québécoises se sont consacrées à l’étude de l’identité ethnique chez les jeunes adoptés à l’extérieur du Québec. Ce mémoire tentera de combler cette lacune en étudiant la façon dont les jeunes adoptés à l’étranger se perçoivent et s’identifient, de même que l’impact que peuvent avoir les membres de leur entourage sur leur identité et leur sentiment d’appartenance envers leur culture d’origine et d’adoption. Plus spécifiquement, l’étude dont il est question dans ce mémoire vise l’atteinte de quatre objectifs soit : (a) décrire la manière dont les jeunes adoptés à l’étranger se voient et perçoivent leur statut d’enfant adopté, (b) documenter comment les différents acteurs (parents, fratrie, grands-parents, amis) autour des jeunes et leurs différentes actions contribuent à la construction de leur identité ethnique, (c) identifier le sentiment d’appartenance des jeunes adoptés envers la culture québécoise et envers leur culture d’origine et (d) décrire les comportements et les attitudes des jeunes pour actualiser leur sentiment d’appartenance envers les deux cultures (d’origine et d’adoption). Pour atteindre ces objectifs, huit jeunes, âgés entre 19 et 24 ans adoptés à l’international, ont été interviewés dans le cadre d’entrevues semi-dirigées. Une analyse de contenu a permis de faire ressortir les principaux résultats relatifs aux objectifs de cette étude.

Mise en contexte : modalités et ampleur de l’adoption internationale au Québec

Au Québec, il existe trois formes d’adoption : l’adoption régulière, l’adoption par le biais du programme banque mixte et l’adoption internationale (Centre jeunesse de Québec, 2008). Selon les données du Centre jeunesse de Québec (2008), l’adoption régulière fait référence aux enfants ayant été confiés à l’adoption par la mère biologique ou les parents biologiques dès la naissance, suite à un consentement. En ce qui concerne le programme banque mixte, son principal objectif est de « permettre à des enfants qui risquent d’être abandonnés ou dont les parents sont incapables de satisfaire les besoins, d’être placés le plus tôt possible dans une famille stable, prête à les accueillir en tant que famille d’accueil en vue d’une éventuelle adoption » (Ministère de la santé et des services sociaux, 2007:1). Cette forme d’adoption concerne donc des enfants québécois qui sont orphelins, abandonnés ou dont les parents ont renoncé volontairement à exercer leurs droits parentaux. Les parents intéressés par cette forme d’adoption doivent faire appel à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) puisque c’est cette instance qui a le mandat de préparer le projet d’adoption de type Banque mixte. Pour ce qui est de l’adoption internationale, les règles sont différentes de celles applicables à l’adoption d’un enfant québécois. Les personnes désireuses d’adopter un enfant à l’extérieur des frontières québécoises doivent, en effet, s’adresser au Secrétariat à l’adoption internationale ou à l’un des organismes québécois agréés par le ministre de la Santé et des Services sociaux (MSSS, 2007). Puisque la présente étude s’intéresse aux jeunes adoptés à l’international vivant au Saguenay-LacSt-Jean, il apparaît pertinent de dresser un portrait de la situation de l’adoption internationale telle qu’elle se présente au Québec et au Saguenay-Lac-St-Jean.

Le nombre d’adoptions internationales au Québec a connu une progression constante à partir des années 1970 jusqu’au début des années 2000. En effet, entre 1988 et 1989, la moyenne annuelle des adoptions internationales se situait à 242, alors qu’à partir de 1995, celle-ci se situait aux alentours de 900 (Beaulne & Lachance, 2000). Or, depuis 2004, ce nombre a chuté dramatiquement avec un déclin de près de 50 % des adoptions au Québec (Ouellet & Galipeau, 2011). À titre d’exemple, en 2003, 908 adoptions ont été réalisées comparativement à 496 en 2007 (Secrétariat à l’adoption internationale, 2011) Cette réalité peut s’expliquer par : (a) la capacité des pays d’origine à offrir à leurs enfants des adoptions ou des options de placements nationales plutôt qu’internationales et (b) le fait que certains pays imposent des quotas annuels ou resserrent leurs critères d’admissibilité (Ouellet & Galipeau, 2011).

En dépit de cela, le Québec est l’une des sociétés où on adoptent le plus d’enfants à l’étranger (Beaulne & Lachance, 2000). Ainsi, comparativement à d’autres pays, le Québec affiche un taux d’adoption nettement supérieur. Par exemple, la France a un taux d’adoption de 1 : 17 500 habitants et aux États-Unis ce taux est de 1 : 26 000 habitants, alors que le Québec affiche un taux de 1 : 9 000 habitants (Beaulne & Lachance, 2000). De 1990 à 2011, un total de 15 523 adoptions a été réalisé (Secrétariat à l’adoption internationale, 2011). Pour la dernière année recensée, soit 2011, le total des adoptions a été de 339 avec une moyenne d’âge des enfants adoptés de 30,8 mois. Plus de 70 % des enfants provenaient d’Asie, 19 % d’Amérique, 6 % d’Europe et 5 % d’Afrique.

À l’égard de la provenance des parents adoptifs, notons d’abord qu’il existe des adoptions dans toutes les régions du Québec (Beaulne & Lachance, 2000). Cependant, la plupart des adoptants proviennent des régions de Montréal-Centre, de la Montérégie et de Laval (Beaulne & Lachance, 2000). Selon les statistiques du Secrétariat à l’adoption internationale, 186 adoptions ont été réalisées dans la région du Saguenay-Lac-St-Jean entre 2004 et 2011. Seulement pour l’année 2011, 18 enfants ont été adoptés par des familles vivant au Saguenay-Lac-St-Jean (Secrétariat à l’adoption internationale, 2011).

L’adoption internationale et l’identité ethnique

Selon Sherman et Harré (2008), l’adoption internationale est un phénomène mondial qui attire l’attention de plusieurs chercheurs. À ce propos, Chicoine, Germain et Lemieux (2003) mentionnent qu’avec l’arrivée de l’adoption internationale, les préoccupations autour des questions d’identité ont été mises en évidence et ont donné lieu dans le monde à un grand nombre de recherches : (a) en travail social (Andujo, 1988; Bagley, 1993a; Carstens & Julià, 2000; Crolley-Simic & Vonk, 2008; Crolley-Simic & Vonk, 2011; Huh & Reid, 2000; Mohanty, Keokse & Sales, 2007; Scherman & Harré, 2010; Tigervall & Hubinette, 2010; Vonk, 2001; Yoon, 2004), (b) en sociologie/anthropologie (Fong & Wang, 2001; Ouellette, 1995; Shiao & Tuan, 2008) et (c) en psychologie (Cederblad, Hôôk, Irhammar & Mercke, 1999; Freidlander et al., 2000; Kim, Suyemoto & Turner, 2010; Lee, 2003b; Lee, Grotevant, Hellerstedt, Gunnar & Team, 2006; Phinney, 1990; Tizard, 1991; Von Korff & Grotevant, 2011; Zamostny, O’Brien, Baden & Wiley, 2003). Le phénomène de l’adoption internationale ne pose pas les mêmes problématiques que l’adoption domestique (ou locale) dans la mesure où le contexte n’est pas le même; les adoptés transraciaux doivent s’adapter à la fois à une nouvelle famille et à un pays étranger (Bergquist, Campbell & Unrau, 2003). De façon plus précise, dans la littérature existante, l’on cherche : (a) à savoir si un enfant adopté à l’international peut développer une saine identité personnelle s’il est élevé dans une famille qui a un héritage ethnique différent du sien et (b) à documenter l’importance de l’identité ethnique et la façon dont les parents doivent traiter les questions y étant rattachées (Yoon, 2004). Certaines études dans ce domaine indiquent que les enfants adoptés à l’international sont plus confus au sujet de leur identité ethnique et qu’ils ont de la difficulté à faire face aux préjugés et à la discrimination (Mohanty & Newhill, 2006). Chicoine et al. (2003) soulignent d’ailleurs qu’en matière d’adoption transraciale, le plus important défi, voire l’unique difficulté, serait pour l’enfant et ses parents de faire face aux questions identitaires et, plus précisément, de maintenir l’identité ethnique chez l’enfant (Mohanty, 2010). Les opposants de l’adoption transraciale vont même jusqu’à dire que le développement de l’identité ethnique des enfants adoptés à l’international (de couleur ou de race différente que leurs parents adoptifs) peut être compromis s’ils sont élevés par des parents blancs (Scherman & Harré, 2008). Dans la même ligne de pensée, il semblerait que les enfants issus de l’adoption internationale développent généralement une identité ethnique moins affirmée que ceux ayant été adoptés dans leur milieu d’origine (Westhues & Cohen, 1995).

En revanche, il apparaît important de mentionner que toutes les études sur l’adoption internationale n’arrivent pas nécessairement à des résultats négatifs. Il a d’ailleurs été démontré qu’il n’y a pas de différence entre les enfants adoptés à l’international et ceux qui ne le sont pas en ce qui a trait à l’estime de soi (Juffer & van Ijzendoorn, 2007). En effet, dans une méta-analyse comprenant 88 études, Juffer et Van Ijzendoorn (2007) ont constaté qu’il n’y avait aucune différence dans l’estime de soi des enfants adoptés comparativement à ceux qui ne le sont pas. Il ne faut donc pas conclure hâtivement que le fait d’avoir été adopté conduit inévitablement les enfants à vivre plus de problèmes. D’ailleurs, à ce propos, certains auteurs font remarquer que le statut d’enfant adopté ne résulte pas nécessairement dans le développement d’une identité ethnique négative (Simon & Altstein, 1996; Yoon, 2001). L’étude de Simon et Altstein (1996) a d’ailleurs démontré que les enfants adoptés avaient un sentiment positif à l’égard de leur race ainsi qu’une bonne connaissance de leur histoire et de leur culture d’origine.

Cependant, en ce qui concerne le processus de construction identitaire, plusieurs auteurs affirment qu’il est plus ardu, pour les jeunes adoptés à l’étranger, de faire face à cette tâche développementale (Grotevant, Dunbar, Kholer & Esau, 2000; Lee & Quintana, 2005; Lee, 2003; Ouellette & Belleau, 1999; Yoon, 2004). À cet égard, Grotevant et al. (2000) mentionnent que le processus identitaire des personnes adoptées est beaucoup plus complexe que celui des personnes non adoptées puisqu’elles ont deux paires de parents, soit les parents de naissance et les parents adoptifs, et parce que les connaissances de leurs caractéristiques biologiques peuvent êtres incomplètes. Il est, la plupart du temps, impossible pour eux de retrouver leurs parents biologiques ou des informations sur leur naissance (Harf, Taieb & Moro, 2006). De plus, à l’adolescence, il se produit une prise de conscience de la perte du lien généalogique et de la perte des parents biologiques (Ouellette & Belleau, 1999). Cette perte reliée à l’abandon pourrait également affecter la formation de l’identité chez les jeunes adoptés. Ces derniers peuvent en effet éprouver un sentiment de rejet à l’égard de leurs parents biologiques et un sentiment de honte du fait d’avoir été abandonnés (Grotevant, 1997b).

Il est aussi important de souligner que les personnes adoptées à l’international présentent souvent des caractéristiques physiques différentes de la majorité des concitoyens de leur pays d’accueil (Ouellette & Belleau, 1999; Yoon, 2004). Ainsi, elles deviendraient, au fil du temps, plus conscientes de ces différences et cela introduirait chez elles des questions liées à leur origine et à leur identité (Tessier et al., 2005). Bien que ces questions soient semblables à celles des enfants adoptés dans le même pays, il semblerait qu’elles soient accrues par Péloignement de leur culture et parfois, par leur apparence physique (Tessier et al., 2005). En effet, dans presque toutes les sociétés, la couleur de la peau et certains autres traits physiques (yeux bridés par exemple) sont des marqueurs identitaires qui peuvent amener de la stigmatisation et de la discrimination envers les personnes associées aux catégories minoritaires (Ouellette & Belleau, 1999). Une étude récente corrobore ces faits, alléguant que les personnes adoptées de race différente vivent de la discrimination en raison de leur apparence qui ne correspond pas aux « normes » de la culture d’adoption (Tigervall & Hubinette, 2010). Cela peut compliquer le processus identitaire d’autant plus que, contrairement à des familles immigrantes où les enfants peuvent s’appuyer sur les réactions de leurs parents face à des expériences de racisme, les enfants adoptés peuvent avoir le sentiment de ne pas pouvoir partager cette expérience douloureuse avec leurs parents (Harf et al., 2006).

Au Québec, puisque la majorité des enfants adoptés à l’étranger font partie de familles blanches, alors qu’ils sont eux-mêmes de couleur ou présentent des caractéristiques particulières, la question de l’identité de couleur et de l’identité raciale se pose (Ouellette & Belleau, 1999). Bien qu’il soit difficile pour tous les enfants de développer une saine identité ethnique, il semble que ce le soit encore davantage pour les enfants de minorités raciales ou pour ceux qui grandissent dans des familles biraciales (Lee, 2003b). Sur ce dernier point, plusieurs chercheurs ont noté que le fait d’être adopté et d’être ethniquement différent des autres membres de sa propre famille ainsi que des membres de la majorité de la société peut rendre le processus de formation de l’identité plus complexe (Lee, 2003; Lee & Quintana, 2005; Yoon, 2004). En effet, cette double différence peut être à l’origine de difficultés d’identification et d’affiliation (Harf et al, 2006). L’enfant et ses parents adoptifs doivent faire face aux différences d’apparence physique entre eux et cela peut compliquer le processus d’identification réciproque (Bimmel, Juffer, van Ijzendoorn & Bakermans-Kranenburg, 2003).

Les jeunes adoptés à l’international peuvent être confrontés à un paradoxe majeur, celui d’être vus comme des étrangers (ou des immigrants) dans le regard des autres sans pouvoir s’identifier en aucune façon à cette culture qu’on leur attribue. Effectivement, la culture d’origine demeure un concept purement théorique lorsque le jeune vit depuis sa petite enfance dans sa famille adoptive. En tant qu’enfants adoptés à l’étranger, ils doivent vivre avec la contradiction entre les privilèges associés à la vie dans une famille blanche et leur traitement dans la société en tant que minorités raciales (Lee, 2003b). C’est ce que Lee (2003b) nomme le « paradoxe de l’adoption transraciale ». Ce phénomène peut entraîner une difficulté à établir une identité culturelle (Harf et al., 2006).

Recension des écrits

Adoption et identité, définition des concepts

II apparaît pertinent de définir les différents termes qui seront utilisés tout au long du mémoire, de façon à éviter une certaine confusion. Les concepts définis sont les suivants: adoption internationale, adoption transraciale, culture, race, ethnicité, identité et identité ethnique. L’adoption internationale concerne les familles qui adoptent des enfants qui proviennent d’un autre pays (Lee, 2003b). Dans la littérature, d’autres termes sont utilisés pour parler de l’adoption internationale : adoption à l’étranger, adoption transnationale, adoption transculturelle et adoption interculturelle (Scherman, 2006). La grande majorité des adoptions internationales (sauf celles d’enfants d’Europe de l’Est) réalisées par des couples ou des individus demeurant au Québec sont des adoptions transraciales (Ouellette & Belleau, 1999). L’adoption transraciale concerne les enfants qui sont adoptés par des familles de race différente de leur famille d’origine (Butler-Sweet, 2011). La plupart du temps, ces enfants ont une couleur de peau et une apparence physique différente de celle de leurs parents adoptifs ainsi qu’un héritage culturel différent (Lee et al., 2006; Thomas & Tessler, 2007). Dans la littérature, l’adoption transraciale est aussi appelée adoption interraciale, interethnique, transethnique ou ethnoraciale (Scherman, 2006).

Le terme culture renvoie aux « idéaux, aux croyances, aux outils, aux compétences, aux coutumes, aux langues et aux institutions dans lesquelles les individus sont nés » (Baden, 2002:170). Les termes race et ethnicité sont utilisés comme des synonymes dans la littérature, bien que ce soit des concepts différents (Bunch, 2007). Pour ce qui est de la présente étude, le terme race fera référence à l’héritage d’un groupe qui est basé sur la géographie et un ensemble commun de caractéristiques physiques comme les traits transmis par la génétique, la couleur de la peau, la couleur et la texture des cheveux ainsi que les traits du visage (Hays, 2001). Quant à Yethnicité, elle fait référence à l’appartenance à un groupe qui est basée sur la nationalité, l’ascendance familiale ou les deux (Murry, Smith & Hill, 2001). Elle comprend les caractéristiques qui sont transmises par la socialisation (Helms & Talleyrand, 1997) et par l’histoire biologique, les valeurs, les coutumes et l’identité individuelle et de groupe (Hays, 2001).

Puisque la présente étude s’intéresse surtout à l’identité ethnique chez les jeunes adoptés à l’international, il apparaît pertinent de définir et de distinguer les concepts d’identité et d’identité ethnique. Pour ce qui est du premier concept, Erikson (1968), qui a été le premier à le développer, souligne que l’identité est une construction psychosociale qui se situe à l’interface de la personnalité individuelle, des relations sociales, de la sensibilisation subjective et du contexte externe. À cet égard, Yoon (2004) ajoute que l’identité que l’individu construit représente un ensemble de significations qu’il s’attribue dans une position sociale ou dans un rôle et qui sert de référence et de standard pour décrire qui il est. Il s’agit d’un processus à travers lequel ce dernier apprend progressivement à se connaître, à clarifier ses besoins, ses goûts et ses valeurs (Erikson, 1968). Soulignons également que pour Erikson (1968), bien que l’adolescence représente la période clé du développement de l’identité, sa formation n’est jamais réellement achevée. Par conséquent, l’identité est un long processus qui débute à l’adolescence, mais qui se réaménage sans cesse en fonction des étapes et événements vécus par l’individu (Bee & Boyd, 2008).

La façon dont les personnes adoptées se décrivent et s’identifient

Les études sur l’identité ethnique examinent dans quelle mesure les personnes adoptées utilisent des termes ethniques et raciaux pour se décrire et dans quelle mesure elles sont fières ou à l’aise avec leur race et leur ethnicité (Lee, 2003b). Globalement, au sein des écrits scientifiques consultés, il ressort clairement que les adoptés transraciaux ont tendance à s’identifier ethniquement davantage à la culture majoritaire qu’à leur culture d’origine (Cederblad et al., 1999; DeBerry, Scarr & Weinberg, 1996; Westhues & Cohen, 1998). Les raisons de ce modèle d’identification ne sont pas entièrement claires, mais peuvent être expliquées par l’attachement précoce ou le désir des enfants d’augmenter leur appartenance à leur famille adoptive par l’identification à leurs parents adoptifs (Westhues & Cohen, 1998). En effet, le fait que les parents et les enfants adoptés cherchent à se trouver des similitudes physiques serait l’expression d’un désir profond d’appartenance de ces derniers au groupe familial (Ouellette & Belleau, 1999).

Les facteurs associés à l’identité ethnique

Selon Tan et Nakkula, (2004), la formation de l’identité chez les personnes adoptées est le résultat d’un processus dynamique qui implique à la fois la famille adoptive, les origines raciales et culturelles, la communauté et la société majoritaire. Ce sont ces facteurs qui ont été retenus pour la présente étude et qui sont présentés dans les prochaines pages.

La socialisation culturelle
Un facteur important pour le bien-être psychologique et la formation de l’identité des personnes adoptées est le degré de socialisation culturelle puisque celui-ci tend à renforcer l’identité ethnique (Basow et al., 2008). La socialisation culturelle peut être définie comme « le processus par lequel les gens apprennent les attitudes, les valeurs et les comportements reliés à leur culture » (Thomas & Tessler, 2007:1192). Lee (2003b), quant à lui, définit ce concept comme étant : (a) la manière dont les parents transmettent à leur enfant les valeurs, les croyances, les coutumes et les comportements reliés à la culture d’origine de ce dernier et (b) la mesure dans laquelle l’enfant intériorise ces messages, adopte les normes culturelles et acquiert les compétences culturelles afin de devenir un membre compétent d’une société racialement diversifiée. Les principaux agents de socialisation incluent la famille, l’école, la communauté et les réseaux sociaux (Thomas & Tessler, 2007).

Les attitudes parentales
Selon Bergquist et al. (2003), les parents adoptifs jouent un rôle clé dans la promotion du développement sain de l’identité ethnique de leur enfant. Il semblerait que les parents qui s’impliquent activement pour les aider à développer leur identité ethnique sont plus proches de leur enfant et ont des interactions plus ouvertes avec ce dernier (Yoon, 2004). De plus, pour que l’enfant adopté développe un sentiment de soi positif et stable, il a besoin d’appui et d’acceptation de la part de ses parents adoptifs (Noy-Sharav, 2005).

Vonk (2001) a identifié trois domaines de compétences que les parents adoptifs devraient posséder : la sensibilisation raciale, la planification multiculturelle et les compétences de survie. La sensibilisation raciale est définie comme la conscience des rôles que jouent la race, Pethnicité et la culture dans la vie des gens, particulièrement dans la vie des enfants adoptés, ainsi que la sensibilisation au racisme, à la discrimination, aux stéréotypes et aux préjugés. La planification multiculturelle réfère, quant à elle, aux moyens qui sont donnés à l’enfant adopté pour qu’il soit exposé et qu’il participe à sa culture d’origine (peut faire référence à la socialisation culturelle, telle que définie précédemment). Finalement, les compétences de survie sont liées à la capacité des parents à préparer leur enfant à faire face avec succès au racisme.

Le rôle joué par le milieu et la communauté dans lesquels l’individu évolue

Plusieurs auteurs soulignent que la composition ethnique, raciale et culturelle de la communauté d’accueil est un facteur important en lien avec l’identité ethnique puisque la simple exposition à diverses ethnies, indépendamment du fait qu’elles correspondent à la race des enfants adoptés, est bénéfique à leur identité ethnique (Feigelman, 2000; Huh & Reid, 2000; Kim et al., 2010; Yoon, 2004). Par exemple, les résultats de l’étude de Yoon (2004), effectuée auprès de 241 Coréens adoptés aux États-Unis, indiquent que le fait de vivre ou de grandir dans une communauté diversifiée au niveau racial est fortement corrélé avec des sentiments positifs à l’égard de son propre groupe ethnique. Les participants coréens de l’étude de Kim et al. (2010) qui vivent au sein de communautés diversifiées ont également rapporté que leur identification en tant que Coréen est moins compliquée puisqu’ils sont exposés à leur culture d’origine et à des personnes de la même race qu’eux. Dans le même ordre d’idées, Thomas (2007) révèle que les enfants qui vivent dans des communautés ayant une concentration élevée de personnes de la même culture qu’eux ont tendance à avoir des niveaux élevés de compétences culturelles. Il semblerait également que les parents qui sont le plus en mesure de donner du soutien à la socialisation culturelle de leur enfant sont ceux qui vivent dans des communautés où il y a plus de gens de la même culture d’origine que leur enfant et qui ont pu établir des réseaux avec des personnes de cette même culture (Thomas & Tessler, 2007).

Conclusion

La présente recherche visait à obtenir une meilleure compréhension de l’identité ethnique des jeunes adoptés à l’international. Quatre objectifs spécifiques orientaient cette étude : décrire la manière dont les jeunes adoptés à l’étranger se voient et perçoivent leur statut d’enfant adopté; documenter comment les différents acteurs (parents, fratrie, grandsparents, amis) autour des jeunes et leurs différentes actions contribuent à la construction de leur identité ethnique; identifier le sentiment d’appartenance des jeunes adoptés envers la culture québécoise et envers leur culture d’origine et décrire les comportements et les attitudes des jeunes pour actualiser leur sentiment d’appartenance envers les deux cultures (d’origine et d’adoption).

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Table des matières

Introduction 
Problématique à l’étude 
1.1 Mise en contexte : modalités et ampleur de l’adoption internationale au Québec
1.2 L’adoption internationale et l’identité ethnique
Recension des écrits 
2.1 Adoption et identité, définition des concepts
2.2 La façon dont les personnes adoptées se décrivent et s’identifient
2.3 Les facteurs associés à l’identité ethnique
2.3.1 La socialisation culturelle
2.3.2 Les attitudes parentales
2.3.3 Le rôle joué par le milieu et la communauté dans lesquels l’individu évolue
2.4 La question des origines et des sentiments vécus face à l’adoption
2.5 Limites de la recherche actuelle et pertinence de l’étude
Cadre théorique 
Méthodologie 
4.1 Type d’étude
4.2 Objectifs de la recherche
4.3 Population à l’étude
4.4 Échantillon à l’étude et méthode d’échantillonnage
4.5 Stratégies de collecte de données
4.5.1 La fiche signalétique
4.5.2 La mesure d’identité ethnique (MIE)
4.5.3 L’entrevue semi-dirigée
4.6 Analyse des données
4.7 Considérations éthiques
Résultats 
5.1 Caractéristiques sociodémographiques des répondants
5.2 L’adoption
5.2.1 Le contexte de l’adoption
5.2.2 Sentiments vécus face à l’adoption
5.2.3 L’identité chez les personnes adoptées
5.2.4 Questionnements face à l’adoption
5.2.5 Les relations avec la famille adoptive
5.2.5.1 Les points en commun avec les membres de sa famille adoptive
5.3 La façon dont le jeune se perçoit
5.3.1 Ce qui les représentent le plus (qualités, limites)
5.3.2 La perception des différences
5.4 La façon dont l’entourage perçoit le jeune
5.4.1 Les attitudes des parents
5.4.1.1 La façon dont la famille décrit le jeune
5.4.1.2 Discussions dans la famille des différences d’apparence physique
5.4.1.3 Moyens utilisés par les parents pour que leur enfant soit exposé à sa
culture d’origine
5.4.2 Attitudes des pairs
5.4.2.2 Racisme et discrimination
5.4.2.3 Rôle que joue l’apparence dans la relation avec les autres
5.5 Le jeune face à sa culture d’origine
5.5.1 Identification et sentiment d’appartenance envers la culture d’origine
5.5.1.1 Identification à des personnes de son origine
5.5.1.2 Rapports à la communauté d’origine
5.5.1.3 Sentiments et attachement envers la culture d’origine
5.5.2 Comportements pour actualiser le sentiment d’appartenance
5.5.2.1 Quête des origines
5.5.2.2 Laplace des origines dans la construction de l’identité
5.5.2.3 Intérêt envers le pays d’origine
5.5.3 Socialisation culturelle
5.5.3.1 Adoption de normes et de comportements reliés à la culture d’origine
5.5.3.2 Participation à des activités reliées à la culture d’origine
5.5.3.3 Fréquentation de personnes de la même culture
5.6 Le jeune face à sa culture d’adoption
5.6.1 Identification à la culture d’adoption
5.6.2 Similitudes avec les autres québécois
5.6.3 Niveau de confort avec les autres Québécois
5.6.4 Niveau de connaissances envers la culture d’adoption
5.7 Sentiment d’appartenance envers la culture d’adoption
5.7.1 Sentiments et attachement envers la culture d’adoption
5.7.2 Résultats obtenus à la Mesure d’Identité Ethnique
5.8 Milieu et communauté
5.8.1 Composition raciale et ethnique du quartier
5.8.2 Avantages et désavantages de vivre en région éloignée
5.8.3 Exposition à la culture d’origine dans la région
Discussion des résultats 
6.1 La façon dont les jeunes se voient et perçoivent leur statut d’enfant adopté
6.2 L’entourage des jeunes et son impact sur l’identité ethnique de ces derniers
6.3 Le sentiment d’appartenance des jeunes face à leur culture d’origine et
d’adoption
6.4 Les comportements utilisés par les jeunes pour actualiser leur sentiment
d’appartenance
6.5 Forces et limites de l’étude
6.6 Avenues et perspectives de recherche
6.7 Retombées de cette étude sur la pratique du travail social auprès des parents
adoptifs et des enfants adoptés
Conclusion

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