L’idéal du type du paysan-mineur sous le système migratoire colonial

L’idéal du type du paysan-mineur sous le système migratoire colonial

Positionnements théoriques, cadre d’analyse et hypothèses

Les constats et les questions soulevées au Mozambique dans le chapitre I renvoient à différentes insuffisances au sein des théories économiques pour traiter des liens entre migrations et processus de développement ; selon Taylor (2005), ils constituent un domaine peu étudié en économie. Par ailleurs, si l’attention portée à la migration au sein de la littérature sur le développement date du début des années 1990 (Skeldon, 2008 ; Mc Dowell et de Haan, 1997)105 elle y est encore considérée de façon marginale (de Haan, 2006).
Au cours de cette histoire récente, le débat s’est en premier lieu essentiellement centré sur les causes ou les conséquences de la migration et le sens de la relation entre migration et développement. Or, les études empiriques passées (Taylor et al., 1996a; Taylor et al., 1996b), et récentes (Özden et Schiff, 2005; Rapoport et Docquier, 2005; Agunias, 2006; Katseli et al., 2006; de Haas, 2007a), montrent que le rôle de la migration et des transferts dans les processus de transformations sociales et économiques dans les sociétés et communautés d’origine sont à la fois complexes et variés (de Haas, 2010) et « la théorie économique n’apporte pas d’indications précises quant à l’orientation de ses effets » (Taylor, 2005 : 230).
La nature fondamentalement hétérogène des relations entre migrations-transferts et développement, ainsi que le fait qu’elles varient selon les grilles d’analyse spatio-temporelles choisies, devrait prévenir toute affirmation générale sur la question (de Haas, 2007).
Cette orientation initiale du débat est en partie due au fait que celui-ci a été biaisé par certaines difficultés conceptuelles. On constate une tendance à étudier les causes et les impacts de la migration séparément; et plus généralement, le débat académique a eu tendance à séparer artificiellement les déterminants et effets de la migration des processus plus larges de changement social et économique (de Haas, 2010). « De fait, la migration est considérée comme une variable isolée, marginale ou transitoire » (de Haan, 2006 : 18). Alors que la nature interdépendante (“interlinked”) des migrations et du développement a été reconnue par le terme “nexus” (Nyberg-Sorensen et al., 2002), l’impression est toujours celle de deux phénomènes indépendants en interaction, plutôt que la migration comme composante intégrante du développement (Skeldon, 1997; Skeldon, 2008)

Une autre difficulté est liée au terme « développement » et au fait que dans les débats autour de migration et développement, la croissance économique est toujours considérée comme étant centrale dans toute analyse sur le développement 107(Skeldon, 2008 ; Taylor, 2005). Cela est en partie lié à une tendance à la normalisation de la pensée du développement depuis les années 1990. Celle-ci s’opère via un double mouvement, à la fois théorique (autour des hypothèses standard) et politique (autour de l’ODM 1 de lutte contre la pauvreté comme critère de l’APD). Cela se traduit par une tendance à l’atténuation des spécificités de l’économie du développement, qui rentrerait ainsi dans le rang du courant dominant, aussi bien du point de vue théorique que des recommandations de politiques économiques (Geronimi, 2008). Or, plusieurs autres variables sont aussi fondamentales, et « le point clé est que le développement doit être désagrégé en des composantes spécifiques avant que tout rôle de la migration dans le processus puisse être évalué de façon pertinente » (Skeldon, 2008 : 4).
Notamment du fait qu’il existe entre le développement et les différentes composantes des moyens d’existence des familles rurales un rapport empirique indirect, ceux-ci devraient aussi être considérés comme centraux pour une compréhension des mécanismes en jeu, au-delà du simple effet mesurable de la croissance.
Face à la relation mal établie (« unsettled relation ») entre migration et développement (Papademetriu et Martin, 1991; de Haan, 2006) 108, le débat académique s’est élargi et déplacé au cours des années 2000. La littérature met fortement l’accent sur la spécificité du contexte et suggère qu’il existe des insuffisances quant à la compréhension des interrelations entre migration et processus de développement, notamment au sein des zones d’origine (Guilmoto, 1998; de Haan, 2006; Black et al., 2006a) ; les études qui cherchent à éclaircir les rouages complexes par lesquels la migration et les envois de fonds restructurent les économies rurales sont encore très empiriques et sommaires (Taylor, 2005).
L’évolution du débat tend donc à s’accompagner d’un changement de paradigme dans la conceptualisation de la migration, orienté vers une vision de « la migration comme une partie intégrante de processus de transformations plus larges, compris (« embodied ») dans le terme « développement » mais qui a aussi ses dynamiques internes propres et influe sur ces processus de transformation selon ses propres règles. Ce caractère contextuel (« contextuality ») a d’importantes implications théoriques. La migration n’est pas une variable exogène, mais fait partie de processus sociaux, et ses effets sont fondamentalement hétérogènes » (De Haas, 2010 : 2).
Ce nouveau de paradigme est aussi soutenu par des travaux d’autres disciplines s’appuyant sur les théories plus larges de changement social (Castels, 2008) 109. Appuyées par une convergence d’apports disciplinaires variés et un élargissement des dispositifs méthodologiques, ces approches ont permis de re-questionner la signification des mobilités et leur lien avec le changement social. En particulier, un ensemble d’approches s’est organisé autour de la notion de circulation migratoire (cf. chapitre I). Celle-ci est sous-tendue par l’idée de la mobilité comme un élément organisateur fort des dynamiques sociales pour des individus et des groupes en situation migratoire (Cortes et Faret, 2009). Le terme renvoie aux mobilités des individus, mais aussi des biens et des valeurs, dans un espace structuré antérieurement par des flux migratoires (Simon, 1981). L’élément important est qu’en mettant l’accent sur la dimension répétitive et durable des flux, la notion de circulation vise à ne restreindre l’analyse de la migration, ni aux seules problématiques du départ ou de l’installation, ni à les placer dans des temporalités dont seraient exclues la persistance et la «réversibilité» des mouvements (Domenach et Picouet, 1987; Picouet, 1991).

 

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE 
PARTIE 1- LES FONDEMENTS DE L’ANALYSE
I – Recompositions des économies rurales et migrations : enjeux renouvelés dans le contexte de mondialisationII – Positionnements théoriques, cadre d’analyse et hypothèses
III – Dispositif méthodologique de collecte et de traitement des données
PARTIE 2- DES MOBILITES CIRCULAIRES BIPOLAIRES ENCADREES PAR L’ETAT VERS DES FORMES VARIEES DE CIRCULATION SOUTENUES
PAR LES RESEAUX : GENESE ET EVOLUTION DE L’INSTITUTION MIGRATION
IV – Les migrations circulaires bipolaires encadrées par le régime colonial
V – Migrations contraintes de la période de conflit et affaiblissement ou rupture avec les règles communautaires (1978-1993)
VI – Circulations flexibles soutenues par les réseaux de la période contemporaine (1994-2010)
PARTIE 3- POIDS ET ROLE DES MOBILITES DANS LES RECOMPOSITIONS DES SYSTEMES D’ACTIVITES : LA CIRCULATION COMME
RESSOURCE ?
VII – L’idéal du type du paysan-mineur sous le système migratoire colonial : une diversification limitée des activités liée à la migration
VIII – Circulations, diversification et diminution relative des activités agricoles du contexte post apartheid : la mobilité comme ressource
CONCLUSION GENERALE 
Lexique des termes en xitsua et changana
Bibliographie
Listes des tables et illustrations
ANNEXES
Table des Matières

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