Critiques des conceptions antérieures de l’état de nature
Dans le Léviathan, Hobbes essaye de nous décrire l’état de nature comme étant un état qui se caractérisait particulièrement par un certain constat observé d’une situation de liberté et d’indépendance des premiers hommes à l’égard d’un quelconque maitre, et cela, à cause de l’absence des lois positives (=écrites)en cette période originelle, mais aussi cet état préliminaire était déterminé par l’instabilité et surtout une misère observées chez les hommes primitifs. Cette misère des hommes originels s’explique par le fait que ces hommes, dans cet état de nature, étaient à la fois isolés et privés de tous les bienfaits et « commodités » de la civilisation. Hobbes précise à ce propos que l’inconvénient serait naturellement, avec l’absence d’une civilisation et les lois positives, le fait que les hommes auront tendance à se tuer les un les autres. De même, si l’on en croit à Hobbes, les premiers hommes n’étaient dans leurs natures intrinsèques ni apprécier comme des êtres raisonnables ni également comme des êtres qui avaient le sens du social dans leur mode de vie ensemble. Au contraire, selon Hobbes, les premiers hommes étaient des êtres qui obéissaient fondamentalement à leurs instincts, et ils étaient naturellement jaloux et orgueilleux dans leurs rapports qu’ils entretenaient réciproquement. En effet, l’instinct de conservation conduisait ces hommes à s’entredétruire entre eux-mêmes. Et c’est précisément en ce sens donc qu’avait pris véritablement naissance une guerre naturelle de chacun contre tous. Dans le même ordre d’idées, Hobbes nous souligne que cet état de guerre permanent était surtout causé par le fait que chacun de ces premiers hommes éprouvaient incroyablement une certaine forme de crainte de la mort. Et que cette crainte relativement à la mort amenait chacun d’entre eux à adopter, et même à développer une certaine position d’adversité cruelle contre ses semblables. Pour l’auteur du Léviathan, c’est cette volonté instinctive de conservation qui poussait ces premiers hommes finalement à conclure entre eux-mêmes une pluralité de pactes ou de contrats au profit d’un tiers de personnes dotées d’un pouvoir absolu notamment l’Etat. En résumé, aux yeux de Hobbes, l’état de nature avait en réalité pour fonction essentielle de légitimer et en même temps favoriser l’absolutisme dans la mesure où il n y avait que la loi du talion qui régnait dans cet état primaire. Par compte, selon l’avis de Locke, l’état de nature était caractérisé par une insécurité débordante des biens et des personnes malgré qu’il y ait déjà une existence d’un certains nombres de droits notamment celui de la propriété. Et c’est précisément dans le but de vouloir assurer la sauvegarde de leurs biens et en même temps garantir leurs droits naturels, à savoir l’égalité et la liberté, que les premiers hommes avaient senti en fin de compte la nécessité de se former en société. Dans le même sillage, selon le jugement des penseurs juristes du droit naturel à l’instar de Pufendorf, les hommes étaient également libres et égaux à l’état de nature dans la mesure où à l’état primaire, parmi ces hommes primitifs, aucun ne pouvait se doter d’une puissance quelconque qui pourrait lui autoriser d’imposer sa force arbitraire à ses autres prochains sans aucune justification plausible et légitime au préalable. En ce sens donc, Pufendorf considère véritablement que l’autorité politique n’avait donc pas une origine naturelle, mais elle résultait plutôt d’une convention, ou encore d’un contrat par lequel les hommes se dépouillaient délibérément, ou encore sous l’effet d’une force coercitive, une bonne partie de leur souveraineté au profit d’une tierce personne. Pufendorf souligne par ailleurs que les hommes, dans l’état préliminaire, étaient non seulement tous doués de raison, mais ils étaient tout de même sociables dans leurs rapports mutuels. Et c’est précisément sous la base du bon usage de leur raison et de leur caractère social prédisposé que les hommes primitifs ont eu finalement l’opportunité et surtout la possibilité De s’unir ensemble pour sortir définitivement de ce préalable état de nature qui était perçu en réalité comme étant manifestement une situation d’existence jugée insupportable, malheureuse, et même inhumain. Montesquieu estime également dans ce même ordre d’idées qu’il y avait dans l’état de nature des rapports d’équité et de justice avant même l’avènement des lois positives c’est-à-dire la raison humaine en tant qu’elle gouverne les peuples de la terre. Ces facteurs de justice et d’équité à l’état primaire étaient surtout rendues possibles grâce à l’existence des lois de la raison. Pour Montesquieu, Les lois de la raison étaient fondées sur le principe d’égalité naturelle de tous les hommes, et en même temps sur les obligations individuelles et conscientes de chacun de ces hommes dans leurs rapports entretenus réciproquement. D’ailleurs ces lois de la raison étaient considérées de façon sous-jacente comme résultantes même de ce principe fondamental d’égalité naturelle. En effet, aux yeux de Montesquieu, les hommes de l’état de nature n’étaient pas aveuglément conduits par leurs fantaisies relativement à leurs manières d’être et de vivre entre eux-mêmes. Autrement dit, selon Montesquieu, les hommes primitifs conduisaient essentiellement leur vie sur la base de ces quatre principales « lois naturelles » notamment : vivre dans la paix, le désir de se nourrir si besoin se présente, l’attrait entre les sexes, et surtout le désir de vouloir vivre en société. La particularité de ces « lois naturelles » réside sur le fait qu’elles s’imposent d’elle-même contrairement aux lois positives. Par contre, selon Burlamaqui dans l’état de nature les « lois naturelles » n’étaient connues et appliquées que d’une manière imparfaite. La grande liberté et l’indépendance que les hommes primitifs jouissaient leur avait causé finalement une situation de trouble perpétuel. Et pour Burlamaqui, c’est précisément cette situation d’inconstance et surtout d’incertitude qui avait obligé les premiers hommes à chercher des remèdes contre ces maux par l’établissement d’une société dans laquelle les hommes seraient conduits par la volonté d’un Souverain dans la mesure où selon Burlamaqui l’état civil perfectionne l’état de nature au lieu d’ être véritablement à l’origine de sa destruction. Car, si l’état de nature renfermait en lui les causes qui le feront dépasser, c’est parce que les « droits » qui étaient attachés à l’état de nature s’étaient neutralisés et annihilés par leur l’exercice immodéré et incontrôlé. Et que ces « droits » ne pourront encore prendre effet au juste que dans l’état civil. A la différence de ses prédécesseurs, Rousseau, en refusant ces diverses conceptions de l’état de nature, estime par contre que l’homme originel n’était encore ni égoïste, ni sociable, encore moins d’être doué de raison. Pour Rousseau, Hobbes, Pufendorf, Montesquieu, et Burlamaqui ont eu à bien des égards tort d’avoir attribuer à l’homme primitif des qualités telles que les passions, la sociabilité et la raison. Car, toutes ces caractéristiques ont véritablement apparu avec l’avènement de la société. En termes plus clairs, selon le citoyen de Genève, ces caractéristiques sont inhérentes à la société et non à l’état de nature.
La société comme origine de la perversion de l’âme humaine
Rousseau écrit que « l’homme est naturellement bon » Cependant, on peut lire au début de l’Emile « Tout est bien sortant des mains de l’auteur des choses ; tout dégénère entre les mains de l’homme ». Certes, le mal sociétal est bien vrai l’œuvre de l’homme, mais plus précisément celle des hommes qui vivent en société et non l’homme profondément perçu dans sa nature intrinsèque et individuelle. C’est la raison pour laquelle Rousseau atteste que : « l’âme humaine altérée au sein de la société par mille causes sans cesse renaissantes par l’acquisition d’une multitude de connaissance et d’erreurs, par les changements arrivés à la constitution des corps, et par le choc continuel des passions ». Par cet énoncé, Rousseau veut nous montrer que tout le mal observé au sein de la société est en réalité surtout lié au fait que chacun des hommes éprouve une ambition dévorante, une ardeur de vouloir élever sa fortune non pas pour un besoin noble, mais plutôt pour se mettre simplement au dessus des autres, et qu’une telle volonté inspire inexorablement un noir penchant à se nuire mutuellement. Mieux, Rousseau nous indique aussi que les maux de la société souvent causés par une sorte de jalousie secrète qui ne dit pas nom. Autrement dit, cette jalousie cachée dans la relation entre les hommes prend souvent selon Rousseau non seulement la forme d’un masque de la bienveillance mais également celui de la bienséance. Ce qui qu’il aurait d’une part constamment dans la société une nette concurrence et rivalité, et de l’autre une opposition notoire des intérêts et surtout du désir caché de vouloir faire son profit au dépens des autres. Et pour Rousseau, c’est précisément l’ensemble de ces désaccords qui réside dans les volontés et ambitions des hommes, où se retrouve véritablement l’origine de la dépravation observée à l’endroit des êtres humains. Rousseau, en nous précisant que l’amour de soi et la pitié étaient les principaux caractéristiques de l’homme de l’état de nature, veut nous faire remarquer en même temps que ces derniers ont été dénaturés finalement avec l’avènement de la société. En effet, l’amour de soi désigne, aux yeux de Rousseau, l’amour naturel que chacun porte à sa porte personne dans un dessein de vouloir se protéger contre toute éventuelle tentative nuisible de ses semblables. A ce propos, Rousseau considère que cet amour de soi est naturellement bon, et n’interdit pas à l’homme de demeurer toujours un être moral et surtout altruiste dans la mesure où un tel type d’amour ne saurait pousser l’homme vers l’égoïsme. Ce qui fait que, cet amour de soi s’était finalement dénaturé pour devenir, par la suite, et sous l’influence néfaste de la société, ce qu’on pourrait nommer avec Rousseau comme étant de l’amour propre au sein des sociétés de nos jours. De même, par amour propre, Rousseau entend désigner cette forme d’amour que la personne porte, par contre, exclusivement sur elle-même. A travers une telle forme d’amour propre, Rousseau considère l’homme comme étant quelqu’un qui se veut comme une fin, et cherche à avoir en même temps de l’avantage continu sur ses semblables auxquels il se compare naturellement. Pour Rousseau, l’amour propre renvoie à un sentiment relatif qui ne peut jamais être satisfait chez l’homme, et qui dépend surtout du jugement des autres sur la personne. Et en ce sens, le citoyen de Genève estime que cet amour propre pourrait asservir généralement l’individu, dans la mesure où, il est fondamentalement tributaire de l’appréciation particulière de ses prochains. Et que c’est la raison pour laquelle d’ailleurs pour Rousseau, il serait très difficile de pouvoir le combattre dans la société. Pour ainsi dire, du point de vue rousseauiste que l’amour propre de l’homme est perçu grosso modo comme un principe d’assujettissement, de malheur, et surtout de méchanceté. En accusant la société d’être le seul responsable de cette modification de l’amour de soi en un amour propre, Rousseau choisit l’exemple du chant et de la dance, car selon lui, ce sont là d’innocents loisirs qui pourraient facilement développer entre les hommes une pluralité formes de rivalités et de comparaisons. D’autant plus que tous les humains ne peuvent pas également chanter et danser en même temps et d’une manière parfait, alors une égale perfection aussi entre les hommes serait tout à fait en vérité de l’ordre de l’impossible. Ainsi, chacun va donc pouvoir se comparer aux autres et par la suite devenir probablement jaloux à l’endroit de tous ceux qui auraient chanté mieux que lui véritablement. De ce point de vue, l’amour propre serait, à bien des égards, à l’origine de plusieurs formes d’inégalités naturelles mais aussi et surtout morales.
La liberté : une spécificité de l’homme
La liberté est présentée par Rousseau comme ce qui constitue la différence spécifique et manifeste de l’homme par rapport à l’animal. Contrairement à l’opinion du plus grand nombre, ce n’est pas la raison qui fonde la distinction de l’homme, mais plutôt la liberté entendue comme une capacité à pouvoir manifester son choix en toute chose. A la différence de l’animal qui est fondamentalement gouverné par son instinct. A ce propos, Rousseau considère véritablement l’homme comme un agent essentiellement libre puisqu’il soutient que : « l’homme se reconnait libre d’acquiescer, ou de résister et c’est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme ». Le Citoyen de Genève veut nous indiquer que l’homme n’est pas destiné à acquérir sa liberté d’autant plus qu’elle lui est naturelle. Cette liberté inhérente à l’homme désigne aux yeux de Rousseau de la manière suivante : laisser se développer sans entrave, et sans contrainte la vie qui est en nous. Par exemple, l’enfant est libre lorsqu’aucune contrainte n’entrave son développement naturel. C’est justement la raison pour laquelle la liberté est considérée pour Rousseau comme la plus haute affirmation de la nature humaine. De ce fait, déclarer que l’homme est libre, c’est précisément réaliser convenablement les fins de la vie humaine selon l’ordre édicté par la nature ellemême. La liberté pour Rousseau est donc un don de la nature dans la mesure où l’homme est naturellement né libre. Et c’est surtout pour cette raison que l’auteur du Second Discours estime le renoncement pour l’homme à sa liberté comme un acte qui serait l’équivalence de l’abandon même de sa qualité humaine, mais également à se mettre au même pied d’égalité que les bêtes sauvages qui sont naturellement enclin à leurs instincts. Ainsi, l’homme ne peut donc en aucune manière avoir une justification plausible qui pourrait lui permettre d’abandonner sa liberté. En d’autres termes, s’il est vrai que l’homme a le droit de jouir de sa liberté, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas tout de même le droit de s’en défaire ni pour lui-même ni pour ses descendants. C’est surtout cette idée d’ailleurs qui avait permis à Rousseau de critiquer toutes les théories politiques qui ont tenté de fonder l’origine de l’avènement du gouvernement sur un pacte arbitrairement établi par des peuples. Puisque Rousseau précise à ce propos qu’ « en effet, pourquoi se sont-ils donné des supérieurs, si ce n’est pour les défendre contre l’oppression, et protéger leurs biens, leurs libertés et leurs vies qui sont, pour ainsi dire, les éléments constitutifs de leur être ». En ce sens, Rousseau veut nous souligner que les hommes ont accepté de vivre en société dans l’espoir que la société elle-même s’engagerait à leur garantir la sauvegarde de leur liberté originelle, même si une telle forme de liberté ne pourrait subsister dans la vie sociétale sans se manifester nécessairement autrement. Dans le livre II de l’Emile ou de L’éducation, Rousseau nous indique que la liberté représente le principe essentiel de tous les biens que l’homme aurait à rechercher pour son bonheur et son épanouissement en société. De ce fait, selon Rousseau, l’homme n’est ni fait pour commander, ni pour obéir, ni pour ordonner la loi, ni pour la recevoir puisque sa liberté remonte à sa nature originelle. Et c’est en ce sens précisément que, le Citoyen de Genève a surtout estimé que la liberté, en tant qu’une spécificité de l’homme, consiste non pas à faire ce que l’on veut mais plutôt à ne jamais surtout faire ce que l’on ne veut pas. En d’autres termes, l’homme tel qu’il est définit par Rousseau est naturellement habité par un désir permanant de liberté dans son mode d’existence avec ses semblables au sein de la société. De même, pour Rousseau si on comparait l’homme par rapport à la bête, nous nous serions rendu compte que chez la bête seule la nature agit dans l’ensemble de ses opérations, alors que l’homme au contraire pose ses actes en sa qualité par définition d’un être libre. De ce point de vue donc, la bête ne peut en aucun cas s’écarter de la règle qui lui est prescrite même s’il serait parfois très avantageux de le faire, mais l’homme par contre peut s’en écarté très souvent quand bien même cela lui pourrait porter préjudice. Rousseau donne l’exemple d’un pigeon qui mourrait de faim prés d’un bassin rempli des meilleurs viandes et un chat sur un tas de fruits ou de grains quoique l’un et l’autre auraient pu bien se nourrir respectivement des aliments qu’ils dédaignent s’ils étaient véritablement avisé d’en essayer comme une toute nouvelle expérience à leur endroit. Bref, à la différence des autres animaux, cette liberté propre à l’homme depuis l’état primitif devra plutôt être perçue au sein de la société comme l’expression de son indépendance vis-à vis de ses semblables en ce qui concerne la satisfaction de l’ensemble de ses besoins.
La critique des Conceptions antérieures du Pacte Social
Le pacte social est une sorte de « contrat fictif » qu’aurait passé les hommes primitifs entre eux dans le but de fonder la société. Le pacte social désigne plus précisément le contrat par lequel les hommes ont renoncé à leur liberté naturelle (c’est-à-dire au droit de faire ce qu’ils veulent) en échange d’un certain nombre de droits (droits à la sécurité et droit à la propriété) garantis par la loi. Autrement dit, une fois que les hommes étaient sortis de l’état de nature, c’était le pacte social qui avait permis véritablement l’institution de la société civile. Il légitime le pouvoir politique en lui donnant un réel fondement juridique. Rousseau oppose le pacte légitime dans lequel le peuple et les gouvernants sont liés par des obligations, au pacte ou contrat d’esclaves où seul le peuple aliène sa liberté. Pour certains penseurs philosophes comme Hobbes, Locke ou Rousseau l’autorité politique est toujours fondée sur un « pacte originaire ». Hobbes désigne particulièrement le « pacte social » comme plutôt une sorte de « pacte de soumission » par lequel les hommes transfèrent la totalité de leurs droits à un souverain tout-puissant. Hobbes précise que le souverain (ou une seule personne) ne désigne pas nécessairement un seul individu (un roi) mais plutôt l’unité de la volonté à laquelle une assemblée avait été établie. En effet, tout être vivant se caractérise selon Hobbes par une tendance ou un désir de perpétuer son existence. Cette tendance, qui pousse tout homme à craindre par-dessus tout la mort, c’est-à-dire : la rencontre violente avec une force susceptible de mettre en péril sa survie, fait que chacun des individus est prêt à s’imposer les sacrifices les plus rigoureux, pour peu qu’ils soient de nature à le délivrer de la crainte de la mort violente. Tel est le ressort de ce « pacte de soumission » au terme duquel tous les contractants renoncent à user librement de leurs forces au profit du seul souverain. Le souverain à la lourde charge de mettre les contractants à l’abri de la menace de la mort violente par le biais de la puissance publique ainsi instituée. Pour Hobbes, à travers le pacte social, seul les individus contractants détiennent une force puissante assimilable à celle du « Léviathan » qui pourrait inspirer la crainte nécessaire à l’obéissance. En effet, le Léviathan (monstre biblique) désigne, en d’autres termes, l’Etat en tant qu’un « corps social », lequel d’ailleurs serait comparable par métaphore au « corps animal ». La force de l’Etat émane intégralement selon Hobbes de cette force puissante du « corps social ». De ce fait, puisque l’équilibre et la quasi-totalité des forces entre les individus suscite le désordre au sein de la société, alors Hobbes estime que le seul moyen de promouvoir la paix serait d’ériger un pouvoir politique commun sans bornes définies qui serait en mesure d’imposer sa loi à l’ensemble de la communauté politique. En contractant les uns avec les autres sous la base exclusive du « pacte social », tous les individus se donnent pour but unique la paix. A ce propos, Hobbes considère que seul l’extrême force de la puissance publique, composée de l’addition des forces de tous les contractants, serait à même d’assurer durablement la paix civile, dans la mesure où chaque force individuelle est désormais négligeable au regard de cette extraordinaire puissance publique. Le souverain, ainsi institué, dispose d’un pouvoir absolu qui incontestable et irrésistible sur la totalité des citoyens. Car, aux yeux du citoyen de Westport, ceux-ci se sont engagés et liés les uns aux autres par le « pacte social ». En effet, Hobbes précise que seul le souverain n’est obligé et tenu à rien par rapport aux différentes conventions et contraintes établies par le « pacte social ». La légitimité du « souverain », n’est rien d’autre que la résultante de sa grande puissance invincible tous azimuts, qui fait de lui un véritable « arbitre incontestable ». Le souverain, au lieu d’avoir donc des devoirs comme tous les citoyens, n’en dispose plutôt que des fonctions issues de sa puissance souveraine absolue. On pourrait penser avec Rousseau que l’individu, craignant, et en même temps fuyant les forces distinctes des autres individus comparables à la sienne, s’est inconsciemment « jeté dans la gueule du loup » en s’en remettant à la puissance publique du souverain dans la mesure où, le souverain à lui seul ne s’est engagé à rien, pas même à faire régner la paix sociale qui était tout d’abord l’objectif ou la mission visée par tous les contractants. Mais, en tout état de cause, nul ne serait plus en mesure de le contraindre à accomplir cette préalable mission. Telle est en substance l’objection que Rousseau a formulée à l’encontre de la pensée politique du « pacte social » de Hobbes. Ce serait véritablement oublier de la part de Rousseau, qu’aux yeux de Hobbes le souverain est préservé de la tentation de la tyrannie par la réalité même de sa toute-puissance. Disposant d’une puissance irrésistible, alors le souverain n’a plus aucun intérêt particulier à défendre : son intérêt se confond dès lors avec celui du « corps social » tout entier qui a été établi au nom du « pacte social ». Pour Hobbes, le « corps social » en tant que mécanisme artificiel, s’assimile à la personne du souverain. De même, nous pensons pouvoir dire sans craindre de forcer le parallélisme que lorsque Rousseau fait du peuple le véritable souverain, Hobbes pour sa part fait du souverain l’incarnation du peuple. Hobbes considère même que c’est cette incarnation du « corps social » dans la personne du souverain qui fonde et garantit la raison d’être du pacte social. Au fait, ce qui fait véritablement la particularité de Rousseau, ce n’est point l’idée que le Souverain ou l’Etat trouve son fondement à travers le «pacte social», mais bien plutôt la conception qu’il se fait de la nature même de ce pacte.
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Table des matières
INTRODUCTION :
PREMIERE PARTIE : L’anthropologie sociale chez Rousseau
A- /La Problématique de l’état de nature
1. Critiques des conceptions antérieures de l’état de nature
2. Conception rousseauiste de l’état de nature
B- /L’homme au sein de la société
1. La société comme origine de la perversion de l’âme humaine
2. L’inégalité : une conséquence de la vie en société
DEUXIEME PARTIE : La liberté dans la société politique
A- /Diagnostic des rapports entre la liberté et la politique
1. La liberté : une spécificité de l’homme
2. La liberté naturelle : une indépendance vis-à-vis d’autrui
B- /Rousseau le Réformateur : la liberté civile et ses innovations
1. La liberté civile : une résultante des lois positives
2. La dignité du citoyen : une égalité juridique et politique
TROISIEME PARTIE : les conséquences de la réforme de la liberté civile
A- /L’intérêt selon Rousseau pour la sauvegarde du Pacte Social
1. La critique des conceptions antérieures du Pacte Social La conception rousseauiste du Pacte Social
B- /La « Religion civile » et la « démocratie directe » ou « participative » Pour une expression libre de la citoyenneté
1. L’utilité de la pratique d’une « Religion civile » pour une meilleure cohésion entre le peuple et son souverain
2. Défense aujourd’hui utopique de la « démocratie directe » ou « participative » et critique de la notion de « représentation » pour le respect de la liberté des citoyens
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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