Dans les années quatre vingt a eu lieu une accélération dans la suppression des barrières existantes dans les échanges internationaux. Cette accélération a ouvert de nouvelles possibilités de développement des entreprises et de la croissance des économies nationales. La libéralisation des mouvements de capitaux a grandement facilité l’afflux de capitaux dans les régions et pays éprouvant un manque de moyens pour développer leur économie. Elle était liée aux programmes d’ajustements structurelles introduits dans les pays en développement . Malgré les reproches qu’on peut leur faire, ils ont joué dans la plupart des cas un rôle positif dans la compréhension de la nécessité d’admettre un ensemble d’actions d’assainissement dans le cas de manque d’équilibre et de stagnation de l’économie nationale. C’est grâce à ces programmes que nombreux gouvernements ont pris conscience de la nécessité d’introduire certaines actions pour l’équilibre et créer des conditions pour une croissance économique à long terme dans les conditions de l’internationalisation et de la globalisation de l’économie.
La libéralisation du flux des marchandises et des capitaux a en même temps renforcé la position des corporations supranationales et a créé de nouvelles possibilités d’exercer une pression sur la libéralisation. On estime qu’une grande partie du commerce international ne survient pas entre les pays mains entre les corporations multinationales. Ce sont celle-ci qui profitent le plus de la suppression des barrières dans le commerce international et qui exercent une pression sur les gouvernements des pays industrialisés pour que ceux-ci introduisent de nouvelles régulations globales qui rendent possible un accès illimité aux marchés nationaux.
La libéralisation progressive a réduit à la défensive le pays en tant que sujet définissant les buts stratégiques du développement de l’économie nationale et utilisant des moyens de politiques économique adéquats à la réalisation de ces buts. Le cadre traditionnel de la politique du pays a été rompu et les normes liées à la liberté des entreprises à l’échelle globale ont été mises au premier plan.
LA LIBERALISATION DES MOUVEMENTS DE CAPITAUX : ASPECTS ANALYTIQUES
La croissance des transactions financières internationales et des mouvements internationaux de capitaux est un des aspects les plus marquants de l’économie de la fin du XXème siècle et celle du début du XXIème siècle. Les entrées nettes des capitaux dans les pays en développement ont triplé, passant d’environ 50 milliards de dollar par an entre 1987 et 1989 à plus de 150 milliards de dollar sur la période 1995-1997. Dans le même temps, des flux privés en 1996 en sont venus à représenter 20% des investissements intérieurs des pays en développement, contre 3% seulement en 1990 .
Cette croissance explosive a été favorisée par des puissants courants, notamment la tendance à la libéralisation économique et à la multilatéralisation du commerce tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. La révolution des technologies de l’information et des communications a transformé l’industrie des services financiers à l’échelle mondiale. Grâce aux liaisons informatiques, les investisseurs peuvent connaître en temps réel les prix des actifs à un coût minime, cependant que la puissance des ordinateurs leur permet d’établir rapidement les corrélations entre les prix des actifs et entre ces prix et d’autres variables. Dans le même temps, les nouvelles technologies font qu’il est de plus en plus difficile aux pouvoirs publics d’exercer un contrôle sur les flux des capitaux, à l’entrée ou à la sortie, lorsqu’ils le désirent.
Cela signifie que la libéralisation des marchés de capitaux, et l’augmentation prévisible du volume et de la volatilité des flux de capitaux qui en découle, est un phénomène en constante évolution et dans une certaine mesure irréversible. Elle a contribué à la hausse de l’investissement, à l’accélération de la croissance et à l’amélioration du niveau de vie dans bien des pays. Mais la libéralisation financière, tant interne qu’externe, a aussi entraîné des coûteuses crises financières dans plusieurs cas. Cela démontre qu’elle comporte des risques aussi bien que des avantages et qu’elle a des répercussions profondes sur les politiques que sur les pouvoirs publics peuvent juger possibles ou souhaitables.
LES FONDEMENTS THEORIQUES DE LA DEREGLEMENTATION FINANCIERE
Le mouvement de déréglementation se traduit par le fait de laisser jouer les mécanismes du marché en supprimant ou réduisant les règles, les limitations et les interventions publiques. Cette volonté de libéralisation a pour origine la théorie économique, notamment à travers les écrits des libéraux et des néo-libéraux même si à l’intérieur de ces courants, des auteurs préconisent différents degrés de libéralisation.
La pensée libérale et néo-libérale
Les physiocrates ( 1756-1777)
Leur nom vient du latin « physis » signifiant nature et « kratos » pour puissance ; bref ; ils prônent le « gouvernement de la nature ». Pour ce courant, la théorie de la valeur part de la productivité de l’agriculture, et le cycle économique est le reflet du cycle agricole.
Leur confiance en l’harmonie spontanée surgissant de la nature les oppose aux mercantilistes qui eux prônent un Etat tout puissant. En effet, ces derniers, protectionnistes, étaient en faveur des taxes multiples ; alors que les physiocrates sont favorables au « laisser passer », parce que la circulation des biens et des marchandises favorise la production et la richesse de tous. Il existe un cercle vertueux du libre échange grâce à la liberté du commerce qui crée des ressources permettant d’acheter à ses partenaires. Le mode de représentation en terme de circuit de F. Quesnay démontre que toute entrave à la circulation des richesses limite la croissance de la production.
Les physiocrates critiquent le Colbertisme , école de pensée qui développe l’intervention des pouvoirs publics afin de remplacer l’initiative privée par des lois, des règlements, des corporations sources de rentes et d’inefficacité.
La théorie classique
La pensée d’Adam Smith (1723-1790)
En 1776, A. Smith publie « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des Nations », véritable hymne au marché et au capitalisme auto-régulé par la concurrence. L’idée présentée est que la recherche par chacun de son intérêt individuel permettra, en situation de concurrence, d’atteindre l’optimum général : « La main invisible » du marché permet de concilier intérêt individuel et intérêt général. Chez cet auteur, l’harmonie règne dans la société, où le riche comme le pauvre sont nécessaires à l’équilibre économique. La « main invisible » de la concurrence permet d’assurer la société que ce qui est produit correspond aux besoins de ses membres et ce dans les qualités désirées.
A. Smith décrit le mécanisme de la « main invisible » dans le livre IV de la richesse des Nations comme étant le processus par lequel, dans une économie de marché, les décisions et les actes individuels sont rendus compatibles et concourent à l’intérêt général : « chaque individu met sans cesse tous ses efforts à chercher, pour tout le capital dont il dispose, l’emploi le plus avantageux ; il est bien vrai que c’est son propre bénéfice qu’il a en vue, et non celui de la société ( …) Qu’un individu se laisse emporter par un appétit de profit, et il verra surgir des concurrents pour lui prendre son métier ( …) Ainsi, comme dans la théorie des sentiments moraux, les motifs égoïstes de l’homme mènent le jeu de leur interaction au plus inattendu des résultats : l’harmonie sociale » .
Pour Smith, le marché a également une fonction de régulation, car grâce aux prix, il ajuste les quantités offertes et celles demandées. Il considère que l’épargne est source de croissance et d’accumulation du capital. L’idée est que le capital est rare et que l’épargne ne suffit pas à obtenir la croissance. Au libéralisme et à l’harmonie nationale est ajoutée également une vue équilibrée de l’échange international, source de bénéfices pour tous. Smith développe la théorie de la « loi des avantages absolus » qui est l’une des premières lois qui justifie théoriquement l’échange international. En effet, les pays sont dotés inégalement par la nature, ce qui entraîne logiquement une spécialisation fondée sur leurs avantages absolus, ce qui économise des dépenses inutiles lorsque l’on peut se procurer moins cher à l’étranger, ce que l’on peut produire qu’à un coût plus élevé chez soi.
On peut s’interroger sur la place de l’Etat dans la pensée Smithienne. La croyance dans le marché conduit au refus de l’interventionnisme. Du fait de l’existence d’un monde où règne la main invisible, A.Smith déclare que l’Etat doit être sobre. Contrairement aux ultralibéraux, il attribue à l’Etat une série de rôles bien précise :
❥ Le premier devoir l’Etat est celui de défense nationale, c’est–à–dire de protéger la société contre la violence et l’injustice des autres nations.
❥ Le second devoir de l’Etat est celui de protection ; autant que possible, chaque membre de la société doit être soustrait à l’injustice ou à l’oppression d’un autre membre de celle-ci.
❥ Le troisième et dernier devoir de l’Etat est celui de développer les biens publics.
La pensée d’A.Smith est aujourd’hui quasipermanente, puisqu’elle inspirera les travaux de l’école de Vienne, puis ceux de Chicago .
Néanmoins, la croyance d’A.Smith en une harmonie spontanée ne s’est guère vérifiée dans la réalité, car le XIXè siècle a connu ses crises périodiques et l’on a assisté à un élargissement des fonctions de l’Etat, notamment dans l’immédiate après deuxième guerre mondiale ( 1945-1973), alors que régnait une période de croissance rapide.
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Table des matières
Introduction
Partie 1 : libéralisation des mouvements de capitaux :aspects analytiques
Chapitre I : les fondements théoriques de la libéralisation des mouvements de capitaux
Section 1 : la pensée libérale et néolibérale
A. Les physiocrates (1756-1777)
B.La théorie classique
1)la pensée d’Adam Smith (1723-1790)
2)la pensée de David Ricardo (1772-1823)
3)Jean-baptiste Say (1767-1832)
C.L’analyse néoclassique
D.Le renouveau de la pensée libérale (néolibéralisme)
1)Milton Friedman et le monétarisme
2)Economie de l’offre
Section 2 : Libéralisation des mouvements de capitaux
A.La théorie de l’efficience des marchés (marchés financiers)
B. Libéralisation financière
C.L’approche de Mac Kinnon et Shaw
Chapitre II : Libéralisation des mouvements de capitaux et crises financières
Section 1 : Globalisation et libéralisation financière
A.Notion de globalisation financière
B.Les opportunités de la globalisation financière
C. Globalisation financière et instabilité financière
Section 3 : Crise financière et ses origines
A.Les bulles financières
1)Définition d’une bulle financière
2)Le gonflement d’une bulle financière
3)L’éclatement d’une bulle financière
B. La crise comme sous efficience des marchés
1)Instabilité et volatilité
2)Instabilité et aversion aux risques
3)instabilité et asymétrie d’information
Chapitre III : Les étapes de la mondialisation financière
Section 1 : Evolution réglementaire dans les pays de l’OCDE
A.Justification des déréglementations dans l’OCDE
B.Le mouvement de libéralisation
C.Conséquences de la libéralisation des marchés financiers
Setion2 : La déréglementation financière dans les pays en développement
A.Justification de la libéralisation financière
B.Evolution des marchés de capitaux émergents
Section 3 : Conglomération financière
A.Développement des conglomérats financiers
B.Vulnérabilité des conglomérats financiers
Chapitre IV : Libéralisation des flux des investissements et contrôle des activités financières
Section 1 : Les investissements étrangers
A.Définition et caractéristiques des investissements étrangers
1)Investissement Direct Etranger (IDE)
2)Investissement de portefeuille
B.Les IDE et le commerce international
Section 2 : Contrôles des activités financières
A.La taxe Tobin
1)Définition
2)Mécanismes
3)Les oppositions
B. La taxe sur les IDE
C. La taxe sur les bénéfices
Partie 2 : Libéralisation des marchés de capitaux à Madagascar
Chapitre I : Aperçu historique de la libéralisation à Madagascar
Section 1 : L’évolution de la libéralisation à Madagascar
A.De l’indépendance à la fin de la première république (1960-1972)
1)Brève histoire
2)Chemin du Développement
B. La révolution Socialiste Malagasy (1975-1990)
1)Brève histoire
2)Plan du développement
C.Vers une déréglementation complète (après 1990)
Section 2 : Evolution des investissements ces quelques dernières années
A.Investissements publics
B.Investissements privés
Chapitre II : La création du MID à Madagascar
Section 1 : Qu’est ce qu’un MID ? Quelles sont ses rôles?
A.Fonctionnement du MID : Le MID un marché
B.Une autre façon de dire le MID
Section 2 : Mise en place du MID 0 Madagascar
A.Structure du MID
B.Le MID, la politique monétaire et l’objectif d’équilibre externe
Chapitre IV : L’enchaînement des réformes
Section 1 : Restructuration du secteur bancaire à Madagascar
A.Le système bancaire
B.L’environnement bancaire
Section 2 : Principales réformes depuis la mise en œuvre des PAS
A.Développement économique dans le cadre du DCPE
B. Le Document Stratégique pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP)
Chapitre V : Problèmes rencontrés et solutions proposées
Section 1 : Les problèmes rencontrés
A.Les problèmes classiques
1)Libéralisation risquée
2)Crise du secteur bancaire
B. Les problèmes réels
1)Crise de la dette
2)Domination des systèmes étrangers
Section 2 : Les solutions proposées
A.Solutions traditionnelles
1)Réglementations prudentielles
2)Proposition de Barry Eichengreer et Charles Wyplosz
B.Solutions préconisées
1)Quelques principes à retenir
2)Recommandations pressantes
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes