L’hystérie, histoire et définitions
L’hystérie est une des pathologies psychiatriques qui a suscité le plus de controverses. L’histoire de l’hystérie se confond avec celle de la médecine. Des papyrus de 1900 avant J.C. décrivent les premiers symptômes hystériques. En 400 avant JC, Hippocrate estime que les symptômes hystériques sont dus à la migration de l’utérus à travers le corps jusqu’au cerveau. Galien, en 200 avant J.C., « fixe » l’utérus et admet l’hystérie chez l’homme. La confusion entre les causes et les conséquences sexuelles de l’hystérie se confondent jusqu’au XIX siècle. Charcot tente d’appliquer le modèle neurologique à l’hystérie sans succès mais il montre que les troubles sont sensibles à la suggestion hypnotique. Freud décèle l’origine inconsciente du conflit ayant donné naissance au symptôme hystérique ; grâce à l’analyse du discours de l’hystérique, il formule les principaux concepts de la psychanalyse. Il met l’accent sur la nature sexuelle de la scène traumatique déclenchante, scène réelle ou fantasmatique. Jacques LACAN souligne combien se reflète dans le comportement de l’hystérique l’organisation du désir : le désir d’un désir insatisfait.
L’approche psychanalytique voit dans la problématique hystérique un échec de la résolution du complexe d’Oedipe et une forme particulière d’aménagement de l’angoisse de castration liée au caractère incestueux des désirs sexuels. Les symptômes de conversions hystériques réalisent alors sur la scène du corps les fantasmes de castration inconscients associés aux représentations inacceptables pour le moi conscient. Les parties du corps choisies pour exprimer un tel fantasme sont dotées pour un sujet donné d’un pouvoir métaphorique. Un mécanisme d’identification est souvent à l’œuvre dans le symptôme de conversion.
La classification américaine Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders 4ème édition (DSM4) a opéré un découpage nosographique de la névrose hystérique. Elle s’est vue redistribuée en plusieurs sous-groupes dont les troubles somatoformes et les troubles dissociatifs.
Epidémiologie
Dans la population générale, LJUNGBERG estime la fréquence des accidents de conversion à 0.5 %. [1] Sa prévalence dans la population générale est estimée de 1 à 2 %. [2] Ces données sont très discutées compte tenu d’une évaluation rendue difficile par le polymorphisme et la variabilité de l’hystérie.
Il en est de même pour le sex-ratio, même si la prédominance féminine est un fait clinique certain, le sex-ratio varie de 1.8 à 4.6 femmes pour 1 homme selon les études. 89% des femmes et 82% des hommes qui présentent un premier accident de conversion ont entre 15 et 25 ans.
Sur le plan clinique
Les premières manifestations apparaissent à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. La prévalence est féminine.
Personnalité hystérique :
La présence d’une personnalité hystérique existe souvent isolément, en dehors de tout symptôme hystérique.
➤ Histrionisme, théâtralisme : souci d’attirer l’attention ; le sujet se présente de façon théâtrale, dramatique ; son vocabulaire est volontiers empathique, manque de naturel. L’hystérique modifie son rôle, selon l’auditoire, le temps, les circonstances, le désir de l’autre.
➤ Hyperréactivité émotionnelle :
– Hyper-expressivité des affects : le sujet s’attache ou se détache des objets avec un manque de mesure. Son affectivité est versatile mais non simulée et les sentiments vécus avec intensité.
– Troubles caractériels : l’hystérique est souvent irritable, capricieuse, impulsive, incapable de prendre de la distance avec les éléments frustrants de sa vie.
– Humeur labile et changeante : faite de décharge émotionnelle et d’égocentrisme.
➤ Dépendance affective : soit l’hystérique est active et à la recherche d’une valorisation dans des taches altruistes, soit elle est passive, immature, infantile. Son attitude est alors le plus souvent effacée, inhibée, les investissements pauvres et la sexualité inexistante.
➤ Troubles sexuels : il existe soit un dégoût et une crainte de la sexualité, soit une hypersexualité apparente ; le collectionnisme des partenaires masque l’inhibition ou le refus de la sexualité. En parallèle, on note une érotisation des rapports sociaux. Une frigidité est souvent retrouvée.
Notons qu’un trouble de la personnalité de type dépendant est également fréquemment retrouvé, seul ou en association à une personnalité hystérique, au cours d’un accident de conversion. La personnalité dépendante se définit comme un besoin général et excessif d’être pris en charge, un comportement soumis, une peur de la séparation, et la crainte de perdre le soutien ou l’approbation d’autrui [4]. De façon beaucoup plus exceptionnelle, un trouble de la personnalité de type antisocial ou de type borderline est retrouvé.
Caractéristiques communes aux symptômes hystériques :
– Bénéfices primaires représentant l’annulation ou la baisse de la tension anxieuse en lien avec le conflit inconscient suscitant la « belle indifférence » aux troubles.
– Bénéfices secondaires représentant les bénéfices conscients ou inconscients sur l’entourage et la société.
– Variabilité de l’évolutivité du symptôme : le symptôme est accessible à la suggestion, à l’hypnose, se modifie selon l’environnement avec une tendance mimétique.
– Réversibilité du symptôme.
– Pas de simulation, le trouble n’est pas sous le contrôle volontaire, conscient du sujet.
– Pas de support organique.
Conversion hystérique :
La conversion désigne une atteinte du corps. Cette atteinte observable cliniquement est sans substrat organique, et en particulier les lésions n’ont aucune correspondance métamérique . En pratique le diagnostic de conversion hystérique est posé devant un symptôme ne présentant pas d’origine organique (absence de cohérence physiologique des signes cliniques, normalité des examens complémentaires).
Diagnostic positif
Un examen clinique complet et un strict bilan paraclinique suffisent à confirmer le diagnostic. Les arguments cliniques sont :
– une symptomatologie hystérique caractéristique,
– un trouble de la personnalité de type histrionique ou dépendant sous-jacent,
– des troubles de la sexualité en rapport avec la personnalité,
– une relation de compréhension entre les troubles présentés et le contexte psychologique,
– une relation particulière aux médecins et aux soins,
– un bilan somatique normal.
Complications ,évolution , pronostic
L’évolution est en relation avec les circonstances de la vie et liée aux bénéfices affectifs trouvés dans le milieu de vie. Des bénéfices secondaires importants, une trop grande tolérance, voire une complicité de l’entourage contribuent au maintien du symptôme. Les complications évolutives sont :
– Extension du symptôme de conversion, chronicité.
– Handicap chronique sur tous les plans : affectif, familial, professionnel, social.
– Apparition d’autres symptômes névrotiques: phobique, obsessionnel, hypochondriaque.
– Aggravation des traits de personnalité.
– Complications iatrogènes médicales et/ou chirurgicales.
– Conduites suicidaires alcooliques et toxicomaniaques.
– Episode dépressif.
Le cas de la patiente
Le cas que nous avons étudié est celui d’une femme de 85 ans présentant des traits de personnalité de type hystérique, hospitalisée en service de long séjour du fait d’une paraplégie flasque apparue de façon progressive 16 ans auparavant ; l’ensemble du bilan organique a toujours été normal. Sa paraplégie est restée sans étiologie. Au fil des années, elle a présenté de multiples complications de décubitus dont certaines ont nécessité la réalisation d’une colostomie de décharge. La perte de son autonomie a eu pour conséquence un isolement socio-familial avec hospitalisation en service de long séjour. Malgré cela, la patiente reste extrêmement souriante et chaleureuse, prenant grand soin de son apparence physique mais également de la tenue de sa chambre d’hôpital. C’est donc cette situation très contrastée, associée à une paraplégie sans étiologie retrouvée malgré une quinzaine d’année d’investigations médicales qui a fait naitre l’envie de ce travail de thèse. L’objectif de la thèse est de rechercher, par l’analyse de son dossier médical et par la réalisation d’entretiens cliniques s’intéressant à son histoire de vie, la structure psychique, les événements marquants et les facteurs déclenchants pouvant orienter vers le diagnostic de conversion hystérique.
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Table des matières
I – Introduction
1-1 L’hystérie, histoire et définition
1-1-1 Epidémiologie
1-1-2 Sur le plan clinique
1-1-3 Diagnostic positif
1-1-4 Complications, évolution, pronostic
1-2 Le cas de la patiente
II Matériels et Méthodes
2-1 Description de l’étude
2-2 Déroulement des entretiens
2-3 Concepts d’analyse des entretiens
III – Résultats et Analyse
3-1 Le dossier médical
3-1-1 Sur le plan organique
3-1-2 Sur le plan psychique
3-1-3 Analyse du dossier médical
3-2 Synthèse des entretiens
3-2-1 Contexte
3-2-2 L’histoire de vie
3-2-2-1 Son enfance
3-2-2-2 La relation paternelle
3-2-2 -3 La relation maternelle
3-2-2-4 Sa vie amoureuse
3-2-2-5 Sa vie professionnelle
3-2-2-6 La maladie
3-2-2-7 Les évènements de vie
3-2-2-7-1 L’arrestation de son père
3-2-2-7-2 La maladie de sa mère
3-2-3 Analyse
3-2-3-1 Analyse sur le mode psychiatrique .
3-2-3-2 Modèle psychanalytique
IV Discussion
4-1 Qualité et biais de l’étude
4-2 Prise en charge diagnostique et symptomatique
4-3 Prise en charge thérapeutique
4-4 Evènements de vie, traumatisme et rôle de l’attachement
4-5 Perspectives d’avenir
V Conclusion
VI Bibliographie