L’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) est l’augmentation de la dimension des cardiomyocytes (qui, chez l’homme, ont perdu à la naissance la capacité de division) par addition de nouvelles unités contractiles (sarcomères) [76]. Elle est la conséquence principale de l’hypertension artérielle sur le cœur. L’OMS 1999, l’ANAES (française) 1997, JNC VI (américaine) 1999 définissent l’hypertension artérielle par une PAS supérieure ou égale à 140 mmHg et une PAD supérieure ou égale à 90 mmHg [88]. L’hypertension artérielle (HTA) est une affection fréquente et ubiquitaire qui constitue un véritable problème de santé publique dans les pays en voie de développement comme le Sénégal [124]. Au cours de l’hypertension artérielle, l’hypertrophie ventriculaire gauche se développe en réponse au stimulus mécanique de l’élévation de la post-charge et de ce fait, à longtemps été perçue comme un processus adaptatif bénéfique destiné à normaliser la contrainte pariétale et maintenir la fonction systolique chez les hypertendus [77]. Mais cette vision mécanique traditionnelle est actuellement remise en question par de nombreuses données expérimentales et épidémiologiques en particulier l’étude de Framingham, incluant des hypertendus mais également des sujets normo tendus, qui considère l’hypertrophie ventriculaire gauche comme un facteur de risque cardio-vasculaire puissant indépendant de la pression artérielle et réversible [76,77]. La présence d’une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) est fortement prédictive de morbi mortalité cardio-vasculaire au cours de l’hypertension artérielle. De ce fait, il est important de la reconnaitre assez précocément.
L’HYPERTENSION ARTERIELLE
Généralités
Epidémiologie
L’HTA constitue un facteur de risque cardio-vasculaire indiscutable et pose un véritable problème de santé publique à l’échelle mondiale en raison de sa fréquence et des risques de maladies cardio-vasculaires et rénales qui lui sont attachés [116]. Selon l’OMS, en 2004, l’HTA concernait 1 milliard de personnes dans le monde soit 25% dont 40 % seulement vivent dans les pays industrialisés, soit plus d’un adulte sur trois [43]. Cette proportion devrait atteindre 29,2% à l’horizon 2025, soit près de 1,6 milliard de sujets hypertendus. En 2008, la prévalence de l’HTA était à moins de 30% des adultes dans la Région OMS de l’Europe et de 23% dans la Région OMS des Amériques [129]. Au Etats-Unis, la prévalence est estimée à plus de 65 millions de la population, soit 31,3% [20]. En France, on estime la prévalence à au moins 10% de la population dont environ 7 millions sont traités et on estime à plusieurs millions le nombre d’hypertendus non pris en charge [138,129]. Dans la Région OMS de l’Afrique, on estime que plus de 40% (voire jusqu’à 50%) des adultes dans de nombreux pays avaient de l’hypertension artérielle en 2008 et cette proportion tend à augmenter [129]. En Afrique subsaharienne, l’HTA touchait, en 2004, environ 27 à 28% de la population adulte âgée de 20 ans et plus [95].
Il semble exister des variations régionales du taux de prévalence ajusté à l’âge, qui varie entre 15 et 33% selon les études, mais aussi une légère différence entre les hommes (26,9%) et les femmes (28,3%), liée à une interaction entre l’âge et le sexe [61, 95]. Comme décrit dans d’autres populations, la prévalence de l’HTA augmente avec l’âge dans les deux sexes, mais plus rapidement chez la femme, à partir de 50 ans environ [61]. Ainsi dans la tranche d’âge 60-69 ans, le taux de patients hypertendus atteint 57,4% chez les hommes et 61,5% chez les femmes. Il existe des disparités importantes selon que les populations vivent en milieu rural ou urbain [61]. Des enquêtes récentes montrent que dans la population âgée de plus de 65 ans, la prévalence de l’HTA est d’environ 30 à 40% en milieu rural, 40% en milieu semi urbain en Afrique de l’ouest, et 50 à 60% dans une population mixte d’Afrique du Sud [61] .
Au Sénégal, la prévalence serait de 20 à 25% :
● en milieu rural: Thiadiaye : 20 % [92]; Khombole : 23 % [92],
● en milieu urbain : Dakar- Pikine : 25 % [93] .
L’HTA est un état pathologique à l’origine de la moitié environ des décès dus aux accidents vasculaires cérébraux et aux cardiopathies. On considère qu’elle a été directement responsable de 7,5 millions de morts en 2004, soit près de 13% de l’ensemble des décès dans le monde [138]. Son évolution se fait à bas bruit d’où le nom de « sillent-killer» et son diagnostic est essentiellement clinique.
Définition
La pression artérielle, encore appelée tension artérielle, est la force exercée par le sang sur la paroi des artères et qui permet de faire circuler le sang à travers tous les organes [52]. Les études épidémiologiques ont montré que la relation entre le niveau tensionnel et le risque de complication cardio-vasculaire était continue : l’augmentation du risque ne se fait pas à partir d’un niveau particulier de pression artérielle (PA), lequel correspondrait au seuil de l’HTA. En conséquence, la définition de l’HTA, indispensable pour la pratique médicale, ne peut être qu’arbitraire [116]. L’OMS 1999, l’ANAES (française) 1997, JNC VI (américaine) 1999 la définissent par une PAS supérieure ou égale à 140 mmHg et une PAD supérieure ou égale à 90 mmHg [88].
Classification
Pour tenir compte de la relation continue PA-risque, les recommandations européennes (ESH 2003) proposent une classification détaillée des niveaux tensionnels [116]. Cette classification a été maintenue, avec certaines conditions, par l’ESH 2007 [149] (Tableau 1). Elle traduit le fait que l’HTA est un phénomène quantitatif plus qu’une maladie présente ou absente et que le critère de 140/90 est à moduler selon le contexte clinique [116]. On distingue désormais la PA normale haute entre 130-139 mmHg pour PAS et 85-89 mmHg pour PAD, la PA normale “stricte”< 130/85 mmHg et la PA optimale< 120/80 mmHg [26].
On distingue l’HTA légère ou de grade 1 avec une PAS comprise entre 140 et 160 mmHg et/ou une PAD entre 90 et 99 mmHg [26]. Au sein de l’HTA légère (“mild”), on individualise un sous-groupe, l’HTA limite dont la PAS est comprise entre 140 et 149 mmHg et/ou la PAD entre 90 et 94 mmHg [26]. L‘HTA de grade 2 est caractérisée par une PAS entre 160 et 179 mmHg et/ou une PAD entre 100 et 109 mmHg [26]. En présence d’une PAS supérieure ou égale à 180 et/ou une PAD supérieure ou égale à 110 mmHg, l’HTA est dite sévère ou de grade 3 [26]. Les pressions comprises entre la normo tension et l’hypertension définissent l’HTA labile. Les chiffres retrouvés correspondent tantôt aux critères de normo tension tantôt à ceux d’HTA [11]. Le nom d’hypertension paroxystique est réservé à une PA normale en dehors des poussées tensionnelles paroxystiques sévères [32]. On reconnait aussi l’existence d’une hypertension systolique pure isolée qui se définit par une pression systolique supérieure ou égale à 140 mm hg, alors que la pression diastolique est inférieure à 90 mm hg [11].
Physiopathologie
Les bases de la physiopathologie
L’hémodynamique cardio‐vasculaire
La pression artérielle (PA) est égale au produit du débit cardiaque Q par les résistances artérielles R :
PAS = Q x R.
Le débit cardiaque (Q) est le produit du volume d’éjection systolique (VES) par la fréquence cardiaque (F) :
Q = F x VES.
Ces deux facteurs varient dans le même sens et sont sous contrôle du système neurovégétatif. La fréquence cardiaque (F) dépend de l’activité du tissu nodal, qui est équilibrée par deux tonus permanents: le cardio-accélérateur sympathique et le cardio-modérateur parasympathique, qui est dominant dans les conditions normales.
Le volume d’éjection systolique (V.E.S) :
VES = VTD – VTS.
Il est fonction de la précharge (VTD) qui dépend de la pression de remplissage, elle-même fonction du retour veineux et donc de la volémie, et la compliance des ventricules, et de la post-charge qui dépend des résistances artérielles systémiques (RAS) et la contractilité myocardique (inotropisme) qui peut être renforcée par le sympathique.
Les résistances artérielles (R) : selon la loi de Poiseuille, elles sont proportionnelles à la viscosité et à la longueur du vaisseau et inversement proportionnelles au rayon de la paroi vasculaire :
R = 8nL/л r ⁴
L : la longueur du vaisseau ;
л : la viscosité ne varie que dans certaines circonstances pathologiques comme la polyglobulie ;
r: rayon de la paroi artérielle, sa variation est assurée par les artérioles essentiellement.
Les données rénales
Le rein joue un rôle déterminant dans la relation PA / natriurèse. L’aptitude du rein à corriger l’augmentation de la natriurèse possède un gain infini : l’apparition d’une HTA supposerait une altération de ce phénomène de régulation avec un déficit de l’excrétion sodée. Il s’y associe des modifications hémodynamiques rénales avec une perte de l’aptitude à la vasodilatation et une augmentation des résistances rénales.
Les hypothèses physiopathologiques
Activation initiale des phénomènes de la PA
Une modification d’origine génétique du système rénine-angiotensine pourrait conduire à l’hypertension artérielle par l’intermédiaire d’une activation du système hormonal et de modifications tissulaires, vasculaires et myocardiques. On peut dès lors concevoir le rôle des catécholamines que sont l’adrénaline et la noradrénaline. L’HTA hyperkinétique du jeune avec l’élévation du débit cardiaque constitue l’illustration la mieux comprise avec une hyperactivité des centres presseurs relayés par le sympathique et le système-rénine-angiotensine. Chez ces jeunes patients, le niveau des résistances périphériques est inadapté, toujours trop élevé au regard du débit cardiaque « primitivement » majoré.
Origine volodépendante
La déficience du rein à excréter le sodium est à l’origine de la sécrétion hypothalamique d’un facteur natriurétique et vasoconstricteur. Celui-ci est capable de bloquer la pompe à sodium Na-K dépendante favorisant ainsi l’entrée du sodium dans la fibre lisse vasculaire, associée à une entrée du calcium, à l’origine de l’hypertonie vasculaire. On comprend ainsi qu’un modèle volodépendant d’HTA pourrait s’accompagner d’une élévation des résistances périphériques.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : L’HYPERTENSION ARTERIELLE
I. Généralités
I.1. Epidémiologie
I.2.Définition
I.3.Classification
II. Physiopathologie
II.1. Les bases de la physiopathologie
II.1.1. L’hémodynamique cardio-vasculaire
II.1.2. Les données rénales
II.2. Les avenues physiopathologiques
II.2.1. Activation initiale des phénomènes de la PA
II.2.2. Origine volodépendante
II.2.3. L’artère cible convergente des hypothèses physiologiques
II.3. Régulation de la pression artérielle
II.3.1. Mécanisme de la régulation
III. Diagnostic clinique
IV. Bilan paraclinique
V. Diagnostic étiologique
V.1.HTA d’origine surrénalienne
V.1.1.Phéochromocytome
V.1.2.HTA d’origine corticosurrénalienne
V.2. HTA d’origine rénale
V.2.1. L’HTA rénovasculaire
V.2.2. L’ HTA secondaire due à une atteinte du parenchyme rénal
V.3. HTA d’origine toxique ou médicamenteuse
V.3.1. Produits médicamenteux
V.3.2. Produits non médicamenteux ou toxiques
V.4. HTA de l’enfant ou du sujet jeune
V.5. HTA chez la femme enceinte
V.6. Autres causes
VI. Retentissement
VI.1. Mécanismes de l’athérosclérose
VI.2. Les facteurs de risque cardio – vasculaire
VI.3. Retentissement sur les organes cibles
VI.3.1. Retentissement cardiaque
VI.3.2. Retentissement vasculaire
VI.3.3. Retentissement rénal
VI.3.4. Retentissement oculaire
VI.3.5. Retentissement cérébral
VII. Traitement
VII.1. Buts
VII.2. Moyens thérapeutiques
VII.2.1. Traitement non médicamenteux
VII.2.2.Traitement médicamenteux
VII.2.3. Moyens instrumentaux et chirurgicaux
VII.2.4. Traitement des facteurs de risques associés
VII.3. Stratégies thérapeutiques
VII.3.1. Principes généraux
VII.3.2. Décision thérapeutique
VII.3.3. Choix du type de traitement médicamenteux
VII.3.4. Surveillance
CHAPITRE II : L’HYPERTROPHIE VENTRICULAIRE GAUCHE AU COURS DE L’HYPERTENSION ARTERIELLE
I. Généralités
II. Classification
III. Anatomie du cœur
IV. Physiopathologie
V. Diagnostic
V.1.Diagnostic radiologique
V.2.Diagnostic électro cardiographique
V.2.1. Critères de voltage
V.2.2. Changements de morphologie de QRS
V.2.3. Durée de QRS
V.2.4. Troubles de la repolarisation
V.2.5. Indices combinés : score de Romhilt et Estes
V.3. Diagnostic échocardiographique
V.4. Diagnostic à l’IRM
VI. Conséquences
VII. Evolution sous traitement
CONCLUSION