L’hydrogène dans les alvéoles de stockage de colis radioactifs

Le projet Cigéo : une réponse pour la gestion des déchets radioactifs MA-VL et HA en France 

Origine des déchets radioactifs et leur classification 

Toute activité industrielle produit des déchets. En ce sens, l’utilisation de la radioactivité dans les différents secteurs d’activités ne déroge pas { la règle. Ces déchets sont par définition des substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée. Fin 2013, il existait en France environ 1 460 000 m3 de déchets radioactifs (soit l’équivalent d’environ 500 piscines olympiques). Ils proviennent principalement de l’industrie électronucléaire (60% du volume), qui produit 77% de l’électricité en France. La recherche, la défense, l’industrie classique (non électronucléaire1) et le médical se partagent le volume restant (FIGURE 1.1). Les déchets nucléaires sont donc de natures très diverses : éléments issus des combustibles usés, gravats, ferrailles, matériels divers de laboratoire… L’essentiel de la radioactivité est contenu dans les déchets provenant de l’industrie électronucléaire. L’électricité produite dans les centrales nucléaires est obtenue en utilisant la chaleur dégagée au cœur des réacteurs nucléaires par la fission d’atomes lourds présents dans les crayons de combustibles nucléaires. Ces crayons sont des tubes métalliques dans lesquels sont disposées les pastilles combustibles d’uranium enrichies en Uranium 235. Dans la cuve du réacteur le combustible subit des transformations qui réduisent ses performances dans le temps: diminution de la teneur en matière fissile, formation de plutonium, apparition de produits de fission. La « durée de vie » d’un assemblage est d’environ 3 ans. C’est dans ce combustible usé qu’est présent l’essentiel de la radioactivité des déchets.

Les combustibles usés peuvent être soit considérés dans leur intégralité comme des déchets, soit, comme c’est le cas en France, être recyclés afin de réduire leur quantité et leur nocivité. Dans ce cas, après une période plus ou moins longue dans la piscine sur le site de la centrale (environ 2 ans), le combustible usé est transporté jusqu’{ l’usine de retraitement de La Hague. Ce traitement consiste à récupérer dans le combustible les éléments valorisables : le plutonium et l’uranium appauvri qui représentent 96% du combustible. Une partie de cet uranium et le plutonium servent à la fabrication de nouveaux combustibles dits MOX (pour Mélange d’OXydes) qui serviront une nouvelle fois dans les réacteurs. Après cette seconde utilisation, les combustibles MOX usés sont entreposés en vue d’un recyclage dans les réacteurs du futur. Les 4% hautement radioactifs du combustible usé et les débris provenant des crayons cisaillés sont les résidus radioactifs non réutilisables i.e. les déchets ultimes du cycle de vie du combustible nucléaire (FIGURE 1.2).

La France classe l’ensemble des déchets radioactifs suivant deux critères principaux: leur niveau de radioactivité (en becquerel par gramme (Bq/g)) et leur période radioactive (vie courte : période ≤ 31 ans, vie longue : période > 31 ans). Cette classification donne lieu à cinq catégories :
• les déchets de très faible activité (TFA)
• les déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC)
• les déchets de faible activité à vie longue (FA-VL)
• les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL)
• les déchets de haute activité (HA)

La quasi-totalité de la radioactivité est contenue dans les déchets de type MA-VL et HA issus du traitement des combustibles usés de l’industrie électronucléaire mais cela ne représente que 3,2% du volume total des déchets. A l’opposé, les déchets FMA-VC et TFA représentent 90% du volume total mais que 0,02% de la radioactivité.

La gestion des déchets radioactifs en France

Afin de protéger l’homme et l’environnement contre les risques dus à la radioactivité, les déchets sont stockés dans des installations industrielles adaptées (voir TABLEAU 1.1). La gestion spécifique des déchets radioactifs est encadrée par la loi du 30 décembre 1991 dite « loi Bataille ». Elle a notamment fixé les grandes orientations des recherches à mener sur la gestion des déchets à haute activité et à vie longue pour les 15 années suivantes. Trois axes ont été retenus, les deux premiers confiés au CEA (Commissariat { l’Énergie Atomique) et le dernier { l’ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs) :
♦ La séparation et la transmutation
Afin de réduire la quantité et la nocivité des déchets radioactifs, la possibilité de séparer les différents radionucléides pour transformer ceux à vie longue en radionucléides à vie plus courte est étudiée.
♦ L’entreposage de longue durée
Les concepts d’installations d’entreposage, en surface ou { faible profondeur, conçues pour des durées longues (de l’ordre de 300 ans) sont étudiés.
♦ Le stockage profond
Des sites géologiques favorables { l’implantation d’un centre de stockage profond doivent être identifiés et leur sûreté et faisabilité étudiées.

Le 1er février 2006, après analyse des résultats obtenus pendant ces 15 années de recherche sur ces trois axes, l’ASN (l’Autorité de Sûreté Nucléaire) a estimé que :
• la faisabilité technologique de la séparation et de la transmutation n’était pas acquise { ce jour. De plus, avec cette technique l’élimination des déchets HA et MA VL ne serait pas totale et une autre solution de référence serait donc nécessaire.
• l’entreposage de longue durée ne constituait pas une solution définitive car il supposait de maintenir un contrôle de la part de la société et la reprise des déchets par les générations futures, ce qui semble difficile à garantir sur des périodes de plusieurs centaines d’années.
• après examens d’experts, les résultats majeurs relatifs { la faisabilité et { la sûreté d’un stockage ont été acquis sur le site de Bure (Meuse). Le stockage en formation géologique profonde a donc été considéré comme la solution capable d’assurer la sûreté { long terme des déchets radioactifs tout en limitant les charges pesant sur les générations futures.

Suite à un débat public et à un débat Parlementaire sur ces éléments, la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs a acté le choix du stockage profond réversible comme solution à long terme pour la gestion des déchets HA et MA-VL. Ce choix a pour principale motivation de limiter les charges qui seront supportées par les générations futures. L’ANDRA est alors chargée de piloter les recherches sur le stockage afin de fournir les éléments permettant d’instruire une demande d’autorisation prévue en 2018. Sous réserve de cette autorisation, le centre serait mis en exploitation en 2030. La poursuite des études sur la séparation/transmutation (en lien avec le développement de réacteur de nouvelle génération) par le CEA et des études sur l’entreposage est également décidée dans cette loi.

Aujourd’hui, dans l’attente qu’une solution soit mise en œuvre, les colis de déchets MA-VL et HA déjà produits sont provisoirement entreposés dans des bâtiments spécifiques sur les sites de la Hague (50), de Marcoule (30) et de Cadarache (13).

Le projet Cigéo 

Après 15 années de recherches dans le cadre de la « loi Bataille », le stockage en formation géologique profonde a été retenu comme solution de gestion pérenne pour les déchets MA-VL et HA. En 2006, l’Andra a été commissionné pour étudier la conception et la création d’un site industriel pour le stockage en couche géologique. Ce projet est appelé Cigéo (Centre industriel de stockage géologique). Le stockage en profondeur répond au souhait de ne pas léguer aux générations futures la charge de la gestion des déchets déjà créés et potentiellement dangereux pour des centaines de milliers d’années. Son principe est d’utiliser le milieu géologique, des centaines de mètres d’épaisseur de roche, afin de confiner de manière passive ces déchets et ainsi les isoler de l’Homme et de l’environnement en surface sur de très longues échelles de temps. Le but est d’éviter de devoir surveiller, construire et maintenir des installations d’entreposage en surface ce qui est perçu comme impossible { garantir sur des milliers d’années. En 2016, la loi sur la réversibilité a été votée et certaines modalités sur la construction et l’exploitation de Cigéo ont également été révisées. Cette réversibilité d’une centaine d’années est une particularité du projet français et est définie dans cette loi comme étant « la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l’exploitation des tranches successives d’un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer  les solutions de gestion ». Le site, situé à Bure à la frontière entre la Meuse et la Haute-Marne, a été choisi pour ses propriétés géologiques très favorables (en second lieu, des critères liés { l’aménagement du territoire et { l’insertion locale ont été pris en compte). Il se situe dans l’Est du Bassin de Paris qui est une zone géologique très stable caractérisée par une très faible sismicité. De plus, à l’aplomb de la zone étudiée (environ 30 km² autour de Bure) aucune ressource naturelle exceptionnelle n’a été identifiée. Enfin, l’élément essentiel dans le choix de ce site est la couche argileuse qui servira à confiner les déchets : les argilites du Callovo-Oxfordien. Cette couche située { environ 500 mètres de profondeur fait plus de 130 mètres d’épaisseur. Elle a été formée il y a environ 160 millions d’années par sédimentation et ne présente pas de faille dans la zone étudiée. Les propriétés de cette roche permettent d’envisager un confinement à long terme des radionucléides contenus dans les déchets :
♦ Sa très faible perméabilité limite les circulations d’eau { travers la couche et s’oppose au transport des radionucléides par l’eau en mouvement (convection). La migration des éléments chimiques solubles se fait très lentement par diffusion (déplacement des éléments dans l’eau).
♦ Les compositions chimiques de la roche et de l’eau qu’elle contient limitent la mise en solution de nombreux radionucléides, comme ceux de la famille de l’uranium (les actinides) empêchant ainsi leur déplacement dans la roche.
♦ Outre sa perméabilité très faible, les capacités de confinement tiennent à la nature argileuse de la roche, qui est constituée d’empilements de feuillets entre lesquels les  radionucléides peuvent se fixer. Les couches géologiques situées au-dessus et en dessous de la couche d’argile sont également peu perméables. Du fait de ces faibles perméabilités, les écoulements d’eau y sont très lents. Un laboratoire souterrain, construit en 2000, implanté à 490 mètres de profondeur au sein de la couche de Callovo-Oxfordien a permis à l’Andra d’étayer les études sur les propriétés de cette roche et de conclure en 2005 à la faisabilité du stockage profond sur ce site. Le laboratoire a pour but l’étude de la roche dans sa globalité et des concepts de stockage, et n’a aujourd’hui pas vocation à accueillir des déchets radioactifs pour leur stockage. A ce jour, il est prévu que le laboratoire soit exploité jusqu’{ 2030.

En cas d’autorisation de création, Cigéo sera composé de deux parties : une installation souterraine et des installations de surfaces réparties sur deux zones distinctes, la descenderie et les puits (FIGURE 1.4). Les colis radioactifs arriveront essentiellement par voie ferroviaire et seront réceptionnés et contrôlés dans la zone nucléaire en amont des descenderies (« zone descenderie » sur la FIGURE 1.4). Les colis seront ensuite préparés puis transférés jusqu’à l’installation souterraine via les descenderies au moyen de funiculaires. Une fois arrivés à l’installation souterraine { 500 m de profondeur, ces colis seront acheminés jusqu’aux alvéoles de stockages correspondant aux types de colis concernés. L’accès { cette installation souterraine pour la construction, l’exploitation et la maintenance se fera par des puits d’accès verticaux menant à la zone de génie civil et génie minier en surface (« zone puits »). Cette installation souterraine, prévue pour faire 15 km² à terme, est dimensionnée pour accueillir environ :
• 10 000 m3 pour les déchets HA (soit environ 60 000 colis) ;
• 73 500 m3 pour les déchets MA-VL (soit environ 180 000 colis)
Ces volumes correspondent aux déchets déjà produits et qui seront produits par le parc électronucléaire actuel en cas de poursuite du nucléaire avec une durée de fonctionnement des installations existantes de cinquante ans. Les déchets qui seront produits par les installations nucléaires en cours de construction sont également pris en compte (EPR de Flamanville, réacteur expérimental Jules Horowitz, installation de recherche ITER). Aujourd’hui, 30% des déchets HA et 60% des déchets MA-VL sont déjà produits.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 L’hydrogène dans les alvéoles de stockage de colis radioactifs
1.1 Le projet Cigéo : une réponse pour la gestion des déchets radioactifs MA-VL et HA en France
1.1.1 Origine des déchets radioactifs et leur classification
1.1.2 La gestion des déchets radioactifs en France
1.1.3 Le projet Cigéo
1.2 La génération d’hydrogène et son suivi dans les alvéoles de stockages
1.2.1 Description des colis MA-VL et HA et de leurs alvéoles de stockages
1.2.2 Processus de génération de l’hydrogène dans les alvéoles
1.2.3 Identification des risques d’explosion liés à la présence d’hydrogène dans les alvéoles
1.2.4 Spécifications du besoin et des conditions de mesure pour la surveillance de l’hydrogène gazeux
1.3 Les capteurs in situ pour la mesure d’hydrogène
1.3.1 Capteurs catalytiques
1.3.2 Capteurs à conductivité thermique
1.3.3 Capteurs électrochimiques
1.3.4 Capteurs à oxydes métalliques
1.3.5 Capteurs mécanique à base de micropoutres
1.3.6 Capteur acoustique
1.3.7 Capteurs à base de fibres optiques
1.3.8 Comparaison et limitations des capteurs in-situ
1.4 Conclusion du Chapitre 1
Chapitre 2 Systèmes optiques pour la détection d’hydrogène
2.1 Introduction à la spectroscopie moléculaire
2.2 Niveaux d’énergie d’excitation des molécules diatomiques
2.2.1 Niveaux d’énergie rotationnelle
2.2.2 Niveaux d’énergie vibrationnelle
2.2.3 Niveaux d’énergie ro-vibrationnelle
2.2.4 Niveaux d’énergie électronique et niveaux d’énergie ro-vibrationnelle associés
2.3 Spectroscopie d’absorption moléculaire
2.3.1 Absorption de H2 par les niveaux d’énergie électronique
2.3.2 Absorption de H2 par les niveaux d’énergie ro-vibrationnelle
2.4 Spectroscopie de diffusion Raman
2.4.1 Principe de la diffusion Raman
2.4.2 Calcul des transitions Raman de vibration-rotation pour les molécules diatomiques
2.4.3 Calcul des sections efficaces et détermination du spectre Raman pour N2, O2 et H2
2.4.4 Cas de la molécule d’eau et mise en évidence du recouvrement des spectres H2/H2O
2.4.5 Spectre de rétrodiffusion Raman pour H2, N2, O2 et H2O
2.4.6 État de l’art sur la mesure de H2 par diffusion Raman
2.5 Conclusion du Chapitre 2
Chapitre 3 Développement d’un Lidar Raman pour la mesure d’hydrogène
3.1 Le système lidar dans les alvéoles MA-VL/HA
3.1.1 Configuration d’utilisation dans les alvéoles MA-VL et HA
3.1.2 Interface entre le lidar et l’alvéole
3.1.3 Rappel des performances visées
3.2 Équation lidar
3.3 Dispositif d’émission et de réception
3.3.1 Choix de la source laser du lidar Raman
3.3.2 Système de réception du signal Raman diffusé
3.3.3 Configuration du dispositif d’émission et de réception
3.3.4 Rendement direct du lidar
3.4 L’analyseur spectral
3.4.1 Système de filtre/adressage des signaux Raman
3.4.2 Détecteur
3.5 Acquisition et logiciel de traitement
3.6 Modèle prévisionnel des performances du Lidar Raman
3.6.1 Rappel sur les rapports de mélange et les concentrations
3.6.2 Modèle de signal des 3 voies de mesure H2, H2O et N2 et calcul des rapports de mélange
3.6.3 Bilan des erreurs
3.6.4 Prévision des performances en alvéole MA-VL
3.7 Conclusion du Chapitre 3
Chapitre 4 Mesure de profils de concentrations d’H2O et d’H2 par lidar Raman
4.1 Configurations expérimentales
4.1.1 Site des expériences
4.1.2 Tir horizontal
4.1.3 Tir vertical
4.1.4 Le dispositif de génération de gaz
4.2 Mesure de profils de concentration de l’H2O de l’atmosphère
4.3 Mesure de simultanée de profils de concentration de H2 et H2O
4.3.1 Détection d’hydrogène dans la cellule de gaz
4.3.2 Suivi longue durée de la concentration de H2 et H2O
4.3.3 Comparaison de mesure par lidar Raman et par sonde locale de H2
4.4 Fluorescence des hublots
4.5 Comparaison des résultats et des spécifications visées
4.6 Conclusion du Chapitre 4
Conclusion générale

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