L’HOMME ET LA PHILOSOPHIE
L’HOMME DANS LA PHILOSOPHIE
Avant de pouvoir dire quelque chose de sensé sur les débuts de la philosophie, le mieux serait de partir de sa définition, même si ce n’est que d’une manière générale. En assimilant purement et simplement la philosophie à la pensée, force est de constater qu’elle est aussi plus ancienne que l’humanité et qu’alors, ce qui se passait, ce qui se passe et ce qui se passera n’appartient pas à l’histoire de l’homme mais à l’évolution biologique.
La philosophie, dans tous les temps, a rassemblé en elle toutes formes de pensée, qu’elle soit spéculative ou plus recherchée. Cependant, la philosophie n’est pas seulement la pensée, qu’elle soit spéculative ou non, résultant des maximes ou des découvertes pratiques, mais elle est aussi une réflexion sur la pensée et la réalité, étant considérée comme le sujet de la pensée. On dit que la philosophie est née à la suite d’une manière de penser antérieure (à la philosophie) quand celle-ci devient un objet de critique et de réflexion. En tant que fruit de l’histoire, la philosophie est plus jeune et son histoire est d’autant plus récente qu’une perte d’évidence pourrait bien être sentie avec des critiques, des prétentions et des affirmations des penseurs plus anciens.
Parler de cette origine signifie aussi qu’au moins un mode de pensée antérieur à la philosophie, ayant un certain caractère sacré, contre laquelle la philosophie vint s’opposer par sa critique et sa réflexion, existe. En s’appuyant de ce fait sur Aristote, on pourrait tirer que c’est l’étonnement qui est à l’origine de la philosophie. En ceci, il dit : «Ce fut, en effet, l’étonnement qui poussa comme aujourd’hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques ».
L’étonnement a ensuite conduit l’homme à l’émerveillement (ces deux choses peuvent nous paraître être les mêmes, mais au fond elles ne sont pas du tout pareilles). Emerveillé, l’homme a eu envie de savoir davantage sur ce qui a réveillé sa curiosité. Et plus loin, il ajoute :
«Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se présentaient les premières à l’esprit : qui s’avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur exploration à des problèmes plus important […]. Or, apercevoir une difficulté et s’étonner, c’est reconnaître sa propre ignorance (…). Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l’ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c’est qu’évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la seule connaissance et non pour une fin utilitaire».
Ainsi, venue de nulle part mais partie du simple fait résultant d’une observation d’un phénomène nouveau s’étant produit sous ses yeux à l’issu d’une difficulté qui se présente à l’esprit, il s’est poussé en l’homme le désir de savoir. Et comme le disait Aristote, l’homme est naturellement désireux de savoir, c’est-àdire que le désir de savoir est inné chez l’homme, qu’il est curieux par nature et non lors d’un quelconque apprentissage.
« Tous les hommes ont, par nature, le désir de connaître ; le plaisir causé par les sensations en est la preuve, car, en dehors même de l’utilité, elles nous plaisent par elles-mêmes, et, plus que toutes les autres, les sensations visuelles ».
Et cette curiosité se manifeste déjà chez l’enfant à travers « le pourquoi » et le «comment » qu’il ne cesse de formuler ; c’est aussi le principe des sciences ayant pour but ultime de ne pas fournir à l’homme des moyens d’agir sur sa nature mais d’abord de satisfaire sa curiosité naturelle.
Il existe dès lors, diverses formes de savoir : il y a en effet, la connaissance empirique, scientifique et la connaissance philosophique.
On dit d’une chose qu’elle est empirique si l’explication qui en émane a été tirée uniquement de l’expérience ou de l’habitude. Empirique est, de ce fait, synonyme de spontanéité si l’on peut dire. Quant à la connaissance empirique, c’est le besoin de savoir qui l’a engendré et c’est le fruit du jeu spontané de l’esprit, qui pour son compte, reste une connaissance imparfaite en ce qu’elle manque souvent d’objectivité et se forme à l’aventure par généralisation hâtive, sans ordre ni méthode. Mais, même si elle paraît spontanée, la connaissance empirique est quelque chose d’à ne pas négliger, parce qu’elle constitue le premier échelon de la science, qui ne fait que perfectionner les procédures que l’empirisme met en jeu pour acquérir ses connaissances.
Après, l’empirisme survient la connaissance scientifique qui, pour sa part vise à substituer à l’empirisme des connaissances certaines, générales et méthodiques, c’est-à-dire à lui inculquer des vérités qui valent partout, à tout moment et dans tous les cas possibles, des vérités reliées entre elles par leurs causes et leurs principes. Si tel est le cas, la philosophie, elle aussi est une science la plus haute même des sciences humaines. Sauf que l’usage dont on fait de ce mot « science » tend à la restreindre aux sciences de la nature et plus précisément aux sciences qui aboutissent à formuler des lois nécessaires et absolues, fondées sur le déterminisme.
A la fin, il y a la connaissance philosophique, qui, à ce qu’il paraît est la plus haute expression du besoin de savoir. C’est une science par le fait qu’elle veut connaître les choses par leurs causes. Mais contrairement à ces autres sciences qui se bornent à découvrir les causes les plus immédiates, elle a pour but de découvrir les causes premières de toutes choses. Ainsi, bien avant d’apparaître comme un effort de synthèse de tous les savoirs, la philosophie aurait puisé sa source d’une inquiétude, d’un étonnement et d’une exigence morale même élémentaire. Ce simple constat de la diversité contradictoire des opinions conduit les stoïciens notamment à poser une norme de vérité.
« Voici le point de départ de la philosophie : la conscience du conflit qui met aux prises les hommes entre eux, la recherche de l’origine de ce conflit, condamnation de la simple opinion et la défiance à son égard, une sorte de critique de l’opinion pour déterminer si on a raison de la tenir, l’invention d’une norme, de même que nous avons inventé la balance pour la détermination du poids, ou le cordeau pour distinguer ce qui est droit et ce qui est tordu. Est-ce là le point de départ de la philosophie ? Est juste tout ce qui paraît tel à chacun ? Et comment est-il possible que les opinions qui se contredisent soient justes ? Par conséquent non pas toutes. Mais celles qui nous paraissent à nous justes ? […]. Pas plus les unes que les autres. Donc, l’opinion de chacun n’est pas suffisante pour déterminer la vérité. […]. Il y a donc une norme. Alors, pourquoi ne pas la chercher et ne pas la trouver, et après l’avoir trouvé, pourquoi ne pas nous en servir par la suite rigoureusement sans nous écarter d’une paire ? Car, voilà, à mon avis, une fois trouvé, délivrera de leur folie les gens qui ne servent en tout d’une seule mesure, l’opinion, et nous permettra désormais, partant des principes connus et clairement définis, de nous servir, pour juger des cas particuliers, d’un système de prénotions ».
Domaines de la philosophie
Bien que les philosophes soient connus par leur mode de pensée qui consiste pour la plupart des temps à s’interroger sur ce qui est hors du commun, hors de ce que tout le monde peut percevoir facilement, c’est-à-dire hors de la sensibilité, elle, embrasse deux domaines bien distincts : celui des sens et celui de la métaphysique. Le premier domaine auquel s’étend la philosophie est la physique. Celle-ci lui permet de se ressembler aux autres sciences et de se mettre à leur niveau. En effet, selon ce qu’on peut savoir, la physique est le seul domaine accessible à la science, le seul qu’elle peut atteindre. En d’autres termes, la science ne connaît qu’un seul domaine et ce domaine lui est similaire à la philosophie. Cependant, la philosophie a encore un second domaine auquel elle se penche nécessairement. Ce domaine que tout le monde ne peut pas connaître. C’est la métaphysique ou en terme plus simple : ce qui se trouve hors de la physique. A signaler que ce domaine échappe aux moyens d’investigations de la science, d’où la phrase de Françis BACON : « La science est une connaissance partiellement unifiée » .
Ce qui sous-entend par là que, bien que la philosophie partage avec la science un des deux domaines auxquels elle peut avoir accès, c’est-à-dire la physique, elle a encore un avantage sur celle-ci du côté méthode, surtout qu’en science, il y a des questions auxquelles elle ne peut pas répondre mais que la philosophie peut. C’est à ces questions justement que la philosophie, à travers la métaphysique cherche à résoudre, de manière à ce qu’elle puisse au moins suggérer une réponse pouvant être valable ou utile à l’homme et au monde où il se trouve.
En parlant de domaine, trois questions nous viennent en tête ; ce sont les questions que KANT a soulevé, Que puis-je connaître ? Que dois-je faire ? Que m’est-il permis d’espérer ? Pour préciser la façon dont on devrait se conduire, sur ce que l’on peut connaître et sur ce que l’on peut savoir de l’avenir en fonction de ce que nous faisons. On peut, apparemment ajouter à ces questions la question : Qu’est-ce que l’homme ? Vu qu’elles concernent tous les hommes et non les autres êtres existants en ce monde.
Ainsi, la réponse à la première question : « Que puis-je connaître ? » concerne la métaphysique, du fait qu’il y a là recherche de sens profond de l’Univers au-delà de la systématisation des apparences percées par la science. Si on emprunte le terme des autres penseurs, la métaphysique est pour Platon, le synonyme du monde intelligible qui, à ce qu’il paraît est le modèle auquel le monde sensible se réfère. Quant à Descartes, c’est la racine même de la philosophie en faisant une illustration à partir d’un arbre, en disant que :
« Toute la philosophie est comme un arbre dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique et les branches sont toutes les autres sciences qui se réduisent à trois principales à savoir la médecine, la mécanique et la morale ».
En revenant à Kant cependant, la métaphysique est le domaine de l’expérience impossible, là les procédures de vérifications sont inopérantes parce que c’est le monde, le domaine de l’esprit ou en terme kantien « noumène » ou « monde nouménal », par opposition au « phénomène » ou « monde phénoménal » qui est le monde de l’expérience. En métaphysique, le problème concerne surtout l’Existence de Dieu, le problème de son immatérialité, de l’immortalité de l’âme et de la liberté humaine.
En posant la deuxième question, on parle de morale et de politique puisque simplement parce qu’il devrait y avoir à la base même l’action que l’homme doit là, il tourne autour de sa vie et celle de la société où il se trouve. Pourquoi morale ? Tout s’agit des actions que l’homme doit entreprendre le long de sa vie, et d’entreprendre, une sorte de norme, de façon à ce qu’il puisse s’y référer. Pourquoi politique ? Parce que d’abord, si l’on revient à l’étymologie du mot politique, la «polis » qui est la base du mot signifie « cité » ou en terme contemporain « société». Alors, on parle de la politique pour démontrer à quel point l’homme est incapable de vivre seul, qu’il a besoin de cohabiter avec d’autres comme lui, c’est à-dire avec ses semblables pour pouvoir s’épanouir, ne serait-ce que dans son domaine, et cette cohabitation avec les autres est faite dans le but de former une société, la société humaine. Ce qui sous-entend de ce fait, qu’il devrait prendre en considération tout son entourage et doit se conformer avec les lois qui régissent cette société dans laquelle il se trouve.
La troisième question suppose la religion qui n’est, après tout, que le prolongement de l’action humaine elle-même. C’est dans cette partie que l’homme se demandera sur la destinée de l’âme après la mort, sur son immortalité. Là aussi, on s’interroge si l’homme est vraiment maître de sa vie, et quelle serait la raison de son existence en ce monde.
La quatrième question est destinée spécialement à l’homme et sur ce, on passe à la suite de cet exposé, là où on va parler du but et du centre principal de la philosophie : l’homme.
L’homme
Pareil à toute autre chose existante en ce monde, l’homme peut aussi être un objet d’étude. Ainsi, il y a une discipline consacrée seulement à l’étude qui se portera sur l’homme, cette discipline se nomme : anthropologie. Le mot anthropologie est muni de deux mots issus du grec, à savoir «anthropos » et «logos » : ou en terme plus clair, « homme » et « étude ». Ainsi, si en biologie, on étudie les êtres vivants, en anthropologie, c’est l’homme que l’on étudie. A remarquer que les deux mots porte le mot «logos ». Il est alors évident que l’étude que nous ferions sur l’anthropologie se portera, davantage, sur l’homme et ses activités, l’homme et la société dans laquelle il vit, et se fera dans le temps et dans l’espace.
Tentative de définition
Nombre de philosophes et d’écrivains ont essayé d’apporter selon leur manière une définition sur l’homme, mais la meilleure façon et la plus courante qu’ils ont trouvée pour y arriver était de le comparer à l’animal. Par rapport aux animaux, le mot « Homme » désigne l’être humain en général, à signaler que c’est un mammifère primate, bipède plus ou moins seul dans son espèce «homosapiens».
L’homme est à la fois juge et partie, et selon Eric WEIL dans le livre de Huisman et de Vergez : la Connaissance, la définition que l’on fera de l’homme ne doit pas forcément se faire en fonction d’une comparaison, en comparant l’homme avec l’animal, parce que les définitions, c’est l’homme lui-même qui les établisse. De ce fait, l’homme peut être étudié sous une infinité d’aspects qui se réduisent théoriquement à deux points de vue opposés : subjectifs et objectifs. C’est pourquoi l’anthropologie et la philosophie sont en concurrence et chacune a sa manière de définir l’homme. Ainsi, quand la philosophie part de la subjectivité (d’une permanente interrogation) vers l’objet universel de toute connaissance, l’anthropologie, elle, va de l’observation indéfinie vers la connaissance d’un sujet universel. Dans un second temps cependant, si le point de départ de la philosophie est particulièrement le sujet, un sujet défini pour parvenir à fonder dans un système ou dans une doctrine, sa connaissance de tous les objets, l’anthropologie part d’une infinité d’objets pour parvenir à la connaissance du sujet lui-même.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I: L’HOMME ET LA PHILOSOPHIE
Chapitre I : L’HOMME DANS LA PHILOSOPHIE
I.1-Domaines de la philosophie
I.2-L’homme
I.2.1-Tentative de définition
I.2.1.1-Du point de vue philosophique
I.2.1.1.1-Définition par la pensée
I.2.1.1.2-Définition par la raison
I.2.1.2- Du point de vue scientifique
I.2.2- Les différentes capacités de l’homme
I.2.2.1. Abstraction
I.2.2.2 L’imagination
I.2.2.3. Les formes de l’imagination
I.2.2.4. Les reproches des moralistes
I.2.2.5. Le Jugement
I.2.3. L’esprit critique
I.2.4. L’intelligence humaine
I.3- Les moyens et expressions de la philosophie
I.3.1- La pensée et le langage
Chapitre II : EVOLUTION DU SENS DU MOT PHILOSOPHIE
II.1- L’homme face à l’existence
II.2-La recherche des principes premiers du monde
II.2.1-Les présocratiques
II.2.2-Les Ioniens (VIe s. av. J.-C.)
II.2.2.1-L’école de Milet
II.2.2.2-Héraclite d’Ephèse
II.2.3-Les Italiques à travers les pythagoriciens t les léates (Ve s. av. J.-C.)
II.2.4-Les néo-physiciens
II.2.5-Les Sophistes
II.3-La philosophie classique
II.3.1-Socrate, sa vie et sa conception philosophique
II.3.2-Platon, sa vie et sa philosophie
II.3.3-Aristote, sa vie et sa philosophie
Chapitre III : LA PHILOSOPHIE
III.1-Essai de définition
III.2-Réflexion et sagesse
III.2.1-Réflexion
III.2.2-Notion de sagesse
III.2.2.1-L’esprit philosophique
III.2.2.2-Sagesse et morale
III.2.2.3-Modérations des désirs
PARTIE II: LA SCIENCE ET SON ESSOR DANS LE MONDE
Chapitre I. NATURE DE LA SCIENCE
I.1-De la perception à la science
I.1.1-La perception
I.1.2-Analyse objective de la perception
I.2- L’Esprit scientifique
I.3-Les pratiques épistémologiques
I.3.1-La démarche des Sciences expérimentales
I.3.1.1-Les procédés de la science expérimentale
I.3.1.1.1-L’observation
I.3.1.1.2-L’hypothèse
I.3.2-L’expérimentation ou vérification de l’hypothèse
I.3.3-L’induction
Chapitre II. L’OBJET DE LA SCIENCE
II.1-La science
II.2-Vérité
II.2.1-Le dogmatisme
II.2.2-Le scepticisme
Chapitre III. L’ETONNANTE ASCENSION DE LA SCIENCE
III.1-La technique
III.2-Le travail
III.2.1-Autonomie possible de la science et de la technique
III.2.2-Technologie et cybernétique
III.2.3-La nature face au progrès
PARTIE III: LE RETOUR A LA PHILOSOPHIE
Chapitre I : LES EXPLOITS SCIENTIFIQUES ET SES LIMITES VIS-A-VIS DE LA PHILOSOPHIE
I.1-Situation actuelle de la philosophie
I.1.1-La phénoménologie
I.1.2-La philosophie de l’être
I.1.3-L’existentialisme
I.1.4-La philosophie des sciences
I.1.5-L’avènement des sciences humaines
I.2-La science et ses exploits
I.2.1-La valeur de la science
I.2.1.1-Les caractères généraux de la science
I.2.1.2-Les principes de la connaissance scientifique
I.2.1.3-La science et le réel
I.3-La valeur positive de la technique
I.3.1-Limite de la science et de la technique
Chapitre II : LE RETOUR A LA PHILOSOPHIE
II.1-Critique nominaliste de la science
II.2-Le rationalisme et la science
II.3-Limites de la philosophie posées par la science
II.4-Valeur de la philosophie
II.4.1- son ambigüité
II.4.2-La morale
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE