L’homéostasie du cuivre chez la levure de boulanger Saccharomyces cerevisiae

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La chélation du cuivre dans les systèmes biologiques.

Dans la cellule, le cuivre à l’état ionisé est généralement sous la forme Cu(I) et pris en charge par des chélateurs plus ou moins spécifiques. Ces chélateurs sont des peptides ou des protéines riches en cystéines, les groupements thiolates possédant une forte affinité pour les métaux mous et en particulier pour le Cu(I).
Le glutathion est un court peptide de trois acides aminés : un acide glutamique, une glycine et une cystéine, dont la fonction amine se condense avec l’acide carboxylique en γ de l’acide glutamique (Meister et Anderson 1983). Sa concentration intracellulaire varie entre 0,5 et 10 mM chez les eucaryotes et la diminution de cette concentration à des effets dramatiques pour la cellule. Les phytochélatines, découvertes en 1985 (Grill et coll. 1985), sont des assemblages de 2 à 11 molécules de glutathion connus pour leur capacité à chélater les métaux mous (Cd, Ag, Cu, Pb, Hg). Découvertes dans un premier temps chez les plantes, elles ont aussi été décrites chez les animaux (Cobbett 1999).
A ces peptides s’ajoutent également des protéines telles que les métallothionéines et les métallo-chaperonnes à cuivre. Les métallothionéines sont de petites protéines très riches en cystéines avec une grande affinité pour les métaux de transition (Kägi et Vallee 1960) qui se trouvent aussi bien chez les bactéries, les plantes et les animaux que les champignons. Grâce à tous ces systèmes de chélation, le cuivre n’est pas présent sous forme libre dans le cytoplasme de la cellule (Rae et coll. 1999). Ainsi, les protéines qui ont besoin de cuivre dans la cellule ne peuvent-elles donc pas l’obtenir directement par simple collision au hasard et la cellule fait appel à des protéines dédiées au convoyage du cuivre, dénommées les métallo-chaperonnes à cuivre. Ces protéines seront décrites en détails dans le chapitre consacré à l’homéostasie du cuivre.

La toxicité cellulaire du cuivre

L’environnement cellulaire permet, en condition normale, une chélation optimale du cuivre qui garantit l’absence de cuivre libre dans la cellule. Lorsque les systèmes de protection sont dépassés, le cuivre peut se retrouver libre dans le cytoplasme, entraînant une série d’effets néfastes pour la cellule. Le premier d’entre eux est lié aux capacités pro-oxydantes du cuivre qui peut réagir efficacement avec le peroxyde d’hydrogène pour former des radicaux libres via la réaction de Fenton (Stohs et Bagchi 1995 ; Valko et coll. 2005). Les espèces réactives de l’oxygène (ROS) sont des molécules radicalaires très réactives qui peuvent endommager durablement tous les constituants de la cellule via l’oxydation des lipides, des protéines et des acides nucléiques. Cette toxicité du cuivre est d’ailleurs utilisée dans nombre d’activités humaines (antifongiques, antibactériens, désherbants…). La présence de cuivre libre peut avoir d’autres effets dans la cellule. Tout d’abord le cuivre a une forte affinité pour les groupements thiolates et la liaison peptidique. Il peut ainsi se lier et inactiver les sites actifs de certaines enzymes ou former des complexes non spécifiques avec toutes sortes de protéines. Enfin le cuivre et certains autres métaux de transition ont des propriétés chimiques proches, et l’excès de l’un d’entre eux peut déplacer l’équilibre de certains cofacteurs métalliques avec leur site de liaison (Stohs et Bagchi 1995). C’est le cas notamment des protéines à doigt de zinc, au sein desquelles le Zn(II) peut être remplacé par le Cu(II), empêchant ces protéines de se lier à leurs séquences spécifiques sur l’ADN (Sarkar 1995).

L’homéostasie du cuivre

Le métabolisme du cuivre chez l’Homme

L’homéostasie du cuivre

Au sein d’un organisme humain adulte, la quantité de cuivre varie entre 75 et 150 mg principalement concentrés dans le foie, les muscles et les noyaux lenticulaires du cerveau. L’apport alimentaire journalier recommandé est de 1 à 3 mg par jour. Deux organes jouent un rôle majeur dans l’homéostasie du cuivre. L’intestin qui est le lieu de l’absorption du cuivre alimentaire et le foie qui est l’organe régulateur où se fait la balance entre distribution et excrétion (figure I.2.1).
Au niveau de l’intestin, le cuivre traverse la membrane apicale des entérocytes par un transporteur de haute affinité hCtr1 (Zhou et Gitschier 1997; Nose et coll. 2006a). Cependant, la participation d’autres transporteurs tels que DMT1 ou hCtr2 n’est pas à exclure (Arredondo et coll. 2003; Bertinato et coll. 2008). En effet, l’inactivation sélective de Ctr1 dans l’intestin de souris bloque l’absorption du cuivre dans le sang, mais n’empêche pas l’accumulation du cuivre dans les cellules intestinales (Nose et coll. 2006a). A l’intérieur des entérocytes, le cuivre est pris en charge par le glutathion et les protéines à cuivre. Parmi ces protéines, Atox1, une métallo-chaperonne à cuivre, le délivre à une ATPase localisée dans les membranes du réseau trans-golgien : l’ATPase de Menkes (Hamza et coll. 1999; Larin et coll. 1999). Lorsque la concentration intracellulaire de cuivre atteint un certain seuil, l’ATPase migre à la membrane basolatérale (Petris et coll. 1996; Nyasae et coll. 2007) et exporte le cuivre dans la circulation sanguine où il est principalement pris en charge par l’albumine, la transcupréine et l’histidine jusqu’au foie (Linder et coll. 1998).
Dans le foie, le cuivre est capté par les hépatocytes pour être redistribué dans l’organisme ou expulsé lorsque sa concentration devient trop élevée. L’ATPase de Wilson, homologue à l’ATPase de Menkes, est l’acteur majeur de la balance entre distribution et détoxication. En condition normale, l’ATPase est immobilisée dans les membranes du réseau trans-golgien, où elle transfère le cuivre du cytosol vers la lumière. Il est alors disponible pour les enzymes à cuivre dont la céruloplasmine (CP sur le schéma de la figure I.2.1) qui assure le transport de 65 à 70 % du cuivre dans le sang (Hellman et Gitlin 2002). En condition de surcharge, l’ATPase migre vers la membrane apicale des hépatocytes, au niveau des canalicules biliaires dans lesquels est éliminé l’excès de cuivre (Terada et coll. 1999; Roelofsen et coll. 2000; Guo et coll. 2005). L’importance de cette voie de détoxication (98 % du cuivre excrété par l’organisme (de Bie et coll. 2007)) explique les conséquences dramatiques du dysfonctionnement de l’ATPase de Wilson chez les patients atteints de la maladie du même nom.

La maladie de Menkes

La maladie de Menkes a été décrite pour la première fois en 1962 par Menkes et coll. C’est une maladie génétique récessive liée au chromosome X qui touche une naissance sur 250 000. Elle se caractérise par une carence en cuivre généralisée de l’organisme, due au dysfonctionnement de l’ATPase de Menkes dont le gène ATP7A a été identifié en 1993 (Chelly et coll. 1993; Mercer et coll. 1993; Vulpe et coll. 1993).
Cliniquement, la maladie se caractérise par des symptômes diffus tels que hypothermie, dépigmentation de la peau et des cheveux, déminéralisation du squelette, retard du développement cérébral… Au niveau cellulaire, le dysfonctionnement de l’ATPas entraîne un défaut d’absorption du cuivre par les cellules de l’épithélium intestinal et un défaut de cuivre dans les nombreuses enzymes à cuivre de l’organisme.
Le seul traitement existant consiste en l’administration de cuivre par injection intraveineuse à la mère pendant la grossesse, puis à l’enfant, afin de corriger le niveau de cuivre sérique. Néanmoins, à l’heure actuelle, il est impossible de corriger le défaut d’incorporation du cuivre dans les enzymes au niveau cellulaire et l’espérance de vie des patients reste limitée : entre 6 et 10 ans. Ainsi, lorsque la maladie est diagnostiquée pendant la grossesse, une interruption thérapeutique de grossesse est proposée à la mère.

La maladie de Wilson

La maladie de Wilson est une maladie génétique autosomale récessive dont l’évolution est fatale en l’absence de traitement. Elle est liée à une surcharge en cuivre de l’organisme due au dysfonctionnement de l’ATPase de Wilson. Elle se caractérise par une forte hétérogénéité de symptômes cliniques qui peuvent être rangés dans trois grandes catégories : les manifestations hépatiques, les manifestations neurologiques et les manifestations oculaires (anneaux de Kayser-Fleisher).
La maladie de Wilson a été décrite pour la première fois sous sa forme neurologique par Frerich en 1861, puis sous sa forme hépatique en 1912 par le Dr Wilson. Elle fut décrite comme un trouble du métabolisme du cuivre pour la première fois en 1948 par Cunning et Luthy et le premier traitement a vu le jour en 1951. Il fallut cependant attendre 1993 pour que le gène responsable de la maladie de Wilson soit identifié et caractérisé comme ATP7B sur le chromosome 13 par plusieurs équipes (Bull et coll. 1993; Chelly et Monaco 1993; Petrukhin et coll. 1993; Tanzi et coll. 1993; Yamaguchi et coll. 1993).
A ce jour, plus de 350 mutations du gène ATP7B ont été répertoriées1. Parmi ces mutations, plus de 50 % sont des mutations faux sens et environ 30 % sont de petites insertions ou délétions de séquence conduisant bien souvent à l’apparition d’un codon stop prématuré. Les 20 % restant se partagent entre des mutations non sens et des mutations dans les sites d’épissages de l’ARNm. La prévalence de la maladie dans la population mondiale est d’environ un cas pour 30 000 naissances. Cependant la prévalence peut être beaucoup plus élevée dans certains contextes d’isolement géographique et génétique comme au Japon ou en Sardaigne.
Il existe aujourd’hui plusieurs traitements disponibles qui, à l’exception de la transplantation du foie, sont tous chroniques et visent à rétablir une balance cuprique négative. Pour ce faire deux grandes stratégies sont utilisées :
o Réduire les apports alimentaires de cuivre par un régime pauvre en cuivre, d’une part par la diminution de l’absorption du cuivre et d’autre part grâce à un traitement au zinc ou au tétrathiomolybdate. L’administration de zinc stimule la production de métallo-thionéines dans les cellules intestinales, ce qui limite l’absorption du cuivre dans l’organisme. Le tétrathiomolybdate est un chélateur spécifique du cuivre dont le complexe n’est pas absorbable par l’intestin. De par sa toxicité, ce traitement n’est pratiqué qu’aux Etats-Unis sous haute surveillance médicale.
o Favoriser l’excrétion urinaire en mobilisant la fraction tissulaire par l’utilisation d’agents chélateurs tels que de la D-pénicillamine et la TRIENTINE®

L’homéostasie du cuivre chez la levure de boulanger Saccharomyces cerevisiae

La levure constitue un puissant modèle de cellule eucaryote et l’homéostasie du cuivre dans les cellules eucaryotes est très conservée, notamment entre la levure et les cellules de mammifère.

L’entrée du cuivre

Chez la levure, il existe deux mécanismes d’import du cuivre dans la cellule : un transport spécifique de haute affinité et un transport non spécifique de basse affinité.

Le transport de haute affinité

Avant d’être pris en charge par les transporteurs de haute affinité, le cuivre sous sa forme oxydée Cu(II) dans l’environnement est réduit sous sa forme Cu(I) par les réductases Fre1 et Fre2 au niveau de la membrane plasmique (Dancis et coll. 1992; Georgatsou et Alexandraki 1994; Hassett et Kosman 1995). Cette étape de réduction peut être évitée par l’ajout dans le milieu d’un réducteur chimique comme l’ascorbate.
Chez les eucaryotes, ce transport est pris en charge par la famille des transporteurs Ctr. La levure possède dans son génome trois de ces transporteurs, dont deux sont exprimés et actifs à la membrane plasmique : Ctr1 et Ctr3 (Dancis et coll. 1994; Knight et coll. 1996). Les alignements de séquences et les études de prédiction de structures établissent les principaux motifs de ces transporteurs. La résolution de la structure de l’homologue humain de Ctr1 inséré dans des bicouches lipidiques (Aller et Unger 2006) confirme la présence de trois segments transmembranaire comme le suggéraient les analyses bioinformatiques (figure I.2.2). La structure de hCtr1 confirme également l’organisation oligomérique, probablement trimérique, qui forme un canal spécifique des ions Cu(I). Bien que le mécanisme de transport au travers de Ctr1 soit encore mal caractérisé, un transport de type canal ionique est hautement improbable à cause de la nature toxique et de l’instabilité du Cu(I) en solution aqueuse. Cependant le transport du cuivre au travers de Ctr1 est indépendant de l’ATP et il s’agit probablement d’un transport par coordination du cuivre par les acides aminés de la protéine et les chélateurs cellulaires comme le glutathion. Ainsi le domaine N-terminal de Ctr1 situé du coté extracellulaire est riche en motifs méthionine (MxM ou MxxM) susceptibles de capturer le cuivre pour le délivrer aux segments transmembranaires de la protéine, via notamment un motif MxxM indispensable sur la deuxième hélice. Du côté cytoplasmique, le cuivre serait pris en charge par l’extrémité C-terminale de la protéine. Ce domaine riche en acides aminés chargés et présentant des motifs cystéine / histidine conservés, rendrait le cuivre disponible aux chélateurs du cytosol (Nose et coll. 2006b).
L’import du cuivre par ces transporteurs de la membrane plasmique est finement régulé. La transcription de Ctr1 et Ctr3 est activée en réponse à une carence en cuivre via la fixation du régulateur Mac1 sur leurs promoteurs, favorisant ainsi l’influx du métal (Labbé et coll. 1997; Yamaguchi-Iwai et coll. 1997). Les régulations de ces deux transporteurs diffèrent au niveau post-traductionnel. L’ajout de 10 µM de cuivre dans le milieu de culture entraîne une rapide endocytose de Ctr1 suivie par sa dégradation dans la vacuole (Ooi et coll. 1996; Liu et coll. 2007) tandis que Ctr3 est stable et localisé à la membrane plasmique pendant plus d’une heure (Peña et coll. 2000). Le mécanisme impliquant une endocytose rapide de Ctr1 permet probablement à la levure de couper efficacement l’import de cuivre dans la cellule. Cette régulation post-traductionnelle nécessite l’intervention de Mac1 par un mécanisme qui fait intervenir les voies de signalisation dépendant de l’ubiquitine (Liu et coll. 2007), mais qui reste à découvrir.

Le transport de basse affinité

Les transporteurs de métaux divalents participent également à l’import du cuivre dans la cellule (Li et Kaplan 1998). Plusieurs d’entre eux ont déjà été caractérisés comme capables de transporter le cuivre. Fet4 est un transporteur peu spécifique de métaux divalents impliqué dans le transport du fer de basse affinité, mais aussi du cuivre, du cadmium, du cobalt et du nickel (Dix et coll. 1994). Les transporteurs de la famille des Nramp (NatuRal Associated Macrophage Protein) Smf1, Smf2 et Smf3 peuvent aussi être impliqués dans le transport du cuivre (Liu et coll. 1997; Cohen et coll. 2000). Cependant seul Smf1 a pu être détecté à la membrane plasmique. Smf2 est localisé dans des vésicules cytoplasmiques et Smf3 à la membrane de la vacuole (Portnoy et coll. 2000).

La distribution du cuivre cellulaire

La concentration de cuivre libre intracellulaire est estimée à 10-18 M (Rae et coll. 1999), soit moins d’un atome de cuivre libre par cellule. Ce résultat a été obtenu en comparant la concentration totale de cuivre intracellulaire aux capacités de chélation du cuivre de la cellule. En effet l’environnement cellulaire réducteur est riche en thiolates dont l’affinité pour le cuivre est forte.
Le cuivre n’existant pas sous forme libre, des protéines spécifiques dites métallo-chaperonnes sont chargées de délivrer le cuivre à leurs cibles. Trois grandes voies sont aujourd’hui caractérisées (figure I.2.3) :
– l’approvisionnement en cuivre des enzymes de la voie sécrétoire au niveau du réseau trans-golgien ;
– l’approvisionnement de la Super Oxyde Dismutase cytosolique (SOD1), enzyme cruciale dans la lutte contre le stress oxydant ;
– l’approvisionnement en cuivre de la mitochondrie, indispensable au bon fonctionnement de la chaîne respiratoire.

L’approvisionnement en cuivre de l’appareil de Golgi

L’approvisionnement en cuivre du réseau trans-golgien est assuré par la métallo-chaperonne Atx1 qui délivre le cuivre à l’ATPase Ccc2, protéine transmembranaire qui transfère le cuivre du cytosol vers la lumière du Golgi. Atx1 a été découverte à la faveur d’un crible de protéines capables de contrer le stress oxydant lié à la délétion de SOD1 (Lin et Culotta 1995). Son rôle dans le convoyage du cuivre fut mis en évidence en 1997 (Lin et coll. 1997; Pufahl et coll. 1997). Atx1 est une petite protéine de 73 acides aminés (8,2 kDa) qui présente un repliement de type ferredoxine βαββαβ (Rosenzweig et coll. 1999).
Figure I.2.4 : Structure en solution d’Atx1 (monomère) sous sa forme liée au cuivre (d’après (Arnesano et coll. 2001b; Banci et coll. 2004). Les cystéines 15 et 18 du motif CxxC sont indiquées.
Atx1 lie le cuivre au niveau d’un motif de type MxCxxC situé dans la boucle entre le premier feuillet β et la première hélice α (figure I.2.4). In vitro Atx1 peut lier un Cu(I) sous la forme d’un monomère avec un Kd de 10-20 M. Le Cu(I) y est tri-coordonné dans une géométrie trigonale (Pufahl et coll. 1997). Cependant comme le montre les données de structure aux rayons X (Rosenzweig et coll. 1999) et RMN (Arnesano et coll. 2001b), seules les deux cystéines du motif MxCxxC participent à la liaison du cuivre. La chaîne latérale de la méthionine est orientée vers le cœur hydrophobe de la protéine, participant ainsi à la stabilité de la structure. Un troisième ligand soufré est mis en évidence par EXAFS, mais il n’est pas identifié et les auteurs suggèrent dans leur expérience un rôle du DTT du tampon (Pufahl et coll. 1997). In vivo, le glutathion (GSH), dont la concentration cellulaire avoisine les 5 mM pourrait jouer le rôle du troisième ligand. En effet, il a récemment été montré in vitro que la présence de GSH entraîne la formation d’un dimère de la forme Cu(I)2(GS-)2(Atx1)2 (Miras et coll. 2008). Il est donc possible que le GSH soit in vivo le troisième ligand et que le cuivre soit convoyé par Atx1 sous la forme d’un complexe avec le GSH.

L’approvisionnement en cuivre de la Super Oxyde Dismutase

La Super Oxyde Dismutase Cu/Zn (SOD1) est une enzyme majeure de la défense cellulaire contre le stress oxydant. Chez l’homme une déficience de cette enzyme est responsable de certaines formes de la sclérose latérale amyotrophique (Rosen et coll. 1993). SOD1 est une enzyme dimérique dont chaque monomère contient un atome de zinc et un atome de cuivre. Le cuivre lui est délivré par la métallo-chaperonne Ccs nommée à l’origine Lys7 (Culotta et coll. 1997). Cette protéine est constituée de trois domaines structuraux distincts, caractérisés par le profil de digestion partielle de Ccs par la trypsine (Schmidt et coll. 1999). Le domaine N-terminal est un homologue structural d’Atx1 qui fixe le Cu(I) au niveau d’un motif MxCxxC. Ce motif permet de recruter le cuivre dans l’environnement cytosolique et de le délivrer au domaine C-terminal de Ccs. Ce dernier domaine, indispensable à la fonction de Ccs, est extrêmement conservé d’une espèce à l’autre. Il possède un motif de liaison du cuivre et serait responsable du transfert du cuivre à SOD1 (Lamb et coll. 1999). Enfin la partie centrale de Ccs est un domaine avec une forte homologie de séquence avec SOD1. Ce domaine est indispensable à l’interaction Ccs/SOD1 nécessaire au transfert du cuivre entre les deux protéines.

L’approvisionnement en cuivre de la mitochondrie

La cytochrome C oxydase (Cco) est un complexe protéique de plus de 12 sous-unités enchâssé dans la membrane interne de la mitochondrie (IM). Elle constitue un élément indispensable de la chaîne de phosphorylation oxydative de la mitochondrie. CuA et CuB sont deux sous-unités catalytiques de Cco contenant du cuivre dont la voie d’approvisionnement est encore mal caractérisée (figure I.2.5). En effet si les donneurs finaux de cuivre sont connus, la chaîne d’événements y menant reste à définir. Ainsi CuA obtient son cuivre par interaction avec la protéine Sco1 (Leary et coll. 2004). Sco1 est une protéine de l’espace intermembra-naire capable de lier le Cu(I) via un motif conservé CxxxC faisant intervenir une histidine également conservée. CuB obtient son cuivre par une interaction avec la protéine Cox11 (Khalimonchuk et coll. 2005). Cox11 est un dimère dont chacune des sous-unités est enchâssée dans l’IM et fixe un Cu(I) par l’intermédiaire de trois cystéines essentielles. Des études in vitro ont montré que Cox11 et Sco1 peuvent interagir et acquérir leur cuivre via Cox17 (Horng et coll. 2004). Dans un mutant cox17Δ, Cco est inactive, ce qui se traduit au niveau phénotypique par une souche défaillante pour la respiration (Glerum et coll. 1996). Cox17 est une petite protéine de 69 acides aminés dont la structure en double hélice α diffère de celle d’Atx1 : la liaison du cuivre se fait par l’intermédiaire d’un motif CCxC (Abajian et coll. 2004). De plus sa localisation à la fois cytosolique et mitochondriale laisse penser que Cox17 est responsable du convoyage du cuivre du cytosol vers la mitochondrie (Glerum et coll. 1996). Cependant la mitochondrie possède un stock de cuivre interne qui n’est lié ni à l’ADN ni à des protéines, mais à un ligand anionique de bas poids moléculaire (Cobine et coll. 2004) qui n’est pas affecté par la délétion de Cox17 (Cobine et coll. 2006). Cox19 et Cox23 sont deux autres candidats pour le convoyage du cuivre à la mitochondrie. La délétion de chacun d’entre eux entraîne des défauts dans la chaîne respiratoire, liés à un défaut de fonctionnement de Cco. De plus, la localisation de Cox19 et Cox23 se partage entre le cytosol et la mitochondrie (Nobrega et coll. 2002; Barros et coll. 2004; Cobine et coll. 2006).
En résumé, le convoyage du cuivre vers les sous-unités de Cco est une voie complexe. Sco1 et Cox11 sont les donneurs finaux aux sites CuA et CuB. Le rôle de Cox17 en tant que donneur de cuivre à Sco1 et Cox11 est bien établi, mais celui de Cox19 et Cox23 reste à définir. A l’heure actuelle, la source du cuivre intra-mitochondrial n’est pas encore identifiée et la voie qui délivre le cuivre à la mitochondrie reste à préciser.

Stockage et détoxication du cuivre

Le mécanisme d’incorporation du cuivre dans les métallo-chaperonnes est aujourd’hui inconnu. En effet, à ce jour, les efforts entrepris pour identifier des interactions entre les chaperonnes et les transporteurs de cuivre n’ont pas abouti (Portnoy et coll. 2001). Si des interactions et des échanges de cuivre in vitro ont bien été mis en évidence entre Atx1 et Ctr1 de levure, la séquence d’interaction de Ctr1 avec Atx1 est spécifique de Ctr1 de S. cerevisiae et n’est donc pas transposable aux autres espèces ou chaperonnes (Xiao et Wedd 2002; Xiao et coll. 2004). Ces résultats, ainsi que la variété des transporteurs capables d’importer le cuivre et celle des protéines cibles font qu’il est difficile d’imaginer un mécanisme d’interaction transporteur métallo-chaperonne pour le stockage du cuivre intracellulaire. En 2004, a été découvert un complexe de cuivre non protéique de bas poids moléculaire dans la mitochondrie. Cette découverte permet d’imaginer l’existence de ce type de complexe non protéique comme réserve de cuivre dans le cytosol (Cobine et coll. 2004).

Le rôle du glutathion

Le GSH est un petit peptide de trois acides aminés γGlu-Cys-Gly qui joue un rôle important dans la chélation des métaux (Meister et Anderson 1983). La concentration millimolaire de GSH dans la cellule le place comme un bon candidat pour le rôle de réservoir intracellulaire de cuivre échangeable. En effet (i) des études montrent que le cuivre est d’abord pris en charge par le GSH avant d’être incorporé dans les métallo-chaperonnes et thionéines (Freedman et coll. 1989; Lin et coll. 1993), (ii) le cuivre des métallothionéines est très peu échangeable (Jensen et coll. 1996) et enfin (iii) in vitro l’incorporation du Cu(I) dans des protéines riches en thiols telles que la céruloplasmine ou SOD1 est favorisée par la présence de GSH (Ciriolo et coll. 1990 ; Musci et coll. 1996).
Le GSH est un peptide important pour la détoxication des espèces réactives de l’oxygène produites lors d’un stress métallique notamment via la glutathion réductase qui utilise le GSH pour recycler les groupements thiolates oxydés. De plus le GSH participe à la détoxication des métaux mous. C’est par exemple sous une forme complexée au GSH qu’est éliminé le Cd(II) par le transporteur ABC Ycf1 dans la vacuole (Li et coll. 1996). Les phytochélatines, elles aussi, jouent un rôle essentiel dans la chélation des métaux mous chez les plantes.
Une étude de Gharieb et Gadd en 2004 montre qu’une souche de levure déficiente pour la synthèse du GSH n’est pas plus sensible au cuivre que le type sauvage (Gharieb et Gadd 2004). Cependant dans cette étude, la synthèse du GSH est bloquée par la délétion de GSH2, le gène codant pour la deuxième étape de la synthèse du GSH. Or nous pourrons noter que GSH1, le gène codant pour l’enzyme de la première étape permet la synthèse du peptide γ-Glu-Cys. La souche gsh2Δ accumule donc tout de même un dipeptide cystéine-glutamate dont les groupements thiol de la cystéine et acide du glutamate ont une bonne affinité pour le cuivre et donc potentiellement une bonne capacité à chélater le cuivre. La transcription de GSH1 est activée en présence de mercure ou de cadmium dans le milieu, mais aucun effet n’est observé en présence de cuivre ou de fer (Westwater et coll. 2002). Ainsi, s’il a bien été montré que le GSH est un bon chélateur de métaux mous, qu’il participe à la détoxication des ROS et qu’il participe à l’homéostasie du cuivre, les données bibliographiques ne permettent pas d’affirmer un rôle prépondérant du GSH dans la détoxication du cuivre.

Le rôle de la vacuole

La vacuole est un organe central à de nombreux égards tels que la dégradation, le recyclage, le stockage et la détoxication. Ainsi, dans le cas du cuivre, la vacuole joue-t-elle un rôle à la fois dans le stockage et la détoxication.
En carence de cuivre le transporteur Ctr2 localisé à la membrane de la vacuole permet de mobiliser le stock de cuivre intra-vacuolaire (Rees et coll. 2004; Rees et Thiele 2007). Aucun transporteur de cuivre vers la lumière de la vacuole n’a pour le moment été mis en évidence, le cuivre pouvant tout simplement provenir du recyclage des protéines dégradées dans la vacuole.
Szczypka et coll. en 1997 ont montré toute l’importance de la vacuole dans la détoxication du cuivre (Szczypka et coll. 1997). En effet, des mutants de la synthèse de la vacuole telle que pep3Δ et pep5Δ présentent une sensibilité accrue au cuivre. Tout récemment, Jo et coll. ont montré que de nombreuses protéines impliquées dans la biogenèse de la vacuole et dans le trafic des protéines vers la vacuole sont importantes dans la réponse à un stress cuivre (Jo et coll. 2008). Les détails de l’implication de la vacuole dans la réponse au stress cuivre sont inconnus. Cependant l’acidification de la vacuole est un paramètre important et la délétion de sous-unités de l’ATPase proton de la membrane vacuolaire entraîne une hypersensibilité au cuivre (Eide et coll. 1993; Szczypka et coll. 1997; van Bakel et coll. 2005).

Le rôle des métallothionéines.

Les métallothionéines sont de petites protéines riches en cystéines (30 % de leur séquence), constituées de deux sous-unités α et β de 6 et 7 kDa. Dans ces protéines, le cuivre est enfoui profondément dans la structure de la protéine, lié par plusieurs cystéines au niveau de motifs CxC ou CC (figure I.2.6). Ainsi la coordination du cuivre par de multiples cystéines au cœur des métallothionéines le rend difficilement échangeable avec les protéines du cytosol.
Les métallothionéines forment la première ligne de défense de la levure. Chez S. cerevisiae elles sont au nombre de deux : CRS5 et Cup1 (Hamer et coll. 1985; Culotta et coll. 1994; Jensen et coll. 1996). La délétion de Cup1, par exemple, entraîne une sensibilité au cuivre dès 300 µM contre 1,75 mM de CuSO4 pour le type sauvage (Brenes-Pomales et coll. 1955). La transcription de ces deux protéines est sous le contrôle du régulateur transcriptionnel Ace1 qui active leur transcription lorsque la concentration en cuivre devient trop importante (Thiele 1988).
En conclusion, face à la toxicité du cuivre, la cellule déploie tout un arsenal de mécanismes de défense. Dans ce chapitre, des mécanismes plus anecdotiques pourraient être cités, tels que la minéralisation du cuivre à la surface de la cellule sous la forme de CuS (Ashida et coll. 1963; Yu et coll. 1996) ou encore l’oxydation du Cu(I) en Cu(II) par Fet3 (Shi et coll. 2003).

Homéostasie du cuivre et homéostasie du fer : un lien étroit

Le système d’import de fer de haute affinité de la levure S. cerevisiae, a besoin de cuivre pour être actif (Shi et coll. 2003). Il représente donc un bon exemple de l’imbrication des homéostasies du fer et du cuivre (figure I.2.7).
L’import de fer de haute affinité chez la levure est principalement assuré par le complexe protéique Fet3/Ftr1. Le fer ferrique Fe(III) de l’environnement est réduit en fer ferreux Fe(II) par les réductases de la famille Fre également responsables de la réduction du Cu(II) pour l’import de cuivre de haute affinité par Ctr1. Ce processus permet la mobilisation du fer extracellulaire. Ensuite, la protéine Fet3, glycoprotéine extracellulaire homologue à la céruloplasmine humaine, oxyde le Fe(II) en Fe(III) (Askwith et coll. 1994; De Silva et coll. 1995). Fet3 agit de concert avec la perméase transmembranaire Ftr1 qui permet la translocation de Fe(III) au travers de la membrane plasmique. Une caractéristique de ce système est l’assemblage et l’activation du complexe Fet3/Ftr1 dans le Golgi. Afin d’être opérationnelle, la protéine Fet3 est chargée en cuivre dans le Golgi par l’intermédiaire de l’ATPase Ccc2 et sa migration à la membrane plasmique implique la présence de Ftr1 (Stearman et coll. 1996; Hassett et coll. 1998; Singh et coll. 2006). Le complexe ainsi formé est alors fonctionnel et peut assurer le transport du fer de haute affinité. De ce fait une carence en cuivre peut rapidement entraîner une carence en fer si la concentration en fer du milieu est limitante.

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Table des matières

Sommaire
Introduction Bibliographique
1. Le cuivre
1.1. Un peu d’histoire
1.2. Pollution liée au cuivre
1.3. Les propriétés physico-chimiques du cuivre
1.4. L’importance du cuivre en biologie
2. L’homéostasie du cuivre
2.1. Le métabolisme du cuivre chez l’Homme
2.2. L’homéostasie du cuivre chez la levure de boulanger Saccharomyces cerevisiae
3. Les ATPases de type P
3.1. Propriétés générales
3.2. Structure des ATPases de type P
3.3. Cycle catalytique des ATPases de type P
3.4. Classification des ATPases de type P
4. Les ATPases à cuivre
4.1. Tour d’horizon des ATPases à cuivre
4.2. Le site de transport intra-membranaire du cuivre
4.3. Le domaine N-terminal
4.4. Le domaine nucléotidique de la grande boucle cytoplasmique.
4.5. L’ATPase à cuivre de Saccharomyces cerevisiae Ccc2
5. Localisation et trafic intracellulaire des ATPases à cuivre humaines, ATP7A et ATP7B
5.1. Distribution des ATPases humaines dans les tissus de l’organisme
5.2. Localisation intracellulaire
5.3. Les signaux de régulation de la localisation intracellulaire des ATPases à cuivre humaines.
5.4. La machinerie protéique impliquée dans le trafic des ATPases à cuivre humaines.
Objectifs
Résultats
1. De la localisation à la fonction
1.1. Etude de la localisation de l’ATPase eucaryote Ccc2
1.2. Etude du rôle de Ccc2 à la membrane de la vacuole.
1.3. Discussion
2. En route vers le site de transport intra-membranaire.
2.1. Etude du domaine Nucléotidique de la Grande Boucle de Ccc2.
2.2. Etude du motif 670HP/680CxxxxC
2.3. Etude des cystéines C708S et C718S
2.4. Localisation du site de liaison du cuivre sur un modèle de la GBN de Ccc2
2.5. Impact des mutations dans le domaine nucléotidique sur la fonctionnalité de Ccc2.
2.5. Discussion
Matériels et Méthodes
1. Souches et milieux de culture
1.1. Souches et milieux de culture bactériens
1.2. Souches et milieux de culture de levure
2. Biologie Moléculaire
2.1. Clonage et mutagenèse
2.2. Purification d’ADN sur gel d’agarose
2.3. Purification d’ADN plasmidique
2.4. Extraction d’ADN génomique de levure
2.5. Vecteur plasmidique
3. Biologie cellulaire
3.1. Transformation de levure
3.2. Caractérisation phénotypique sur milieu gélosé
3.3. Modification génétique de la souche BY4741
3.4. Localisation de Ccc2 en microscopie de fluorescence
3.5. Dosage du cuivre
4. Biochimie
4.1. Production et purification de protéines recombinantes
4.2. Dosage des protéines
4.3. Extraction des protéines totales de levure
4.4. Séparation des organites sur gradient de sucrose
4.5. Préparation de vacuoles de levures entières
4.6. Sodium Dodecyl Sulfate PolyAcrylamide Gel Electrophoresis (SDS-PAGE)
4.7. Immunodétection des protéines
5. Spectrométrie
5.1. Détection de la fixation du cuivre sur les groupements thiolates
5.2. Dichroïsme circulaire
Perspectives
Annexes
Abréviations
Références

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