L’historique du déni de grossesse

L’historique du déni de grossesse

Nous allons aborder un versant historique avant de définir de façon plus précise le sujet. Durant le règne de Louis XIV, dès 1681 le Dr François Mauriceau, gynécologue, évoque la méconnaissance d’une grossesse observée bien que des saignements menstruels persistent. Plus tard, en 1838, Estienne Esquirol décrit les premières grossesses non reconnues chez des patientes ayant des troubles psychiques. Son élève, Louis Victor Marcé distingue 20 ans plus tard dans son traité, les grossesses ignorées des grossesses dissimulées. En 1898, Georges Milbry Gould fait l’observation de neuf grossesses méconnues, découvertes suite à de fortes douleurs abdominales qui se sont avérées être un début de travail. Il définit alors ces grossesses de « grossesses inconscientes ». Selon Chaulet (2011), « entre 1900 et 1950, la littérature sur le déni de grossesse reste silencieuse » (p. 13). Gerchow dès 1957, observe peu de modifications physiologiques et morphologiques chez ces femmes. Les années 1970 voient naître le terme de déni de grossesse dans la littérature psychiatrique. Dans les années suivantes, les écrits sur le déni de grossesse se multiplient.

Les premières études sont faites dans les années 90 : Brezinka en Autriche, Bonnet en France et Miller aux USA. En 1991, Laura Miller, dissocie le déni de grossesse psychotique et non psychotique. Elle mentionne la possibilité de faire paraître le déni de grossesse dans le DSM IV [Diagnostic and Statistical manual of Mental disorder], ce qui est refusé. Une deuxième vague d’études épidémiologiques apparaît dans les années suivantes : Pierrone, Delannoy, Florequin & Libert en France, Wessel en Allemagne et Friedmann aux USA. Ce sujet se démocratise avec la création de l’Association Française pour la Reconnaissance du Déni de Grossesse [AFRDG] en 2003, par Félix Navarro, médecin. En 2008, le premier colloque médical français sur le déni de grossesse permet de faire un constat de ce phénomène. Ce qui démontre que la société scientifique ne s’est réellement intéressée que très récemment au déni de grossesse.

La psychologie de grossesse Nous avons décidé d’aborder le concept de la psychologie de la grossesse puisqu’une grossesse se manifeste à la fois physiquement mais aussi et surtout par un cheminement psychologique. Les neuf mois de grossesse permettent à la femme de construire une ébauche de son futur statut de mère, alors que dans les cas de déni ce cheminement est raccourci voire inexistant. Racamier (1978, p. 43) définit la maternalité comme « l’ensemble des processus psycho-affectifs qui se développent et s’intègrent chez la femme à l’occasion de la maternité », notamment lors de la grossesse. Delassus compare la maternité à un voyage à l’intérieur de soi, « on ne naît pas mère on le devient » (Delassus, 2011, p. 688). L’auteur nous démontre l’aspect non inné du statut maternel. Le but de ce voyage est de retrouver « un trésor laissé de côté depuis l’enfance, constitué pendant l’enfance » (Delassus, 2011, p. 688). Le retour au corps, au monde intérieur est essentiel durant la grossesse, c’est un processus inconscient, silencieux et nécessaire pour Delassus. Pour Brabant (2013) « une grossesse suscite généralement toutes sortes d’émotions » (p. 19). Le chemin psychologique que la mère doit parcourir pour la naissance de son enfant est une étape incontournable. « Une mère doit naître psychologiquement tout autant que son bébé naît physiquement » (Stern & Bruschweiler-Stern, 1998, p. 2)

La méconnaissance de la grossesse, dans les cas de déni, retarde cette évolution psychique. Stern et Bruschweiler-Stern décrivent trois phases de développement de l’identité maternelle. La première étape est celle de « se préparer à devenir mère » (Stern & Bruschweiler-Stern, 1998, p. 27). Ce temps inclut les neuf mois de grossesse « durant lesquels une femme accomplit l’essentiel du travail psychologique nécessaire pour se préparer à la maternité » (Stern & Bruschweiler-Stern, 1998, p. 27). Il s’agit donc d’une phase de préparation psychique dans le but d’adopter progressivement son nouveau statut de mère. Il permet également à la femme de créer « des fantasmes autour de l’identité de son bébé » (Stern & Bruschweiler-Stern, 1998, p. 28). Les auteurs démontrent que c’est un travail incontournable dans le processus de la construction maternelle. Nous pouvons donc nous demander comment la femme vivant un déni de grossesse construit-elle cette étape manquante ?

Pour Barbant, les trois premiers mois correspondent à une ambivalence de la femme concernant son état gravide. « En fait, pour bien des femmes, la première réaction est souvent l’incrédulité : cela ne se peut pas vraiment ! […] surtout si aucun changement physique n’est venu confirmer ce nouvel état » (Brabant, 2013, p. 19). C’est pourquoi, « plusieurs femmes ont le sentiment d’être prises au piège » (Brabant, 2013, p. 19). Le deuxième trimestre est synonyme d’épanouissement et de plénitude. Enfin le troisième trimestre témoigne des inquiétudes et peurs face à l’accouchement et prépare psychologiquement la séparation du couple mère-enfant. « Ces neuf mois sont donc bien loin d’être un temps d’attente passive. Ils peuvent sembler bien longs quand on a hâte « de lui voir la binette », mais ce n’est pas trop pour se préparer à être parents ensemble en respectant les besoins et capacités de chacun, y compris ceux du bébé qui s’en vient ! » (Brabant, 2013, p. 28). Nous pouvons, par ailleurs nous demander à quel moment la femme devient mère ? On pourrait penser qu’une parturiente devient mère lorsqu’elle accouche. Il semblerait que « l’expérience de l’accouchement fasse encore partie de la phase de préparation et donne naissance à la mère physique, mais pas forcément à la mère psychique » (Stern & Bruschweiler-Stern, 1998, p. 27).

Ce dernier point est intéressant concernant déni de grossesse. Effectivement, une femme accouchant lors d’un déni de grossesse ne se sentira pas mère immédiatement après la naissance de son enfant. Alors que nous pourrions facilement penser le contraire. Stern et Bruschweiler- Stern expliquent l’intérêt de la rencontre avec le bébé réel afin de déconstruire le bébé imaginaire élaboré durant toute la période de préparation citée précédemment. La deuxième étape de la construction de l’identité maternelle se poursuivrait lors du retour à la maison, lorsque la mère s’occupe de son enfant. Cette partie inclut « la tâche première de la maternité qui est d’assurer la survie de son enfant » (Stern & Bruschweiler-Stern, 1998, p. 28). La mère réalise alors toutes les responsabilités qu’entraîne la maternité. Enfin ces auteurs décrivent la dernière étape, la construction « d’un lien intime » (Stern & Bruschweiler-Stern, 1998, p. 28) avec le nouveau-né sur le long terme. Nous pouvons donc comprendre, que le processus de construction de l’identité maternelle se réalise en plusieurs étapes. Si une ou plusieurs étapes sont manquantes, comme pour le déni de grossesse, cela n’empêche pas à long terme la création de ce statut, mais pourrait le retarder. Un point nous semble essentiel à relever, une femme a besoin de reconnaissance et d’encouragement dans un contexte physiologique. C’est pourquoi, nous imaginons l’importance de ce point pour les femmes ayant fait un déni de grossesse.

L’attachement

Du fait que nous nous interrogeons sur l’influence du déni de grossesse sur le lien mère-enfant, nous avons décidé d’aborder le thème de l’attachement. Ce lien est aussi bien dirigé de la mère vers l’enfant (bonding) que de l’enfant vers la mère. Dans cette partie, le terme attachement utilisé correspondra à ses deux entités. D’après Lecanuet (2012), tout commence in utéro, lorsque le foetus mémorise les stimulations sensorielles qu’il perçoit de l’extérieur : le goût du liquide amniotique, les bruits maternels…Woods et Plessinger (1989), ont montré que la naissance apporte peu de modifications des systèmes sensoriels de l’enfant. Cette mémorisation « permet au nouveau-né d’engager des réponses initiales d’attention, de recherche ou de reconnaissance relativement spécialisées » (Lecanuet, 2012, p. 100). Ce sont les prémices de l’attachement. L’attachement est tour à tour, selon les auteurs, un comportement, un besoin, une tendance. Dans tous les cas, l’attachement n’est pas inné, « Il est le résultat d’une construction » (Lecanuet, 2012, p. 100). La théorie de l’attachement est développée notamment par John Bowlby dans les années 40. Ce dernier a observé les conséquences négatives d’une séparation entre la mère et sa progéniture, sur le développement psychoaffectif et relationnel de l’enfant. Suite à ses recherches, il définit l’attachement comme un lien affectif entre deux individus, qui a « pour objet la recherche et le maintien de la proximité d’une personne spécifique. » (Pinel-Jacquemin et Savard, 2010). La figure maternelle devient la base de la sécurité nécessaire à son exploration du monde futur.

Il est reconnu aujourd’hui que ce lien mère-enfant se crée tout au long de la grossesse et pas seulement le jour de l’accouchement. Selon Bowlby (2002), « l’attachement se crée parce que dans l’environnement familial ordinaire, ces systèmes croissent et se développent d’une façon relativement stable » (p. 355). Coan (2008), précise que le comportement d’attachement apparaît comme un élément clef de l’équilibre psychosomatique précoce. [traduction libre]. D’après Pierrehumbert (2012), le but est « l’accordage » des interactions au sein de la dyade mèreenfant. Ce sont des ajustements émotionnels, affectifs et comportementaux de la part des deux partenaires. Guédeney et Guédeney expliquent le rôle des émotions chez l’enfant « dans l’organisation et l’expression de l’attachement » (2009 p. 13). Ces sentiments pourraient avoir un impact à la fois positif et négatif selon l’expression de l’émotion. Par exemple, l’enfant en manifestant des signes visibles d’angoisse, alerte ses parents et active ainsi le système d’attachement induisant des réponses réconfortantes de la part de la figure parentale. Dans le cas du déni de grossesse, cet attachement est perturbé voire absent. A la suite d’un déni de grossesse, les femmes se retrouvent souvent en état de choc post-traumatique. De ce fait, ces femmes ne sont pas forcément disponibles pour s’accorder au nouveau-né et pour créer du lien mère-enfant. D’où l’importance pour les soignants d’y prêter « une attention particulière » (Quarante, 2007, p. 40). C’est pourquoi, nous pouvons nous interroger sur les conduites à tenir lors d’un accouchement dans le cas d’un déni de grossesse. D’après ces informations, il serait intéressant que le nouveauné reste auprès de la femme afin qu’elle puisse observer ses émotions et en contrepartie réagir en créant un lien d’attachement. Qu’en est-il si la femme ne souhaite pas voir l’enfant ? L’attachement ne concerne pas exclusivement la dyade mère-enfant, l’enfant s’attache aussi à son père. Un débat animé entre spécialistes tente de définir ce lien : Est-il aussi sécurisant que l’attachement à la mère ? Est-il identique à l’attachement maternel ? Comme le reconnaît Le Camus, « la nature du lien de l’enfant à son père est bien loin d’avoir livré tous ses secrets ». (2012, p. 122).

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Table des matières

Introduction
I. Questionnement professionnel
II. Cadre de référence théorique
II.1 L’historique du déni de grossesse
II.2 La définition du déni de grossesse
II.2.1 La dissimulation
II.2.2 La dénégation
II.2.3 Le déni de grossesse
II.3 Les champs disciplinaires
II.4 La question de recherche
II.5 Les concepts clés
II.5.1 La psychologie de grossesse
II.5.2 L’attachement
II.5.3 L’approche centrée sur la personne
III. Dimension éthique
III.1 Les fondements de l’éthique
III.2 Questionnement éthique de la problématique
III.3 Quelle est la place de l’éthique dans les articles sélectionnés
III.4 Démarche éthique dans l’écriture de notre travail de bachelor
IV. Méthode : recherche de littérature
IV.1 Elaboration du PICO
IV.2 Elaboration des descripteurs
IV.3 Les bases de données
IV.4 Les lancements
IV.5 Tableau de sélection des articles
IV.5.1 Tableau récapitulatif des articles sélectionnés
V. Analyse critique et structuration de la revue de littérature
V.1 Analyse de l’article 1
V.2 Analyse de l’article 2
V.3 Analyse de l’article 3
V.4 Analyse de l’article 4
V.5 Analyse de l’article 5
V.6 Analyse de l’article 6
V.7 Analyse de l’article 7
V.8 Analyse de l’article 8
V.9 Tableau récapitulatif des principaux résultats de la revue de littérature
VI. Discussion
VI.1 Synthèse des résultats
VI.1.1 La définition du déni de grossesse
VI.1.2 Les incidences retrouvées
VI.1.3 Le profil étudié
VI.1.4 La morbidité maternelle
VI.1.5 La morbidité néonatale
VI.1.6 Les représentations professionnelles
VI.1.7 La classification dans le Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders
[DSM]/International Classification of Diseases [ICD]
VI.2 Les ouvertures des auteurs
VI.3 Les perspectives professionnelles et les focus sur le rôle sage-femme
VI.4 Faiblesses de notre travail de bachelor
VI.5 Forces de notre travail
Conclusion
Liste de références
Bibliographie
Annexes

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