L’historiographie du Togo allemand et de sa mémoire

L’historiographie du Togo allemand et de sa mémoire 

Cette question spécifique du rapport des Togolais à la période de la colonisation allemande, et de sa construction mémorielle, a peu été abordée dans l’historiographie, si ce n’est à travers de brèves mentions dans des ouvrages traitant plus largement de la colonisation allemande ou de l’histoire du Togo. Il en va de même avec les festivités autour du centenaire de la signature du « contrat de protectorat » qui ont lieu en Allemagne comme au Togo en 1984. Si elle ne fait pas l’objet d’une historiographie particulièrement consistante, la question plus large de la colonisation allemande est le sujet d’un certain nombre d’ouvrages et de recherches, principalement dans l’historiographie germanophone et francophone, togolaise ou française en l’occurrence. De manière générale, la colonisation allemande est une période qui a été largement et longtemps délaissée et qui n’a connu un renouveau qu’en lien avec les conflits autour de la reconnaissance du génocide héréro-nama et de la restitution d’objets namibiens par l’Allemagne. Depuis 2004 (le centenaire du début du génocide) le débat public autour de ces questions a suscité un regain d’intérêt et de travaux historiques (entre autres), souvent influencés par les théories postcoloniales . L’influence des études postcoloniales, c’est-à-dire d’une approche visant à « décoloniser » l’histoire et le discours colonial, en essayant de se placer du point de vue des colonisés et des opprimés, s’est surtout manifestée en Allemagne par une volonté de revenir sur cette «amnésie historique » de la colonisation allemande. Même si le Togo y a été largement éclipsé par les cas de la DeutschSüdwestafrika (l’actuelle Namibie) et Deutsch-Ostafrika (la Tanzanie actuelle, plus le Rwanda et le Burundi) et donc la question du génocide héréro-nama et de la répression de la révolte mayi-mayi, quelques articles ou chapitres ont donné un renouveau à l’historiographie germanophone du Togo. C’est le cas en particulier pour l’ouvrage collectif dirigé par M. Bechhaus-Gerst et J. Zeller, Deutschland postkolonial ?, ou les travaux de G. D. Yigbé, germaniste togolais qui publie en français comme en allemand et qui est l’un des rares à s’être plus particulièrement intéressé à la mémoire contemporaine de la colonisation allemande au Togo. Ce nouvel intérêt ne doit pas faire oublier qu’il y a eu des travaux influencés par les écoles postcoloniales auparavant, même s’ils ne traitent qu’à titre d’exemple éphémère le Togo .

La colonisation allemande n’est donc devenue un sujet historique vraiment travaillé que récemment, du moins dans l’Allemagne « d’aujourd’hui ». Il y a cependant deux autres champs de l’historiographie allemande de la colonisation qui sont importants : l’histoire coloniale du Reich, contemporaine ou légèrement postérieure à la colonisation, et l’historiographie stalinienne qui a produit plusieurs travaux sur la période, essentiellement par des historiens est-allemands, mais aussi soviétiques.

Malgré sa petite taille, le Togo a pris une partie conséquente de l’histoire coloniale allemande à cause de sa renommée de « colonie modèle », la Musterkolonie. De la fin du XIXe siècle aux années 1920 parurent donc beaucoup d’ouvrages, littéraires, historiques ou anthropographiques sur le Togo ou spécialement sur la conquête et l’administration allemandes. L’écrasante majorité trace une apologie de la colonisation en accord avec la propagande de la colonie modèle, une vision qui a gardé un certain poids jusque dans de nombreux travaux historiques plus récents, et qui se traduit probablement aussi par l’importance relativement faible du Togo dans l’historiographie de la colonisation allemande, puisqu’une colonie modèle semble moins intéressante comme sujet de recherche que les colonies marquées par de grands conflits au sud du continent. Parmi les ouvrages de l’histoire coloniale, ceux qui ont eu la plus grande postérité sont Togo. Die Errichtung der Schutzherrschaft und die Erschließung des Landes (fr : L’érection du protectorat et le développement du pays) de Trierenberg, notamment concernant les campagnes militaires pour la conquête de l’Hinterland et le maintien de l’ordre et les ouvrages de Klose (Le Togo sous drapeau allemand (1884-1897)) et du journaliste Zöller (Le Togo en 1884). Au delà d’une apologie de l’œuvre colonisatrice allemande, cette histoire insiste donc sur l’aspect « modèle » au Togo (aspect qui évolue et ne signifie pas le même « modèle » à travers la période coloniale et après, comme nous le verrons par ailleurs). L’exception à la règle sont les écrits anti-coloniaux du linguiste G.A. Krause, qui sont mobilisés plus tard par une histoire plus « critique » de la période allemande du Togo.

En effet alors qu’en RFA, la question du Togo allemand est quasiment voire totalement absente (ce qui vaut plus largement pour la colonisation allemande), plusieurs historiens est-allemands ont abordé en détail cette période dès les années 1960. Le regard est-allemand est particulier : l’histoire du Reich n’est pas conçue comme celle d’un prédécesseur de la RDA, mais uniquement de la RFA. L’étude critique de la colonisation allemande, et la remise en question de la « colonie modèle», a donc aussi un intérêt politique vis-à-vis de « l’ennemi de classe » situé de l’autre côté du mur. De plus c’est une historiographie stalinienne, marxisante, et donc encline à étudier les rapports de domination, notamment coloniaux, et à prendre le contre-pied de l’histoire coloniale ou du moins des paradigmes qu’elle a établis. Mais la prédominance des historiens est-allemands n’a pas que des raisons politiques. Les archives coloniales du Reich (Reichskolonialamt) se situent à Potsdam. Lors de la partition de l’Allemagne, l’énorme majorité des sources disponibles (avec les Archives nationales du Togo à Lomé) se trouve donc être quasiment inaccessible aux historiens ouestallemands. En RDA, des historiens comme Marianne Friedländer, Manfred Nussbaum, Peter Seebald et en moindre mesure Fritz F. Müller réécrivent alors l’histoire de la colonisation allemande au Togo. Sur la base des archives administratives et judiciaires, ils comparent l’image de la Musterkolonie avec les sources coloniales portant sur des jugements, sur la collecte d’impôt, sur l’éducation, sur des expéditions militaires et autres, dans le but assumé de démontrer la fausse construction de la « colonie modèle » et de dresser un portrait plus critique de la période. Notamment la thèse de Peter Sebald en 1988 reste l’ouvrage le plus complet et probablement le plus cité sur la colonisation allemande , suivi d’un ouvrage similaire, plus vulgarisé et actualisé, en 2013 (Togo 1884-1914 : Auswirkungen einer Fremdherrschaft). La vision positive de la colonisation allemande y apparaît, mais moins en tant que sujet en soi qu’en tant que postulat de base qu’il s’agit de remettre en question à travers ses travaux, et plus axé sur la mémoire allemande d’une colonie modèle que sur la vision mémorielle de l’époque au Togo.

L’historiographie francophone est de son côté composée d’ouvrages français, mais surtout togolais.

Le principal historien français ayant traité le sujet est Robert Cornevin, auteur d’un Que sais-je ? sur le Togo, puis sur la colonisation allemande, et d’une histoire du Togo (Togo : des origines à nos jours) dont la dernière édition réactualisée date de 1988. Ancien administrateur colonial au Togo, il réclame une approche qui englobe aussi l’anthropologie et les sources orales, et qui se distance donc, malgré son passé « professionnel » de l’histoire coloniale à proprement parler. Cependant, son approche de la période allemande reste fortement marquée par les paradigmes de l’histoire coloniale allemande. Il s’appuie en grande partie sur l’ouvrage de Trierenberg, et son regard ressemble par moments davantage à celui d’un administrateur qu’à celui d’un historien ; il complimente le « bon travail » de l’administration coloniale allemande (« Le Togo va bénéficier d’une remarquable série de gouverneurs… », « Le Togo, dans l’ensemble africain allemand, est le pays de l’équilibre et de la bonne gestion. », « L’œuvre accomplie est considérable… » ).

Les sources des commémorations 

Les sources diplomatiques allemandes des archives du ministère des affaires étrangères sont de loin, dans ce travail, le corpus principal de sources, autant en volume qu’en importance . Il s’agit principalement de quatre fonds, un premier d’archives produites par le ministère autour du centenaire , un deuxième fonds qui rassemble les rapports annuels de l’ambassade au ministère , un troisième concernant les documents du ministère par rapport à l’exposition organisée à Bonn  et un dernier rassemblant les documents produits par l’ambassade allemande au Togo essentiellement autour du centenaire . D’une importance secondaire pour ce sujet, des fonds existent aussi concernant les accords économiques entre les deux pays, ou les partenariats entre villes. Ce sont respectivement des dossiers contenant quelques centaines de documents. Ils rassemblent autant des communications internes diplomatiques, que des discussions entre les deux pays, des programmes et préparatifs pratiques des commémorations, voir des transcriptions ou des traductions des discours tenus. De fait ces sources traduisent l’approche et l’utilisation des éléments mémoriels de la part du gouvernement togolais essentiellement à travers les réactions allemandes au discours togolais. Cela dit, ces archives contiennent aussi des lettres de divers acteurs de la société togolaise qui s’adressent à la diplomatie allemande, et de manière plus ou moins brute l’expression du gouvernement dans les commémorations. De plus, même les sources «directement» allemandes montrent à travers les réactions les articulations des enjeux autour du « centenaire », comme les hésitations face à l’empressement des diplomates togolais à célébrer l’échéance, et les commentaires vis-à-vis de la teneur des festivités au Togo. Au-delà de la conservation ou non de certains documents, les dossiers sont choisis par les archivistes sur demande d’un sujet, et ne sont pas tous consultables librement. Il est donc possible que des cartons ou des dossiers moins spécifiquement orientés vers le sujet des relations germano-togolaises contiennent encore des documents intéressants pour la matière, notamment sur l’exposition de Munich, ou des documents « égarés », comme des coupures de presse togolaises.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
Du Togoland au centenaire
L’historiographie du Togo allemand et de sa mémoire
Les sources des commémorations
Préparation, enjeux et déroulement des commémorations: Lomé, Bonn et Munich
Débats et hésitations : entre empressement togolais et « prudence diplomatique » allemande
Le « centenaire » à Lomé
Les expositions de Munich et de Bonn
De la Musterkolonie à « les allemands nous ont appris à travailler » : mobilisation bilatérale de la mémoire
Le Togo face à la mémoire du passé colonial allemand
Le maniement de la mémoire coloniale côté allemand
Les frictions autour de la mémoire
Au-delà des relations diplomatiques germano-togolaises : les enjeux des populations et les réactions extérieures
Débats en Allemagne
Au-delà du régime : Qui se saisit de l’événement au Togo ?
La couverture journalistique
Conclusion
Liste des abréviations
Bibliographie
Sources
Annexes

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *