L’histoire pour les enseignantes et les enseignants
Les visées de formation du nouveau programme
Avec la réforme actuelle, il ne s’agit pas seulement d’assurer l’instruction et la socialisation des jeunes ainsi qu’à leur assurer un minimum de compétences professionnelles. Les enseignantes et les enseignants devront travailler en tenant compte des grandes missions identifiées à l’intérieur du programme de formation , mais aussi des trois autres objectifs importants qui contribuent à la 1) construction d’une vision du monde et 2) la construction de l’identité chez l’éléve tout en assurant de 3) développer chez lui son pouvoir d’action (MEQ, 2003). La premiére visée consiste à amener l’éléve à fréquenter différentes sources (livres, articles de journaux, reportage télévisé, radio, etc.) pour découvrir, pour comprendre et avoir l’ouverture d’esprit nécessaire à la compréhension d’autres cultures. De cette façon , l’éléve peut apporter de nouveaux éléments de compréhension qui favorisent la construction de sa vision du monde (MEQ, 2003). Par cette visée, l’enseignante ou l’enseignant doit mettre l’éléve en contact avec la notion de distance critique dans le but de s’ouvrir aux différences en étant capable de se décentrer et mettre en relief certains aspects particuliers de telle ou telle perspective culturelle.
Cette construction d’une vIsion du monde est en lien direct avec l’objectif qui est de contribuer au processus de construction identitaire de l’élève. En effet, savoir qui l’on est implique la mise en relation et la confrontation avec autrui. L’école offre aux élèves, dans la perspective de la construction identitaire, un espace d’expression où il est possible d’affirmer son opinion, sa façon de voir les choses tout en étant confronté à celles des autres élèves de la classe (MEQ, 2003). C’est par ces multiples contacts que l’individu est en mesure de construire son identité propre. Le développement du pouvoir d’action des élèves, quant à lui, doit permettre, par la tenue de diverses activités, d’acquérir des compétences, des savoirs et des habiletés qui leur seront d’une grande utilité. Ceci sera vrai lorsqu’ils voudront faire valoir leurs droits ou soutenir une cause de leur choix. Le développement du pouvoir d’action est un objectif qui est interpellé directement par une discipline comme l’éducation à la citoyenneté, car cette dernière s’intéresse, entre autres, aux modalités de participation à la vie politique et aux droits de la citoyenne et du citoyen. Il est ainsi possible de constater que ces trois visées de formation découlent des grandes missions de l’éducation au Québec. Les trois visées traitées dans cette section réfèrent particulièrement à la mission de socialisation. En effet, la construction de l’identité de l’individu et de sa vision du monde ne peut se faire sans la présence et la participation de différentes actrices et de différents acteurs du milieu scolaire. Chacune et chacun, à sa manière, favorisent le développement ou l’atteinte de ces visées de formation .
Les bases théoriques de la réforme Pour atteindre les objectifs, les missions et les défis qui leur sont demandés, les enseignantes et les enseignants doivent adapter et transformer leurs façons de faire. Les principes théoriques, pédagogiques et didactiques sur lesquels ils appuient leur enseignement changent eux aussi. On assiste, en effet, à un important changement paradigmatique à l’intérieur du milieu scolaire québécois. Alors que le modèle précédent visait principalement la transmission des savoirs à l’aide d’un programme de formation morcelé en de multiples éléments de contenu, il est maintenant souhaité que les enseignantes et les enseignants délaissent cette façon de faire dans le but de permettre aux élèves de construire, à l’aide de l’enseignante ou de l’enseignant, leurs savoirs, leurs compétences et leurs connaissances. On se trouve ici à l’intérieur du paradigme de l’apprentissage. Cette nouvelle démarche d’enseignement demandée aux enseignantes et aux enseignants fait appel à trois théories principales de l’apprentissage : le cognitivisme, le constructivisme et le socioconstructivisme.
Chacune de ces théories est ici brièvement expliquée. Le cognitivisme, issu des sciences cognitives, perçoit l’acte de penser, de réfléchir comme étant le centre de chacune des décisions qui peuvent être prises pour appréhender la réalité pour mettre la personne en action (Legendre, 1993). Cette théorie demande que les élèves réalisent des activités d’apprentissage exigeantes sur le plan des opérations mentales à réaliser. La gestion mentale et l’enseignement stratégique4 sont deux des approches populaires qui font appel aux théories cognitivistes en classe. Une autre approche théorique vient soutenir les changements proposés par la réforme, le constructivisme. Ce dernier se définit comme étant la Position épistémologique qui conçoit la science comme une activité de construction de modéles rendant compte de phénoménes (observables ou non) et mettant l’accent sur le rôle de la raison , des théories et des langages formels dans ce processus (Legendre, 1993 : 255).
Cette conception de l’apprentissage exige de l’éléve qu’il construise, à l’aide des diverses activités d’apprentissage qui lui sont proposées, une représentation de la réalité qui lui est propre. Le constructivisme est une approche théorique qui amène l’élève à être l’artisan de ses apprentissages et du développement de ses compétences. Une dernière avenue théorique vient appuyer les nouvelles approches préconisées par le MELS et se rapproche beaucoup du constructivisme, le socioconstructivisme. Ce dernier postule, comme c’est le cas avec le constructivisme, que l’individu est au centre du processus de construction des savoirs et des connaissances, cependant ce processus s’effectue au contact des autres actrices et des autres acteurs de la situation d’apprentissage. Les constructions mentales que l’éléve développe sont mises à l’épreuve au contact des autres élèves pouvant entretenir une vision contradictoire ou, à tout le moins, différente. Cette mise à l’épreuve, dans un contexte social des apprentissages, vient modifier la structure mentale de l’élève qui en vient à reconsidérer son point de vue à la lumière des opinions partagées en classe. Le socioconstructivisme, comme l’affirme Lasnier (2000), « [ .. . ] met l’accent sur la dimension relationnelle de l’apprentissage » (p. 13).
Ces théories, qui sont à la base des changements par le MELS à l’intérieur des nouveaux programmes de formation , exigent non seulement que les enseignantes et les enseignants soient familiers avec celles-ci, mais aussi qu’ils en maîtrisent les concepts et les pratiques d’enseignement qui en découlent. Il est cependant nécessaire de faire preuve de réalisme quant à la compréhension et à la maîtrise de ces concepts puisqu’une partie du corps enseignant n’a pas été formé à ces approches théoriques, ou de façon minimale, ce qui contribue à rendre leur mise en application dans des activités d’apprentissage beaucoup plus complexe.
La transformation de la grille matière
Comme il est possible de le constater jusqu’à maintenant, la mise en place de la réforme soumet le personnel enseignant à d’importantes pressions quant aux pratiques d’enseignement à mettre en place ainsi qu’aux différents contenus de formation décrits dans les programmes. Il doit, en effet, s’approprier, dans un laps de temps relativement restreint ,5 le vocabulaire, les approches et les contenus d’apprentissage ciblés par le MELS. Les enseignantes et les enseignants, en plus de l’imposant travail d’appropriation des programmes d’études, doivent composer avec une transformation tout aussi importante de la grille-matière. En réponse aux États généraux sur l’éducation, il a été reconnu qu’il était nécessaire de recentrer les apprentissages des élèves autour des disciplines considérées fondamentales dans la formation des élèves. Dans cette mouvance, certaines disciplines centrales comme le français, les mathématiques ou l’histoire voient le nombre d’heures consacrées à leur enseignement augmenter substantiellement alors que d’autres comme la formation personnelle et sociale (FPS) sont rayées de la grille horaire (Inchauspé, 1996; Lacoursière, 1996; MEO, 2003). Ces bouleversements dans les matières qui seront enseignées auprès des élèves viennent modifier considérablement la répartition des tâches des enseignantes et des enseignants. Cette situation ne fait pas que des heureuses et des heureux6 .
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Table des matières
REMERCIEMENTS
TABLE DES MA TlÈRES
LISTE DES ANNEXES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE 21
1.1 La triple mission de l’école québécoise
1.2. Les visées de formation du nouveau programme
1.3. Les bases théoriques de la réforme
1.4. La transformation de la grille matière
1.4.1. Le cas de l’histoire à l’école secondaire
1.4.2. Quelques éléments du programme d’Histoire et éducation à la citoyenneté
1.5. Les questions et les objectifs de la recherche
CHAPITRE 2 LE CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL
2.1. La complexité du concept de citoyenneté
2.1.1. Évolution historique
2.1.2. Quelques conceptions de la citoyenneté
2.1.3. Comment définir la citoyenne ou le citoyen?
2.1.4. Les motivations et les attentes pour l’éducation à la citoyenneté à
l’école québécoise
2.1.5. Complexité de l’enseignement de l’éducation à la citoyenneté
2.1.6. Éléments de contenu et pistes de formation
2.1.7. Identité et formation des enseignantes et des enseignants
2.2. L’histoire: discipline complexe et ouverte
2.2.1 . Des origines à aujourd’hui, en quelques mots
2.2.2. L’histoire dans les écoles québécoises
2.3. L’esprit critique: compétence à développer
2.3.1 Quelques définitions générales
2.3.2. Quelques perspectives théoriques
2.3.3. L’usage de la pensée critique en classe
2.4 Les liens unissant l’histoire, l’éducation à la citoyenneté et la
pensée critique
CHAPITRE 3 LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
3.1. Le type de recherche menée
3.2. Les outils de collecte de données
3.2.1. L’entrevue
3.2.2. Le questionnaire autoadministré
3.3. Les techniques d’échantillonnage
3.4. Les outils d’analyse des données
3.5. Les limites rencontrées par la collecte de données
3.6. Considérations éthiques
CHAPITRE 4 L’ANAL YSE DES DONNÉES
4.1. Caractéristiques de l’échantillon
Entre 6 et 20 ans
4.2. L’analyse des données
4.2.1. La formation des enseignantes et des enseignants
4.2 .2. L’histoire pour les enseignantes et les enseignants
4.2 .3. La citoyenneté selon les enseignantes et les enseignants
4.2.4. L’enseignement : les aspects de la profession
CHAPITRE 5 INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
5.1. L’histoire pour les enseignantes et les enseignants
5.2. La citoyenneté selon les enseignantes et les enseignants
5.2.1. La perception de l’éducation à la citoyenneté
5.2.2. Maîtrise du concept
5.2.3. Le risque d’endoctrinement
5.2.4. Les rôles de la citoyenne ou du citoyen selon l’enseignante ou
l’enseignant
5.2.5. Les liens unissant l’histoire et l’éducation à la citoyenneté
5.2.6. L’éducation à la citoyenneté et l’éducation interculturelle :
synonymes?
5.3. La formation continue des enseignantes et des enseignants
5.4. L’enseignement: les aspects de la profession
5.4.1. La perception de la réforme
5.4.2. Attentes en matière d’outils d’évaluation des apprentissages
5.4.3. Attentes en matière d’outils d’enseignement/apprentissage
5.4.4. Méthodes d’enseignement/apprentissage employées par les enseignantes et les enseignants
CONCLUSION
6.1. L’éducation à la citoyenneté et le corps enseignant
6.2. Les attentes des enseignantes et des enseignants
6.3. Des pistes pour le futur
RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE 1
ANNEXE 1/
ANNEXE IV
ANNEXE V
ANNEXE VI
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