L’histoire de l’anesthésie débute au milieu du XIXe siècle avec l’avènement de l’anesthésie à l’éther puis au chloroforme, dans un milieu médical affirmant, selon la formule du Dr Alfred Velpeau, chirurgien émérite, que la chirurgie sans douleur était inconcevable [1]. Dès lors, avec l’amélioration des techniques chirurgicales et de la technologie, cette discipline s’est imposée comme un corps de métier à part entière et demeure aujourd’hui indispensable à tout geste invasif, quel qu’il soit.
Avec l’avènement de l’anesthésie générale telle que nous la connaissons, l’anesthésie locorégionale périphérique s’est développée au tout début du XIXe siècle. Celle-ci s’est ensuite généralisée et imposée comme pratique quotidienne au sein du bloc opératoire. Durant les 20 dernières années, les révolutions dans ce domaine sont mineures et, compte tenue de la très faible morbi-mortalité concernant la chirurgie réglée, certaines équipes s’intéressent désormais à l’environnement péri-opératoire.
Il en va ainsi de la réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC) initialement développée dans les années 1990 par l’équipe danoise du Pr. Henrik Kehlet, qui correspond à une approche de prise en charge globale du patient favorisant le rétablissement précoce de ses capacités après la chirurgie [2]. Cette méthode est de plus en plus utilisée dans le monde entier et prend actuellement place au sein d’un projet plus global dénommé PROSPECT (PROcedure-SPEcific Postoperative Pain ManagemenT), développé par le Pr Kehlet en 2019 [3]. Il vise à éditer des recommandations concernant chaque chirurgie, de manière à proposer une prise en charge protocolaire de plus en plus personnalisée. Tout ce projet est actuellement hébergé sur le site de la Société Européenne d’Anesthésie Régionale et du traitement de la douleur (esraeurope.org) et permet une libre consultation de ces recommandations.
Un programme RAAC s’inscrit dans un projet d’établissement et se base sur un chemin clinique. Celui-ci doit détailler les trois phases de la prise en charge du patient : préopératoire, peropératoire et postopératoire. La mise en place d’un tel programme représente une démarche d’amélioration des pratiques pour toutes les équipes. Celle-ci nécessite une réorganisation des soins, la mise en place d’un parcours de soin dédié et des efforts combinés au sein d’une équipe pluri professionnelle impliquant tous les acteurs autour du patient, équipes hospitalières et de ville.
Si un programme RAAC peut intégrer jusqu’à une vingtaine de paramètres sur les périodes pré, per et postopératoires, les points clés en sont :
• Informer le patient et le former à la démarche
• Anticiper l’organisation des soins et la sortie du patient
• Réduire les conséquences du stress chirurgical
• Contrôler la douleur dans toutes les situations
• Favoriser et stimuler l’autonomie des patients .
Critères de jugements
Principal :
Évaluation de la satisfaction du patient par le biais du score global de l’EVAN et des items le composant, avant et après mise en place du protocole de RAAC. Le questionnaire EVAN a été validé comme questionnaire de satisfaction péri opératoire [6]. Les items sont remplis par le patient dans les 48h postopératoire, utilisant une échelle de valeurs allant de 1 à 5 (« beaucoup moins bien qu’attendu », « un peu moins bien qu’attendu », « autant qu’attendu », « un peu mieux qu’attendu », «beaucoup mieux qu’attendu »). Les résultats sont ensuite convertis sur échelle de 0 à 100 (100 = niveau maximum de satisfaction, 0 = pire satisfaction possible) et le Global Index (GI) est obtenu en moyennant chacune des dimensions du score.
Secondaires :
Évaluation de la douleur postopératoire, de la consommation de morphine postopératoire, de la durée de séjour hospitalière et en réanimation et de la morbidité postopératoire.
Recueil des données
L’ensemble des données ont été recueillies de manière prospective, sur un feuillet de recueil rempli par les praticiens anesthésistes-réanimateurs ou les infirmiers de réanimation, tout au long du processus interventionnel, incluant :
Lors de la consultation de chirurgie :
Âge, sexe et type de chirurgie.
Lors de la consultation d’anesthésie :
Bilan martial, bilan biologique rénal, statut nutritionnel du patient (ainsi que l’albuminémie), Euroscore II, et antécédents du patient.
Lors de l’intervention chirurgicale :
Données concernant le jeûne pré opératoire, le type d’analgésie péri opératoire, les anesthésiques employés, la posologie totale de sufentanil, l’emploi de vasopresseurs ou inotropes, l’expansion volémique réalisée (colloïdes, cristalloïdes, volume total), la transfusion, les données concernant la chirurgie (type de geste, durée de CEC et clampage aortique, nombre et types de drains, durée d’intervention calculée en fonction de l’heure d’intubation et de l’heure d’arrivée en réanimation). La durée de ventilation totale était calculée en fonction de l’heure d’intubation et d’extubation.
Lors du séjour en réanimation :
Les données biologiques (hémoglobinémie, créatininémie), cliniques (délai d’extubation, analgésie effectuée, échelle EVA au repos et à la toux, à l’extubation, H3, H6, H12, H24, H48, posologies de morphine, ré-intervention chirurgicale, nécessité d’amines vasopressives, existence de troubles du rythme ou de la conduction, Sp02 en air ambiant, l’existence d’infections nosocomiales ou de disjonction sternale, la nécessité de transfusion sanguine, délai de reprise de transit), le type de réhabilitation effectuée (jour de mobilisation, reprise de l’alimentation et de l’hydratation per os), la durée de maintien des dispositifs invasifs (KTA, VVC, SU).
Lors du séjour en chirurgie cardiaque :
Le questionnaire EVAN, réalisé au bout de 24h du retour en service .
ANALYSE STATISTIQUE
Nombre de sujets nécessaires :
L’analyse de la puissance pour chaque cohorte a été réalisée avant de commencer l’étude, au moyen de T-tests bilatéraux, grâce à un logiciel en ligne (https://biostatgv.sentiweb.fr). Pour un EVAN-GI de 70 dans le groupe conventionnel et de 80 dans le groupe RAAC, avec une déviation standard de 15 points, nous avons calculé un nombre de sujets nécessaires de 48 patients dans chaque groupe (risque d’erreur alpha avec P<0,05 et risque d’erreur bêta à 0,08).
Présentation des données
Les données sont présentées sous forme de moyenne et de déviation standard ou sous forme de médiane et d’intervalle interquartiles pour les variables quantitatives, et sous forme de nombres et pourcentages pour les données quantitatives. Au moyen des tests de normalité de D’Agostino-Pearson les comparaisons entre deux groupes de variables quantitatives ont été réalisés grâce au test d’indépendance T test ou de Mann-Whitney. Les variables qualitatives ont été comparées au moyen du Chi-2. Afin de gérer les données manquantes et les mesures répétées, un modèle à effets mixtes (REML pour Restricted Maximum Likelihood) a été utilisé pour les analyses de l’EVA. Les deux facteurs permanents étaient le moment du recueil (comparaison intra-individuelle) et le groupe d’évaluation (comparaison interindividuelles). Des valeurs de P<0,05 étaient considérées comme statistiquement significatives. Les analyses statistiques ont été réalisées sur Prism® 8.4.2 (GraphPad Software, Inc, La Jolla, CA).
RESULTATS
Nous avons inclus 72 patients, 51 dans le groupe « conventionnel » et 21 dans le groupe « RAAC » entre le 26/11/2019 et le 26/02/2021. Les patients étaient comparables en termes d’âge et de sexe, en moyenne respectivement 65,4 ans (11,2) et 61,7 ans (13,7) (p=0,25) et 36 hommes (70%) vs 16 (76%) (p=0,62). Les caractéristiques des patients sont résumées dans la table 3. Le nombre de patients ayant bénéficié d’une plastie mitrale était de 12 (24%) vs 12 (57%) (p=0,01), ceux présentant une hypercholestérolémie était de 20 (39%) vs 3 (14,3%) (p=0,04). Les moyennes de FEVG préopératoire et d’Euroscore II étaient respectivement de 65 % (6,2) vs 68,6% (6,5) (p=0,03) et de 1,17 (0,75) vs 0,76 (0,25) (p=0,02). Les durées d’intervention étaient significativement plus longues dans le groupe RAAC, score médian [IQR] = 280 min [265-300] vs 263 min [240-285] dans le groupe conventionnel (p=0,010). Il n’y avait pas de différence concernant l’hémoglobine et l’albuminémie pré opératoire, les posologies de noradrénaline en fin d’intervention, les durées de CEC ou de clampage aortique, et le drainage pleural. Aucun décès n’a été constaté.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
Schéma de l’étude
Cadre
Participants
Méthode
Critères d’inclusion : (table 1)
Critères d’exclusion : (table 1)
Procédures
Protocole conventionnel « avant » : (table 2)
Protocole RAAC « après » : (table 2)
Kinésithérapie
Critères de jugements
Principal
Secondaires
Recueil des données
Lors de la consultation de chirurgie
Lors de la consultation d’anesthésie
Lors de l’intervention chirurgicale
Lors du séjour en réanimation
Lors du séjour en chirurgie cardiaque
ANALYSE STATISTIQUE
Nombre de sujets nécessaires
Présentation des données
RESULTATS
Caractéristiques respectives des cohortes (table 3)
Critère de jugement principal (table 4)
Critères de jugement secondaires (table 5)
Adhérence au protocole RAAC (table 6)
DISCUSSION
CONCLUSION
SUPPLEMENTS