L’histoire de l’abbaye de Fontevraud
L’abbaye de Fontevraud : ses origines et sa construction
Robert d’Arbrissel, le fondateur
Robert d’Arbrissel fut l’ermite et le prédicateur ambulant le « plus étonnant » du XIème et du XIIème siècle, comme en témoigne l’ouvrage de Jean Marc Bienvenu, qui m’a aidée à réaliser un portrait du protagoniste. En effet, très peu de ressources permettent de retracer l’histoire de cette singulière personnalité. Il apparaît toutefois indéniable qu’il fut un personnage hors du commun, suscitant toujours aujourd’hui « la curiosité » des uns, l’engouement ou le scandale des autres, mais au sujet duquel, selon Jean Marc Bienvenu, deserreurs d’interprétation ont été formulées, « comme celles qui le font prédicateur de la croisade où promoteur de l’exaltation de la femme ».
Fils de prêtre, Robert est né vers 1045, dans le village d’Arbrissel, dans le diocèse de Rennes, en Bretagne, aux portes du diocèse d’Angers et mort le 25 février 1116, au prieuré d’Orsan dans le Cher. En 1078, il étudie la théologie à Paris et prend conscience du délit que constituent le nicolaïsme et la simonie . En 1089, l’évêque Sylvestre Le Guerche lui demande de le seconder pour reformer le diocèse de Rennes. Robert tente de réformer son diocèse natal mais échoue et fuit en terre angevine, de 1093 à 1095. Il part pour le « Désert », dans la forêt de Craon en Mayenne. L’ermite s’adonne seul à la contemplation et à une ascèse intransigeante, il entreprend d’enseigner les visiteurs qui affluent vers lui. Rejoint par une communauté qu’il doit organiser, il édifie l’abbaye de Notre Dame de la Roë. Robert d’Arbrissel est le seul en Anjou à vivre en ermite avec sa communauté, ce qui suscite l’intérêt des réformateurs qui en informent le pape Urbain II.
En 1096, Urbain II vient à Angers prêcher la première croisade et investit Robert d’un mandat de prédication évangélique. En 1098, Robert abandonne la direction de la Roë de sa propre initiative pour prêcher. Sur la route, de nouveaux disciples le rejoignent dont des femmes. Aux alentours de 1099, Marbode, évêque de Rennes, lui adresse alors une missive, lui reprochant de cohabiter avec ces dernières, de discuter en privé avec elles et même de coucher la nuit auprès d’elles pour surmonter ses désirs de chair. Robert d’Arbrissel est en effet une des personnalités chrétiennes les plus célèbres ayant pratiqué le synéisaktisme . Il s’agit d’une forme d’ascèse, d’un exercice ayant pour but de surmonter ses tentations charnelles en les attisant, en vue d’une rédemption pour obtenir le salut de son âme. Outre ces critiques, Robert se résout toutefois, en 1101, à fixer sa communauté errante au carrefour de l’Anjou , de la Touraine et du Poitou, à Fontevraud, dont le nom provient de la fontaine du Moyen Age « Fons Ebraldi ». Les autorités l’obligent à organiser une vie communautaire qui sépare les hommes des femmes. Il va alors fonder l’ordre double de Fontevraud.
Vers 1106-1107, Geoffroy, abbé de la Trinité de Vendôme, lui adresse à son tour une lettre, en mentionnant qu’il a bien séparé les hommes des femmes dans son monastère mais, reproche au maître de la communauté de se permettre d’aller passer ses nuits dans le cloître des anciennes prostituées (terme désignant ici les femmes de prêtres chassées du presbytère, suite au célibat des prêtres, institué par le deuxième concile de Latran en 1139). Au XIème, le mariage des prêtres est encore la norme jusqu’à la réforme grégorienne, avec l’interdiction du nicolaïsme. Robert d’Arbrissel, de par sa conduite et ses exigences spirituelles, vivement critiquées, ne pourra être canonisé au XVIIème. Aujourd’hui encore, les historiens s’interrogent sur le sens de son action.
Le contexte historique
La période qui s’étend du XIème au XIIIème siècle est une période charnière dans l’histoire de l’Eglise occidentale. Le terme « Eglise », du grec « Ecclésia », renvoie ici à la communauté des croyants et à l’institution organisatrice qui les dirige. Vers l’an mil, l’Eglise en France, est organisée en diocèses, avec un évêque à leurs têtes. Les évêques et les curés forment le clergé séculier (qui vit parmi les fidèles), les abbés et les moines constituent le clergé régulier (qui vit selon une règle dans un monastère). Tous obéissent à l’autorité du pape à Saint Pierre de Rome. L’Eglise est confrontée à différentes formes de trafics. Ils se caractérisent par des abus, comme la simonie, qui fait apparaître l’achat et la vente des sacrements ainsi que la constitution d’un trésor ecclésiastique par le biais du trafic de reliques. Le nicolaïsme, qui sera considéré comme une autre forme d’abus, est une pratique autorisant le concubinage et le mariage des clercs. Outre ces phénomènes,l’intolérance grandit laissant place aux hérésies.
Au XIème siècle, l’Eglise s’engage alors dans des réformes, grâce à l’avènement de papes réformateurs : Léon IX (1049-1054), Nicolas II (1059-1061), Grégoire VII (1073-1085), puis Urbain II (1088-1099). Ces papes souhaitent limiter les abus et réaffirmer la liberté et l’autorité de l’Eglise. Cette volonté de réformer l’ordre monastique s’appuie sur la règle de saint Benoît de Nursie (490-547), rédigée par le moine italien, entre 530 et 540, et qui se caractérise par un règlement précis de la vie monastique. Les abbayes bénédictines appliquent cette règle en se conformant à une vie en communauté, à l’abandon de biens matériels, à des vœux de pauvreté et chasteté, à une vie quotidienne rigoureusement rythmée. La journée d’un moine est en effet réglée selon la liturgie des heures, qui correspond à huit prières. Outre ces huit offices liturgiques à respecter, la règle définit aussi le travail manuel, agricole ou artisanal des moines, des temps de lecture de textes religieux, les modalités des repas, l’habillement et les responsabilités de chacun.
Dès 910, les clunisiens, de l’abbaye de Cluny, préparent le redressement de la papauté du XIème, en imposant la règle bénédictine. Ils remettent la prière et la célébration liturgique à l’honneur et influenceront l’Eglise occidentale pour faire régresser la corruption dans la société chrétienne. En 1098, les moines de l’abbaye de Cîteaux, désirent suivre encore plus fidèlement, et de façon plus parfaite et plus stricte, que les coutumes bénédictines etclunisiennes, la Règle de Saint Benoît. C’est l’institutionnalisation progressive de ce qui deviendra au XIIème et XIIIème siècle l’ordre cistercien. L’esprit de réforme des clunisiens ne s’attache pas exclusivement à l’ordre monastique mais aussi à la société. Cela se traduit par la Paix de Dieu , mouvement spirituel qui s’organise par des assemblées locales de paix, rassemblant clergé, seigneurs et population, ainsi que la Trêve de Dieu, qui interdit toute violence du mercredi soir au lundi matin. Ces deux mouvements sont mis en place par l’Eglise afin de limiter la violence des seigneurs.
Des sanctions religieuses et la suspension de l’activité guerrière durant certaines périodes de l’année sont mises en application.
L’Eglise va connaître une mutation importante grâce à la réforme grégorienne. Cette réforme est associée à Hildebrand, qui prendra le nom de Grégoire VII, quand il sera élu pape, en 1073. Grégoire VII veut réaffirmer l’autorité du pape et l’indépendance du clergé, en interdisant aux rois de nommer les évêques, en imposant le célibat et donc la fin du nicolaïsme, ainsi que le mariage chrétien pour les laïcs et, en interdisant la simonie. La réforme grégorienne, rencontrant l’hostilité des empereurs , va se mettre en œuvre dans la seconde moitié du XIème siècle. Elle mène à des affrontements entre Grégoire VII, qui défend la théocratie pontificale, et Henri IV, qui lui, défend la théocratie royale. Elle va donner lieu à la querelle des Investitures, entre les empereurs germaniques et le Pape. Lors du concile de Worms, en 1076, Henri IV destitue le pape qui, de son côté, réplique en excommuniant l’empereur. Le conflit « se termine » avec le concordat de Worms, instauré par Calixte II, qui permet un compromis en réservant à l’empereur l’investiture temporelle, laïque, des biens matériels, et au pape l’investiture religieuse, le domaine du spirituel. L’accord est ratifié par le premier concile du Latran en 1123, marquant le triomphe de la papauté sur le système féodal. Malgré cette trêve, la Lutte du Sacerdoce et de l’Empire aboutira à un nouveau conflit jusqu’au XIIIème siècle.
C’est véritablement sous Urbain II, que la réforme grégorienne commence à aboutir. En s’appuyant sur les clunisiens et en affirmant sa fidélité à l’œuvre de Grégoire VII, Urbain II condamne la simonie, le nicolaïsme et l’emprise des laïcs sur les clercs. Il place les abbayes sous la responsabilité du pape, créé des chanoines réguliers, et va surtout prêcher la guerre sainte, dans le but d’unifier la chrétienté occidentale, de parvenir à l’aboutissement de la tradition de pèlerinage, et permettre, d’une certaine manière, aux chevaliers d’aller faire la guerre ailleurs. Il appelle à défendre les chrétiens d’Orient en promettant l’indulgence plénière et la rémission de tous les péchés En 1095, lors du Concile de Clermont, Urbain II appelle à la première croisade (1096-1099). C’est en 1096, lorsque Urbain II vient à Angers prêcher la première croisade, afin de libérer Jérusalem et d’arracher le Saint-Sépulcre aux mains des musulmans, que Robert d’Arbrissel est chargé d’un mandat de prédication évangélique. Soutenu par le Pape et des comtes d’Anjou, il va installer sa communauté à Fontevraud en 1101. L’abbaye va se développer rapidement et sera constituée entièrement à sa mort en 1117.
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Table des matières
Introduction
I. L’histoire de l’abbaye de Fontevraud
1. L’abbaye de Fontevraud : ses origines et sa construction
a. Robert d’Arbrissel, le fondateur
b. Le contexte historique
c. Le patrimoine architectural
2. L’aspect institutionnel et patrimonial de l’abbaye de Fontevraud
a. La fonction de l’abbaye au Moyen Age
b. Le bâtiment pénitentiaire sous Napoléon
c. L’abbaye aujourd’hui
3. L’aspect culturel de l’abbaye de Fontevraud aujourd’hui
a. L’ouverture au public et aux artistes
b. Le service pédagogique
c. L’abbaye comme outil pédagogique
II. L’enseignement de l’histoire et de l’histoire des arts au cycle III
1. L’enseignement de l’histoire au cycle III
a. Les documents d’accompagnement (2002), le socle commun de connaissances et de compétences (2006), les programmes (2008)
b. L’étude d’une période historique : le Moyen Age
c. L’intérêt d’une visite pour « construire le temps »
2. L’histoire des arts et la place du patrimoine à l’école primaire
a. Pratiques artistiques et histoire des arts dans les programmes de 2008
b. L’étude des arts de l’espace : l’architecture religieuse
c. La visite d’un monument pour se familiariser avec le patrimoine
3. La visite de l’abbaye de Fontevraud comme support d’apprentissage
a. Le service éducatif de l’abbaye
b. La visite comme support d’apprentissage en histoire et histoire des arts
c. L’ouverture vers d’autres domaines d’apprentissage
III. Expérimentations en classes de cycle III
1. Première expérimentation : histoire des arts et visite de l’abbaye
a. Comment aborder et préparer la visite de l’abbaye de Fontevraud ?
b. Description et mise en œuvre de séances en histoire des arts
c. Le vécu d’une visite
d. Analyse de pratique
2. Deuxième expérimentation : histoire et histoire des arts
a. Comment aborder l’étude du rôle de l’Eglise au Moyen Age en histoire et l’architecture religieuse en histoire des arts ?
b. Description et mise en œuvre de ma séquence
c. Analyse de pratique
3. Réflexions autour d’une discipline, l’histoire et d’un enseignement, l’histoire des arts
a. Quelles démarches d’apprentissages en histoire?
b. Quelle méthodologie pour exploiter une source ?
c. Comment éduquer au patrimoine culturel à l’école ?
d. Comment enseigner l’histoire des arts ?
Conclusion
Bibliographie
Annexes